MANUEL DE FORMATION SUR LA SURVEILLANCE DES DROITS HUMAINS

CHAPITRE 11 : LE MONITORING ET LA PROTECTION DES DROITS DE L'HOMME DES RAPATRIÉS ET PERSONNES DÉPLACÉES À L'INTERIEUR DE LEUR PROPRE PAYS


 

MATIÈRES

A. Introduction

B. Aperçu de la Situation des Droits de l'Homme des Rapatriés et PDI

C. Les Menaces Visant Particulièrement les Rapatriés, et les Réponses du Droit International

D. Les Groupes Vulnérables

E. Missions de Droits de l'Homme sur le Terrain: La Préparation du Retour

F. Missions de Droits de l'Homme sur le Terrain: Les Activités Pendant le Retour des Personnes Déplacées

G. La Mission de Droits de l'Homme: Activités après le Retour

H. La Mission de Droits de l'Homme: Structures pour Travailler avec les Rapatriés et PDI

I. Conclusions

Annexe 1: Protocole d'Entente N° 5 entre la HRFOR et le HCR au Rwanda sur le Monitoring des Rapatriés

 

A. INTRODUCTION

 

1. Ce chapitre est consacré à la situation des droits de l'homme que connaissent les réfugiés retournant sur leur lieu de résidence d'origine (dits "rapatriés"), ainsi que les personnes déplacées à l'intérieur de leur propre pays (PDI) faisant de même; il concerne donc les droits de l'homme de personnes éloignées de leur foyer, mais se trouvant dans leur propre pays. Après avoir mis en évidence les normes internationales relatives aux droits de l'homme qui s'appliquent particulièrement à ces catégories de personnes, on cherchera également à montrer comment les missions de droits de l'homme de l'ONU sur le terrain sont en mesure de répondre à leurs besoins.

 

2. Les personnes se trouvant dans leur pays mais subissant l'épreuve du déplacement peuvent vivre cette période dans une diversité de situations inimaginable. L'opinion publique pense immédiatement aux personnes déplacées vivant dans des camps, d'ordinaire parce que les grandes concentrations de populations sont les plus visibles. En réalité, les personnes déplacées ne s'installent jamais vraiment dans des camps : elles peuvent ne vivre que dans des communautés ou groupes de familles de taille beaucoup plus restreinte, ou bien se déplacer sans cesse. Ils est par exemple possible qu'elles soient obligées de fuir pendant de nombreux mois pour échapper à la situation mouvante d'un conflit armé dans leur pays. Les réfugiés revenant dans leur pays en tant que rapatriés risquent de vivre une longue période de "déplacement interne", durant des années, avant de pouvoir enfin regagner leurs lieux de résidence et réintégrer leur communauté.

 

3. Parfois, les personnes déplacées dans leur pays font délibérément tout leur possible pour éviter toute situation officielle de camp, et ce précisément parce qu'être identifié comme "PDI" peut, dans certaines situations, présenter des risques. Dans certains pays, les PDI préféreront se cacher dans les forêts ou les marais plutôt que d'être placés de force dans des camps. En outre, le but ultime des rapatriés et des PDI consiste le plus souvent à regagner leur domicile - mais en sécurité - et ce trajet de retour lui-même, tout en prenant de longs mois, peut aussi les exposer à des violations des droits de l'homme.

 

4. Ce chapitre traite ainsi des besoins de protection des droits de l'homme des rapatriés et autres personnes déplacées à l'intérieur de leur propre pays, vivant dans des conditions autres que celles des camps organisés. Il s'attache notamment aux besoins de protection pendant le déplacement ou l'installation dans une situation hors-camp, et au cours du processus de retour au lieu de résidence. La protection des droits de l'homme des réfugiés, rapatriés ou PDI vivant dans des camps soulève une série de questions particulières traitées au Chapitre 10 "Monitoring et protection des droits de l'homme des réfugiés et/ou des personnes déplacées à l'intérieur de leur propre pays vivant dans des camps".

 

B. APERÇU DE LA SITUATION DES DROITS DE L'HOMME DES RAPATRIÉS ET PDI

 

1. Définition des termes

 

a. Le réfugié

 

5. La définition du "réfugié" se trouve à l'article 1 de la Convention relative au statut des réfugiés (modifié par le Protocole relatif au statut des réfugiés) et le désigne comme toute personne qui "craignant avec raison d'être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays".

 

6. La définition du réfugié a été élargie, notamment par l'Organisation de l'unité africaine (OUA) et sa Convention sur les réfugiés et la Déclaration de Carthagène, pour inclure les personnes fuyant la violence généralisée (guerre internationale, conflit armé intérieur, agression ou occupation étrangères, troubles graves de l'ordre public, ou violations massives des droits de l'homme) régnant dans tout ou partie du pays d'origine.

 

b. Le rapatrié

 

7. Le terme de "rapatrié" est celui employé par la communauté internationale pour désigner toute personne ayant été un réfugié, mais ayant récemment regagné son pays d'origine. La définition du rapatrié fait donc référence au statut de réfugié qui s'appliquait auparavant à cette personne.

 

8. Lorsqu'un réfugié décide de rentrer chez lui, c'est en général que la menace ou le danger lui ayant fait quitter son lieu de résidence a sensiblement diminué ou que le danger dans le lieu d'asile est devenu supérieur à celui du retour. Souvent, le retour sera provoqué par la fin d'une guerre civile, ou par le remplacement d'un précédent régime répressif. Ce terme de "rapatrié", avec ses connotations, reconnaît que les réfugiés de retour ont besoin d'une certaine assistance, et parfois de protection, pendant une période transitoire, jusqu'à ce qu'ils aient réintégré leur communauté. Il est difficile de préciser combien de temps la personne sera désignée comme rapatriée : chaque cas particulier sera à prendre en compte.

 

c. Les personnes déplacées à l'intérieur de leur propre pays

 

9. Selon les Principes directeurs relatifs au déplacement de personnes à l'intérieur de leur propre pays, celles-ci sont :

"des personnes ou des groupes de personnes qui ont été forcés ou contraints à fuir ou à quitter leur foyer ou leur lieu de résidence habituel, notamment en raison d'un conflit armé, de situations de violence généralisée, de violations des droits de l'homme ou de catastrophes naturelles ou provoquées par l'homme ou pour en éviter les effets, et qui n'ont pas franchi les frontières internationalement reconnues d'un État."

 

10. Si cette définition est large, c'est en grande partie parce que le terme de "personne déplacée à l'intérieur de son propre pays", tout comme celui de "rapatrié", n'est que descriptif, et ne possède pas de valeur juridique. Elle couvre les principales causes d'exode (conflit armé, violence généralisée, violations des droits de l'homme, catastrophes naturelles ou d'origine humaine), mais elle comporte l'adverbe "notamment", qui dit bien qu'elle n'exclut pas d'autres causes possibles.

 

11. Cette définition désigne des personnes qui, si elles devaient franchir une frontière internationale, auraient droit au statut de réfugié : aux termes de la Convention de l'OUA et de la Déclaration de Carthagène mais aussi, pourrait-on soutenir dans bien des cas, au sens plus restrictif de la Convention relative au statut des réfugiés. Cependant, elle englobe aussi certaines personnes qui n'auraient pas accès au statut de réfugié, comme celles déplacées du fait de catastrophes naturelles ou provoquées par l'homme. La raison pour laquelle ces catastrophes sont inclues ici repose essentiellement sur des cas où des gouvernements y réagissent par la discrimination ou la négligence à l'égard de certains groupes, sur des bases politiques ou ethniques, ou en violant d'autres manières leurs droits humains.

 

12. Cette définition ne couvre pas les personnes qui migrent pour des raisons économiques. Mais les personnes forcées de quitter leur lieu de résidence en raison d'injustices économiques ou de marginalisation inhérentes à la violation systématique de leurs droits économiques pourraient tomber dans cette définition.

 

13. Si les PDI se distinguent des autres personnes en circulation, et font l'objet de l'attention de la communauté internationale, c'est d'abord en raison de la coercition à la source de leur déplacement, de leur sujétion à des violations des droits de l'homme émanant et résultant du déplacement, et du manque de protection disponible dans leur pays.

 

2. Les problèmes des rapatriés et des PDI

 

a. Les rapatriés

 

14. On l'a vu dans la définition ci-dessus, les rapatriés sont d'anciens réfugiés retournés dans leur pays, mais n'ayant pas encore réintégré leurs domiciles et communautés d'origine. En principe, regagner son pays après une période passée comme réfugié devrait marquer la fin de souffrances personnelles, la fin du déplacement, et le retour à une vie normale. Mais en pratique, les réfugiés reviennent de plus en plus souvent vers des situations loin d'être sûres. Ils préfèrent parfois rentrer parce que leur situation dans le pays d'asile est devenue pire que celle du pays d'origine. Dans d'autres cas, on les force à rentrer, même s'il s'agit là de la violation d'un droit fondamental accordé à tous les réfugiés, et d'une violation du droit international.

 

15. Le "retour" d'un réfugié peut prendre des mois, ou des années. Regagnant son pays, le rapatrié pourra découvrir qu'il lui est impossible de se rendre immédiatement dans sa région d'origine. Tout en attendant cette possibilité de retour, les rapatriés ont besoin de nourriture, d'eau potable, d'un abri, d'un accès à la santé et à l'éducation, entre autres. Les rapatriés de "long terme", qui vivent dans une communauté autre que la leur, peuvent donc rencontrer nombre de difficultés, et se trouver dans une situation identique à celle de certaines personnes déplacées à l'intérieur de leur propre pays.

 

b. Les personnes déplacées à l'intérieur de leur propre pays

 

16. Les raisons pour lesquelles les personnes déplacées à l'intérieur de leur propre pays sont obligées de quitter leur domicile sont innombrables. Elles peuvent décider de partir pour se mettre en sécurité, mais aussi y être forcées, par exemple, par un groupe militaire. Bien souvent, l'unique différence entre les PDI et les réfugiés dans une même région réside dans le fait que ces derniers ont franchi une frontière internationale pour quitter leur pays. En outre les PDI, puisqu'elles n'ont pas quitté leur pays, peuvent continuer à souffrir des mêmes facteurs qui les ont amenées à fuir. Parfois, les PDI n'ont pas été en mesure de quitter le pays, peut-être en raison de l'éloignement des frontières, ou parce que le conflit armé ou les mines rendent le trajet impraticable. Tout comme les rapatriés, les PDI n'ont souvent qu'un accès limité à la nourriture, à l'eau potable, à un abri, à la santé et à l'éducation, ainsi qu'à l'emploi. Elles subissent de fréquentes violations de leurs droits humains, les mêmes qui les ont poussées à quitter leur domicile; elles risquent d'autres atteintes à d'autres droits au cours de la période de déplacement; d'autres encore pendant leur retour et leur réinsertion dans leur communauté d'origine.

 

c. Les facteurs touchant aux droits de l'homme des rapatriés et PDI

 

17. Les rapatriés et les PDI sont exposés à des violations de leurs droits aussi bien civils et politiques qu'économiques, sociaux et culturels (voir plus bas une analyse détaillée des violations que peuvent subir les rapatriés et PDI, et des réponses du droit international). Chaque violation, chaque schéma de violations peut avoir de très nombreuses causes; mais on parvient fréquemment à y retrouver quelques facteurs fondamentaux. Comprendre la vulnérabilité particulière des rapatriés et PDI par rapport aux autres membres de la population considérée permet d'éclairer leur situation, et donc de définir la réaction requise de la part des HRO.

 

18. On peut isoler trois domaines clés :

 

i. La discrimination fondée sur l'appartenance à un groupe

 

En fonction des raisons initiales ayant poussé ces populations à fuir leurs lieux de résidence, les rapatriés et PDI provenant de régions ou de pays définis font souvent partie de groupes identifiables : religieux, linguistiques ou ethniques, par exemple. En tant que tels, ils risquent de faire l'objet de pratiques discriminatoires de la part d'autres groupes de populations, ou des autorités. Leur liberté de circulation pourra se trouver restreinte, ou bien l'accès de leurs enfants aux écoles locales. Ils pourront aussi être victimes d'agressions, de meurtres, ou d'arrestations arbitraires.

 

ii. Le décalage vis-à-vis de la communauté d'origine

 

Le simple fait d'avoir été éloigné de leur communauté, en laissant derrière eux leurs biens, leur statut, leur emploi, des membres de leurs familles, etc., place les rapatriés et PDI en situation de fragilité. Ainsi, les PDI et rapatriés auront peut-être des difficultés à faire la preuve de leur identité, du fait de leur éloignement, et donc à revendiquer les droits normaux qu'a une personne dans son pays - soins de santé gratuits, emploi, liberté de circulation, etc. La discrimination peut s'exercer à l'encontre des rapatriés et PDI pour la seule raison qu'ils proviennent d'une autre région du pays, et que la population locale ne désire pas, ou ne peut pas, partager les ressources du lieu. Il est vrai que la présence d'une importante population déplacée est de nature à peser lourdement sur les disponibilités en nourriture, en logement, en emplois, et autres éléments essentiels. Les prix vont habituellement s'envoler, et le niveau de vie de la population locale chuter. Il peut très vite en résulter des tensions.

 

iii. Le processus de retour et de réinsertion

 

Les rapatriés et les PDI risquent de se trouver confrontés à toute une série de difficultés pendant le retour, et au cours des mois suivants. Les problèmes d'un voyage à travers des zones en guerre, la récupération de propriétés occupées ou volées, les réparations et indemnisations, la recherche des membres de la famille dont on a perdu la trace, tout cela peut s'avérer essentiel pour qu'un rapatrié ou une PDI réussisse à retrouver une vie normale. Cette étape du déplacement et la vulnérabilité qui l'accompagne peuvent elles aussi nécessiter une réponse à l'égard des droits de l'homme, différente de celle requise par les autres membres de la population dans la même région.

 

3. La protection des droits de l'homme des rapatriés et PDI

 

a. Les instruments internationaux des droits de l'homme

 

19. Comme toute autre personne, les rapatriés et PDI jouissent de la protection des droits de l'homme garantie par les instruments juridiques internationaux des droits de l'homme (voir Chapitre 3 "Droits de l'homme et droit humanitaire internationalement applicables : le cadre" et Chapitre 4 "Introduction aux normes du droit international des droits de l'homme et du droit international humanitaire"). Lorsque les rapatriés ou PDI se trouvent en situation de conflit armé, ce qui est assez souvent le cas, ils bénéficient alors également de la protection du droit international humanitaire.

 

20. Le fait d'être un rapatrié ou une PDI n'élimine ni ne réduit aucun des droits humains couvrant ces catégories de la population. L'unique distinction que l'on pourrait faire est positive : c'est précisément parce que les rapatriés et PDI se trouvent éloignés de leur domicile qu'ils sont plus vulnérables à des abus de leurs droits humains, et qu'ils peuvent donc avoir besoin d'une forme plus spécifique de protection de ces droits, par rapport à d'autres personnes non déplacées.

 

21. Le corpus international des droits de l'homme autorise néanmoins des dérogations aux obligations qu'ont les États de respecter certains droits, selon les conditions prévalant dans un pays ou une région. En temps de conflit armé, par exemple, l'État peut parfois déroger au respect de la liberté de circulation de sa population. Il existe des conditions strictes qui encadrent le régime des dérogations aux obligations en matière de droits de l'homme, décrites au Chapitre 3 "Droits de l'homme et droit humanitaire internationalement applicables : le cadre".

 

b. Le droit des réfugiés

 

22. Les personnes quittant leur pays en tant que réfugiés bénéficient d'un ensemble de lois internationales, parfois appelé "droit des réfugiés", qui visent à compenser le fait que ces personnes ne jouissent plus de la protection juridique normalement assurée par leur État. Le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) est celle des agences du système qui porte la responsabilité première d'assurer aux réfugiés une protection adéquate. Ce corpus juridique est légalement obligatoire pour tous ceux des États ayant ratifié les instruments internationaux pertinents.

 

23. Dès lors que des réfugiés regagnent leur pays, en tant que rapatriés ils n'ont plus droit à l'entière protection accordée aux réfugiés par le droit international. Cependant, certains éléments de ce droit, ainsi que le mandat du HCR, visent à parvenir à des "solutions durables" et à un retour comportant "sécurité et dignité". Sur ces bases, on peut déduire que les rapatriés continuent de bénéficier d'une certaine forme de protection dérivant de leur ancien statut de réfugiés. C'est ainsi qu'en pratique le HCR continue d'aider les rapatriés pendant un certain temps après leur retour dans leur pays d'origine. L'idée fondamentale à la source de cette protection est que le réfugié ne cesse pas de l'être, en termes de vulnérabilité concrète, au moment où la personne rentre dans son pays d'origine, mais qu'il lui faudra un certain délai avant de se "réintégrer". On l'a dit, il est impossible de préciser pendant combien de temps la personne pourra continuer à être définie comme rapatriée, et donc combien de temps elle continuera de bénéficier de cette protection envers les "anciens réfugiés".

 

c. Les Principes directeurs relatifs au déplacement de personnes à l'intérieur de leur propre pays

 

24. Du fait que, par définition, les personnes déplacées à l'intérieur de leur propre pays n'ont pas franchi de frontière internationale pour quitter leur pays, elles ne bénéficient jamais des protections accordées par le droit international aux réfugiés et, par extension, aux rapatriés. Les préoccupations liées au sort des PDI ont conduit à formuler ces "Principes directeurs relatifs au déplacement de personnes à l'intérieur de leur propre pays" (voir Chapitre 10 "Monitoring et protection des droits de l'homme des réfugiés et/ou des personnes déplacées à l'intérieur de leur propre pays vivant dans des camps", Annexe 2). Les Principes directeurs n'obligent pas juridiquement les États en tant qu'instrument; mais la plupart des droits qu'ils invoquent figurent déjà dans d'autres instruments internationaux des droits de l'homme qui sont, eux, contraignants en droit. En fait, les Principes directeurs n'ont pas été prévus pour constituer un cadre juridique strict pour la protection des PDI : ils ont plutôt été conçus pour puiser dans le droit international des droits de l'homme les éléments concernant particulièrement la protection des PDI, et pour appliquer ces éléments aux situations que subissent les PDI et aux risques qu'ils encourent. Cet ensemble de Principes a pour vocation, son nom le dit bien, d'indiquer des "directions" pour l'application à la protection des PDI des instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme.

 

25. Les Principes directeurs peuvent-ils s'appliquer aux rapatriés ? Il est peu probable que les rapatriés de "long terme" puissent indéfiniment se réclamer de la protection du droit des réfugiés. Lorsque par exemple le retour prend des années, les rapatriés étant installés dans des camps provisoires dans l'attente d'une possibilité de rentrer chez eux, il viendra un moment où ils vont perdre leur statut de réfugiés, en dépit du fait que le retour n'est pas achevé. Dans l'idéal, ils devraient alors être classés comme PDI, et les Principes directeurs seraient alors utiles pour appliquer les lois internationales concernant les droits de l'homme à la situation spécifique des rapatriés, souvent identique à celle des PDI dans le même pays.

 

4. Objectifs et rôle de la mission sur les droits de l'homme pour protéger les droits des rapatriés et PDI

 

26. Être obligé pour quelque raison que ce soit de quitter son domicile, sa région, ou son pays, constitue l'un des événements les plus traumatisants que l'on puisse subir. Le retour des réfugiés et des personnes déplacées à l'intérieur de leur propre pays devrait dans l'idéal permettre et refléter leur restauration dans leurs droits, et la remise en place de leurs liens avec leur domicile et leur communauté. Mais le retour des réfugiés ou PDI constitue également un élément important dans la reconstitution de la société et le retour à une vie normale après les troubles ayant provoqué le départ.

 

27. Pour définir les caractères des efforts qu'entreprendra la mission de l'ONU sur les droits de l'homme en faveur des rapatriés et des PDI, il convient de prendre pour référence les objectifs du HCR. Le statut de cette organisation utilise, à propos du retour des réfugiés, une certain nombre de termes qui contribuent à préciser les objectifs d'ensemble de son assistance : le retour doit être conduit dans la "sécurité" et la "dignité", et il doit avoir lieu dans le cadre d'une "solution durable" de nature à ce que les rapatriés ne soient pas à nouveau forcés de fuir à nouveau par la suite.

 

28. Ces termes permettent également de synthétiser les objectifs généraux des travaux accomplis par la mission de l'ONU sur le terrain : en effet, chacun renvoie à certains droits correspondant aux problèmes rencontrés par les personnes déplacées. "Sécurité" indique que les rapatriés doivent être protégés des menaces pesant sur leur vie et leur intégrité personnelle. Le retour dans la "dignité" pointe la nécessité de respecter l'identité religieuse, culturelle, ethnique ou autre des rapatriés, ainsi que leurs droits liés à l'intégrité de la personne. L'exigence d'une "solution durable" met en valeur le fait que le retour d'un rapatrié dans sa communauté d'origine ne signifie pas en lui-même que ce retour est définitivement réussi. Il est souvent d'une extrême importance d'agir en sorte que le retour soit durable. Et dans cette perspective, de s'assurer que les rapatriés seront bien réadmis dans leur communauté, par exemple grâce à des travaux préparatoires auprès des officiels locaux, des entretiens avec les employeurs potentiels, des accords avec les groupes susceptibles de s'opposer au rapatriement, et des activités d'information générale dans la région.

 

29. C'est dans ce cadre général que doit se dérouler toute mission de droits de l'homme de l'ONU. Elle pourra par exemple se concentrer sur les causes initiales du déplacement, sur la protection des droits humains des personnes vivant toujours en situation de déplacement, qu'elles soient rapatriées ou PDI, sur le monitoring et l'assistance au cours d'un processus de retour, ou encore sur le monitoring et l'assistance pendant la période de réinsertion consécutive au retour.

 

30. Les types de travaux qu'auront à conduire les HRO en faveur des rapatriés et PDI dépendent de divers facteurs, parmi lesquels :

 

31. Le présent chapitre est destiné à aider les HRO pour leur travail dans diverses situations.

 

32. Favoriser le respect des droits de l'homme des rapatriés et PDI peut être très difficile et complexe. Ainsi, les situations où un groupe ethnique a été forcé de quitter les lieux par un autre groupe ethnique exigent de comprendre le contexte de tension et de conflit. Il peut exister des différends fonciers remontant à des centaines d'années, eux-mêmes fondés sur des interprétations différentes d'une histoire mal enregistrée. Ces cas soulèvent de très fortes émotions. Et c'est ainsi que ceux qui violent les droits de l'homme, et forcent des gens à fuir, peuvent se sentir dans leur bon droit en commettant ces violations en raison d'anciens abus subis de la part de membres de la population déplacée. S'occupant de violations présentes des droits de l'homme, la mission sur les droits de l'homme pourra aussi devoir réagir à des besoins de vérité et de justice en vertu d'actes commis dans le passé.

 

33. L'assistance aux rapatriés peut demander une expérience de terrain très précise : par exemple, lorsque des rapatriés sont détenus en violation de leur droit à la liberté, les HRO devront travailler avec les autorités qui les détiennent. Au sein des populations rapatriées, on trouvera en outre des personnes particulièrement exposées aux violations de leurs droits de l'homme. Les femmes, les enfants, les personnes âgées et les handicapés, par exemple, sont souvent ceux qui souffrent le plus des carences alimentaires et des longs voyages à pied. Les missions de droits de l'homme doivent être prêtes à préserver les besoins de ces populations vulnérables en matière de droits de l'homme.

 

34. Il faudra chercher à prévenir de nouvelles violations des droits de l'homme, et à aider les populations déplacées à rentrer chez elles : mais cela exige une démarche très organisée, une vision très précise de la situation, et de comprendre les divers groupes impliqués.

 

C. LES MENACES VISANT PARTICULIÈREMENT LES RAPATRIÉS, ET LES RÉPONSES DU DROIT INTERNATIONAL

 

35. On peut répartir en plusieurs catégories les risques et violations qu'encourent les rapatriés et PDI en matière de droits de l'homme. Bien des gens qui ne sont ni rapatriés ni PDI encourent d'ailleurs les mêmes. Mais on peut distinguer deux catégories particulièrement vulnérables aux violations de droits de l'homme, en raison de leur éloignement de leur communauté , ou bien parce qu'elles sont identifiables clairement comme appartenant à un groupe particulier au sein de la population. En cas de conflit international, par exemple, bien des populations risquent de souffrir d'un manque de nourriture ou d'eau potable; mais les rapatriés et PDI n'auront le plus souvent que l'accès le plus restreint aux maigres sources d'approvisionnement encore disponibles dans la région.

 

36. La présente section indique certaines des menaces essentielles qui pèsent sur les rapatriés et PDI. Elle indique également certaines des dispositions juridiques internationales qui peuvent apporter une protection contre les violations des droits de l'homme. On notera qu'il n'est pas fait référence aux Principes directeurs relatifs au déplacement de personnes à l'intérieur de leur propre pays : cet instrument figure en Annexe et il convient de s'y référer directement. Les Principes directeurs sont d'une grande utilité dans l'application des droits de l'homme relatifs à la situation des PDI. Les menaces pesant sur les rapatriés et PDI ne sont résumées ici qu'afin de faciliter l'accès des HRO aux textes (1).

 

37. Définir la situation régnant dans le pays ou la région de retour est très important au regard du droit international applicable et utilisable comme base pour protéger les droits des rapatriés et PDI. Le Représentant spécial chargé de la question des personnes déplacées à l'intérieur de leur propre pays a relevé trois contextes communs où les droits de l'homme peuvent se trouver en danger (2): (1) les situations de tension et de troubles (ou de catastrophes); (2) les conflits armés internes, et (3) les conflits armés entre États. Des régimes juridiques différents s'appliquent à chacune de ces situations, et affectent donc les droits des rapatriés et des PDI. Ces divers contextes et les principes applicables du droit sont développés au Chapitre 3 "Droits de l'homme et droit humanitaire internationalement applicables : le cadre".

 

1. La discrimination

 

38. Il est un problème grave auquel sont confrontées les populations de rapatriés et de PDI après leur retour : celui de la discrimination de la part des autorités nationales ou locales. De nombreux instruments internationaux concernant les droits de l'homme exigent des États qu'ils respectent et garantissent les droits reconnus par ces traités sans discrimination. Ainsi, l'article 26 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques établit l'égalité de traitement et gouverne l'exercice de tous les droits, qu'ils soient ou non protégées au titre du Pacte, que les États confèrent par la loi aux personnes sur son territoire ou sous sa juridiction.

 

39. Est interdite toute discrimination "de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d'opinion politique et de toute autre opinion, d'origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre situation". L'expression "toute autre situation" a reçu une interprétation large, et peut être avancée comme couvrant les personnes déplacées à l'intérieur de leur propre pays.

 

40. Dans les situations de conflit armé, le droit international humanitaire prohibe lui aussi toute discrimination. Ainsi, l'article 3 commun aux quatre Conventions de Genève stipule qu'en cas de conflit armé non international : "Les personnes qui ne participent pas directement aux hostilités, y compris les membres de forces armées qui ont déposé les armes et les personnes qui ont été mises hors de combat par maladie, blessure, détention, ou pour toute autre cause, seront, en toutes circonstances, traitées avec humanité, sans aucune distinction de caractère défavorable basée sur la race, la couleur, la religion ou la croyance, le sexe, la naissance ou la fortune, ou tout autre critère analogue." Des dispositions semblables interdisent la discrimination au cours de conflits armés internationaux (voir par exemple l'article 27 de la Quatrième convention de Genève).

 

2. La vie et l'intégrité personnelle

 

41. Les rapatriés et les PDI encourent des risques de violences. Celles-ci peuvent comporter des meurtres, viols, tortures, coups ou disparitions forcées. Ces actes pourront être commis par les autorités locales ou par d'autres membres de la population locale. En situation de conflit armé, ils peuvent être le fait d'une quelconque des forces en présence.

 

a. Les risques vitaux

 

42. Dans les situations de tension et de troubles ou de catastrophe, comme dans toute autre situation, le droit à la vie est un droit fondamental des rapatriés et PDI. Il est énoncé à l'article 6(1) du Pacte relatif aux droits civils et politiques : "Le droit à la vie est inhérent à la personne humaine. Ce droit doit être protégé par la loi. Nul ne peut être arbitrairement privé de la vie."

 

43. En raison du droit à la vie, non dérogeable, l'usage de la force par les agents chargés de l'application de la loi se limite à celle qui est à la fois proportionnelle et nécessaire. Les agents chargés de l'application des lois ne peuvent ôter la vie d'une personne que lorsque leur propre vie est en danger, ou celle d'une tierce personne, et qu'il n'existe pas d'autre manière de supprimer cette menace imminente.

 

44. La Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide apporte elle aussi une certaine protection au droit à la vie des rapatriés et PDI : dans la mesure où, en tant que groupe (national, ethnique, racial ou religieux), ils et elles subissent : meurtres, atteintes graves à l'intégrité physique ou mentale; soumission intentionnelle du groupe à des conditions d'existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle; des mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe; ou le transfert forcé d'enfants du groupe à un autre groupe.

 

45. En situation de conflit armé, la vie et l'intégrité de la personne des rapatriés et PDI sont protégées par l'article 3 commun aux quatre Conventions de Genève de 1949, dans la mesure où les rapatriés et PDI ne participent pas au conflit. Cet article établit que Les personnes qui ne participent pas directement aux hostilités, y compris les membres de forces armées qui ont déposé les armes et les personnes qui ont été mises hors de combat par maladie, blessure, détention, ou pour toute autre cause, seront, en toutes circonstances, traitées avec humanité, sans aucune distinction [...].

 

46. L'article commun 3 poursuit en précisant un certain nombre d'actes interdits : le meurtre sous toutes ses formes, les mutilations, les traitements cruels et tortures; les prises d'otages; les atteintes à la dignité des personnes, notamment les traitements humiliants et dégradants; les exécutions sommaires.

 

47. Dans la mesure où ils sont civils, les rapatriés et PDI jouissent de la protection des quatre Conventions de Genève et des deux Protocoles additionnels. Les civils, parmi lesquels figurent les rapatriés et PDI, ne peuvent être attaqués. Mais il convient de noter que cette protection peut ne pas s'exercer en faveur des rapatriés et PDI s'ils se situent sur un site d'intérêt militaire, ou en sont proches.

 

48. En cas de conflit armé international, les rapatriés et PDI se trouvant dans des régions tomberont souvent dans la catégorie des personnes protégées auxquelles s'applique l'article 32 de la Quatrième convention de Genève, interdisant aux Parties "... toute mesure de nature à causer soit des souffrances physiques, soit l'extermination des personnes protégées en leur pouvoir. Cette interdiction vise non seulement le meurtre, la torture, les peines corporelles, les mutilations et les expériences médicales ou scientifiques non nécessitées par le traitement médical d'une personne protégée, mais également toute autre brutalité, qu'elles soient le fait d'agents civils ou d'agents militaires."

 

49. Dans les situations où les rapatriés ou PDI ne sont pas considérés comme personnes protégées, ils doivent néanmoins bénéficier de la protection minimale apportée par l'article 75 du Protocole I qui interdit les atteintes portées à la vie, à la santé et au bien-être physique ou mental des personnes, et notamment le meurtre. L'article 51 du Protocole I évoque ce risque : "Ni la population civile en tant que telle ni les personnes civiles ne doivent être l'objet d'attaques. Sont interdits les actes ou menaces de violence dont le but principal est de répandre la terreur parmi la population civile."

 

50. Cette interdiction s'appliquerait, par exemple, aux actions ou menaces exercées par des groupes armés dans le but de dissuader les PDI de quitter leur camp pour rentrer chez eux. L'article 51 poursuit en indiquant que les attaques sans discrimination sont interdites, et définit l'expression "attaques sans discrimination" comme des "attaques qui ne sont pas dirigées contre un objectif militaire déterminé"", ou "dans lesquelles on utilise des méthodes ou moyens de combat qui ne peuvent être dirigés contre un objectif militaire déterminé", ou "dans lesquelles on utilise des méthodes ou moyens de combat dont les effets ne peuvent pas être limités [...] et qui sont [...] propres à frapper indistinctement des objectifs militaires et des personnes civiles ou des biens de caractère civil".

 

b. Les disparitions forcées

 

51. Les rapatriés et PDI peuvent parfois être particulièrement exposés à des risques de disparitions forcées. La présence d'une personne telle qu'un rapatrié ou une PDI dans une région précise peut fort bien n'être enregistrée dans aucun document officiel national ou local. Les rapatriés et PDI sont souvent exclus de toute communauté établie qui contribuerait à les protéger contre toute disparition forcée. Pour ces raisons, et en particulier dans les situations où la disparition forcée du rapatrié se traduit par le décès de la victime, il peut devenir très difficile de prouver qu'une disparition forcée s'est produite. Ainsi, les enfants déplacés à l'intérieur de leur propre pays sont particulièrement exposés à des disparitions forcées visant à les enrôler dans des forces armées.

 

52. La Déclaration sur la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées (3) définit au 3e paragraphe de son préambule la disparition forcée comme toute situation où ... des personnes sont arrêtées, détenues ou enlevées contre leur volonté ou privées de toute autre manière de leur liberté par des agents du gouvernement [...], par des groupes organisés ou par des particuliers, qui agissent au nom du gouvernement ou avec son appui direct ou indirect, son autorisation ou son assentiment, et qui refusent ensuite de révéler le sort réservé à ces personnes ou l'endroit où elles se trouvent, ou d'admettre qu'elles sont privées de liberté, les soustrayant ainsi à la protection de la loi.

 

53. L'article 1 de la Déclaration sur les disparitions qualifie les actes conduisant à une disparition forcée de "violation grave et flagrante des droits de l'homme et des libertés fondamentales proclamés dans la Déclaration universelle des droits de l'homme [...]. La Déclaration sur les disparitions se fonde sur le droit coutumier reconnu, ainsi que sur les jurisprudences de la Cour interaméricaine des droits de l'homme et du Comité des droits de l'homme établi au titre du Pacte relatif aux droits civils et politiques. La Déclaration et le Programme d'action de Vienne (4) "réaffirme que les États ont le devoir, en toutes circonstances, de faire procéder à des enquêtes dès qu'il y a des raisons de penser qu'une disparition forcée s'est produite dans un territoire placé sous leur juridiction. Si les faits sont vérifiés, les auteurs doivent être poursuivis."

 

54. Le Comité des droits de l'homme déduit la prohibition des disparitions forcées de l'article 6 du Pacte relatif aux droits civils et politiques, sur le droit à la vie, et de l'article 7, garantissant contre la torture et les sévices.

 

55. Dans les situations de conflits internes ou internationaux, l'interdiction des disparitions forcées se déduit d'autres garanties prévues par le droit international humanitaire. Ces dispositions sont notamment la prohibition des violences contre la vie et la personne, des atteintes à la dignité personnelle, et l'émission de sentences et la pratique d'exécutions sans garanties judiciaires. D'autres dispositions relatives au traitement humain sont également utiles à cet égard. Dans le cas des conflits internes, elles se trouvent aux articles 3, 4, 5 et 6 du Protocole II. Et dans le cas des conflits internationaux, aux articles 27 et 32 de la Quatrième convention de Genève ainsi qu'à l'article 75 du Protocole I.

 

c. Les personnes disparues et décédées

 

56. Pendant le retour de personnes déplacées en grand nombre, et particulièrement lorsque le retour est forcé et/ou en cas de conflit militaire en cours, des rapatriés et PDI peuvent être séparé(e)s de leur famille. Dans ces conditions, il est souvent impossible à la famille de se mettre à la recherche de la personne manquante et de surmonter le traumatisme d'ignorer ce qui s'est produit.

 

57. Le droit international reconnaît une certaine obligation des États de rechercher les personnes disparues et d'informer leurs proches quant à leur sort. Lorsque des rapatriés ou PDI sont tués, les autorités ont l'obligation de mettre leur corps à disposition en vue d'une autopsie et d'une enquête appropriées, et éventuellement de traiter la dépouille avec dignité.

 

58. Dans les situations de tensions et de troubles, le droit national gouvernant la santé publique peut être invoqué pour exiger un traitement adéquat du corps d'une personne tuée.

 

59. Dans les situations de conflit armé interne, l'article 8 du Protocole II exige des autorités de rechercher les morts et de leur rendre les derniers devoirs.

 

60. Dans les situations de conflit armé international, la Quatrième convention de Genève exige des parties au conflit qu'elles facilitent les démarches entreprises pour rechercher les morts et qu'elles les protègent contre les mauvais traitements. La Section III du Titre II du Protocole I dispose que les familles doivent être informées du sort de leurs parents disparus.

 

61. Le Comité international de la Croix-Rouge administre une Agence centrale de recherches qui aide à la réunification des familles dans les périodes de conflits armés et de troubles internes.

 

d. L'utilisation de mines terrestres et autres dispositifs analogues

 

62. Les rapatriés et PDI sont souvent très exposés au risque de blessures ou de mort du fait de mines terrestres. Des mines peuvent avoir été posées sur les routes ou les pistes qu'ils doivent emprunter pour rentrer chez eux. On peut aussi en avoir posé dans les villages et les villes, ou dans les champs cultivés, de façon à rendre ces endroits impraticables pour la population. Les mines terrestres sont non discriminantes et peuvent demeurer actives pendant des années, faisant parfois des victimes longtemps après la fin du conflit.

 

63. La principale loi qui gouverne l'utilisation des mines terrestres fait l'objet du Protocole sur les mines terrestres, annexé à la Convention des Nations Unies sur les armes (5). Le Protocole sur les mines terrestres vise essentiellement à protéger les civils contre les dangers des mines terrestres. Le préambule de la Convention sur les armes exige que les parties à un conflit respectent les dispositions du Protocole qui renforcent les règles coutumières d'autres instruments pertinents du droit international humanitaire, comme l'interdiction frappant les attaques sans discrimination et celles contre les civils. D'autres efforts ont été entrepris pour interdire l'emploi des mines terrestres, qui pourraient prochainement déboucher sur une interdiction totale de leur fabrication, de leur vente et de leur emploi. Cependant, même si ces efforts sont couronnés de succès, il subsistera de très nombreuses mines déjà posées, qui tueront et blesseront des civils comme des militaires.

 

e. Les autres actes de violence et sévices, dont la torture

 

64. Les rapatriés et PDI, outre leur vulnérabilité particulière aux violations de leur droit à la vie et les risques de disparitions forcées qu'ils encourent, risquent également d'être soumis à d'autres formes de violence.

 

65. Quelle que soit la situation dans laquelle se trouvent les rapatriés et PDI, ils devraient toujours bénéficier de la protection minimale apportée par l'article 5 de la Déclaration universelle des droits de l'homme : "Nul ne sera soumis à la torture, ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants."

 

66. Cette interdiction est généralement acceptée comme faisant partie du droit coutumier international, et elle est reprise à l'article 7 du Pacte relatif aux droits civils et politiques. La Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (6) indique que tout acte de torture constitue un crime universel, et établit des règles qui définissent les compétences et obligations des États parties à propos des incidents de tortures. Les peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants sont également interdits, en tant qu'actes ou omissions provoquant des souffrances n'atteignant pas le degré de celles de la torture, ou auxquels il manque l'élément d'intentionnalité.

 

67. Dans les situations où des rapatriés et PDI sont arrêtés et placés en détention, l'article 10 du Pacte relatif aux droits civils et politiques reconnaît à toute personne privée de sa liberté le droit d'être "traitée avec humanité et avec le respect de la dignité inhérente à la personne humaine".

 

68. Les interdictions frappant la torture et les peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants sont non-dérogeables, et s'appliquent donc dans les situations de conflit armé. Le droit humanitaire apporte une protection supplémentaire par l'article 3 commun aux quatre Conventions de Genève, qui prohibe "Les atteintes portées à la vie et à l'intégrité corporelle, notamment [...] les mutilations, les traitements cruels, tortures et supplices".

 

69. L'article 4 du Protocole I, l'article 75 du Protocole II, et les articles 27 et 32 de la Quatrième convention de Genève offrent des protections analogues.

 

3. La liberté de la personne

 

70. Les réfugiés et PDI qui retournent dans leur pays ou leur région de résidence peuvent courir le risque de détentions arbitraires par les autorités, fondées sur une discrimination ou tout autre facteur. Pour des raisons semblables à celles évoquées plus haut (paragraphe 47) dans la section consacrée aux disparitions forcées, les rapatriés et PDI peuvent ne pas être enregistrés dans une communauté déterminée, et se trouver ainsi particulièrement exposés aux détentions arbitraires. De plus, il est possible que les autorités nationales ou locales, ou certains groupes de la population locale, tentent de cantonner les rapatriés et PDI à certaines à certaines régions, voire à un camp spécifique.

 

71. L'article 9(1) du Pacte relatif aux droits civils et politiques dispose : Tout individu a droit à la liberté et à la sécurité de sa personne. Nul ne peut faire l'objet d'une arrestation ou d'une détention arbitraires. Nul ne peut être privé de sa liberté, si ce n'est pour des motifs et conformément à la procédure prévus par la loi."

 

72. "Arrestation ou détention arbitraires" a été interprété comme interdisant l'arrestation et la détention qui ne sont pas conformes aux lois nationales ou aux normes internationales portant sur la liberté et la sécurité des individus. Ces normes concernent notamment les garanties judiciaires définies aux articles 9(2) à 9(5) du Pacte relatif aux droits civils et politiques. Elles comprennent le droit à être informé des raisons d'une arrestation et des accusations portées; le droit à comparaître rapidement devant un juge; le droit à un procès dans des délais raisonnables; le droit à la vérification de la légalité d'une détention.

 

73. Lorsque des rapatriés et PDI sont maintenus dans des camps, tels que des "camps de transit", en attendant de regagner leur communauté d'origine, cette détention doit être à la fois nécessaire et raisonnable. La définition de ce qui est nécessaire et raisonnable dépendra de la situation particulière de chaque pays. Les HRO doivent savoir que la détention de rapatriés et PDI, par exemple dans des camps de transit dans leur propre pays, peut intervenir en violation des droits des individus. Cette détention devra être limitée au strict minimum, et ne s'accompagner que des restrictions strictement nécessaires compte tenu de la situation.

 

74. Quant au droit humanitaire, l'article 5 du Protocole II énonce des directives pour le traitement des personnes privées de liberté pour des raisons liées à un conflit armé intérieur. Concernant les situations de conflit armé international, la Quatrième convention de Genève autorise l'internement des civils protégés s'il est nécessaire à la sécurité de l'autorité les détenant. Cet internement est soumis à des normes spécifiques de traitement, et à un examen régulier.

 

4. Les droits sociaux et économiques

 

75. Les rapatriés et PDI, en raison du déplacement qu'ils ont subi, dépendent très souvent de l'aide de gouvernements ou d'organisations internationales pour la satisfaction de leurs besoins élémentaires de subsistance, y compris la nourriture, l'eau potable, le logement et les soins médicaux.

 

76. Sans cette assistance, il peut devenir impossible aux personnes déplacées de rentrer effectivement chez eux et de réintégrer leur communauté. Dans certaines situations, des gouvernements ou autres peuvent tenter de limiter l'accès des rapatriés et PDI aux produits de première nécessité, précisément afin d'en éviter le retour envisagé. Les problèmes de distribution peuvent conduire à de graves tensions, voire à des conflits, dans les régions de retour. Il est essentiel que tous les rapatriés et PDI aient un accès assuré aux produits de première nécessité.

 

77. En parvenant dans leur région d'origine, les rapatriés et PDI auront généralement besoin d'assistance sous la forme d'aides matérielles. Ils auront besoin d'emplois, d'un niveau de vie minimum, d'un accès à l'éducation, d'avoir la possibilité de participer aux processus de décision de la communauté, etc. C'est en retrouvant leur confiance en eux que les rapatriés et PDI franchiront un cap essentiel dans le processus de réinsertion au sein de la communauté.

 

a. La nourriture, l'eau potable et le logement

 

78. Il convient de rappeler que la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, à l'article II(c) qui en donne la définition, inclut la "Soumission intentionnelle du groupe à des conditions d'existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle". Par conséquent, dans des cas extrêmes, la privation de nourriture dans cette intention de destruction pourrait être qualifiée de génocide.

 

79. L'article 11(1) du Pacte relatif aux droits économiques, sociaux et culturels reconnaît "le droit de toute personne à un niveau de vie suffisant pour elle-même et sa famille, y compris une nourriture, un vêtement et un logement suffisants [...]". Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels, en interprétant les obligations des États au titre du Pacte, déclare que les États parties ont "l'obligation fondamentale minimum d'assurer, au moins, la satisfaction de l'essentiel de chacun des droits". Lorsqu'un État est dans l'incapacité de remplir cette obligation, "il doit démontrer qu'aucun effort n'a été épargné pour utiliser toutes les ressources qui sont à sa disposition en vue de remplir, à titre prioritaire, ces obligations minimum".

 

80. Il est une autre interprétation du Comité qui revêt une importance particulière concernant les rapatriés et PDI : c'est l'obligation pour l'État de démontrer qu'il a entrepris tous les efforts possibles pour utiliser toutes les ressources à sa disposition pour satisfaire ces obligations minimales (voir Chapitre 17 "Le monitoring des droits économiques, sociaux et politiques"). Ces efforts ne visent pas seulement les ressources disponibles à l'intérieur du pays, mais aussi celles fournies par la communauté internationale. Cette disposition peut s'interpréter comme une obligation des États de permettre à la communauté internationale de fournir une assistance sous forme de biens de subsistance aux rapatriés et PDI.

 

81. Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a interprété le droit au logement comme "le droit à un lieu où l'on puisse vivre en sécurité, dans la paix et la dignité". Le caractère suffisant du logement peut s'apprécier selon la disponibilité des services (eau, électricité), des matériaux et infrastructures (routes, hôpitaux, etc.), le coût financier, l'habitabilité, l'accessibilité (notamment aux handicapés, aux enfants ou aux personnes âgées), l'emplacement et le respect du milieu culturel.

 

82. Pour les situations de conflit armé, l'article commun 3 ne fait pas explicitement mention de la nourriture, de l'eau potable ou d'un logement suffisant, mais prévoit un traitement humain pour toute personne ne prenant pas directement part au conflit. Le droit humanitaire interdit d'affamer la population civile comme moyen de combat. Il interdit également de détruire, d'enlever ou de mettre hors d'usage les objets "indispensables à la survie de la population civile, tels que les denrées alimentaires et les zones agricoles qui les produisent, les récoltes, le bétail, les installations et réserves d'eau potable et les ouvrages d'irrigation". Pour les conflits armés intérieurs, les dispositions principales figurent à l'article 14 du Protocole II. Pour les conflits armés internationaux, on se référera à l'article 54 du Protocole I.

 

83. Dans les conflits intérieurs, l'article 5(1) du Protocole II prévoit des normes minimales pour le traitement des personnes détenues en période de conflit armé, comprenant notamment la fourniture d'eau potable et de vivres, et la protection contre les rigueurs du climat et les dangers du conflit. Mais ces droits ne sont pas repris à l'article 5(3) qui dispose du traitement des personnes dont la liberté est limitée de toute autre manière que la détention. Par conséquent, à moins que les rapatriés et PDI soient détenus, l'article 5 pourrait ne pas leur garantir la fourniture de vivres, d'eau potable, etc.

 

84. Dans les conflits internationaux, l'article 55 de la Quatrième convention de Genève dit que la puissance occupante doit assurer l'approvisionnement de la population en vivres. Cet article interdit également la réquisition de vivres sans tenir compte des besoins de la population civile.

 

b. Les soins médicaux

 

85. Les rapatriés et PDI courent fréquemment des risques de maladies et/ou de blessures. Certains groupes (les femmes, les enfants, les personnes âgées et les handicapés) sont particulièrement exposés.

 

86. L'article 12 du Pacte relatif aux droits économiques, sociaux et culturels établit "le droit qu'a toute personne de jouir du meilleur état de santé physique et mentale qu'elle soit capable d'atteindre". Le second paragraphe de cet article demande aux États de prendre des mesures pour atteindre cet objectif, et notamment "(d) La création de conditions propres à assurer à tous des services médicaux et une aide médicale en cas de maladie".

 

87. Au titre des droits de l'homme comme du droit humanitaire, les rapatriés et PDI ne doivent pas subir de discrimination pour accéder aux fournitures et installations médicales. Dans les situations de conflit armé, l'article commun 3 exige un traitement humain pour toutes les personnes ne participant pas directement au conflit. Ce même article oblige les parties au conflit à recueillir et à soigner les blessés sans conditions. Cette protection doit être accordée aux rapatriés et PDI. L'article 7 du Protocole II déclare que pour dispenser des soins médicaux, aucune distinction n'est autorisée sur des critères autres que médicaux. Aucune distinction ne sera donc admise à l'encontre des rapatriés et PDI. Dans les situations où il devient nécessaire de déplacer la population civile, l'article 17(1) du Protocole II stipule que "toutes les mesures possibles seront prises pour que la population civile soit accueillie dans des conditions satisfaisantes de logement, de salubrité, d'hygiène, de sécurité et d'alimentation".

 

88. Dans les situations de conflit armé international, l'article 55 de la Quatrième convention de Genève prévoit que la puissance occupante doit assurer l'approvisionnement de la population en produits médicaux. Les articles 16, 17, 18, 19, 21 et 22 de cette Convention traitent des blessés et malades, des femmes en couches, de la protection des hôpitaux civils, et de l'évacuation des blessés et malades.

 

c. L'accès à la propriété

 

89. Les rapatriés et PDI risquent de perdre la possession de leurs biens au cours de leur absence. Il est important pour la réinsertion des rapatriés et PDI qu'ils soient en mesure de retrouver la propriété et la disposition de leurs biens, véhicules, bureaux et terres. La restitution des habitations occupées par d'autres personnes pose de fréquents problèmes à celles qui rentrent chez elles. Il importe également que les rapatriés et PDI soient autorisées à conserver, ou à réclamer, toute somme d'argent leur appartenant.

 

90. L'article 1 du Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme stipule que "Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens". Il interdit de priver quiconque de sa propriété, excepté "pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international". Des dispositions analogues figurent à l'article 14 de la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples, ainsi qu'à l'article 21 de la Convention américaine.

 

91. Dans les situations de conflit armé intérieur, l'article 4 du Protocole II interdit "le pillage", et fournit donc une certaine protection des biens personnels des rapatriés et PDI dans les camps de personnes déplacées ou dans les habitations. L'article 14 du Protocole II interdit "d'attaquer, de détruire, d'enlever ou de mettre hors d'usage [...] des biens indispensables à la survie de la population civile, tels que les denrées alimentaires et les zones agricoles qui les produisent, les récoltes, le bétail, les installations et réserves d'eau potable et les ouvrages d'irrigation".

 

92. Dans les situations de conflit armé international, le Règlement de La Haye de 1907 concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre accordent à la propriété une certaine protection. L'article 25 interdit "d'attaquer ou de bombarder, par quelque moyen que ce soit, des villes, villages, habitations ou bâtiments qui ne sont pas défendus". Les articles 28 et 47 interdisent le pillage dans toute ville ou localité au cours des hostilités ou d'une occupation.

 

93. L'article 53 de la Quatrième convention de Genève interdit à toute puissance occupante de détruire des biens mobiliers ou immobiliers. L'article 97 établit que les sommes d'argent et autres objets de valeur détenus par des civils internés ne peuvent leur être enlevés qu'en échange d'un reçu. Les objets de valeur personnelle ou sentimentale ne peuvent leur être enlevés.

 

d. L'emploi

 

94. L'article 23 de la Déclaration universelle des droits de l'homme établit que :

 

"(1) Toute personne a droit au travail, au libre choix de son travail, à des conditions équitables et satisfaisantes de travail et à la protection contre le chômage.

(2) Tous ont droit, sans aucune discrimination, à un salaire égal pour un travail égal."

 

e. Le droit à l'éducation

 

95. Lors de leur retour, les rapatriés et PDI peuvent se trouver exclus de l'accès à l'éducation. Les places peuvent être en nombre insuffisant, les tarifs trop élevés, ou bien une discrimination peut s'exercer à l'encontre des rapatriés et PDI pour les inscriptions dans les établissement d'enseignement. L'éducation est d'une extrême importance pour les réfugiés et PDI, et joue un rôle essentiel dans leur réinsertion au sein de la communauté. L'éducation revêt une importance spéciale pour les enfants rapatriés, qui auront souvent manqué plusieurs années d'enseignement formel structuré.

 

96. L'article 13 du Pacte relatif aux droits économiques, sociaux et politiques reconnaît le droit à l'éducation pour tous, et notamment à un enseignement primaire gratuit et obligatoire.

 

5. Les restrictions de circulation

 

97. La liberté de circulation revêt une importance extrême pour les rapatriés et PDI. C'est également un droit qui leur est fréquemment dénié. Par exemple, les rapatriés et PDI quittant le pays ou la région où ils ont trouvé refuge devront souvent couvrir des distances considérables pour regagner leur région d'origine. Les autorités nationales ou locales peuvent vouloir forcer les rapatriés et PDI à effectuer un trajet précis. Parfois ces trajets peuvent être plus longs ou plus dangereux que d'autres alternatives possibles, et limiter leur liberté de circulation peut avoir pour effet d'empêcher ou de dissuader les personnes déplacées d'effectuer le voyage de retour. Ou parfois, les rapatriés et PDI peuvent être obligés de s'établir dans une zone particulière, et par exemple dans une région dont les terres ne conviennent pas à l'agriculture, où les sources sont rares, ou bien que les mines ont rendues très dangereuses.

 

98. Les rapatriés et PDI ont d'emblée subi une violation de leur liberté de circulation et de résidence en étant forcés de fuir, en tant que réfugiés ou PDI. Il est donc d'autant plus important que lors du retour des personnes déplacées, le droit soit respecté. En conséquence, il est essentiel que la garantie de leur liberté de circulation soit assurée aux rapatriés et PDI. Toute restriction imposée à la circulation par les autorités locales au titre de l'article 12 du Pacte relatif aux droits civils et politiques fera l'objet d'un examen approfondi et sera, si possible, évitée.

 

a. Les déplacements à l'intérieur de son propre pays

 

99. Les contextes les plus fréquents des violations de la liberté de circulation du rapatrié sont les suivants : lors de ses déplacements à l'intérieur de son propre pays; lors du choix de sa résidence; à la suite de décisions de déplacer, de réinstaller ou de transférer des groupes de réfugiés et PDI.

 

100. La Déclaration universelle des droits de l'homme, à son article 13(1), reconnaît le droit de circuler librement et de choisir sa résidence comme un droit de l'homme fondamental. L'article 12(1) du Pacte relatif aux droits civils et politiques dispose : "Quiconque se trouve légalement sur le territoire d'un État a le droit d'y circuler librement et d'y choisir librement sa résidence."

 

101. Dans les situations de tensions et de troubles, il peut être dérogé au droit à la liberté de circulation, qui peut être sujette à diverses restrictions possibles. L'article 12(3) du Pacte relatif aux droits civils et politiques établit que les seules restrictions permises sont celles "prévues par la loi, nécessaires pour protéger la sécurité nationale, l'ordre public, la santé ou la moralité publiques, ou les droits et libertés d'autrui, et compatibles avec les autres droits reconnus par le présent Pacte". La Convention américaine ajoute "l'intérêt public" aux justifications possibles pour limiter la liberté de circulation. Dans tous les cas, les restrictions doivent être proportionnées à la nécessité.

 

102. Une situation de conflit armé intérieur peut constituer une justification pour limiter la liberté de circulation. Cependant, l'article 17 du Protocole II interdit les déplacements forcés de populations civiles, excepté dans des circonstances particulières :

 

"1. Le déplacement de la population civile ne pourra pas être ordonné pour des raisons ayant trait au conflit sauf dans les cas où la sécurité des personnes civiles ou des raisons militaires impératives l'exigent. Si un tel déplacement doit être effectué, toutes les mesures possibles seront prises pour que la population civile soit accueillie dans des conditions satisfaisantes de logement, de salubrité, d'hygiène, de sécurité et d'alimentation."

 

103. Dans les situations de conflit armé international, l'article 49 de la Quatrième convention de Genève prévoit la liberté de circulation pour les personnes déplacées : "Les transferts forcés, en masse ou individuels, ainsi que les déportations de personnes protégées hors du territoire occupé dans le territoire de la Puissance occupante ou dans celui de tout autre État, occupé ou non, sont interdits, quel qu'en soit le motif."

 

104. L'article 49 poursuit : "Toutefois, la Puissance occupante pourra procéder à l'évacuation totale ou partielle d'une région occupée déterminée si la sécurité de la population ou d'impérieuses raisons militaires l'exigent. Les évacuations ne pourront entraîner le déplacement de personnes protégées qu'à l'intérieur du territoire occupé, sauf en cas d'impossibilité matérielle. La population ainsi évacuée sera ramenée dans ses foyers aussitôt que les hostilités dans ce secteur auront pris fin.

 

105. L'article 85(4)(a) du Protocole I qualifie d'infraction grave au Protocole "Le transfert par la Puissance occupante d'une partie de sa population civile dans le territoire qu'elle occupe, ou la déportation ou le transfert à l'intérieur ou hors du territoire occupé de la totalité ou d'une partie de la population de ce territoire, en violation de l'article 49 de la IVe Convention".

 

106. On l'a mentionné plus haut, le terme de "personnes protégées" peut être entendu comme couvrant les rapatriés et PDI. Dans certaines situations, les rapatriés et PDI, en tant que membres de la population civile, peuvent être forcés à quitter leurs résidences afin de mettre des objectifs militaires à l'abri d'attaques. Cette forme de déplacement forcé est prohibée par l'article 51(7) du Protocole I.

 

b. Quitter son pays et demander asile

 

107. Il arrive que des réfugiés et personnes déplacées ayant regagné leur pays ou leur région décident de repartir. Cette décision peut par exemple intervenir à la suite d'un changement dans les conditions de sécurité, ou parce qu'il n'existe plus suffisamment de possibilités de trouver un emploi.

 

108. Les rapatriés et PDI, comme les autres membres de la population, sont libres de quitter leur pays. L'article 12(2) du Pacte relatif aux droits civils et politiques indique : "Toute personne est libre de quitter n'importe quel pays, y compris le sien." L'article 12(3) prévoit toutefois que le droit de quitter un pays est sujet aux restrictions prévues par la loi, qui sont "nécessaires pour protéger la sécurité nationale, l'ordre public, la santé ou la moralité publiques, ou les droits et libertés d'autrui [...]".

 

109. Les rapatriés et PDI ont également le droit de demander asile. La Déclaration et le Programme d'action de Vienne réaffirment que "chacun, sans distinction d'aucune sorte, a le droit de chercher et de trouver asile dans d'autres pays pour échapper à la persécution". L'article 14(1) de la Déclaration universelle des droits de l'homme dit semblablement que : "Devant la persécution, toute personne a le droit de chercher asile et de bénéficier de l'asile en d'autres pays."

 

110. Au titre du droit humanitaire, l'article 73 du Protocole I traite de la situation des personnes qui fuient leur pays avant le début d'une guerre, et sont admises dans un autre pays en tant que réfugiés. Si par la suite le pays d'asile se trouve occupé par les forces armées du pays d'origine, les réfugiés, bien que ressortissants de la Puissance occupante, doivent être traités en tant que personnes protégées.

 

6. La nécessité de documents d'identification

 

111. Dans bien des endroits, les ressortissants du pays peuvent devoir présenter des documents d'identification. Ces documents peuvent être nécessaires, par exemple, pour acheter des billets de bus ou de train, pour franchir des points de contrôle, pour recouvrer sa résidence, ou pour demander un emploi. Les documents requis peuvent être des passeports, des cartes d'identité, des certificats de naissance, des certificats d'assurance ou des permis de conduire. Il est souvent impossible aux personnes déplacées de présenter aucun document de cette nature. Après des mois et des années d'éloignement, les rapatriés et PDI risquent d'avoir perdu, ou qu'on leur ait volé, une grande partie de leurs biens. Ils peuvent aussi avoir été forcés de fuir sans leurs papiers. Si des naissances ou des décès se sont produits pendant la période d'éloignement, les rapatriés et PDI peuvent ne pas avoir pu se procurer les certificats correspondants. Certains camps de réfugiés ou PDI offrent des services d'enregistrement; toutefois, les personnes déplacées sont parfois réticentes à se faire connaître comme rapatriés et PDI dans leur communauté d'origine, et en ce cas elles préfèrent ne pas se servir de ces documents. De plus, parfois, les cartes d'identité ne sont distribuées qu'au chef de ménage homme, pratique qui peut mettre les femmes en danger en franchissant des frontières ou des points de contrôle.

 

112. L'exigence de documents que les personnes déplacées sont incapables d'obtenir risque d'empêcher les rapatriés et PDI de se déplacer dans leur pays, ou de se procurer des logements ou des emplois dans une communauté.

 

113. Le droit international prévoit le droit individuel à la personnalité juridique. L'article 16 du Pacte relatif aux droits civils et politiques déclare : "Chacun a droit à la reconnaissance en tous lieux de sa personnalité juridique."

 

114. Le droit des réfugiés exige que les États respectent le statut personnel du réfugié, notamment le mariage, préexistant au déplacement. Il exige aussi que les pays d'accueil fournissent aux réfugiés des services administratifs, y compris la délivrance à ces personnes des "documents ou certificats qui normalement seraient délivrés à un étranger par ses autorités nationales [...]".

 

115. Dans les situations de conflit armé intérieur, il n'est pas fait de référence spécifique aux documents dont ont besoin les personnes déplacées, exception faite des dispositions du Pacte relatif aux droits civils et politiques. Pour ce qui est des situations de conflit armé international, l'article 80 de la Quatrième convention de Genève prévoit que la personnalité juridique des civils internés doit être protégée. L'article 97(6) dispose que "Les documents de famille et les pièces d'identité dont les internés sont porteurs ne pourront leur être retirés que contre reçu". Et le même paragraphe poursuit : "À aucun moment, les internés ne devront être sans pièce d'identité." Ces dispositions peuvent être invoquées pour protéger à cet égard les rapatriés et PDI.

 

7. Le maintien de l'unité familiale

 

116. Pendant le processus de retour, de nombreuses familles peuvent être divisées et, en particulier, les enfants risquent de se perdre. Dans certaines situations, les personnes déplacées découvrent que les autorités locales ont affecté certaines personnes à des régions spécifiques. Ces affectations peuvent conduire à la division de familles et de communautés. On peut éviter certains de ces problèmes en appliquant le droit international relatif à la liberté de circulation. Il existe cependant un bon nombre de dispositions spécifiques visant au maintien de l'unité familiale.

 

117. Le Pacte relatif aux droits civils et politiques prévoit à son article 23(1) que "La famille est l'élément naturel et fondamental de la société et a droit à la protection de la société et de l'État". On trouve des dispositions semblables dans la Déclaration universelle des droits de l'homme; dans le Pacte relatif aux droits économiques, sociaux et culturels; dans la Charte africaine; dans la Convention américaine. La Convention relative aux droits de l'enfant détaille notamment l'importance de la famille pour les enfants.

 

118. Dans les situations de conflit armé intérieur, l'article 4(3)(b) du Protocole II veut que toutes mesures appropriées soient prises pour faciliter le regroupement des familles momentanément séparées.

 

119. Dans les situations de conflit armé international, l'article 74 du Protocole I dit que "les Parties au conflit faciliteront dans toute la mesure du possible le regroupement des familles dispersées en raison de conflits armés [...]". Cette article s'applique à la population entière, y compris les ressortissants de la Partie au conflit. L'article 49 de la Quatrième convention de Genève exige que, lorsque la Puissance occupante évacue des membres de la population, elle fasse en sorte, dans toute la mesure du possible, que les membres d'une même famille ne soient pas séparés les uns des autres.

 

8. La langue et la culture

 

120. Les rapatriés et PDI, vivant dans une région autre que la leur, ou à la suite de leur retour dans leur pays, risquent d'être empêchés de parler leur propre langue et obligés d'employer celles des autorités locales ou nationales et/ou celle d'un groupe linguistique plus important de la région.

 

121. Les droits linguistiques sont expressément protégés par nombre de traités. Le droit de parler sa propre langue se déduit également de divers autres droits, dont celui à la liberté d'expression.

 

122. L'article 27 du Pacte relatif aux droits civils et politiques énonce : "Dans les États où il existe des minorités ethniques, religieuses ou linguistiques, les personnes appartenant à ces minorités ne peuvent être privées du droit [...], en commun avec les autres membres de leur groupe, [...] d'employer leur propre langue."

 

123. Dans les situations de conflit armé intérieur, l'article commun 3 exige un traitement humain pour toutes les personnes qui ne participent pas ou plus aux hostilités. Ce traitement doit être accordé "sans aucune distinction de caractère défavorable basée sur la race, la couleur, la religion ou la croyance, le sexe, la naissance ou la fortune, ou tout autre critère analogue". La langue peut être considérée comme un "critère analogue". Une disposition analogue figure à l'article 75 du Protocole I dans le cas du conflit armé international.

 

9. La liberté de réunion

 

124. Dans bien des lieux, les rapatriés et PDI seront mal représentés au sein des associations et structures administratives locales ou nationales. Ils peuvent devoir créer des associations pour se représenter eux-mêmes. Or dans certains pays, il existe des restrictions au droit de certains groupes à s'associer.

 

125. L'article 21 du Pacte relatif aux droits civils et politiques l'établit, "Le droit de réunion pacifique est reconnu". L'article 22 ajoute : "Toute personne a le droit de s'associer librement avec d'autres [...]." Mais l'exercice de ces droits est sujet aux restrictions imposées par la loi et qui sont nécessaires dans l'intérêt de la sécurité nationale, de la sûreté publique, ou des droits des autres.

 

10. La participation aux affaires gouvernementales et publiques

 

126. Les rapatriés et PDI peuvent se trouver exclus de toute possibilité de participer aux affaires gouvernementales ou publiques. Cette exclusion risque à son tour d'entraîner d'autres violations de leurs droits.

 

127. L'article 25 du Pacte relatif aux droits civils et politiques dispose que tout citoyen a le droit et la possibilité de prendre part à la direction des affaires publiques et de voter et d'être élu au cours d'élections libres et honnêtes. Les citoyens de retour doivent voir garantir leur droit à la participation politique.

 

128. En 1991, une résolution de l'Assemblée générale des Nations Unies a proclamé que "le droit de chacun et de chacune de participer au gouvernement de son pays constitue un facteur essentiel dans la jouissance par tous d'une large gamme d'autres droits de l'homme et libertés [...]".

 

129. Les restrictions au droit de participer aux affaires publiques sont permises, mais elles ne doivent pas être déraisonnables et demeurer proportionnées (article 25 du Pacte relatif aux droits civils et politiques). Même si le droit international n'assure qu'aux citoyens le droit de voter et d'être élu, les gouvernements devraient envisager, comme certains l'ont fait, d'étendre les droits à la participation à d'autres résidents de la communauté.

 

D. LES GROUPES VULNÉRABLES

 

130. Les rapatriés et PDI sont fréquemment un groupe vulnérable qui doit bénéficier d'une attention particulière de la part de la mission sur les droits de l'homme. Mais au sein même des populations de rapatriés, certaines catégories sont d'une vulnérabilité particulière. Par exemple, certains groupes spécifiques de rapatriés et PDI pourront faire l'objet de violations de leurs droits en raison de leurs opinions, de leurs convictions religieuses, de leur identité ethnique, ou pour d'autres raisons.

 

131. Il conviendra d'accorder une attention particulière aux femmes, aux enfants, aux personnes âgées et aux handicapés. Ces catégories de rapatriés et PDI sont souvent celles qui courent les plus grands risques de voir violer leurs droits humains ou d'endurer d'autres souffrances pendant le processus de retour. Les rapatriés et PDI sont ainsi fréquemment obligés de marcher pendant des jours afin de regagner leur pays ou région d'origine, en portant l'ensemble de leurs biens. Ces voyages peuvent se dérouler dans des conditions climatiques extrêmes de chaleur ou de froid, et avec peu de nourriture et d'eau. Ces conditions sont plus dures encore pour les enfants, les personnes âgées et les handicapés, ainsi que pour les femmes qui prennent soin d'eux.

 

132. Cette section donne une idée de certains des problèmes que peuvent rencontrer les groupes vulnérables de réfugiés et PDI, et fournit de brèves indications quant à certaines des normes juridiques internationales qui peuvent être invoquées pour la protection de chaque catégorie. Les renseignements donnés ici ne sont en aucune manière exhaustifs. On notera en particulier que seuls sont évoqués ceux des droits qui font l'objet des violations les plus fréquentes. Les HRO devront se tenir au courant des catégories vulnérables au sein de la population de rapatriés dans leur région. Dans la mission de droits de l'homme, l'unité des rapatriés fournira des directives claires aux personnels à propos de l'assistance qu'ils peuvent apporter aux groupes particulièrement vulnérables de rapatriés et PDI (pour davantage de détails, voir Section H ci-dessous).

 

1. Les femmes

 

133. De toutes les différentes catégories de personnes déplacées, les femmes forment le plus souvent la plus nombreuse. On laisse souvent les femmes rapatriées s'occuper entièrement seules de leurs enfants, et elles auront en outre parfois la responsabilité supplémentaire de prendre soin des enfants non accompagnés. En dépit de cette lourde charge, les femmes sont souvent laissées en dehors de tout processus de décision au sein de la population rapatriée. Par exemple, la décision du retour pourra avoir été prise uniquement par les hommes, sans tenir compte des priorités parfois différentes des femmes et des enfants. Au cours de la période d'éloignement, les femmes risquent d'être particulièrement exposées aux brutalités physiques, et notamment au viol. Les victimes de ces violences sont parfois stigmatisées par leurs familles, et d'autres rapatriés et PDI risquent de ne pas pouvoir regagner leur communauté.

 

134. Le problème de l'exclusion des structures de décision, et d'autres formes de discrimination, perdurent souvent après le retour. Ainsi, dans de nombreux pays, il est interdit par la tradition locale, ou même par les lois du pays, que les femmes chefs de famille possèdent des terres ou des biens immobiliers. Les femmes peuvent être exclues du contrôle sur la distribution alimentaire ou d'autres aides essentielles à leur réinsertion dans la communauté.

 

135. Les organisations internationales humanitaires prennent de plus en plus conscience des besoins des femmes rapatriées et de l'importance d'impliquer les femmes rapatriées dans l'élaboration et l'administration locale des programmes d'aide.

 

136. La discrimination fondée sur le sexe est la cause de nombreuses violations de droits de l'homme subies par les femmes rapatriées et PDI. La Charte des Nations Unies et les traités relatifs aux droits de l'homme interdisent la discrimination sexuelle et établissent le droit à l'égalité des sexes, par exemple à l'article 2 de la Déclaration universelle des droits de l'homme et aux articles 2(1), 3 et 26 du Pacte relatif aux droits civils et politiques.

 

137. Les femmes rapatriées peuvent être victimes de "violences sexuellement ciblées" telles que le viol. Ces actes de violence sont parfois commis par des membres de groupes armés sur les territoires que doivent traverser les rapatriés et PDI pour regagner leur région d'origine. Dans d'autres cas, les violences peuvent être commises par des hommes faisant partie de la population rapatriée. Si bien des femmes sont exposées aux violences sexuellement ciblées, les femmes rapatriées y sont particulièrement vulnérables, étant souvent séparées de leurs familles et des autres membres de leur communauté.

 

138. Les violations des droits de l'homme inhérentes aux violences sexuellement ciblées sont prohibées par de nombreux principes du droit international concernant d'autres actes de violence et sévices, y compris la torture. Notamment, la Déclaration sur l'élimination de la violence à l'égard des femmes affirme que les États ont l'obligation de prévenir et de punir ces violences (article 4(c)). Les États doivent entendre leurs obligations au titre de ces instruments internationaux comme leur imposant le devoir positif de les respecter et d'assurer la protection contre ces violences aussi bien que de prévenir et de réprimer les actes commis par des particuliers.

 

139. Les femmes rapatriées peuvent être contraintes à se prostituer en échange, par exemple, de nourriture, de protection, ou de la possibilité d'entrer dans un pays ou une région, ou d'en sortir. Les victimes de ces violations subiront des souffrances physiques et/ou mentales, et risquent en outre la contamination par le VIH/SIDA. Dans les situations de conflit armé intérieur, l'article 4(2)(e) du Protocole II interdit "le viol, la contrainte à la prostitution et tout attentat à la pudeur". Des dispositions similaires figurent à l'article 76(1) du Protocole I pour les situations de conflit armé international.

 

140. Dans nombre de cas, les femmes rapatriées n'ont pas le même accès que les hommes à des documents d'identité personnels ni aux procédures d'enregistrement. L'absence de documents d'identité peut par exemple rendre impossible pour les femmes de voyager ou d'avoir accès à de la nourriture ou à la propriété sans le consentement d'un époux ou autre parent mâle. Le HCR fait notamment des efforts particuliers pour s'assurer que les femmes puissent acquérir un statut juridique indépendant.

 

141. L'article 11 de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes garantit aux femmes un droit égal à celui des hommes vis-à-vis de l'emploi. Ces droits égaux comprennent les mêmes possibilités d'emploi, l'égalité de rémunération, et l'égalité de traitement pour un travail d'égale valeur.

 

142. L'article 15 de cette même Convention prévoit que les femmes sont égales aux hommes devant la loi et que, notamment, il doit leur être accordé "des droits égaux en ce qui concerne la conclusion de contrats et l'administration des biens [...]". L'article 16(1)(h) insiste sur l'égalité de droits des époux pour posséder, acquérir, gérer, administrer des biens, et pour en jouir et en disposer. Les femmes rapatriées et PDI sont souvent confrontées à des problèmes d'héritage de biens. Au cours du déplacement, surtout en situation de conflit armé, bien des gens peuvent mourir. Lorsqu'une femme perd son époux, elle risque par la suite, à son retour, de ne pouvoir hériter des biens familiaux qui étaient enregistrés au nom de l'époux.

 

2. Les enfants (7)

 

143. Au sein des populations rapatriées, on rencontre souvent des mineurs non accompagnés en grand nombre. Ces enfants peuvent avoir été séparés de leurs parents au moment de quitter leur lieu de résidence, ou pendant le retour. Dans bien des cas, leurs parents auront été tués. Pendant leur retour, les mineurs non accompagnés ont fréquemment un accès très limité à l'aide alimentaire. L'épuisement et la malnutrition, s'ajoutant à leur jeune âge, peuvent rendre les enfants, qu'ils soient ou non accompagnés, particulièrement vulnérables aux maladies comme le choléra ou la malaria. Dans de nombreux pays, les jeunes garçons sont victimes de l'enrôlement par des groupes armés, et forcés de prendre part aux hostilités; les enfants non accompagnés sont particulièrement exposés à cette violation de leurs droits.

 

144. Ceux des enfants qui réussissent à regagner leur région d'origine peuvent ne pas avoir de domicile repérable; ils ont souvent manqué plusieurs années d'éducation, ce qui réduit énormément leurs possibilités d'emploi dans l'avenir..

 

145. Les enfants rapatriés peuvent être confinés dans des camps ou autres lieux par les autorités locales. L'article 37(c) de la Convention relative aux droits de l'enfant exige que : "Tout enfant privé de liberté soit traité avec humanité et avec le respect dû à la dignité de la personne humaine, et d'une manière tenant compte des besoins des personnes de son âge."

 

146. Il est garanti aux enfants un droit spécifique à l'unité nationale, qui est d'un intérêt particulier pour les enfants rapatriés. L'article 7 de la Convention relative aux droits de l'enfant reconnaît aux enfants, dans la mesure du possible, le droit de connaître ses parents et d'être élevé par eux. L'article 5 dispose que "Les États parties respectent la responsabilité, le droit et le devoir qu'ont les parents ou, les cas échéant, les membres de la famille élargie ou de la communauté, comme prévu par la coutume locale, les tuteurs ou autres personnes légalement responsables de l'enfant, de donner à celui-ci, d'une manière qui corresponde au développement de ses capacités, l'orientation et les conseils appropriés à l'exercice des droits que lui reconnaît la présente Convention."

 

147. L'article 9 de la Convention porte sur les situations dans lesquelles l'enfant est séparé de ses parents. Cet article dit : "Lorsque la séparation résulte de mesures prises par un État partie, telles que la détention, l'emprisonnement, l'exil, l'expulsion ou la mort [...] des deux parents ou de l'un d'eux, ou de l'enfant, l'État partie donne sur demande aux parents, à l'enfant ou, s'il y a lieu, à un autre membre de la famille les renseignements essentiels sur le lieu où se trouvent le membre ou les membres de la famille, à moins que la divulgation de ces renseignements ne soit préjudiciable au bien-être de l'enfant."

 

148. La Convention fait référence aux conditions de la réunification familiale. L'article 10 établit que les enfants et leurs parents ont le droit de quitter tout pays, y compris le leur, et de revenir dans leur propre pays, en vue de maintenir des contacts entre eux. À l'égard des enfants réfugiés, ou des enfants demandant le statut de réfugié, l'article 22 stipule que "[...] les États parties collaborent, selon qu'ils le jugent nécessaire, à tous les efforts faits par l'Organisation des Nations Unies et les autres organisations intergouvernementales ou non-gouvernementales compétentes collaborant avec l'Organisation des Nations Unies pour protéger et aider les enfants qui se trouvent en pareille situation et pour chercher les père et mère ou autres membres de la famille de tout enfant réfugié en vue d'obtenir les renseignements nécessaires pour le réunir à sa famille."

 

149. L'article 27 de la Convention relative aux droits de l'enfant prévoit que tout enfant a droit "à un niveau de vie suffisant pour permettre son développement physique, mental, spirituel, moral et social". En outre, "Les États parties adoptent les mesures appropriées, compte tenu des conditions nationales et dans la mesure de leurs moyens, pour aider les parents et autres personnes ayant la charge de l'enfant à mettre en œuvre ce droit et offrent, en cas de besoin, une assistance matérielle et des programmes d'appui, notamment en ce qui concerne l'alimentation, le vêtement et le logement." (voir également Chapitre 12 o "Les droits de l'enfant"). 3. Les personnes âgées et les handicapés

 

150. Dans de nombreuses sociétés, les personnes âgées et les handicapés sont pris en charge par leur famille. Dans les situations de déplacement de populations, en revanche, les familles peuvent facilement être séparées; les personnes âgées et les handicapés peuvent se trouver livrés à eux-mêmes. Comme dans le cas des enfants non accompagnés, cette catégorie a un accès limité aux aides alimentaires et autres. Le voyage qu'implique le processus de retour peut être pour eux absolument épuisant. Les handicapés physiques, notamment, seront parfois incapables de marcher sur de longues distances, à supposer qu'ils soient capables de marcher tout court. Les personnes âgées sont particulièrement exposées aux maladies, et les handicapés courent des risques accrus de discriminations et/ou de traitements dégradants fondés sur leur handicap.

 

151. Les HRO devront avoir conscience de la vulnérabilité des personnes âgées due à leur grand âge et à leur isolement vis-à-vis des mécanismes normaux de protection dans la communauté. Les Règles pour l'égalisation des chances des handicapés (8) disposent que les personnes handicapées ont le droit de jouir dans l'absolue mesure du possible des mêmes droits et libertés que les autres êtres humains. Les Règles indiquent : "Le mot "incapacité" recouvre "nombre de limitations fonctionnelles qui peuvent frapper chacun des habitants du globe. L'incapacité peut être d'ordre physique, intellectuel ou sensoriel, ou tenir à un état pathologique ou à une maladie mentale. Ces déficiences, états pathologiques ou maladies peuvent être permanents ou temporaires" (Introduction, article 17).

 

152. L'article 2 du Pacte relatif aux droits économiques, sociaux et culturels interdit toute discrimination fondée sur le handicap. Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a défini cette discrimination comme incluant "toute distinction, exclusion, restriction ou préférence motivée par une invalidité ou la privation d'aménagements adéquats ayant pour effet de réduire à néant ou de restreindre la reconnaissance, la jouissance ou l'exercice des droits économiques, sociaux et culturels" (9).

 

E. MISSIONS DE DROITS DE L'HOMME SUR LE TERRAIN : LA PRÉPARATION DU RETOUR

 

153. L'objectif premier des rapatriés et PDI consiste à mettre fin à leur situation d'éloignement et à reprendre une vie normale. Dans la mesure du possible, la plupart des gens désirent regagner leur région d'origine, retrouver leurs terres, leurs maisons et leurs autres biens. À côté de leur mission générale de monitoring et de protection des droits des rapatriés et PDI au cours du déplacement, évoquée plus haut, les fonctionnaires de l'ONU chargés des droits de l'homme sur le terrain peuvent également jouer un rôle important pour préparer le retour de ces personnes déplacées. Parmi les éléments de cette "préparation", il convient de travailler dans le cadre de la mission sur les droits de l'homme, ainsi qu'avec certains partenaires-clés, pour s'assurer une compréhension approfondie des problèmes que rencontrent les rapatriés en matière de droits de l'homme. D'autres aspects de cette "préparation" vont demander un travail de nature à résoudre quelques-uns des problèmes auxquels les rapatriés et PDI seront confrontés pendant leur retour. Parmi ces activités : aider les autorités à mettre en place un système de restitution des biens et de réparation conforme aux lois nationales et internationales, ou bien former la police locale à la médiation dans les démêlés entre les rapatriés ou PDI, et les autres.

 

154. Les activités auxquelles la mission sur les droits de l'homme pourra s'intéresser dans la préparation d'un retour sont ainsi innombrables. On en trouve un certain nombre dans ce Manuel (la protection des droits humains des détenus, l'administration de la justice, etc.), alors que d'autres sont évoquées dans des textes précis de l'ONU de formation aux droits de l'homme couvrant, par exemple, la promotion des droits de l'homme, les droits de l'homme et l'application de la loi, ou les droits des avocats et juges.

 

155. On attirera ici l'attention sur un petit nombre d'activités qui, en elles-mêmes, sont susceptibles d'aider la mission sur les droits de l'homme à mieux établir sa stratégie et ses approches visant à apporter une assistance plus concrète aux rapatriés et PDI. La mission peut contribuer au retour des rapatriés et PDI de quatre façons : (1) rassembler des informations; (2) travailler dans le cadre d'accords spéciaux; (3) la consultation; (4) les activités de formation/information.

 

1. Rassembler les informations

 

156. La première étape de la préparation consiste à comprendre la situation. On se renseignera sur les rapatriés et PDI, sur la région où ils vont revenir, et sur la situation générale du retour. Ces informations permettront d'établir le profil de la situation de retour.

 

a. Les informations sur les rapatriés et PDI

 

157. Au niveau de la mission, les bureaux de terrain et l'unité des rapatriés au bureau central (s'il en existe une) auront à rassembler des renseignements détaillés sur les rapatriés et PDI que l'on s'attend à voir arriver. Qui sont-ils ? Les personnes déplacées sont-elles identifiables à un ou plusieurs groupes (politiques, ethniques, religieux, etc.) ? forment-ils un groupe professionnel ou social particulier (par exemple, des paysans) ? comportent-ils des groupes vulnérables ? y a-t-il des tensions entre les déplacés et tout autre groupe, par exemple dans la région de retour ? quelle est l'histoire des relations entre ces groupes ? quand les rapatriés et PDI sont-ils partis et pourquoi ? dans quel pays ou lieu ont-ils cherché refuge ? quelles étaient là-bas les conditions de vie ? quelles ont été les pressions subies par les rapatriés et PDI du fait de ces conditions ? et notamment, dans quelle mesure ce retour est-il volontaire ? quand le retour est-il attendu ? sur combien de temps va-t-il s'étaler ? combien de personnes sont-elles attendues, et dans quelles régions vont-elles retourner ?

 

158. Ces informations seront réunies soit à travers des contacts avec les rapatriés et PDI déjà de retour, soit à travers des contacts avec des personnes déplacées dans des camps de réfugiés ou PDI (voir Chapitre 10 "Monitoring et protection des droits de l'homme des réfugiés et/ou des personnes déplacées à l'intérieur de leur propre pays vivant dans des camps"). On leur demandera leur avis à propos du retour : quels sont leurs espoirs ? quelles sont leurs craintes ? On prêtera attention aux questions comme la sécurité personnelle, les relations avec les autorités locales, le logement et l'emploi. Il est essentiel que toute enquête de cette nature soit conduite parmi les femmes rapatriées et PDI autant que parmi les hommes. Les femmes auront peut-être des priorités très différentes; , en tant que groupe vulnérable, leurs droits risquent d'être les plus compromis.

 

b. Les informations sur la région de retour

 

159. Dans la région vers laquelle se dirigent les rapatriés et PDI, les bureaux régionaux auront à se renseigner sur les conditions de logement et d'emploi que les rapatriés et PDI vont sans doute y trouver. Les HRO pourront prendre contact avec des membres de la population locale de façon à se faire une idée des sentiments concernant l'arrivée des rapatriés et PDI. Cette population, quels sont ses espoirs et ses craintes à propos de ce retour ? Comment ces gens qui vivent dans la communauté vont-ils recevoir les rapatriés et PDI ? Certains groupes vont-ils s'opposer à ce retour, ou chercher à violer les droits humains des rapatriés et PDI ? Quels sont les principaux problèmes qui se poseraient si les personnes déplacées devaient rentrer aujourd'hui ? Quelles seraient leurs conditions d'accueil, du point de vue des droits de l'homme ? Pourrait-il par exemple se produire une crise de logement, qui conduirait ensuite à des démêlés de propriété puis à des abus des droits de l'homme ? Peut-on prévoir des arrestations de rapatriés et PDI en raison de leur conduite alléguée avant leur départ ? Ayant pronostiqué ce type de problèmes, les HRO y seront bien mieux préparés, par exemple en évoquant ces sujets avec les autorités locales.

 

c. Établir un profil

 

160. Disposant des informations sus-mentionnées, la mission sur les droits de l'homme sera en mesure d'établir un profil des rapatriés et PDI ainsi que des conditions de leur retour. Ce profil contribuera à préparer le retour et à mettre en évidence les problèmes potentiels, de manière à y faire face dès que possible. Les profils seront mis à jour régulièrement et, si nécessaire, pourront être spécifiques aux régions précises de retour couvertes par la mission.

 

2. Travailler dans le cadre d'accords spéciaux

 

161. La mission de terrain se tiendra informée de la teneur de tout accord spécial qu'auront pu signer les autorités nationales et locales à l'égard des rapatriés et PDI. Ces accords peuvent contribuer à renforcer la protection des droits des rapatriés en apportant des garanties spécifiques de la part des autorités nationales ou locales quant à la manière dont elles entendent traiter les rapatriés et PDI. Le HCR a notamment pour pratique de signer des accords-cadres avec les autorités nationales. À l'occasion, le HCR est également signataire d'accords tripartites avec le pays d'accueil et le pays d'origine. Il peut s'avérer important pour la mission de s'assurer que ses travaux respectent ces accords, et s'insèrent dans leur contexte.

 

3. Consultations avec le gouvernement, le HCR, et autres

 

162. Il est extrêmement important que, tant au niveau national que local, la mission sur les droits de l'homme étudie les problèmes potentiels avec le gouvernement, le HCR, les autres organisations internationales, les organisations non-gouvernementales, et tout groupe qui se trouvera finalement impliqué dans le retour de personnes déplacées. En fait, la mission de l'ONU sur le terrain devra envisager de passer un accord entre les diverses institutions se partageant les responsabilités. Plusieurs accords de ce type ont été élaborés par la mission d'observation des Nations Unies sur les droits de l'homme au Rwanda et le HCR sur divers aspects du retour. L'accord de base se trouve en Annexe 1 et peut servir de modèle en la matière.

 

163. Les bureaux de terrain devront informer les autorités locales et les autres organisations du mandat de la mission concernant les personnes déplacées. Ils devront également consulter les autorités locales et autres groupes quant aux préparatifs du retour. Il est essentiel que les autorités soient impliquées dans la prise des décisions concernant le retour des personnes déplacées.

 

164. Les bureaux régionaux auront peut-être aussi à soulever auprès des autorités compétentes les problèmes potentiels, comme le logement, les possibilités d'emplois rémunérés, ou l'impartialité du système judiciaire. Il vaut bien mieux évoquer les questions sensibles avant qu'elles ne se posent concrètement. De telles consultations comporteront un échange d'informations. La mission déploiera tous ses efforts pour aider les autorités dans leur tâche, aussi bien que pour observer la façon dont elles s'en acquittent.

 

4. Autres activités préparatoires au retour

 

165. Dans le cadre de la préparation de l'arrivée des rapatriés et PDI, la mission sur les droits de l'homme aura à exercer différentes activités, en fonction de son mandat particulier.

 

166. Ces activités pourront concerner des questions précises, telles que la formation des forces de sécurité locales en matière de droits de l'homme, ou bien plus larges, comme les tensions entre le groupe des rapatriés et la population locale. Par exemple, les fonctionnaires de terrain verront peut-être la police locale avoir tendance à frapper les foules de rapatriés et PDI au cours des distributions alimentaires, ou constater une hostilité de la part de la population locale envers les rapatriés et PDI à mesure qu'ils rentrent chez eux. Pour traiter ces problèmes, on peut organiser des formations aux droits de l'homme et des actions d'information. On peut ainsi former les fonctionnaires de police aux principes et techniques des droits de l'homme dans l'encadrement des foules de civils. On peut organiser des réunions et des discussions avec la population locale pour la sensibiliser aux besoins des rapatriés et PDI; on peut aussi tenter d'informer la population locale quant aux droits des divers groupes (par exemple les minorités ethniques, religieuses ou politiques).

 

167. Il est important que les groupes cibles soient étroitement impliqués dans l'élaboration de toute formation ou de tout autre programme d'information.

 

F. MISSIONS DE DROITS DE L'HOMME SUR LE TERRAIN : LES ACTIVITÉS PENDANT LE RETOUR DES PERSONNES DÉPLACÉES

 

168. Cette section considère le rôle que peut jouer la mission de l'ONU sur les droits de l'homme pendant le voyage de retour des rapatriés et PDI vers leurs régions et communautés d'origine. Le processus du "retour" peut se dérouler de manières très diverses et dans des conditions très variables, ces facteurs étant tous deux déterminants pour le respect des droits de l'homme. Le rôle des HRO se définira en fonction de ces critères et, comme on l'a vu en introduction à ce chapitre, en fonction des mandat et ressources de la mission et des autres organisations.

 

1. Le droit au retour, le non-refoulement, et le retour volontaire

 

169. Les réfugiés ont juridiquement le droit de regagner leur pays s'ils le souhaitent. Ils bénéficient également d'une protection juridique qui empêche les États de les forcer au retour. En dehors du respect ou de la violation de ces dispositions légales, le fait que le retour soit volontaire ou non peut avoir un effet considérable sur la façon dont les rapatriés et PDI vont être accueillis. Les personnes forcées de regagner leur pays peuvent avoir à le faire alors que la sécurité y est instable, ou alors que la nourriture disponible dans leur région d'origine ne suffit pas pour eux. Ces facteurs accroissent le risque de perte de la vie, de blessures, ou de maladies, parmi les rapatriés et PDI. La nature des risques spécifiquement encourus par ces rapatriés et PDI affecte inévitablement l'orientation de la mission dans ses efforts d'assistance.

 

a. Le "droit au retour" dans le droit international des droits de l'homme

 

170. L'article 13(2) de la Déclaration universelle des droits de l'homme, l'article 12(4) du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, le Quatrième protocole à la Convention européenne des droits de l'homme, l'article 22(5) de la Convention américaine relative aux droits de l'homme, et l'article 12(2) de la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples reconnaissent tous le droit de toute personne à revenir dans son pays. C'est ainsi que l'article 12(4) du Pacte international relatif aux droits civils et politiques énonce : "Nul ne peut être arbitrairement privé du droit d'entrer dans son propre pays."

 

171. De façon semblable, l'article 13(1) de la Déclaration universelle des droits de l'homme, l'article 12(1) du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, l'article 2(1) du Quatrième protocole à la Convention européenne des droits de l'homme, l'article 22(1) de la Convention américaine relative aux droits de l'homme, et l'article 12(1) de la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples garantissent la liberté de circulation à l'intérieur d'un État, ce qui s'appliquerait au droit des personnes déplacées à l'intérieur de leur propre pays de regagner leur lieu de résidence. Par exemple, l'article 12(1) du Pacte international relatif aux droits civils et politiques dit : "Quiconque se trouve légalement sur le territoire d'un État a le droit d'y circuler librement et d'y choisir librement sa résidence."

 

b. Le non-refoulement et le "retour volontaire"

 

172. L'un des préceptes fondamentaux du droit international des réfugiés est celui du non-refoulement. L'article 33(1) de la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés (10) dispose : "Aucun des États contractants n'expulsera ou ne refoulera, de quelque manière que ce soit, un réfugié sur les frontières des territoires où sa vie ou sa liberté serait menacée en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques."

 

173. Cette disposition établit le principe du rapatriement volontaire. En effet, en conséquence directe de cet article, les réfugiés ne rentreront en principe dans leur pays que s'ils désirent le faire. Pour que la décision du retour soit entièrement volontaire, il est nécessaire que les réfugié(e)s possèdent une information complète et à jour à propos de la situation de leur pays et de leur région d'origine. Ces informations permettront aux réfugiés de prendre une décision en connaissance de cause. D'autres facteurs sont également importants dans cette prise de décision, comme le transport et la réinstallation, et le HCR, notamment, facilitera souvent le rapatriement en proposant diverses formes d'assistance.

 

174. La Convention et le Protocole relatifs au statut des réfugiés ne s'appliquent pas aux PDI. En revanche, le droit à la liberté de circulation s'applique à toute personne à l'intérieur de son propre pays, ce qui implique que les PDI ont le même droit de regagner volontairement leur lieu de résidence (voir les paragraphes 20-21 et l'article 12 du Pacte relatif aux droits civils et politiques).

 

175. Dans la plupart des cas, ce sont les personnes déplacées et les réfugiés qui, étant pleinement informés de la situation, sont le mieux placés pour décider eux-mêmes s'il est sûr et opportun de regagner leur lieu de résidence. Savoir si le retour est volontaire sera essentiel pour le HRO quant aux menaces encourues par les rapatriés et PDI.

 

2. Divers types de retour

 

176. En dépit des garanties juridiques internationales couvrant le retour volontaire et la liberté de circulation à l'intérieur de son pays, le principe du rapatriement volontaire n'est pas toujours entièrement respecté. Il arrive que, malgré les efforts du HCR, certains pays d'asile violent le principe de non-refoulement, et obligent les réfugiés présents sur leur territoire à regagner leur pays. Et parfois, des groupes de réfugiés vont regagner leur pays parce que leur lieu d'asile est devenu plus dangereux que les risques qu'ils courent chez eux.

 

177. On observe divers types de retour, souvent lié à son caractère volontaire. Ce caractère aura habituellement des effets sur la manière dont se déroulera le rapatriement et, par conséquent, sur la mission de droits de l'homme.

 

178. Le processus de retour volontaire se caractérise par sa préparation et par la nature relativement organisée du retour. On a en général le temps de prévoir des transports adéquats, et les autres services nécessaires. Le nombre et, souvent, les noms des rapatriés et PDI sont connus avec précision, ce qui permet de conserver aisément la trace des personnes et des familles.

 

179. Si le principe du retour volontaire n'est pas respecté, alors les personnes déplacées peuvent être forcées au retour. On peut également rencontrer des situations où des réfugiés ou personnes déplacées s'engagent dans un retour spontané. De tels retours se font souvent dans le plus grand désordre; ils peuvent mettre en jeu de grands nombres de personnes. Il pourra y avoir un manque de moyens de transport, de produits alimentaires, et de soins médicaux. Notamment, les retours forcés massifs sont susceptibles de provoquer d'immenses souffrances, voire le décès, pour de nombreux rapatriés et PDI, et tout particulièrement pour les groupes vulnérables au sein de la communauté rapatriée (voir la section D "Les groupes vulnérables"). Les caractères du retour, dans son déroulement, vont influencer le rôle que la mission aura à jouer à ce moment. Il est par exemple moins probable que des abus des droits de l'homme se produisent au cours d'un retour ordonné et volontaire.

 

3. La situation dans le pays ou la région où intervient le retour

 

180. La situation politique régnant dans le pays ou la région que vont regagner ces populations aura elle aussi un effet très marqué sur les conditions et la réussite du retour. Les personnes retournant dans un pays où se déroule un conflit armé ont bien moins de chances de pouvoir s'y installer durablement, dans la sécurité et la dignité, par exemple, que celles retrouvant une situation de paix et encadrées par une politique d'établissement.

 

4. Les activités visant le voyage de retour

 

181. Au cours du voyage de retour, les bureaux de terrain devront en général surveiller l'état des droits de l'homme dans ce mouvement de personnes déplacées.

 

182. Les activités de monitoring comprendront :

 

a. La présence aux frontières et aux autres points de contrôle

 

 

b. Entretenir des contacts permanents avec les autorités

 

 

c. La coordination avec le travail potentiel des organisations partenaires en matière de droits de l'homme

 

 

G. LA MISSION DE DROITS DE L'HOMME : ACTIVITÉS APRÈS LE RETOUR

 

183. À la suite du retour des rapatriés et PDI dans leurs communautés, les HRO peuvent encore jouer un rôle important par le monitoring de leur réinsertion. Dans de nombreuses situations, les réfugiés et PDI sont à considérer comme un groupe vulnérable qui doit être surveillé de plus près que d'autres catégories de la population. En outre, les rapatriés et PDI échappent fréquemment au spectre des mécanismes de protection qui contribuent à préserver les droits de la personne dans la communauté.

 

184. L'objectif du HRO dans le monitoring des rapatriés et PDI après leur retour dans leur région de résidence consiste à assurer que leurs droits humains ne soient pas violés au cours de cette période transitoire où leur statut passe de celui qui est le leur à celui de membres de la communauté. Tout problème que le monitoring aura permis de repérer pourra être communiqué aux autorités locales, à d'autres organisations, ou traité d'une autre manière par le bureau local des droits de l'homme. Lorsque le rapatrié ou PDI aura "réintégré" sa communauté, il ne sera plus considéré comme faisant partie d'un groupe à risques et n'aura plus besoin d'un monitoring particulier.

 

185. Cependant, le monitoring de la réinsertion est difficile à définir. Que signifie exactement la réinsertion, dans ce contexte ? Comment peut-on établir qu'un rapatrié ou PDI s'est "réintégré" dans sa communauté ? Comment le HRO va-t-il conduire le monitoring de la réinsertion ? Quand pourra-t-on dire que le rapatrié ou PDI aura cessé d'être "un rapatrié ou PDI" ?

 

1. Le monitoring des mécanismes contribuant à la protection des rapatriés et PDI

 

186. Toute communauté comporte un certain nombre de "mécanismes de sauvegarde". Ce sont là les éléments dans l'environnement de la personne qui lui procurent un sentiment de sécurité et contribuent à sa protection réelle. Les rapatriés et PDI, bien souvent, n'ont pas accès aux mécanismes de sauvegarde de la communauté. Il est donc important pour le monitoring des rapatriés et PDI d'évaluer les mécanismes de sauvegarde existants, et de vérifier dans quelle mesure les rapatriés et PDI en bénéficient. D'un certain point de vue, ces informations constituent un autre indicateur de la réinsertion des rapatriés et PDI. Quelques-uns de ces mécanismes de sauvegarde sont décrits ci-après :

 

187. Les HRO ne se contenteront pas de vérifier l'efficacité des divers mécanismes de sauvegarde : ils seront également attentifs aux possibilités d'améliorer le fonctionnement de ces mécanismes par la formation des fonctionnaires, l'assistance au système judiciaire, etc.

 

2. Le monitoring de la réinsertion

 

188. La "réinsertion" n'est pas une notion facile à quantifier. Les HRO pourront se simplifier la tâche en adoptant quelques "indicateurs" de réinsertion :

 

 

3. Tout monitoring efficace requiert des contacts réguliers avec des sources au sein de la communauté

 

189. Puisque les HRO auront établi des contacts au début du processus de retour des rapatriés ou PDI, ils les entretiendront, que ce soit avec les autorités, les journalistes, ou les enseignants, etc. Ils pourront en obtenir des renseignements précieux pour la réinsertion des rapatriés et PDI dans la communauté.

 

4. Agir

 

190. En fonction du mandat de la mission,il sera peut-être possible aux HRO d'agir en vue de traiter les problèmes identifiés grâce au monitoring. Ils pourront se référer aux informations fournies dans ce chapitre à propos des droits des rapatriés, et porter les problèmes soulevés à l'attention des autorités.

 

191. Par exemple, le monitoring aura pu révéler qu'un groupe de rapatriés ou PDI se sera vu refuser l'accès à leurs domiciles ou à leurs terres. Les HRO prendront alors contact avec les autorités compétentes afin d'expliquer à la fois l'intérêt, mais aussi le droit, de voir les rapatriés et PDI retrouver les propriétés qui sont les leurs. De façon analogue, dans les cas où des rapatriés et PDI sont victimes d'arrestations arbitraires, les HRO pourront peut-être leur rendre visite sur leur lieu de détention, puis négocier leur libération (voir Chapitre 9 "Les visites aux personnes détenues").

 

192. Les HRO seront peut-être en mesure de servir de médiateurs sur des questions particulières entre les rapatriés et PDI d'une part, et les autorités de l'autre. Mais il est essentiel que les HRO restent neutres à propos de possibles revendications ou droits. Pour la mission, il sera important d'élaborer des directives claires concernant les principaux problèmes susceptibles d'être mis au jour grâce au monitoring. Les exemples ci-dessus devraient permettre aux HRO de connaître précisément leur rôle éventuel, mais les fondements de ce rôle seront toujours établis en concertation avec les autorités locales et nationales (voir Chapitre 21 : "Conciliation et médiation sur le terrain").

 

5. Quand le rapatrié ou PDI cesse-t-il de faire l'objet d'un monitoring particulier ?

 

193. Comme on l'a montré plus haut, les HRO veillent sur les nouveaux rapatriés et PDI en raison de leur catégorisation à "hauts risques". Mais le monitoring des rapatriés et PDI ne peut se poursuivre indéfiniment. Dès lors, quand les rapatriés et PDI cessent-ils de constituer une "catégorie à hauts risques" ? Quand ne sont-ils plus des "rapatriés et PDI" pour devenir de simples membres de la population locale ? Si la question est importante, c'est qu'elle indique qu'il existe un point où les HRO doivent interrompre le monitoring de tous les groupes de rapatriés et PDI.

 

194. Il est vrai que la réponse claire et précise à la question : "quand le rapatrié cesse-t-il d'être un rapatrié ?" n'est guère aisée. On proposera à cette fin deux lignes de conduite : l'une a trait à la situation du rapatrié, et la seconde à la durée. Les deux s'emploieront ensemble.

 

a. La situation

 

195. Le rapatrié ou PDI cesse n'est plus un "returnee" dès lors qu'il ou elle fait partie de la communauté, et ne se distingue plus de cette communauté en raison quelconque de son ancienne situation de réfugié(e) ou de personne déplacée. On peut trouver un indicateur dans le fait que des organisations humanitaires distribuent encore, ou non, une aide alimentaire à la personne - même si ces distributions prennent parfois fin pour de simples raisons budgétaires. Autre indicateur, le rapatrié ou PDI est-il victime d'une quelconque discrimination en raison de son ancienne situation de réfugié ? Les domaines de discrimination sont décrits plus haut, les plus communs d'entre eux étant le logement, les terres, l'emploi, etc.

 

b. La durée

 

196. Parallèlement à la situation du rapatrié ou PDI, le HRO prendra également en compte la durée écoulé. Après un certain temps, six mois par exemple, les HRO devront accorder une attention prioritaire aux nouveaux rapatriés et PDI. Ce laps de temps suivant le retour sera établi en fonction de l'expérience acquise par la mission, de manière à couvrir la période au cours de laquelle les violations de droits de l'homme prévisibles seraient motivées par le fait que leurs victimes soient des rapatriés ou PDI. Mais établir précisément une telle borne peut s'avérer très difficile : dans certains pays, les rapatriés et PDI seront sujets à des risques de violations de leurs droits humains deux ans ou davantage après avoir regagné leurs foyers. Toute limitation dans le temps sera donc envisagée avec prudence.

 

H. LA MISSION DE DROITS DE L'HOMME : STRUCTURES POUR TRAVAILLER AVEC LES RAPATRIÉS ET PDI

 

197. Si la protection des rapatriés et PDI doit constituer une question importante dans le pays de mission, il sera tout aussi important de consacrer toute l'attention requise à créer au sein de la mission une structure apte à gérer ces questions. Celle-ci dépendra en dernière analyse de la situation des rapatriés et PDI dans la région, comme du mandat de la mission. On en trouvera ci-dessous quelques lignes directrices.

 

1. L'unité (ou personne) chargée des rapatriés et PDI

 

198. La mission pourra aussi bien juger préférable d'établir une unité spécialisée pour les rapatriés et PDI que de désigner une personne en son sein comme référence en la matière. Sous la direction du chef de mission, cette unité ou cette personne pourront se voir confier la responsabilité d'élaborer la politique envers les questions concernant les rapatriés et PDI, et de concevoir et mettre en œuvre un plan d'action les concernant.

 

199. Cette unité, ou cette personne, seraient alors également chargés d'établir des contacts avec les autres organisations internationales compétentes ainsi qu'avec les autorités nationales. Elles définiront les "profils nationaux" de la situation des rapatriés et PDI, et auront à coordonner les travaux des bureaux de terrain à cet égard.

 

200. Quelle que soit la structure chargée des rapatriés et PDI au sein de la mission, il sera pour elle fondamental d'identifier les principaux problèmes que les HRO auront sans doute à se heurter dans le monitoring de la situation, du retour et de la réinsertion des personnes déplacées. Il est par exemple possible que les informations dont dispose l'unité fassent soupçonner des risques particuliers : violations du droit à la libre circulation au cours du trajet; de celui de retrouver leur domicile et leurs autres biens; de celui de libre réunion; ou de celui à la liberté.

 

201. L'unité aura en charge l'élaboration de la politique de la mission concernant chacune de ces violations des droits de l'homme. Les HRO seront informés de la façon de repérer chacune de ces violations, et de ce qu'ils ou elles pourront faire pour résoudre le problème, en fonction du mandat ou de tout accord passé avec les autorités nationales. Il deviendra ainsi possible aux HRO d'évoquer ces problèmes auprès des autorités locales et nationales avant qu'ils ne se produisent, et de les traiter avec un maximum d'efficacité.

 

202. L'unité chargée des rapatriés et PDI portera une attention particulière aux besoins des groupes vulnérables comme les femmes et les enfants, appartenant à la population des rapatriés et PDI. Les HRO devront connaître les droits de ces groupes vulnérables, et savoir comment protéger ces droits. Dans bien des cas, d'autres organisations internationales seront elles aussi impliquées spécifiquement auprès de certains de ces groupes. L'unité devra alors veiller à coordonner l'ouvrage de la mission avec ces organisations vis-à-vis des groupes vulnérables.

 

203. On l'a mentionné plus haut, une grande part du monitoring des rapatriés et PDI consistera à enregistrer et à traiter des cas de violations des droits de l'homme. À cet égard, les tâches de l'unité chargée des rapatriés et PDI risquent de recouvrir au moins partiellement celles d'unités de monitoring ou autres au sein de la mission. Il est donc important que soient clairement définies les missions imparties à chaque unité, et que soient efficaces les voies de communication entre chaque unité, comme entre ces unités et le siège local.

 

2. Les sièges locaux et leur personnel

 

204. À mesure que parviendront des renseignements concernant l'évolution de la situation de rapatriés ou PDI, la mission de droits de l'homme pourra juger indiqué d'ouvrir des bureaux locaux dans les régions vers lesquelles on peut s'attendre au retour de personnes déplacées - à supposer que cette mesure n'ait pas déjà été prise.

 

205. Chaque bureau local comportera au moins un membre du personnel ayant le titre de chargé des rapatriés et PDI. Cette personne, en contact permanent avec l'unité des rapatriés et PDI au siège central, sera responsable des relations avec les principales autorités et avec les organisations internationales concernées par les rapatriés et PDI dans la zone. Ce fonctionnaire aura également pour charge de faire en sorte que les autres membres du personnel de son Bureau soient informés des décisions politiques prises par l'unité des rapatriés et PDI.

 

206. Tout bureau local établira un "profil régional" concernant la situation des rapatriés et PDI dans la région, et rédigera des rapports périodiques sur l'évolution de cette situation - éventuellement dans le cadre des rapports périodiques du Bureau. Ces rapports sur l'évolution de la situation seront diffusés au sein de la mission, puisque tout changement majeur dans une région est susceptible de provoquer des modifications importantes dans le travail d'autres bureaux locaux.

 

3. Les préparatifs logistiques

 

207. Un certain nombre de questions logistiques ou concernant les ressources nécessaires doivent être préparées à l'avance. En fonction des dimensions de la mission, et du rôle particulier qu'elle aura à jouer vis-à-vis des rapatriés et PDI, le chef de mission pourra décider d'accroître le nombre des HRO de la mission afin de couvrir la période du retour. Le monitoring des rapatriés et PDI est très exigeant en termes de travail, et plus le nombre de fonctionnaires présents sur le terrain sera élevé, plus le monitoring sera efficace.

 

208. Certaines situations peuvent imposer de "redéployer" le personnel de la mission vers les zones où il est le plus nécessaire. Tout déplacement de personnel d'un bureau local à un autre doit être planifié aussi longtemps à l'avance que possible, afin d'éviter d'interrompre les travaux en cours.

 

209. Le redéploiement de personnels et l'arrivée de nouveaux membres n'auront d'efficacité que s'ils disposent de véhicules et de radios, si nécessaire. Dans certains lieux, il peut être difficile de s'en procurer , et leur achat devra être prévu bien à l'avance.

 

4. La coordination et la collaboration avec d'autres organisations

 

210. Tous les efforts doivent être entrepris pour coordonner les efforts des bureaux locaux de droits de l'homme avec ceux des autres organisations travaillant elles aussi auprès des rapatriés et PDI, afin d'éviter les doubles emplois ou les contradictions. Ce principe revêt une importance particulière concernant le monitoring du retour lui-même, période qui est souvent celle où les populations déplacées sont exposées aux risques les plus grands.

 

211. Lorsque surviennent des problèmes majeurs au cours du processus de retour, il est très important que la réaction des principales organisations internationale se déroule en coordination et en collaboration. Par exemple, en cas de violations graves des droits de l'homme commises par les autorités locales à l'encontre de rapatriés ou PDI, ces organisations internationales devront chercher à adopter une position commune. Et cette consultation entre organisations devra intervenir tant au niveau des bureaux centraux qu'à celui des bureaux locaux. Le Chapitre 7 "Se procurer l'information" comporte des conseils quant aux organisations avec lesquelles les bureaux locaux auront à établir des contacts.

 

212. On trouvera ci-dessous de brèves directives concernant le type d'informations à échanger et la manière d'attribuer les diverses responsabilités.

 

a. Le partage de l'information

 

213. Les principales informations d'intérêt porteront sur les détails objectifs concernant la population des rapatriés et PDI : notamment, les raisons du retour, son caractère volontaire, le nombre de personnes attendues, le lieu et la date de leur arrivée, le trajet de leur voyage et les moyens de transport employés, la présence de groupes vulnérables (femmes, enfants, etc.), ainsi que le nombre et le type de violations constatées. Certaines organisations comme le CICR pourront cependant être dans l'impossibilité de fournir certaines informations, en raison des règles de confidentialité régissant leur mandat.

 

214. Il sera peut-être utile de concevoir des formulaires uniques de rapports susceptibles de servir à toutes les principales organisations impliquées dans le monitoring d'un retour à grande échelle. Cette approche commune facilitera l'échange d'informations. Si l'on emploie des moyens de communication hertziens, un canal radio commun sera désigné, ainsi que des fonctionnaires chargés de maintenir le contact avec les organisations partenaires.

 

b. Décider qui fait quoi

 

215. Il existe un risque de chevauchement entre les mandats respectifs de la mission et des autres organisations. Il est donc important que telle ou telle tâche soit attribuée à telle ou telle organisation.

 

216. Pour décider des tâches qui seront accomplies par chaque organisation, il importe de tenir compte de facteurs tels que leurs ressources (en termes de personnel et de moyens de transport et de communication), leur accès aux diverses parties de la région concernée (puisque le monitoring des rapatriés et PDI peut impliquer de franchir des frontières internationales, de se rendre dans des zones militarisées à accès restreint, de pénétrer dans des centres de détention, etc.), et leurs spécialités (juridique, médicale, logistique, etc.).

 

c. Mettre en place des structures conjointes

 

217. En vue de faciliter la communication, il sera souvent utile à la mission de mettre en place ou de participer à des structures réunissant toutes les principales organisations travaillant auprès des rapatriés et PDI. Ces structures pourront rassembler un représentant de chaque organisation au niveau national et, si possible, au niveau des bureaux locaux. Les réunions seront fixées à intervalles réguliers.

 

I. CONCLUSIONS

 

218. On peut souligner en conclusion que toutes ces différentes étapes au cours desquelles les HRO vont agir pour protéger les droits des rapatriés et PDI (monitoring et protection dans la période d'éloignement, préparation au retour, monitoring du retour, et monitoring de la période suivant le retour et pendant la réinsertion) seront sans doute concurrentes. Il se peut que diverses populations se trouvent, simultanément, à chacune de ces étapes.

 

219. L'objectif de la communauté internationale a consisté dans le passé, en relation aux réfugiés et, par extension, aux "returnees", à rechercher l'une de trois solutions durables : l'intégration définitive au pays d'accueil; la réinstallation définitive dans un pays tiers; ou le rapatriement volontaire. Cependant, lorsque sont en jeu des populations de réfugiés en grand nombre, l'unique option réaliste réside dans le retour à terme des personnes déplacées dans leurs pays et communautés d'origine.

 

220. Les efforts internationaux en faveur des réfugiés ont par conséquent avant tout porté, de façon croissante, sur la réinsertion dans le pays d'origine. Cette tendance a eu ceci de positif qu'elle a conduit la communauté internationale à prêter davantage attention aux causes initiales du déplacement, et notamment à s'assurer que le respect des droits de l'homme dans leur pays d'origine soit de nature à permettre le retour des réfugiés. De plus, l'accent mis sur le rapatriement et les droits de l'homme dans ces pays d'origine a permis d'attirer l'attention sur la situation des droits des PDI, souvent identique à celle des réfugiés originaires du même pays. Les missions de droits de l'homme de l'ONU, en collaboration avec l'œuvre accomplie par les organisations humanitaires, ont un rôle essentiel à jouer face aux problèmes de droits de l'homme affrontés par les rapatriés et PDI.

 

 

 

___________________

1. On ne trouvera pas ici l'intégralité des références juridiques, qui figurent de façon plus détaillée et plus complète dans le rapport du Représentant spécial chargé de la question des personnes déplacées à l'intérieur de leur propre pays, UN Doc. E/CN.4/1996/52 (1996). Cette partie du Manuel s'appuie aussi énormément sur l'ouvrage du HCR : Handbook, Voluntary Repatriation : International Protection (1996).

2. Rapport du Représentant du Secrétaire général, M. Francis M. Deng, soumis à la Commission des droits de l'homme, UN Doc. E/CN.4/1996/52.

3. Adoptée par l'Assemblée générale de l'ONU dans sa résolution 47/133 du 18 décembre 1992.

4. Adoptés en 1993 par la Conférence mondiale des droits de l'homme.

5. Convention des Nations Unies sur l'interdiction ou la limitation de l'emploi de certaines armes classiques.

6. Adoptée par L'Assemblée générale de l'ONU dans sa résolution 39/46 du 10 décembre 1984.

7. On trouvera des informations plus détaillées sur les droits spécifiques des enfants au Chapitre 12 - "Les droits de l'enfant".

8. Adoptées par l'Assemblée générale dans sa résolution 48/96 du 20 décembre 1993.

9. Comité des droits économiques, sociaux et culturels, Observation générale No. 5(15), Obligation d'éliminer la discrimination pour raison d'invalidité, Récapitulation des observations générales ou recommandations générales adoptées par les organes créés en vertu d'instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme, UN Doc. HRI/GEN/1/Rev.5 (2001), p. 30.

10. Voir également le Protocole relatif au statut des réfugiés, qui étend la validité de la Convention.

 


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