University of Minnesota



Observations finales du Comité des droits de l'homme, Slovakia, U.N. Doc. CCPR/C/79/Add.79 (1997).


 

 


Convention Abbreviation: CCPR
COMITE DES DROITS DE L'HOMME

EXAMEN DES RAPPORTS PRESENTES PAR LES ETATS PARTIES
EN APPLICATION DE L'ARTICLE 40 DU PACTE

Observations finales du Comité des droits de l'homme



SLOVAQUIE

1. Le Comité a examiné le rapport initial de la Slovaquie (CCPR/C/81/Add.9) de sa 1589ème à sa 1591ème séance, tenues les 15 et 16 juillet 1997, et a adopté à sa 1611ème séance (soixantième session), tenue le 30 juillet 1997, les observations finales ci-après.


A. Introduction

2. Le Comité se félicite du rapport initial de la Slovaquie et du dialogue constructif que celle-ci a engagé avec lui. Il note avec regret que, bien que le rapport contienne des informations détaillées sur les principales normes constitutionnelles et législatives en vigueur dans le domaine des droits de l'homme, il ne donne pas de renseignements concernant spécifiquement la mise en oeuvre pratique du Pacte. Le Comité est cependant satisfait des réponses apportées par la délégation aux questions qui lui ont été posées au cours du débat, qui lui ont permis de se faire une idée plus précise de la situation effective des droits de l'homme dans le pays.


B. Facteurs et difficultés entravant l'application du Pacte


3. Le Comité sait que la Slovaquie se trouve encore dans une période de transition et passe d'un régime autoritaire à un système démocratique et qu'elle a acquis récemment son indépendance après la dissolution de la Fédération tchèque et slovaque. Il note avec préoccupation que la Slovaquie n'a pas encore complètement éliminé les vestiges de l'ancien régime totalitaire et qu'il lui reste un certain nombre de mesures à prendre pour consolider et développer ses institutions démocratiques et affermir l'application du Pacte. Il relève aussi la persistance dans le pays de certains comportements politiques et sociaux qui portent préjudice à la promotion et à la protection de tous les droits de l'homme. Il constate de plus avec préoccupation que la délimitation imprécise des compétences respectives des autorités exécutives, législatives et judiciaires risque de menacer la primauté du droit et la mise en oeuvre d'une politique cohérente des droits de l'homme.


C. Aspects positifs

4. Le Comité se félicite de toute une série d'événements survenus récemment en Slovaquie qui représentent un progrès sur la voie d'une promotion et d'une protection plus satisfaisantes des droits de l'homme. En particulier, il accueille avec satisfaction le statut préférentiel accordé aux traités internationaux, dont le Pacte, par rapport à la législation nationale, l'incorporation dans la Constitution d'une liste longue et fournie de droits fondamentaux, y compris de droits reconnus aux minorités, et l'adaptation, suite à l'indépendance de la Slovaquie, de la loi constitutionnelle No 23/1991 portant adoption de la Charte des droits et des libertés fondamentaux, et, enfin, l'application par la Cour constitutionnelle de dispositions du Pacte, y compris les références faites aux Observations générales du Comité.

5. Le Comité se félicite de la succession de la Slovaquie au Protocole facultatif se rapportant au Pacte, relatif aux communications individuelles.

6. Le Comité prend acte avec intérêt de la création d'institutions chargées de traiter des questions relatives aux droits de l'homme, comme la Commission pour les minorités, la Commission de coordination pour la condition de la femme et la fonction de Représentant spécial pour les personnes nécessitant une assistance particulière, et compte sur l'inclusion dans les rapports à venir de renseignements sur leurs activités.

7. Le Comité se félicite de l'adoption de mesures visant à remédier à des injustices passées, comme la politique instituée par le Gouvernement slovaque, fondée sur la loi No 87/1991 adoptée par la Fédération tchèque et slovaque, qui permet aux anciens propriétaires ou à leurs descendants de réclamer des biens qui avaient été confisqués par l'ancien régime communiste, et l'adoption de la loi No 282/1993 Coll., visant à réparer dans une certaine mesure les injustices commises à l'égard des églises et des communautés religieuses qui avaient été lésées dans leurs biens entre 1945 et 1990 et entre 1939 et 1990 dans le cas de biens que possédaient auparavant des synagogues et des associations juives.

8. Le Comité se félicite de l'abolition de la peine de mort en 1990 et recommande à la Slovaquie de ratifier le deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

9. Le Comité prend acte avec satisfaction de la création au sein de la police slovaque d'unités spéciales composées d'agents ayant reçu une formation spécifique pour lutter contre la criminalité dont les femmes et les enfants sont victimes et de l'adoption de nouvelles lois visant la violence contre les femmes et l'exploitation sexuelle des enfants.

10. Le Comité se félicite de l'adoption d'une nouvelle loi sur la citoyenneté, qui protège de l'apatridie tous les enfants nés en Slovaquie.

11. Le Comité note que les autorités slovaques envisagent diverses mesures pour mieux promouvoir et protéger les droits de l'homme, y compris la création d'un poste de médiateur pour les droits de l'homme, et engage vivement celles-ci à mettre rapidement en oeuvre leurs projets. Il note que la Slovaquie est disposée à développer la coopération internationale pour assurer à tous les enfants roms déjà nés l'acquisition de la nationalité soit tchèque, soit slovaque, et que la délégation slovaque a exprimé l'intention de publier et de diffuser le texte intégral des observations finales du Comité.


D. Sujets de préoccupation et recommandations du Comité


12. Le Comité s'inquiète de l'insuffisance des mesures prises jusqu'ici pour appliquer diverses dispositions de la Constitution relatives aux droits fondamentaux et du Pacte. Il déplore notamment l'absence ou l'insuffisance de lois applicables aux domaines relevant de l'article 14 du Pacte, touchant la nomination des membres de l'appareil judiciaire, de l'article 4, de l'article 18, touchant le droit à l'objection de conscience au service militaire sans prolongation de la période de service à titre de sanction, et de l'article 25 du Pacte.

13. Le Comité regrette l'absence de clarté concernant les rapports entre les articles 11, 125 et 132 de la Constitution, pour ce qui est tout spécialement de la compétence de la Cour constitutionnelle de veiller sérieusement à ce que les lois et règlements des autorités centrales ou locales respectent la Constitution et les traités internationaux, dont le Pacte.

14. Le Comité déclare son inquiétude devant des informations documentées faisant état de discrimination à l'égard des femmes notamment et note qu'il n'existe pas de mécanismes indépendants chargés d'examiner les plaintes des victimes de discrimination de quelque sorte que ce soit. Aussi le Comité recommande-t-il : a) de donner la priorité à la lutte contre la discrimination, en particulier par des campagnes de formation et d'éducation; et b) de mettre sur pied de toute urgence des mécanismes chargés de suivre la législation antidiscrimination, de recevoir les plaintes des victimes et d'engager des enquêtes.

15. Le Comité est préoccupé par des informations selon lesquelles les Roms sont souvent victimes d'agressions racistes et ne reçoivent pas des agents de la force publique une protection suffisante. Aussi le Comité renouvelle-t-il les recommandations qu'il a faites aux alinéas a) et b) du paragraphe 14 ci-dessus.

16. Le Comité est préoccupé par les cas où les agents de la force publique font un usage excessif de la force et où des personnes placées en garde à vue sont soumises à de mauvais traitements. Il relève que le système de maintien de l'ordre ne pourra fonctionner correctement que lorsqu'une attention suffisante sera accordée à la formation des agents. Aussi recommande-t-il la mise en place à l'intention des agents de la force publique et du personnel pénitentiaire de programmes de formation appropriés dans le domaine des droits de l'homme, eu égard en particulier aux articles 7, 9 et 10 du Pacte. De façon plus générale, il recommande que des programmes de formation soient prévus à l'adresse de groupes professionnels comme les juges, les avocats et les fonctionnaires, et que des cours de droits de l'homme soient dispensés dans les établissements scolaires à tous les niveaux, afin de développer le respect des droits de l'homme au sein de la société.

17. Le Comité regrette l'insuffisance des informations données sur la façon dont les différentes formes de détention, en particulier la détention administrative provisoire et la rétention des demandeurs d'asile, respectent les dispositions de l'article 9 du Pacte. Aussi recommande-t-il au gouvernement de faire faire une analyse approfondie de la législation et de la pratique en matière de détention administrative en vue d'évaluer dans quelle mesure elles répondent aux exigences de l'article 9 du Pacte.

18. S'agissant de l'article 14 du Pacte, le Comité note avec préoccupation que les règles qui régissent actuellement la nomination des magistrats par le gouvernement avec l'approbation du parlement pourraient porter atteinte à l'indépendance du pouvoir judiciaire. Aussi recommande-t-il l'adoption à titre prioritaire de mesures garantissant expressément l'indépendance du pouvoir judiciaire, protégeant les magistrats de toute influence politique quelle qu'elle soit par le biais de lois régissant la nomination, la rémunération, l'inamovibilité, la révocation des magistrats et les mesures disciplinaires dont ils peuvent faire l'objet.

19. Le Comité note aussi avec préoccupation que le droit à l'aide judiciaire gratuite prévu au paragraphe 3 d) de l'article 14 du Pacte semble non pas être assuré dans tous les cas, mais uniquement dans ceux où la peine maximale encourue est supérieure à 5 ans d'emprisonnement. Il note par ailleurs avec préoccupation que, bien que la loi prévoie l'assistance d'un avocat dès l'arrestation, bien des cas ont été signalés où ce droit n'avait pas été respecté pendant la garde à vue. Aussi le Comité recommande-t-il d'examiner la législation régissant l'assistance judiciaire gratuite en vue de veiller à ce qu'elle respecte le Pacte et de suivre de près l'application des lois et règlements qui prévoient la présence et l'assistance d'un avocat.

20. De plus, le Comité constate avec préoccupation que des civils peuvent être jugés par des tribunaux militaires dans certains cas, notamment pour trahison de secrets d'Etat, espionnage ou atteinte à la sûreté de l'Etat. Aussi recommande-t-il de modifier le Code pénal pour interdire quelles que soient les circonstances que des civils soient traduits devant des juridictions militaires.

21. Le Comité note que la loi No 308/1991 Coll. sur la liberté de religion et le statut des églises et des communautés religieuses et les lois Nos 83/1990 Coll., 300/1990 Coll. et 62/1993 Coll. sur l'association de citoyens, exigent que les églises, communautés religieuses, associations et organisations non gouvernementales se fassent enregistrer pour pouvoir fonctionner librement et/ou recevoir des subventions de l'Etat. Comme les conditions à remplir pour se faire enregistrer sont très contraignantes, certaines églises et associations religieuses ou autres ne peuvent prétendre à une reconnaissance officielle. Aussi le Comité recommande-t-il au gouvernement d'adopter toutes les mesures voulues pour modifier la législation pertinente de façon à l'aligner sur les articles 18 et 22 du Pacte.

22. Le Comité nourrit un certain nombre de préoccupations en ce qui concerne la liberté d'expression prévue à l'article 19 du Pacte. Premièrement, l'article 98 du Code pénal sanctionne la "diffusion à l'étranger de fausses informations qui nuisent à l'intérêt" de la Slovaquie; cette clause, que l'on trouve dans le Code de 1996, est rédigée en des termes si vagues qu'elle manque de précision et risque de restreindre la liberté d'expression au-delà de ce que permet le paragraphe 3 de l'article 19 du Pacte. Deuxièmement, l'ingérence gouvernementale dans la direction de la télévision publique entraîne là encore le risque d'une violation de l'article 19 du Pacte. Troisièmement, les poursuites engagées pour diffamation au motif de critiques exprimées à l'adresse du gouvernement posent un problème du même ordre. Aussi le Comité recommande-t-il au gouvernement de se pencher sur ces trois points et d'adopter toute loi qui s'avérerait nécessaire pour éliminer toute incompatibilité avec le Pacte.

23. Le Comité est préoccupé par l'absence de garanties judiciaires en ce qui concerne le recours aux écoutes téléphoniques au cours des enquêtes criminelles préliminaires. Aussi recommande-t-il que l'interception de communications confidentielles soit toujours soumise au contrôle d'une autorité judiciaire indépendante.

24. En ce qui concerne l'article 27 du Pacte, le Comité note avec préoccupation qu'aucune mesure n'a encore été prise pour adopter une loi donnant effet à l'alinéa b) de l'article 6 et au paragraphe 2 b) de l'article 34 de la Constitution concernant l'emploi des langues des minorités après l'annulation de la loi de 1990 sur la langue officielle et qu'en conséquence l'emploi des langues des minorités n'est pas garanti dans les communications officielles. Aussi le Comité recommande-t-il l'adoption rapide d'une loi garantissant les droits linguistiques des minorités, compte dûment tenu des dispositions du Pacte et de l'Observation générale No 23 (50) du Comité. Le Comité est préoccupé par le fait que s'agissant des droits à l'éducation et des droits culturels il n'est pas suffisamment tenu compte des besoins de la minorité hongroise tout particulièrement en matière d'allocation de ressources.

25. Le Comité exprime le regret que certaines questions posées au cours de l'échange de vues avec la délégation soient restées sans réponse et demande qu'un complément d'information lui soit fourni sur l'application des dispositions constitutionnelles relatives aux droits de l'homme, mentionnés au paragraphe 12 ci-dessus, les institutions compétentes pour protéger les droits de l'homme, les rapports entre les articles 11, 125 et 132 de la Constitution, le droit à l'assistance judiciaire gratuite, l'application de l'article 9 du Pacte en ce qui concerne toutes les formes de détention, y compris la rétention des demandeurs d'asile et les mesures prises pour débarrasser les manuels scolaires de leur teneur antisémite et raciste.

26. Le Comité appelle l'attention du Gouvernement slovaque sur les dispositions du paragraphe 6 a) des Directives concernant la forme et le contenu des rapports périodiques présentés par les Etats parties et lui demande en conséquence d'inclure dans son prochain rapport attendu pour le 31 décembre 2001 des renseignements qui répondent à toutes les questions soulevées dans les présentes observations finales. Le Comité demande par ailleurs que lesdites observations finales soient largement diffusées parmi la population de toutes les régions de Slovaquie.

 



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