University of Minnesota



Observations finales du Comité des droits de l'homme, The Former Yugoslav Republic of Macedonia, U.N. Doc. CCPR/C/79/Add.96 (1998).


 


Convention Abbreviation: CCPR
COMITE DES DROITS DE L'HOMME
Soixante-troisième session


COMITE DES DROITS DE L'HOMME

EXAMEN DES RAPPORTS PRESENTES PAR LES ETATS PARTIES
CONFORMEMENT A L'ARTICLE 40 DU PACTE

Observations finales du Comité des droits de l'homme

Ex-République yougoslave de Macédoine



1. Le Comité a examiné le rapport initial de l'ex-République yougoslave de Macédoine (CCPR/C/74/Add.4) à ses 1685ème, 1686ème et 1687ème séances, les 22 et 23 juillet 1998 (CCPR/C/SR.1685, 1686 et 1687) et a adopté à sa 1696ème séance, le 29 juillet 1998, les observations finales ci-après :

A. Introduction
2. Le Comité remercie l'Etat partie de son rapport initial approfondi pour lequel il a largement tenu compte des directives établies par le Comité. Toutefois, il relève que les informations fournies dans le rapport concernent essentiellement les aspects législatifs et institutionnels et ne contiennent pas suffisamment de données sur la mise en oeuvre concrète du Pacte.

B. Facteurs et difficultés entravant la mise en oeuvre du Pacte
3. Le Comité prend note de la déclaration de la délégation selon laquelle la principale difficulté rencontrée pour traduire les dispositions du Pacte dans les faits tient à la complexité et à la lenteur du processus nécessaire pour passer d'un environnement politique et social façonné pendant des décennies par la notion de droits collectifs au respect des droits des individus. Il note également que ce même conditionnement empêche les particuliers de contester les actions de l'Etat en saisissant les tribunaux et autres organes créés à cet effet, et en se réclamant des dispositions du Protocole facultatif. La poursuite des tensions ethniques, en particulier en ce qui concerne la minorité albanaise, demeure également une grande source de préoccupation.

C. Aspects positifs
4. Le Comité constate avec satisfaction que le Gouvernement de l'ex-République yougoslave de Macédoine s'efforce d'assurer à la population du pays la protection prescrite par le Pacte, dans une période caractérisée par le bouleversement des systèmes politique et économique et la refonte des institutions de l'Etat. Il note que cette protection a été encore renforcée par la ratification des deux Protocoles facultatifs se rapportant au Pacte.

5. Le Comité note avec satisfaction qu'en vertu de l'article 118 de la Constitution le Pacte est un élément de l'ordre juridique interne qui n'est pas susceptible de modification par la législation nationale et que ses dispositions peuvent être invoquées directement devant les tribunaux.

6. Le Comité note avec satisfaction que l'Etat partie s'est engagé à procéder à la réforme du système judiciaire et du système pénitentiaire.

7. Le Comité considère que l'adoption de la loi sur l'Ombudsman en février 1997 et la nomination ultérieure de l'Ombudsman par le Parlement constituent un élément important dans la mise en place d'un système efficace de protection institutionnelle des droits énoncés dans le Pacte.

8. Le Comité félicite l'Etat partie d'avoir adopté différents textes de loi visant à donner effet aux dispositions du Pacte relatives à la lutte contre la discrimination (art. 2, 20, 26 et 27) : la loi sur l'information, la loi sur les télécommunications et la loi sur la radiotélévision, qui interdisent l'emploi des médias pour l'incitation à la haine ou à l'intolérance nationale, raciale ou religieuse, la loi sur les partis politiques qui interdit la création de partis dont le but est d'inciter à la haine ou à l'intolérance nationale, raciale ou religieuse, la loi sur les organisations sociales et les associations de citoyens, qui interdit elle aussi les activités qui violent les droits de l'homme ou incitent à la haine ou à l'intolérance nationale, raciale ou religieuse, ainsi que la Déclaration de 1997 de l'Assemblée sur la promotion des relations interethniques.

9. Le Comité loue aussi l'Etat partie pour sa coopération avec des organisations non gouvernementales et des fondations telles que le Centre pour la coopération internationale de la Macédoine, l'Open Society Institute et des organisations féminines. Il se félicite d'autre part de la diffusion donnée au Pacte et au Protocole facultatif en langue macédonienne et dans les langues des minorités ethniques.

D. Principaux sujets de préoccupation et recommandations du Comité
10. Le Comité se déclare gravement préoccupé par les violences dans lesquelles la police a été impliquée à Gostivar le 7 juillet 1997 et qui ont fait trois morts et des centaines de blessés. Il s'inquiète aussi des informations selon lesquelles toutes les garanties d'un procès équitable n'auraient pas été respectées lorsque les autorités locales étaient en cause. Le Comité recommande que ces incidents donnent lieu à une enquête approfondie menée par un organe indépendant, que des sanctions pénales ou disciplinaires appropriées soient prises contre les responsables et que le nécessaire soit fait pour que de tels incidents ne se reproduisent plus nulle part dans le pays.

11. Le Comité est préoccupé par les cas qui ont été signalés d'abus d'autorité commis par la police, notamment les cas d'arrestation et de détention illégales, d'usage excessif de la force - en particulier de membres de groupes minoritaires - et de sévices infligés aux personnes arrêtées pendant leur garde à vue. Le Comité recommande que des sanctions disciplinaires ou pénales appropriées soient prises contre les responsables et que, par ailleurs, le Gouvernement renforce la formation donnée à la police dans le domaine des droits de l'homme et mette en place des mécanismes permanents de formation continue, avec la participation d'organismes internationaux et d'experts spécialisés en la matière.

12. Le Comité note aussi avec préoccupation que la législation restrictive qui a été héritée du régime précédent dans divers domaines, notamment en ce qui concerne l'importation de matériels imprimés étrangers, demeure en vigueur. L'existence de telles lois et le fait qu'elles soient appliquées dans la pratique sont susceptibles de constituer des violations des dispositions du Pacte et, d'une manière plus générale, risquent de rendre incertain le degré d'incorporation de cet instrument au droit interne. Le Comité recommande à l'Etat partie de faire en sorte que toutes les personnes relevant de sa juridiction jouissent du droit de rechercher et de répandre des informations qu'énonce l'article 19 du Pacte et d'abroger toute législation contraire à ce droit.

13. Le Comité considère que le principe de l'égalité entre les hommes et les femmes est loin d'être appliqué dans la pratique, notamment dans l'emploi et l'éducation, en dépit des progrès réalisés dans certains domaines tels que le système judiciaire. Il prend note des activités du service de promotion de l'égalité entre les sexes, ainsi que d'autres initiatives gouvernementales tendant à surmonter des stéréotypes et des traditions profondément enracinés, et recommande de prendre sans tarder de nouvelles mesures propres à assurer une égalité véritable.

14. Tout en notant que le viol marital est considéré depuis 1996 comme un crime, le Comité regrette que, selon les informations reçues, la violence domestique soit largement répandue. Il recommande qu'une action concertée soit menée par les pouvoirs publics pour diminuer l'incidence de cette violence et renforcer les recours dont disposent les femmes qui en sont victimes.

15. Le Comité est préoccupé par le maintien de la pratique qui consiste à contraindre les citoyens à assister à des "causeries informatives", en dépit d'une décision rendue par la Cour constitutionnelle et de la nouvelle loi de procédure pénale qui a été édictée, selon lesquelles la police ne peut exercer pareille contrainte sans un mandat judiciaire. De telles pratiques et le fait de ne pas donner pleinement effet à la nouvelle loi sont incompatibles avec les dispositions de l'article 9 du Pacte.

16. Le Comité note que, depuis 1990, la présence des minorités dans les institutions politiques, administratives, culturelles et autres s'est accrue mais est préoccupé de constater qu'elle reste très inférieure à l'importance de ces minorités dans la population. Le Comité encourage l'Etat partie à renforcer ses programmes visant à accroître la représentation de la minorité albanaise et des autres minorités ethniques dans la vie publique, notamment dans la fonction publique, l'armée et la police. Le cas de la population rom est particulièrement préoccupant. Le Comité recommande en outre à l'Etat partie de continuer à encourager la participation des minorités à la conception, à l'organisation et au fonctionnement du système éducatif, en particulier au niveau de l'enseignement secondaire et de l'enseignement supérieur, et d'assurer la formation d'enseignants des langues minoritaires dans les établissements publics.

17. Le Comité recommande à l'Etat partie de donner une large diffusion au texte de son rapport initial, ainsi qu'aux présentes observations finales. Il le prie en outre de faire figurer dans son deuxième rapport périodique, à présenter en juin 2000, des éléments d'information répondant à ces observations.

 



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