MANUEL DE FORMATION SUR LA SURVEILLANCE DES DROITS HUMAINS
CHAPITRE X: MONITORING ET PROTECTION DES DROITS DE L'HOMME DES RÉFUGIÉS, ET/OU DES PERSONNES DÉPLACÉS À L'INTERIEUR DE LEUR PROPRE PAYS VIVANT DANS DES CAMPS
MATIÈRES
A. Introduction
1. Quelques Facteurs-clés Déterminants de la Situation des Droits de l'Homme dans les Camps
2. Les Principaux Droits de l'Homme en Danger
3. Vivre dans un Camp de Réfugiés ou de PDI
4. Caractères Particuliers du Monitoring et de la Protection des Droits de l'Homme dans les Camps
C. Rôle, Objectifs et Limites des Missions de Droits de l'Homme à l'égard des Camps de Réfugiés et PDI
1. Traiter la Situation des Réfugiés et PDI en Matière de Droits de l'Homme
D. Les Normes Internationales et la Protection des Réfugiés
2. Détermination du Statut des Réfugiés
3. Le Droit de Demander Asile et le Principe de Non-Refoulement
4. Les Règles Minima pour le Traitement des Réfugiés
5. L'Emploi du Pacte sur les Droits Civils et Politiques dans la Protection des Réfugiés
E. Normes Internationales Relatives aux Personnes Déplacées à l'Interieur de Leur Propre Pays
1. Définition
2. La Protection des Droits de l'Homme en Général et du Droit Humanitaire
3. Les Principes Directeurs Relatifs au Déplacement de Personnes à l'Intérieur de leur Propre Pays
F. La Coordination avec le HCR et les Autres Agences Concernées
G. Collecter des Renseignements de Fond
H. La Visite au Camp : Identifier et Interroger les Personnes
I. Le Monitoring des Conditions Régnant dans le Camp
1. Les Systèmes de Distribution
2. L'Emplacement Matériel et la Nature du Camp
4. Les Groupes Vulnérables et les Problèmes d'Abus Sexuels
J. Conclusion
1. Il existe des situations très diverses mettant en présence des HRO et des PDI. Cependant, on peut distinguer deux situations typiques :
2. Ce chapitre traite du rôle de la mission sur les droits de l'homme dans la protection des droits des réfugiés et PDI vivant dans des camps. Le second grand domaine de la question, concernant d'une part le retour des réfugiés (dénommés "rapatriés", et d'autre part le cas des réfugiés et PDI vivant hors des camps, sera traité au chapitre suivant.
3. Selon le droit international, les situations juridiques des réfugiés et des PDI sont différentes. En particulier, les réfugiés bénéficient de la protection garantie par plusieurs instruments internationaux spécifiques à leur "statut de réfugié", et de l'assistance du Haut-Commissariat aux réfugiés (HCR). N'ayant pas franchi une frontière internationale de leur pays, les PDI ne peuvent pas prétendre à ce régime légal, même si le HCR est parfois mandaté pour leur porter assistance.
4. En revanche, la situation concrète des réfugiés et des PDI habitant des camps est souvent très similaire, et les risques à l'égard de leurs droits humains sont identiques. Les HRO de l'ONU, attachés au monitoring et à la protection des droits des réfugiés et des PDI, feront en général usage des mêmes outils de mandat, et mèneront les mêmes activités, avec les mêmes objectifs, en faveur des deux catégories de population. C'est pour cette raison que le monitoring et la protection des droits humains tant des réfugiés que des PDI vivant dans des camps sont ici considérés ensemble.
B. APERÇU DES DROITS DE L'HOMME CONCERNANT LES RÉFUGIÉS ET LES PERSONNES DÉPLACÉES VIVANT DANS DES CAMPS
5. Par nature, le réfugié ou la PDI qui parvient à un camp est d'emblée quelqu'un dont les droits humains ont déjà été gravement violés. Dans la plupart des cas, le simple fait d'être contraint à quitter son habitation est significatif de telles violations, comme celles du droit à l'intégrité ou de la liberté de choisir son lieu de résidence. Très souvent aussi, les facteurs ayant conduit au déplacement (discrimination, conflit armé, autres formes de violence généralisée, etc.) comportent eux-mêmes des violations des droits de l'homme.
6. Ainsi, dans l'idéal, l'arrivée et l'installation des réfugiés et PDI dans les camps devrait représenter une amélioration par rapport à la situation qu'ils ont fuie. Ces camps devraient apporter une certaine sécurité contre la menace de nouvelles violations des droits de l'homme. Ils devraient également offrir un environnement dans lequel tous les besoins essentiels de la vie (alimentation, eau potable, abri, soins et affection, notamment envers les enfants) sont assurés. Il existe cependant de nombreux facteurs qui déterminent la mesure dans laquelle les camps offrent effectivement un environnement propice au respect des droits de l'homme.
1. Quelques facteurs-clés déterminants de la situation des droits de l'homme dans les camps
7. Parmi ces facteurs figurent ainsi :
Les conditions de la fuite et du déplacement des réfugiés et PDI : lorsque par exemple le déplacement se déroule de façon très rapide et sans organisation, il peut arriver que les populations ne soient pas en mesure d'emporter avec elles le moindre de leurs biens. Elles peuvent ne disposer ni d'aliments, ni d'outils, ni de vêtements de rechange, ni de couvertures, ni d'argent. Dans ces conditions, les populations des camps auront besoin d'une très large assistance si l'on veut que leur vie dans le camp leur apporte le minimum élémentaire en termes de niveau d'existence.
La manière dont le camp a été installé : par exemple, le camp a-t-il été créé selon un plan d'action préétabli détaillé ? ou bien s'est-il monté "spontanément" au fur et à mesure de l'arrivée de réfugiés ou PDI en nombre toujours croissant ? Lorsqu'un camp a été préparé, il sera habituellement mieux équipé pour offrir les divers services nécessaires aux populations déplacées.
L'emplacement géographique est étroitement lié au point précédent. L'emplacement idéal du camp le situera suffisamment loin du théâtre des combats ou autres causes de déplacements, de sorte qu'il mette les réfugiés ou PDI à l'abri de ces événements; suffisamment près des réfugiés ou PDI pour qu'ils puissent l'atteindre en sécurité, en bonne santé, grâce aux moyens de transport disponibles; présentant un accès facile aux sources de nourriture et d'eau potable; offrant un accès facile aux organisations humanitaires; convenant à l'établissement de tentes ou autres logements provisoires; protégé de conditions climatiques extrêmes, inondations, tempêtes, etc. Par exemple, si un camp est situé dans une zone de conflit, les réfugiés et PDI sont vulnérables à toute attaque, que ce soit à l'intérieur du camp ou à l'extérieur, cherchant de la nourriture ou de l'eau.
La gestion et la surveillance du camp : c'est un élément fondamental pour le respect des droits de ses habitants. Lorsqu'un camp se situe de l'autre côté d'une frontière internationale, alors sa population de réfugiés devrait se trouver mieux protégée face aux risques qu'elle encourait dans son propre pays. Il importe toutefois de bien entendre la qualité de la protection des droits offerte par les autorités du pays d'accueil - police et armée notamment. Si le camp est situé dans le pays des personnes déplacées, alors il sera nécessaire d'évaluer quelle protection sera apportée par les autorités nationales, qui peuvent être elles-mêmes à l'origine de la fuite initiale. Enfin, si le camp est confié à la gestion d'organisations internationales comme le HCR, beaucoup va dépendre des ressources dont disposent ces organisations, et de la mesure dans laquelle les autorités locales respectent les mandats qu'elles ont acceptés et l'assistance qu'elles ont proposée.
2. Les principaux droits de l'homme en danger
8. Tous les droits de l'homme, interdépendants, sont égaux. Cependant, dans certaines circonstances, la violation d'un droit particulier peut conduire à toute une série d'autres violations, de sorte qu'il est essentiel de prêter une attention spéciale au monitoring et aux efforts de protection de ces droits primordiaux. En règle générale, et en fonction de la nature spécifique du camp, les droits suivants seront particulièrement sensibles :
Le droit à la liberté de circulation : en dehors de ce droit en lui-même, la liberté d'entrer et de sortir du camp est essentielle pour avoir accès aux champs en culture, aux sources d'eau, à l'emploi salarié, etc.
Les droits relatifs à la restriction de la liberté de circulation : internement ou détention ? Lorsque la liberté de circulation est limitée, par exemple par la police ou l'armée locales, alors le camp peut devenir de fait un lieu d'internement, et ses occupants peuvent en appeler à la protection juridique relative à la détention et/ou à la détention arbitraire, aux conditions de détention, et au traitement des détenus. Dans les situations de conflit armé, certains éléments du droit humanitaire international relatif à la protection des non-belligérants seront aussi de première importance.
Le droit à avoir un nom et une nationalité : il s'agit ici des documents d'identité. Les réfugiés et les PDI sont fréquemment obligés de fuir sans aucun papier d'identité attestant de son nom et de sa nationalité. Or de tels documents peuvent s'avérer extrêmement importants dans le processus de reconnaissance du statut de réfugié, ou dans l'accès aux aides disponibles. Ils peuvent même devenir plus importants encore lors du retour, quand la personne déplacée devra sans doute faire la preuve de son identité pour retourner chez elle.
Les droits économiques, sociaux et culturels : liés à la fois à l'intégrité culturelle et sociale des groupes minoritaires, et au progrès économique des individus, ils sont essentiels dans les situations de déplacement.
L'accès à l'éducation : ce droit est primordial pour tout enfant en situation déplacée. Si l'enfant ne peut par exemple fréquenter l'école primaire pendant cinq années de déplacement, il peut ne jamais plus lui être possible de récupérer ces années perdues. Ces cinq années de déplacement auront donc eu un effet définitif, et sans doute limitant, sur toute la vie d'adulte que connaîtra ensuite l'enfant.
9. Cette liste ne donne qu'une faible indication des droits auxquels les HRO ont à s'attacher. On en trouvera plus loin une autre, plus détaillée, fondée sur les normes internationales, et relative respectivement aux réfugiés et aux PDI.
3. Vivre dans un camp de réfugiés ou de PDI
10. Ces quelques brefs paragraphes sont bien insuffisants pour donner une idée des pressions physiques, émotionnelles et psychologiques que subissent les réfugiés et les personnes déplacées vivant dans des camps. Il sera sans doute difficile d'établir un lien entre une pression déterminée et la violation d'un droit humain spécifique; cependant, vivre dans un camp peut impliquer un environnement dur, de nature à mettre en cause le respect des droits individuels et collectifs. Les HRO s'efforceront de comprendre la réalité de cette vie de camp, quelle que soit la région du monde où ils travaillent, et de relier cette réalité à leur analyse de la situation des droits de l'homme et à la façon d'y réagir.
11. Dans la plupart des camps de réfugiés et de PDI, chaque personne voit sa vie comme mise entre parenthèses pour la durée de son séjour. Il lui est pratiquement impossible de faire aucun projet, puisqu'elle n'a aucune idée du temps qu'elle va passer dans ce lieu. Les réfugiés et PDI sont rarement en mesure de progresser économiquement, et il leur faut parfois se battre pour conserver un niveau d'existence vivable. Si les mariages et les naissances vont se poursuivre, il est difficile à la population d'un camp de se percevoir comme avançant dans la vie. D'habitude, le surpeuplement est de règle. Le stress qui en résulte s'exacerbe du fait des autres tensions et frustrations subies. Les couples se retrouvent en grand péril. Les relations entre personnes d'une communauté déplacées ensemble peuvent devenir tendues.
12. Il peut également s'avérer difficile d'assurer une hygiène et des conditions sanitaires minimales, au sein de fortes concentrations de populations vivant dans des conditions précaires, et la survenue de maladies contagieuses peut provoquer décès ou incapacités permanentes. Les enfants n'ont fréquemment qu'un accès limité à l'éducation. Les adolescents, notamment, ne disposeront bien souvent d'aucun enseignement secondaire, professionnel ou autre qui leur soit destiné. Un chômage massif met la plupart des adultes sous l'entière dépendance de l'aide humanitaire.
4. Caractères particuliers du monitoring et de la protection des droits de l'homme dans les camps
13. Tout camp de réfugiés ou de PDI constitue à l'égard du monitoring et de la protection des droits de l'homme un lieu très particulier. On y rencontrera souvent des mélanges de différents groupes ethniques, religieux, politiques et sociaux, puisqu'il peut exister divers groupes ou communautés au sein d'un même camp, chacun doté de ses propres chefs, en relation à la direction du camp. Leurs habitants sont porteurs de leurs appartenances et inimitiés historiques. Des structures de pouvoir se font jour et se développent. Les économies des camps, elles aussi, se développent. De fait, le camp peut devenir en soi un microcosme des communautés normales, mais comportant les pressions additionnées provoquées par le déplacement, brièvement évoquées plus haut. Avec une telle combinaison de facteurs, le fonctionnaire des droits de l'homme peut bien entendu se trouver dans un contexte extrêmement complexe.
14. Les camps de et de PDI sont très différents les uns des autres, et par exemple :
par la taille : certains, avec plusieurs centaines de milliers de personnes, ressembleront à de grandes villes, alors que d'autres feront penser à de petits villages;
par leur emplacement - voir plus haut;
par leur ancienneté : certains sont nouveaux, d'autres existent depuis des années;
certains camps sont significatifs d'une urgence en cours; d'autres rappellent une urgence passée dont les éléments se sont stabilisés vis-à-vis des réfugiés ou PDI;
certains camps reflètent un commencement de solution par le rapatriement, l'installation sur place ou la réinstallation. C'est ainsi que les PDI ou les réfugiés pourront être transférés de leur premier camp à un autre, plus petit, plus proche de leur région d'origine, dans le cadre d'un processus de retour progressif;
certains camps autorisent les réfugiés et personnes déplacées à entrer et sortir sans formalités. D'autres camps sont fermés.
certains camps peuvent se situer dans des zones où d'anciens résidents ou PDI ont trouvé une nouvelle patrie, mais possèdent encore des parents ou amis habitant le camp, de sorte que la distinction entre d'un côté réfugiés et PDI, et de l'autre résidents permanents, devient floue, ce qui suscite parfois des problèmes de droits complexes. Mais d'autres camps se situeront dans des lieux isolés.
les camps sont souvent soumis aux conditions climatiques : la visite aussi bien que les conditions ambiantes seront affectées par la saison de l'année.
15. Ces différences ont des effets sur la fonction de monitoring, que les HRO se préoccupent des conditions de vie ou qu'ils cherchent à se renseigner sur les raisons à la source de cet afflux de réfugiés ou PDI. Ainsi, un camp nouvellement établi, en situation d'urgence, avec une population affamée et épuisée, souffrant en outre de maladies, sera sans doute peu comparable à un autre camp, installé depuis plus longtemps, où les réfugiés ou PDI vivent depuis des années. Se procurer des renseignements sur les situations ayant conduit au déplacement peut constituer un travail très différent selon que le camp est ouvert ou fermé, ancien ou nouveau, etc.
16. Il peut également exister des différences quant à la responsabilité de la direction du camp. Par exemple, le HCR peut avoir été impliqué dès le début dans l'installation du camp. Cette agence peut alors avoir passé un accord bilatéral avec le pays d'accueil, ou un accord trilatéral avec le pays d'accueil et le pays d'origine. Le camp peut être affecté à l'une ou l'autre des catégories d'assistance du HCR (EM : urgence; CM : soins et entretien; LS : installation sur place; RP : rapatriement; ou RE : réinstallation); ce qui comporte des conséquences pour les sources de financement, la durée du projet, etc.
C. RÔLE, OBJECTIFS ET LIMITES DES MISSIONS DE DROITS DE L'HOMME À L'ÉGARD DES CAMPS DE RÉFUGIÉS ET PDI
17. Le rôle et les objectifs de toute mission sur les droits de l'homme à l'égard des camps de réfugiés et PDI va dépendre de nombreux facteurs, parmi lesquels le mandat de la mission, la situation d'ensemble des droits de l'homme prévalant dans le pays ou la région; les travaux d'autres organisations; surtout la situation spécifique des droits humains concernant les réfugiés et PDI eux-mêmes.
18. En règle générale, le rôle et les objectifs du HRO peuvent se répartir en deux catégories : (i) faire respecter les droits humains des réfugiés et PDI au jour le jour; ou (ii) traiter les questions de droits de l'homme extérieures au camp, peut-être non d'intérêt immédiat pour les réfugiés et PDI, mais à propos desquelles on peut réunir des informations utiles.
1. Traiter la situation des réfugiés et PDI en matière de droits de l'homme
19. En fonction des facteurs évoqués plus haut, les HRO disposent de divers moyens pour assurer le monitoring et la protection des droits de l'homme dans les camps. Mais il faut souligner d'emblée que toute mission sur les droits de l'homme doit coordonner étroitement ses activités avec celles des autres organisations intervenant elles aussi dans les camps. Dans le cas particulier des réfugiés, c'est le HCR qui joue le premier rôle au sein du système des Nations unies.
20. Voici quelques éléments qui revêtent un intérêt primordial à l'égard du monitoring :
liberté de déplacement, à l'intérieur du camp et à l'extérieur;
le respect de la sécurité des personnes à l'intérieur du camp : tous les résidents du camp sont-ils entièrement à l'abri d'éventuels abus de la part des autorités locales ou de groupes émanant des réfugiés ou PDI ? On prêtera une attention particulière aux groupes vulnérables; les femmes vivant dans des camps risquent bien souvent le viol ou d'autres abus sexuels;
l'accès à une éducation et à des soins de santé convenables, soit à l'intérieur du camp, soit aux environs. On prêtera une attention particulière aux problèmes de discrimination exercée à l'encontre des habitants du camp;
les conditions de vie dans le camp : hygiène, vêtements, abri, accès à l'eau potable, possibilités de stockage de produits alimentaires, etc.
21. Il n'entre normalement pas dans les attributions d'une mission sur les droits de l'homme de l'ONU de visiter un camp administré par le HCR pour en évaluer les conditions. C'est le HCR qui détient l'expérience la plus vaste et le mandat le plus approprié pour la protection des réfugiés. Ce pendant, le mandat et le savoir-faire d'une mission de droits de l'homme de l'ONU peuvent souvent être complémentaires de ceux du HCR, pour peu que la coordination soit satisfaisante.
22. Comme pour toute atteinte aux droits de l'homme, le HRO peut chercher à mettre un terme à la violation et à éviter son renouvellement. Le monitoring, l'investigation et la rédaction de rapports constituent les techniques classiques en matière de droits de l'homme, et on les examinera en détail dans les chapitres que leur consacre ce Manuel. Dans le cas particulier de la situation des réfugiés et PDI vivant dans des camps, les HRO devront faire tout leur possible pour demeurer régulièrement en contact avec les populations des camps et les autorités locales. Par une présence régulière et en comprenant bien la situation et la vulnérabilité des populations des camps, les HRO pourront apporter une contribution significative au respect de leurs droits humains.
23. Du fait que les populations des camps reçoivent fréquemment des aides de multiples organisations internationales et d'autres sources, la coordination entre la mission et ces partenaires est essentielle (voir ci-dessous).
2. Traiter les questions de droits de l'homme extérieures au camp, pour lesquelles les réfugiés et PDI sont susceptible d'apporter des informations utiles
24. La priorité des HRO, qu'ils auront toujours présente à l'esprit, est de ne jamais, par leur action ou leur présence, nuire à aucun individu. Si le HRO a besoin d'enquêter sur des faits intervenus à l'extérieur ou à l'intérieur du camp, mais que cela risque de mettre en danger un réfugié ou une PDI, alors aucune tentative ne doit être faite pour se procurer ces renseignements. Mais compte tenu de cet élément essentiel, il n'en demeure pas moins que les réfugiés et PDI peuvent constituer une précieuse source d'informations quant à la situation des droits de l'homme dans le pays ou la région dont ils proviennent. Ces informations peuvent aider l'ONU à mieux comprendre un problème donné, et à y trouver des solutions. Les témoignages de réfugiés et PDI peuvent également s'avérer utiles aux Tribunaux internationaux, dans leurs enquêtes concernant certains types ou catégories de violations des droits de l'homme.
25. Parfois, l'un des buts principaux pour chercher à obtenir des informations de la part de réfugiés et PDI va être de contribuer à préparer le futur retour des communautés déplacées sur leurs terres d'origine. On le verra plus en détail au Chapitre 11 "Monitoring et protection des droits de l'homme des rapatriés et personnes déplacées à l'intérieur de leur propre pays (PDI)", les missions de droits de l'homme de l'ONU dans les pays ou régions où vont retourner ces personnes déplacées sont en mesure de jouer un rôle essentiel pour faciliter le déroulement de ce retour. La mission sur les droits de l'homme est bien placée pour aider à la réinsertion des returnees dans leur communauté, et pour assurer leur protection dans le long terme, en lançant des activités de promotion et de formation dans son domaine. Bien comprendre la situation des droits de l'homme dans le pays ou la région de retour, grâce aux connaissances acquises auprès des populations des camps, est un élément essentiel pour mener de telles interventions.
26. Ces renseignements pourront comporter des détails comme :
les facteurs ayant provoqué la fuite des réfugiés ou PDI de leur lieu d'origine;
les dates, lieux et natures des violations des droits de l'homme, par exemple le meurtre de civils par des militaires;
ceux que l'on accuse de violations des droits de l'homme;
l'identité des victimes de violations des droits de l'homme;
la situation courante des droits de l'homme dans des zones auxquelles le personnel de l'ONU n'a pas accès;
et d'autres facteurs.
27. Dans certains cas, les HRO pourront s'intéresser à une situation générale; dans d'autres, se concentrer sur les détails d'un acte bien précis.
3. Méthodologie des visites dans les camps
28. En fonction des différents objectifs d'une visite précise dans un camp, les HRO auront diverses activités à entreprendre. Notamment dans les camps fermés, la méthode est pour l'essentiel la même que pour les lieux de détention (voir Chapitre 9 "Les visites aux personnes détenues"). Cette méthodologie consistera avant tout à observer les conditions de vie dans le camp, à rencontrer les autorités locales et les organisations qui administrent le camp, ou à parler avec les occupants du camp de ce qui concerne le respect présent de leurs droits humains, ou de la situation à cet égard dans leur région d'origine. On trouvera dans les sections suivantes de ce chapitre davantage de détails concernant les méthodes de travail dans les camps, et quelques directives générales sont indiquées ci-dessous.
29. Parmi les méthodes permettant de réunir des renseignements figurent :
Parcourir le camp et en relever les conditions. Certains critères liés à ces conditions paraîtront évidents aux HRO, tandis que d'autres nécessiteront des connaissances plus spécialisées. Quelle que soit la situation, les conditions seront évaluées en partie à l'aide de discussions avec les habitants du camp. Les questions-clés sont : l'accès à l'eau potable en quantité suffisante; l'accès à une alimentation suffisante et adaptée (compte tenu des tranches d'âges et groupes religieux); des vêtements et des abris convenables (selon les conditions climatiques et le nombre d'individus par abri); l'accès à des soins de santé; l'accès à des établissements d'éducation; des installations sanitaires convenables; l'hygiène générale. Par "accès", il faut entendre non seulement une notion de distance (celle à couvrir devant être réaliste en fonction des moyens de transport disponibles), mais aussi des considérations de coût et d'accès matériel, en termes de sécurité et de non-discrimination.
Les entretiens individuels (voir Chapitre 8 "L'entretien").
Les entretiens de groupe.
Les discussions de groupe ciblées. Celles-ci ne porteront normalement pas sur des violations spécifiques de droits de l'homme auxquelles les réfugiésou PDI auraient pu assister. Il est impropres, voire dangereux, de demander à des individus de témoigner de tels actes devant un grand nombre d'autres personnes.
Les enquêtes : une fois encore, on n'aura pas recours aux enquêtes en vue de réunir des informations sur des abus spécifiques de droits de l'homme.
Les consultations avec les personnels d'autres agences des Nations unies et des ONG.
La collecte de statistiques gouvernementales, etc.
30. D'autres points méthodologiques importants sont les suivants :
L'entrée dans un camp : pour pénétrer dans le camp, les HRO ont en général besoin de l'autorisation de l'administration du camp, que ce soit l'agence nationale chargée des réfugiés, le HCR, ou une organisation humanitaire.
S'entretenir avec un échantillon représentatif de la population : étant donné que la majorité des réfugiés et PDI a des chances d'être composée de femmes, il faudra aux HRO interroger davantage de femmes que d'hommes. Pour cela, on donnera la préférence à des femmes HRO. Si l'on pense avoir affaire à des problèmes médicaux ou à des récits de tortures, on inclura du personnel médical à l'équipe de visiteurs.
Les HRO ne doivent ni encourager des personnes à rentrer chez elles ou à en partir, ni les en décourager. Le personnel chargé des droits de l'homme peut fournir des informations précises sur la situation régnant dans la région de retour, mais ils ne doivent pas s'engager dans une quelconque campagne en faveur ou à l'encontre du retour. Lorsque les Nations unies encouragent le retour, il s'agit d'une décision commune à toutes les agences du système présentes. En ce qui concerne les réfugiés, c'est le HCR qui porte la responsabilité première de telles décisions, et possède le savoir-faire requis.
Éviter de fournir des assurances que l'on ne peut garantir : les réfugiés et PDI vivant dans des camps sont en situation de faiblesse. Ils sont susceptibles de s'adresser au personnel de l'ONU chargé des droits de l'homme leur rendant visite pour en obtenir assistance et conseils et risquent de placer une confiance excessive dans la présence de ces personnels. Comme dans tous les cas où les HRO sont en contact avec des victimes de violations de droits de l'homme, ils doivent être très vigilants à ne pas donner aux réfugiés ou PDI qu'ils rencontrent d'assurances qu'ils ne peuvent garantir (voir Chapitre 5 "Les principes de base du monitoring"), par exemple en garantissant à une PDI sa sécurité future vis-à-vis de ses droits humains, à l'égard d'éventuels abus de la part des autorités locales. Ils ne promettront pas la livraison imminente d'aide humanitaire par d'autres organisations internationales, livraison sur laquelle les réfugiés ou PDI pourraient fonder des décisions importantes.
31. Quelle que soit leur implication, les HRO pourront être confrontés dans de telles situations à des dilemmes moraux et émotionnels difficiles. Si par exemple les HRO devaient aider au départ de personnes pour échapper à la répression, il se peut se peut bien qu'ils prêtent assistance aux forces de répression qui souhaitent se débarrasser d'un groupe particulier ou imposer un "nettoyage ethnique" dans une région. En fait, si les autorités ou autres forces de répression constatent que la mission de terrain va aider au départ d'un groupe réprimé, il se peut même qu'elles exercent une répression accrue afin d'accélérer ce départ.
D. LES NORMES INTERNATIONALES ET LA PROTECTION DES RÉFUGIÉS (1)
32. En travaillant auprès de réfugiés vivant dans des camps, les HRO doivent connaître les normes générales de la protection juridique apportée par le droit international des réfugiés. Les différentes dispositions de ce corpus de lois établissent des normes minimales dont devraient bénéficier les réfugiés dans les camps, et auxquelles ils ont droit. Cette section se consacre surtout aux droits civils et politiques, mais les droits économiques, sociaux et culturels sont d'égale importance.
33. La définition du "réfugié" se trouve à l'article 1 de la Convention relative au statut des réfugiés (modifié par le Protocole relatif au statut des réfugiés) et le désigne comme toute personne qui "craignant avec raison d'être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays".
34. Les instruments relatifs aux réfugiés en Afrique et en Amérique centrale ont élargi la définition des réfugiés pour inclure les personnes ayant fui leur pays parce que leur vie, leur sécurité ou leur liberté étaient menacées par la violence généralisée, l'agression étrangère, les conflits internes, les violations massives des droits de l'homme, ou toute autre circonstance ayant troublé gravement l'ordre public.
2. Détermination du statut des réfugiés
35. Dans une situation d'urgence, il est nécessaire d'intervenir immédiatement afin d'apporter une protection. Fréquemment, le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) doit agir avant qu'il soit possible de déterminer officiellement le statut des réfugiés. Même si cette détermination est irréalisable dans bien des cas au niveau individuel, il est essentiel d'examiner, au moins au niveau collectif, si le statut de réfugié peut s'appliquer.
3. Le droit de demander asile et le principe de non-refoulement
36. Le principe de non-refoulement est au centre du concept de protection des réfugiés et du droit international des réfugiés. L'article 33(1) de la Convention relative au statut des réfugiés interdit aux États contractants d'expulser ou de refouler un réfugié, de quelque manière que ce soit, sur les frontières des territoires où sa vie ou sa liberté serait menacée en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques.
37. L'article 14(1) de la Déclaration universelle des droits de l'homme dispose : "Devant la persécution, toute personne a le droit de chercher asile et de bénéficier de l'asile en d'autres pays." En outre, le paragraphe exécutoire 2 de la résolution 428(V) de l'Assemblée générale, adoptant le statut du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, appelle les États à coopérer avec le Haut Commissaire dans l'accomplissement de ses fonctions, entre autres "en admettant des réfugiés sur leurs territoires". Bien comprendre le rôle du HCR et la collaboration avec celui-ci est essentiel à toute action concernant les réfugiés, y compris les visites de camps. C'est pourquoi l'Annexe 1 à ce chapitre présente brièvement le HCR.
4. Les règles minima pour le traitement des réfugiés
38. Le Comité exécutif du HCR a estimé que, après leur admission, les demandeurs d'asile doivent être traités selon certaines exigences minimales (2). Les normes qui suivent forment la base et le cadre de l'action du HCR et des gouvernements pour assurer la sécurité des réfugiés dans les situations d'urgence :
les demandeurs d'asile ne doivent pas être châtiés ni subir de mauvais traitements du seul fait que leur présence dans le pays est considérée comme illégale, et leur circulation ne peut être sujette à d'autres restrictions que celles nécessaires dans l'intérêt du maintien de la santé publique et de l'ordre;
ils doivent jouir des droits civils internationalement reconnus, et en particulier de ceux établis par la Déclaration universelle des droits de l'homme;
ils doivent être traités en personnes dont la situation tragique requiert une compréhension et une compassion toutes spéciales; ils recevront toute assistance nécessaire, et ne seront pas soumis à des traitements cruels, inhumains ou dégradants;
il n'y aura aucune discrimination fondée sur la race, la religion, les opinions politiques, la nationalité ou le pays d'origine; o ils sont devant la loi des individus jouissant d'un accès libre aux tribunaux et autres autorités administratives compétentes;
où placer les demandeurs d'asile doit être déterminé par leur sécurité et leur bien-être au même titre que par les exigences de sécurité de l'État d'accueil. Dans la mesure du possible, les demandeurs d'asile seront installés à distance raisonnable de la frontière de leur pays d'origine. Ils ne s'engageront dans aucune activité subversive à l'encontre de leur pays d'origine ni de tout autre État;
on leur fournira de quoi s'alimenter et s'abriter, ainsi que l'hygiène et les soins de base;
l'unité familiale sera respectée;
toute l'assistance possible sera mise en œuvre pour retrouver leurs parents;
toutes les mesures adéquates seront prises pour protéger les mineurs et les enfants non accompagnés;
envoyer et recevoir du courrier devrait être autorisé;
l'aide matérielle de la part d'amis ou de parents doit être permise;
si possible, toutes dispositions seront prises pour enregistrer les naissances, les décès et les mariages;
ils auront droit à toute facilité leur permettant de parvenir à une solution durable satisfaisante;
on leur permettra de transférer tous les biens apportés sur ce territoire vers le pays où l'on aura trouvé une solution durable;
on prendra toutes dispositions pour faciliter le rapatriement volontaire (3).
5. L'emploi du Pacte sur les droits civils et politiques dans la protection des réfugiés
39. Le Comité des droits de l'homme a de plus émis une Observation générale établissant la situation des étrangers au regard du Pacte, et les réfugiés figurent au nombre de ces étrangers. Le Comité des droits de l'homme relève que pour les États, les droits énoncés dans le Pacte s'appliquent à "tous les individus se trouvant dans leur territoire et relevant de leur compétence" (4). Le Comité a donc établi que "la règle générale est que chacun des droits énoncés dans le Pacte doit être garanti, sans discrimination entre les citoyens et les étrangers" (y compris les réfugiés et demandeurs d'asile). Ces droits sont traités plus en détail au Chapitre 4 "Introduction aux normes du droit international des droits de l'homme et du droit international humanitaire".
40. Limitant la protection accordée par le Pacte, le Comité des droits de l'homme indique également : "Le Pacte ne reconnaît pas aux étrangers le droit d'entrer sur le territoire d'un État partie ou d'y séjourner. En principe, il appartient à l'État de décider qui il admet sur son territoire. Toutefois, dans certaines situations, un étranger peut bénéficier de la protection du Pacte même en ce qui concerne l'entrée ou le séjour : tel est le cas si des considérations relatives à la non-discrimination, à l'interdiction des traitements inhumains et au respect de la vie familiale entrent en jeu."
41. En outre : "L'autorisation d'entrée peut être soumise à des conditions relatives aux déplacements, au lieu de séjour et à l'emploi. Un État peut aussi imposer des conditions générales aux étrangers en transit. Cependant, une fois autorisés à entrer sur le territoire d'un État partie, les étrangers bénéficient des droits énoncés par le Pacte.
Les étrangers ont ainsi un droit inhérent à la vie qui est juridiquement protégé, et ne peuvent être arbitrairement privés de la vie. Ils ne doivent pas être soumis à la torture, ni à des traitements ou peines inhumains ou dégradants; ils ne peuvent pas non plus être réduits en esclavage ou en servitude.
Les étrangers ont droit sans réserve à la liberté et à la sécurité de la personne. S'ils sont légalement privés de leur liberté, ils doivent être traités avec humanité et avec le respect de la dignité inhérente à leur personne. Un étranger ne peut être détenu pour inexécution d'une obligation contractuelle.
Les étrangers ont droit à la liberté de mouvement et au libre choix de leur lieu de résidence; ils sont libres de quitter le pays.
Ils jouissent de l'égalité devant les tribunaux, et ont droit à ce que leur cause soit entendue équitablement et publiquement par un tribunal compétent, indépendant et impartial établi par la loi, et qui décidera du bien-fondé de toute accusation en matière pénale et des contestations portant sur leurs droits et obligations de caractère civil.
Les étrangers ne sont pas soumis à une législation pénale rétroactive, et ils ont droit à la reconnaissance de leur personnalité juridique.
Ils ne peuvent être soumis à aucune immixtion arbitraire ou illégale dans leur vie privée, leur famille, leur résidence ni leur correspondance.
Ils ont droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion, et ont le droit d'avoir des opinions et de les exprimer.
Les étrangers bénéficient du droit de réunion pacifique et de libre association. Ils peuvent se marier lorsqu'ils ont atteint l'âge légal du mariage.
Leurs enfants bénéficient des mesures de protection nécessitées par leur état de mineurs. Dans les cas où les étrangers constituent une minorité au sens de l'article 27, il ne peut leur être refusé le droit, en commun avec les autres membres de leur groupe, d'avoir leur propre vie culturelle, de professer et de pratiquer leur propre religion et d'employer leur propre langue.
Les étrangers ont droit à une égale protection de la loi.
Il n'y a pas de discrimination entre étrangers et citoyens dans l'application de ces droits. Ces droits des étrangers ne peuvent faire l'objet que des limitations qui peuvent être légalement imposées conformément au Pacte."
42. Comme on l'a vu au Chapitre 3 "Droits de l'homme et droit humanitaire internationalement applicables : le cadre", l'article 4 du Pacte relatif aux droits civils et politiques autorise des dérogations à la plupart des droits "dans le cas où un danger public exceptionnel menace l'existence de la nation et est proclamé par un acte officiel". Certains droits sont non-dérogeables, c'est-à-dire qu'ils ne peuvent être limités au titre de l'article 4; ainsi, le gouvernement ne peut pratiquer de discrimination fondée uniquement sur la race, la couleur, le sexe, la langue, la religion ou l'origine sociale. De même, le gouvernement, même en cas de danger public exceptionnel, ne peut soumettre une personne à la privation arbitraire de la vie; à la torture ou à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants; à l'esclavage; à l'emprisonnement pour non exécution d'une obligation contractuelle; à des peines rétroactives; à la non-reconnaissance de sa personnalité juridique; ni à la privation de sa liberté de pensée, de conscience ou de religion.
43. Dans son Observation générale, le Comité des droits de l'homme remarque également que quant à l'article 13 du Pacte, "son objectif évident est d'éviter les expulsions arbitraires. D'autre part, il reconnaît à chaque étranger le droit à une décision individuelle; il s'ensuit que les lois ou décisions qui prévoiraient des mesures d'expulsion collective ou massive ne répondraient pas aux dispositions de l'article 13. [...] L'étranger doit recevoir tous les moyens d'exercer son recours contre l'expulsion, de manière à être en toutes circonstances à même d'exercer effectivement son droit. [...] Aucune discrimination ne peut être opérée entre différentes catégories d'étrangers dans l'application de l'article 13".
44. En outre, certains droits économiques, sociaux et culturels entrent également en jeu dans la dépendance des personnes déplacées à l'intérieur de son propre pays et des réfugiés vivant dans des camps. Les besoins élémentaires de la vie doivent être satisfaits : nourriture, eau potable, abris d'urgence, soins de santé et hygiène. L'aide matérielle doit elle aussi être répartie équitablement entre les occupants du camp.
E. NORMES INTERNATIONALES RELATIVES AUX PERSONNES DÉPLACÉES À L'INTÉRIEUR DE LEUR PROPRE PAYS
45. Au sens des "Principes directeurs relatifs au déplacement de personnes à l'intérieur de leur propre pays", soumis à la Commission des droits de l'homme en 1998, les personnes déplacées à l'intérieur de leur propre pays se définissent comme
"des personnes ou des groupes de personnes qui ont été forcés ou contraints à fuir ou à quitter leur foyer ou leur lieu de résidence habituel, notamment en raison d'un conflit armé, de situations de violence généralisée, de violations des droits de l'homme ou de catastrophes naturelles ou provoquées par l'homme ou pour en éviter les effets, et qui n'ont pas franchi les frontières internationalement reconnues d'un État."
2. La protection des droits de l'homme en général et du droit humanitaire
46. Les PDI, comme toute autre personne, bénéficient de la protection juridique du droit international des droits de l'homme et, dans les situations de conflit armé, du droit international humanitaire. La Commission des droits de l'homme de l'ONU a nommé un Représentant chargé de la question des personnes déplacées à l'intérieur de leur propre pays, s'occupant du monitoring de la protection des PDI. Le HCR, l'UNICEF, le Comité international de la Croix-Rouge, et bien d'autres organisations intergouvernementales et non-gouvernementales ont développé des programmes dans de nombreux pays afin d'apporter protection, aide et assistance aux PDI.
47. Si les PDI continuent de bénéficier de toute la protection juridique internationale des droits de l'homme accordée à toute autre personne, elles ne jouissent pas de la protection spéciale accordée par la loi aux réfugiés, puisqu'elles n'ont pas franchi de frontière internationale. Le fait d'avoir été déplacées de leur résidence habituelle met les PDI à la merci d'abus de leurs droits humains, de sorte qu'elles peuvent avoir besoin d'une protection supérieure à celle dont disposent les autres membres de la population. Ce souci de la vulnérabilité des PDI a conduit la Commission des droits de l'homme à demander au Représentant du Secrétaire général chargé de la question des personnes déplacées à l'intérieur de leur propre pays d'établir un cadre normatif approprié à la protection des PDI et à l'aide en leur faveur. C'est ainsi qu'en 1998 le Représentant a établi les "Principes directeurs relatifs au déplacement de personnes à l'intérieur de leur propre pays", qui figurent en Annexe 2 à ce chapitre.
3. Les Principes directeurs relatifs au déplacement de personnes à l'intérieur de leur propre pays
48. Les Principes directeurs ne sont pas en eux-mêmes légalement obligatoires pour les États. Cependant, les droits auxquels ils se réfèrent sont déjà définis dans d'autres instruments juridiques internationaux des droits de l'homme qui, eux, le sont. D'ailleurs, les Principes directeurs n'ont pas été prévus pour constituer un cadre juridique strict pour la protection des PDI : ils ont plutôt été conçus pour puiser dans le droit international des droits de l'homme les éléments concernant particulièrement la protection des PDI, et pour appliquer ces éléments aux situations que subissent les PDI et aux risques qu'ils encourent. Cet ensemble de Principes a pour vocation, son nom le dit bien, d'indiquer des "directions" pour l'application à la protection des PDI des instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme.
49. Les personnes déplacées à l'intérieur de leur propre pays qui vivent dans des camps ont droit aux mêmes normes fondamentales de traitement que les réfugiés vivant dans des camps. Tout déplacement intérieur implique normalement les droits humains suivants, entre autres :
le droit à une alimentation de base;
le droit à un abri et à un niveau de vie suffisant;
le droit aux services médicaux;
le droit à la vie et à l'intégrité de la personne;
le droit au travail et à une rémunération en rapport;
la liberté de résidence et de circulation;
le droit à l'unité de la famille; le droit à l'éducation;
le droit à sa personnalité juridique;
la liberté de pensée, d'association, d'expression et de réunion.
50. Les HRO auront recours aux Principes directeurs relatifs au déplacement de personnes à l'intérieur de leur propre pays pour appliquer le droit international existant en matière de droits de l'homme à la situation spécifique des PDI. Les observations du Comité des droits de l'homme, concernant le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, relatives aux réfugiés et évoquées à la section précédente, seront elles aussi utiles.
F. LA COORDINATION AVEC LE HCR ET LES AUTRES AGENCES CONCERNÉES
51. Avant toute visite à un camp de réfugiés ou de PDI, les HRO devront rencontrer les personnels des autres organisations internationales et locales travaillant en faveur de la population du camp. Deux raisons essentielles motivent le maintien de tels contacts réguliers :
52. Par exemple, le HCR pourra disposer de renseignements utiles sur : les conditions régnant dans le camp; la volonté de retour; les procédures visant à établir le statut du réfugié dans une situation particulière; les critères qu'utilise le HCR pour déterminer s'il convient de "faciliter" le retour des réfugiés ou PDI; les structures de pouvoir dans le camp; etc.
53. La mission de terrain de l'ONU fera preuve de respect envers l'importante œuvre accomplie par les organisations partenaires, chacune conservant sa responsabilité propre dans le cadre de son mandat distinct. L'objectif ultime de toute organisation internationale, en intervenant dans un camp de réfugiés ou PDI quel qu'il soit, doit être d'améliorer la situation et le respect des droits de l'homme au sein de la population. C'est sur cet objectif que la coordination doit se concentrer. 54. Pour être réelle, cette coordination exige que les HRO possèdent une connaissance solide du mandat et des activités opérationnelles de leurs principaux partenaires. Dans leur travail auprès des réfugiés, et parfois des PDI, le HCR sera le premier partenaire de la mission.
G. COLLECTER DES RENSEIGNEMENTS DE FOND
55. Les HRO devront préparer leur visite au camp en rassemblant un certain nombre de renseignements de fond concernant :
L'histoire du camp, de son origine au moment présent.
Les ministères, agences, etc., ayant ou partageant la responsabilité d'administrer le camp.
La nature des programmes d'aide - par exemple eau, santé et nutrition, hygiène, alimentation, abri, outils, semences et autres intrants agricoles, services sociaux et communautaires, éducation, génération de revenus, etc.
La démographie du camp, sa composition ethnique, la mortalité, la morbidité, les enfants sous réalimentation, etc.
Toute autre question déterminée par les objectifs de la mission.
56. Parmi les sources essentielles, on pourra utiliser :
Les rapports sitrep du HCR, qui peuvent être mensuels ou plus fréquents en cas d'urgence, et les réunions avec le personnel de terrain du HCR.
Les rapports gouvernementaux et les statistiques, ainsi que les entretiens avec les responsables officiels.
Les rapports des ONG et les rencontres avec leurs représentants sur le terrain.
H. LA VISITE AU CAMP : IDENTIFIER ET INTERROGER LES PERSONNES
57. Les HRO rencontreront les autorités du camp à la fois au début et à la fin de la visite. Souvent, ces autorités auront prévu un trajet standard au sein du camp, pour le faire visiter à la communauté internationale. L'un des fonctionnaires pourra accompagner les autorités dans cette visite formalisée, tandis que les autres s'entretiendront avec certains membres de la population. On l'a vu plus haut, une attention constante sera prêtée à la sécurité de ces personnes. Jamais le HRO ne doit mettre un individu en danger par ses questions ou tout autre type de contact.
58. Cette question de sécurité étant bien présente, l'une des difficultés que présente la visite au camp consiste à avoir accès aux personnes victimes d'abus, ou pouvant fournir des informations utiles à propos de questions de droits de l'homme. Aucune méthode générale ne peut être définie pour cette tâche. Les HRO devront se fier à leur interprétation de la situation, à toute information spécifique dont ils peuvent disposer, et à leur perception de la situation précise dans laquelle ils souhaitent interroger des réfugiés ou PDI. Lorsque l'on rencontrera des individus, il devrait être possible de comprendre dans quelle mesure ils se sentent à l'aise en livrant des renseignements, et si oui ou non ils se sentent en sécurité ce faisant. En général, c'est le réfugié ou la PDI qui est la personne le mieux à même de juger de sa propre sécurité. Les principes présentés au Chapitre 8 "L'entretien" concernant la sécurité des personnes entrant en contact avec des HRO s'appliquent également aux enquêtes et entretiens menés dans les camps.
59. En recueillant des informations générales, les HRO ne doivent pas se reposer entièrement sur l'avis des réfugiés ou PDI pour choisir les personnes à interroger, et ce notamment si le monitoring a pour objectif d'enquêter sur des violations à l'intérieur du camp, ou sur les conditions y régnant. Les représentants peuvent avoir leurs propres priorités politiques ou autres, et choisir des réfugiés ou PDI sur ces bases. S'il est utile d'interroger les personnes désignées par les représentants, il conviendra également d'identifier d'autres réfugiés ou PDI, en employant certaines techniques parmi lesquelles :
L'enquête par sondage sur un échantillon aléatoire de ménages de réfugiés ou PDI : choisir deux sections ou quartiers du camp et interroger un ménage sur dix ou vingt.
L'enquête sur un échantillon de ménages sélectionnés dans le camp, le choix s'effectuant sur la base de la religion, du groupe d'appartenance ethnique, de la date d'arrivée, etc.
Les entretiens au hasard près des points d'eau.
Les entretiens au hasard au cours des distributions d'aliments.
Les entretiens au hasard sur le marché du camp.
Les entretiens au hasard au centre médical du camp ou au centre de réalimentation (où l'on aura sans doute accès aux ménages les plus vulnérables).
Les entretiens au centre d'enregistrement (où sont en principe enregistrés tous les réfugiés ou PDI nouvellement arrivés).
Les entretiens avec des notables, comme les représentants du camp, les enseignants, les infirmières, les marchands, les réfugiés ou PDI travaillant pour le compte d'ONG, ceux et celles qui sont responsables de la distribution alimentaire, etc.
60. D'autres indications sur la manière de conduire des entretiens figurent au Chapitre 8 "L'entretien".
61. Élaborer des informations fiables à partir d'entretiens avec des réfugiés ou personnes déplacées présente des difficultés particulière. La grande fragilité de leur situation peut être de nature à les amener à exagérer ou à dissimuler la réalité des violations de droits de l'homme qu'ils ont vécues ou auxquelles ils ont assisté.
62. Ainsi, les réfugiés ou PDI risquent d'exagérer les problèmes qu'ils ont rencontrés, s'ils estiment gagner de la sorte de meilleures chances de se procurer une aide humanitaire ou d'obtenir le statut de réfugié. Il apparaît en effet que moins les réfugiés dépendants ou personnes déplacées sont réellement concernés, plus ils auront tendance à exagérer leurs difficultés, notamment sur les questions ayant trait à leurs ressources (5). Les réfugiés et personnes déplacées seront peut-être moins incités à exagérer si les HRO parviennent à les convaincre que leur témoignage sera sans effet sur le niveau des aides matérielles qu'ils reçoivent, ou sur toute autre assistance.
63. Mais à l'inverse, les réfugiés et PDI peuvent fort bien minimiser les violations de droits de l'homme qu'ils ont subies ou auxquelles ils ont assisté, par crainte de nouvelles persécutions. Ici encore, le HRO devra évaluer avec soin l'information recueillie.
I. LE MONITORING DES CONDITIONS RÉGNANT DANS LE CAMP
64. En fonction du mandat et des ressources de la mission sur les droits de l'homme, et de la présence et du rôle d'autres organisations du système des Nations unies comme le HCR ou l'UNICEF, les HRO pourront avoir à exercer une fonction de monitoring sur les conditions régnant dans les camps de réfugiés ou de PDI. Le terme de "conditions" s'entend ici au sens large, et peut aussi bien désigner les conditions matérielles (alimentation, abri, santé...) que les conditions dans lesquelles est traitée la population du camp (respect des droits à la liberté de mouvement, à la liberté d'expression, à la sécurité de la personne...).
1. Les systèmes de distribution
65. Les fonctionnaires commenceront par vérifier que les besoins matériels élémentaires des occupants sont satisfaits à temps. Parfois, les populations des camps sont en mesure d'assurer leur propre subsistance. Mais plus souvent, elles dépendent de diverses formes d'aide. L'UNICEF et le HCR ont établi un certain nombre de critères pour différents éléments courants de l'assistance (6). Il devra exister un système efficace pour contrôler les niveaux des stocks de produits de secours; ainsi qu'un dispositif destiné à en éviter la disparition ou la dégradation.
66. Lorsque la population d'un camp n'a qu'un accès restreint à la nourriture, aux semences, aux outils, aux vêtements, aux médicaments et autres produits de base, leur distribution va revêtir une extrême importance. Les personnes ou groupes de personnes ayant cette distribution en main vont exercer un pouvoir et une autorité considérables. Si beaucoup de systèmes de distribution peuvent être équitables, d'autres peuvent détourner les ressources, que ce soit sur une base payante ou en fonction d'une politique discriminatoire concernant certains groupes de la population du camp. Ces détournements peuvent avoir pour auteurs des membres de la population du camp, les autorités locales, ou les deux.
67. Repérer et prévenir un détournement dans la distribution des ressources peut être extrêmement difficile, et impliquer les humanitaires dans de graves questions de politique et de sécurité. Autant que possible, les HRO devront s'assurer que toutes les fournitures sont distribuées de façon équitable, de sorte que toute personne du camp ait un accès à l'alimentation, au vêtement, etc. On portera une attention particulière sur les groupes vulnérables de la population du camp, notamment les minorités, les personnes âgées, les malades, les femmes, et les enfants (voir plus bas).
68. Les résidents des camps devraient avoir accès à une quantité suffisante d'aliments satisfaisants. Les besoins nutritionnels seront établis par des spécialistes; mais les HRO doivent avoir conscience de l'équilibre alimentaire nécessaire, et se renseigner sur les principaux indices de la malnutrition afin de repérer les problèmes éventuels.
2. L'emplacement matériel et la nature du camp
69. En rendant visite à un camp, les HRO devront établir si le site est adapté et correctement aménagé, offrant un abri suffisant à ses occupants. Le camp ne doit pas être surpeuplé, disposer d'installations sanitaires adéquates, et les abris doivent offrir une protection contre les éléments climatiques, ouvrir un espace de vie, et garantir l'intimité et la sécurité physique.
70. Concernant l'emplacement et la disposition du camp, il est souhaitable de consulter les représentants de la communauté déplacée. Les critères qui suivent sont parmi les plus importants des indicateurs :
L'adduction d'eau potable. Celle-ci doit être disponible en quantités suffisantes, et ce toute l'année.
La topographie et le drainage. Le site sera non inondable, de préférence en pente douce. Au minimum, le camp sera situé au-dessus du niveau de la nappe phréatique.
Une superficie suffisante. Le site doit offrir aux réfugiés ou PDI un espace de vie suffisant : l'OMS recommande un minimum de 30 mètres carrés par personne en plus des surfaces nécessaires aux activités communautaires, agricoles et d'élevage.
La sécurité et la protection. Le camp sera éloigné de la frontière et de toute cible militaire potentielle.
L'accessibilité. Le camp sera proche de voies de communications et de sources d'approvisionnement.
Les conditions environnementales. La zone ne sera pas exposée à des risques environnementaux majeurs. Dans la mesure du possible, on recherchera des conditions climatiques convenables.
Le terrain. Les sols doivent permettre l'absorption d'eau et la rétention des déchets humains. Dans les lieux à l'écart des installations sanitaires, les sols seront aptes à supporter des jardins familiaux ou une agriculture à petite échelle.
La végétation. Le site aura un couvert adéquat. Si c'est le bois qui sert d'énergie de cuisson ou de chauffage, il ne devra pas provenir des arbres situés sur le site.
Les droits fonciers. Le territoire du camp ne sera pas sujet à des droits de propriété ou d'usage appartenant à des tiers, car toute contestation foncière risque d'amener des conflits avec les populations locales (7).
71. Cette liste n'est qu'indicative. Bien d'autres considérations entrent en ligne de compte dans l'établissement d'un camp, et des spécialistes doivent y être impliqués (pour l'architecture, l'eau, l'hygiène, etc.).
72. Les HRO prendront également en compte la santé des résidents du camp, y compris l'hygiène et les soins. Le camp doit pouvoir offrir des soins de santé primaires, avec une priorité à la prévention. On s'attachera en particulier aux soins maternels et infantiles. La vaccination des enfants doit notamment être assurée. Les problèmes de santé plus graves pourront être traités dans un autre établissement adéquat. L'éducation à la santé publique sera assurée. Il faudra en outre que soit mis en place un plan de prévention, de lutte et de traitement visant les maladies transmissibles. Le HRO pourra examiner les dossiers sanitaires du camp, pour y déceler d'éventuels taux élevés de mortalité, de morbidité, de maladies transmissibles majeures, etc.
4. Les groupes vulnérables et les problèmes d'abus sexuels
73. Les HRO doivent examiner comment est sauvegardée la sécurité des personnes vivant dans le camp. Cette question concerne particulièrement les femmes et filles réfugiées ou déplacées qui risquent de subir des violences, y compris sexuelles, dont la sécurité doit être un souci majeur des HRO. On consultera utilement : HCR, Violence sexuelle à l'encontre des réfugiés (Principes directeurs concernant la prévention et l'intervention) (1995), qui présente des éléments sur les risques potentiels concernant la sécurité ainsi que certaines techniques susceptibles d'y remédier.
74. Entre autres techniques, on peut avoir recours à des entretiens approfondis avec les femmes en danger; améliorer l'éclairage et renforcer les patrouilles de nuit dans les zones dangereuses; réimplanter avec soin les points d'eau, latrines, dépôts d'ordures et autres installations sanitaires; prendre des mesures pour réduire les risques auxquels sont exposées les femmes en se procurant des aliments, du bois de feu ou d'autres produits analogues; réaménager les logements, notamment ceux où vivent les femmes non accompagnées ou les femmes chefs de foyer; créer des haies ou barrières de protection.
75. Certains groupes de réfugiés et de personnes déplacées sont vulnérables pour d'autres raisons. Les femmes sous-alimentées et qui sont enceintes ou qui allaitent courent par exemple un très grand risque du fait de cette malnutrition (8). Elles doivent avoir accès à une alimentation régulière de très bonne qualité. Ceux des membres de la population des camps qui souffrent de handicaps sont eux aussi terriblement désavantagés, de même que les enfants non accompagnés. Les HRO auront à identifier les groupes à risques, cerner leur fragilité spécifique, et attirer sur eux l'attention des autorités locales ou des organisations humanitaires.
5. Assistance psychologique et bien-être social
76. Les HRO devront s'assurer que les besoins en matière de services sociaux sont satisfaits. Ces services sont indispensables dans la mesure où le traumatisme provoqué par le fait de se retrouver dans un état de personne déplacée ou de réfugié risque d'engendrer ou d'exacerber des problèmes relationnels ou psychologiques; ils permettent de repérer et de traiter les problèmes en question. Tout service de bien-être social sera réceptif aux aspects culturels. Dans l'idéal, et dans toute la mesure du possible, le programme de bien-être social sera organisé et administré par des membres de la communauté des réfugiés ou PDI.
77. Tout enfant a droit à l'éducation. Le HRO vérifiera que les besoins des enfants vivant au camp sont satisfaits en matière d'éducation. Tous devraient avoir accès à un enseignement primaire gratuit et obligatoire. Il convient aussi de se soucier de l'éducation des enfants plus âgés, et en particulier des adolescents, y compris l'enseignement secondaire et professionnel. Autant que possible, les services d'enseignement permettront aux enfants de suivre un cursus identique à celui des autres enfants de leur pays ou région d'origine, de façon que leur réinsertion dans le système éducatif normal se déroule sans problème lors de leur retour. Et dans toute la mesure du possible, ces services éducatifs seront organisés et administrés par des membres de la communauté des réfugiés ou PDI.
78. En dehors de leurs tâches de monitoring et de leurs tentatives visant à protéger des droits de l'homme spécifiques, les HRO devront aussi s'assurer de la situation générale des réfugiés et PDI vivant dans des camps : leur dignité humaine est-elle respectée ? Pour nombre de populations déplacées, la détresse ne provient pas uniquement de violations individuelles de leurs droits, mais aussi d'un environnement d'ensemble dans lequel ils peuvent ressentir leur valeur inhérente d'êtres humains comme diminuée. Cette situation de déplacement peut être vécue de façon très traumatisante, et il est essentiel que les fonctionnaires chargés des droits de l'homme conservent cette vue globale de la situation des personnes déplacées vivant dans des camps; de même qu'il est essentiel qu'ils consacrent tous leurs efforts à prévenir toute situation susceptible de nuire à l'humanité et à la dignité fondamentales de toute personne déplacée.
___________________
1. On trouvera d'autres considérations sur les droits des réfugiés et personnes déplacées à l'intérieur de leur propre pays au Chapitre 4 - "Introduction aux normes du droit international des droits de l'homme et du droit international humanitaire et au Chapitre 11 - "Le monitoring et la protection des droits de l'homme des rapatriés et des personnes déplacées à l'intérieur de leur propre pays".
2. Comité exécutif du programme du Haut Commissaire, Conclusion 22 (XXXII, 1981) "Protection des demandeurs d'asile dans des situations d'afflux à grande échelle", Conclusions sur la protection internationale des réfugiés adoptées par le Comité exécutif du Programme du HCR, UN Doc. HCR/IP/2/Eng/REV.1994, p. 48 (1995).
3. id; voir aussi Comité exécutif du programme du Haut Commissaire, Conclusion 40 (XXXVI, 1985) "Le rapatriement volontaire", Conclusions sur la protection internationale des réfugiés adoptées par le Comité exécutif du Programme du HCR, UN Doc. HCR/IP/2/Eng/REV.1994, p. 86 (1995).
4. Comité des droits de l'homme, Observation générale No. 15(1), Situation des étrangers à l'égard du Pacte, Récapitulation des observations générales ou recommandations générales adoptées par les organes créés en vertu d'instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme, UN Doc. HRI/GEN/1/Rev.5 (2001).
5. Gaim Kibreab, The Sudan, From Subsistence to Wage Labor : Refugee settlements in the Central and Eastern Regions p. 24 (1990).
8. Voir HCR, Lignes directrices pour la protection des femmes réfugiées, p. 49 et sq. (1991).