University of Minnesota



Observations finales du Comité des droits de l'homme, Yugoslavia, U.N. Doc. CCPR/C/79/Add.4 (1992).


 


Convention Abbreviation: CCPR
COMITE DES DROITS DE L'HOMME

EXAMEN DES RAPPORTS PRESENTES PAR LES ETATS PARTIES
EN APPLICATION DE L'ARTICLE 40 DU PACTE

Observations du Comité des droits de l'homme

YOUGOSLAVIE


1. Le Comité a examiné le troisième rapport périodique de la Yougoslavie(CCPR/C/52/Add.9) lors de ses 1144ème, 1145ème, 1146ème et 1147ème séancestenues les 8 et 9 avril 1992, et adopté */ les observations ci-après :

A. Introduction et faits positifs

2. Le Comité remercie l'Etat partie par l'intermédiaire de son représentant pour son rapport qui, bien que soumis avec retard, a été présenté à la suite de la décision du Comité adoptée le 4 novembre 1991. Le Comité apprécie qu'en dépit des événements graves survenus dans le pays, le Gouvernement fédéral ait été en mesure de coopérer avec le Comité et de venir présenter et discuter son rapport. Le Comité prend note des informations contenues dans le rapport sur l'état de la situation au plan constitutionnel et juridique. Il regrette néanmoins que celui-ci ne couvre pas toute la période écoulée depuis le 30 mai 1983, date de présentation du deuxième rapport périodique, et qu'il ne se réfère pas suffisamment aux problèmes rencontrés par l'Etat partie dans la mise en oeuvre pratique des dispositions du Pacte. Cependant, le dialogue instauré au Comité a permis dans une certaine mesure d'obtenir des renseignements complémentaires sur les obstacles à l'application effective du Pacte et de mettre en lumière certains efforts déployés en vue d'améliorer le cadre juridique et normatif dans lequel le Pacte est mis en oeuvre. Le comité a constaté qu'une commission avait été mise en place pour enquêter sur les allégations de génocide et de violation des droits de l'homme pendant les conflits armés.

B. Facteurs et difficultés entravant l'application du Pacte

3. Le Comité note que des difficultés ont surgi dans la Province du Kosovo qui ont entraîné la proclamation de plusieurs états d'urgence successifs. Plus récemment, un processus incontrôlé de désagrégation des structures de l'Etat partie a dégénéré en violents conflits interethniques ayant entraîné des violations d'une grande ampleur de la plupart des droits de l'homme garantis par le Pacte. A la suite de cet état de fait une opération de maintien de la paix a été mise en place dans le cadre d'un cessez-le-feu négocié sous l'égide des Nations Unies.

C. Principaux sujets de préocupations

4. Le Comité note que la situation de crise actuelle ne lui permet pas, en l'état, de superviser l'application du Pacte sur l'ensemble du territoire de l'Etat partie; en raison de la perte de contrôle par l'Etat fédéral d'un nombre croissant de républiques, peu d'informations ont été communiquées au Comité sur l'application du Pacte dans celles-ci. Le Comité souligne l'importance que revêt la continuation de la mise en oeuvre du Pacte dans ces républiques. Au regard de l'article premier du Pacte, le Comité regrette que le droit de faire sécession reconnu dans la Constitution fédérale n'ait pas fait l'objet d'une procédure de mise en oeuvre en droit interne qui aurait permis le règlement pacifique de la crise. Le Comité regrette également que dans le cadre de l'état d'urgence proclamé dans la Province du Kosovo, des mesures excessives limitant les droits et libertés garantis par le Pacte aient été adoptés.

5. Le Comité exprime sa plus vive préoccupation au sujet des atrocités commises durant les conflits interethniques. Il s'inquiète des nombreuses violations des droits de l'homme protégés par le Pacte, en particulier de ceux mentionnés au paragraphe 2 de l'article 4 du Pacte qui doivent être garantis quelles que soient les circonstances (droit à la vie et interdiction de la torture en particulier). A cet égard, le Comité déplore vivement les nombreux cas d'exécutions sommaires ou arbitraires, de disparitions forcées ou involontaires, de tortures, de viols et de pillages commis par des membres de l'armée fédérale. Des faits semblables sont en outre imputables à des groupes ou milices paramilitaires. Le Comité déplore le nombre extrêmement faible d'enquêtes sur ces violations, l'absence de mesures pour châtier les coupables et éviter que de tels actes se reproduisent et, en conséquence, il regrette l'impunité dont jouissent les auteurs de tels actes.

6. Le Comité exprime également sa préoccupation au sujet des conditions de détention dans les centres de détention, de la situation des civils, en particulier des femmes, des enfants et des personnes âgées, dans les zones de conflits, et de la situation des populations déplacées. Le Comité regrette également l'étendue des restrictions et limitations imposées à l'exercice de la liberté de mouvement, du droit à la protection de la vie privée, de la liberté de religion, d'expression, de réunion et d'association et du droit de prendre part à la direction des affaires publiques.

7. Le Comité se déclare également préoccupé par la détérioration de la situation des minorités ethniques, religieuses ou linguistiques, en particulier celles d'origine albanaise et hongroise, ainsi que les populations qui sont devenues de facto des minorités à la suite des récents conflits interethniques.

D. Suggestions et recommandations

8. Tenant compte de la grave situation prévalant dans l'Etat partie, le Comité recommande au gouvernement de prendre toutes mesures nécessaires afin de faire cesser les violations des droits de l'homme, en particulier celles touchant au droit à la vie et à l'interdiction de la torture. Ces mesures devraient notamment comprendre un rétablissement du contrôle sur l'armée, une dissolution des milices et groupes paramilitaires, la répression des coupables de violations et l'adoption de mesures destinées à prévenir le renouvellement de tels abus. Le Comité recommande également la pleine application de l'article 27 du Pacte qui reconnaît aux personnes appartenant à des minorités ethniques, religieuses ou linguistiques, le droit d'avoir leur propre vie culturelle, de professer et de pratiquer leur propre religion, et d'employer leur propre langue.



*/ A la 1148ème séance, tenue le 10 avril 1992.



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