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Observations finales du Comité des droits de l'homme, Romania, U.N. Doc. CCPR/C/79/Add.30 (1993).


 

 


Convention Abbreviation: CCPR
COMITE DES DROITS DE L'HOMME


EXAMEN DES RAPPORTS PRESENTES PAR LES ETATS PARTIES
EN APPLICATION DE L'ARTICLE 40 DU PACTE
Observations du Comité des droits de l'homme


ROUMANIE

1. Le Comité a examiné le troisième rapport périodique de la Roumanie (CCPR/C/58/Add.15) de sa 1284ème à sa 1286ème séance, le 1er et le 2 novembre 1993, et a adopté 1/ les observations ci-après :


A. Introduction

2. Le Comité accueille avec satisfaction le troisième rapport périodique de la Roumanie et exprime des remerciements pour les renseignements détaillés et complets qu'il contient, en particulier au sujet des nombreuses réformes législatives qui ont été introduites récemment. En particulier, le Comité remercie la délégation des renseignements supplémentaires détaillés qu'elle a donnés en réponse aux questions et aux observations de ses membres. La franchise avec laquelle le rapport était rédigé et l'ouverture d'esprit dont la délégation a fait montre ont permis un dialogue aussi constructif qu'encourageant avec l'Etat partie.


B. Facteurs et difficultés entravant l'application du Pacte

3. Le Comité s'inquiète de l'héritage de la période totalitaire, pendant laquelle des violations graves et systématiques des droits de l'homme ont été commises en Roumanie. Il note en particulier que certaines attitudes politiques et sociales prévalant encore dans le pays et généralement tolérées ne sont pas propices à la promotion et à la protection des droits de l'homme.


C. Aspects positifs

4. Le Comité se félicite des nombreux faits nouveaux survenus récemment en Roumanie, qui représentent un progrès important sur la voie de la démocratie et du pluralisme. D'une façon générale, il est encouragé par les dispositions de la nouvelle constitution, qui offre en effet une solide base juridique pour instaurer un ordre démocratique. Le Comité se déclare en particulier satisfait de constater que le Pacte et d'autres instruments internationaux de défense des droits de l'homme ont été incorporés au droit interne et qu'ils paraissent occuper un rang supérieur dans la hiérarchie des lois.

5. Le Comité note avec satisfaction les réformes politiques entreprises en Roumanie et la mise en place d'institutions démocratiques. Les efforts engagés pour procéder à une réforme juridique approfondie ont déjà donné de nombreux résultats, en particulier la nouvelle loi sur le pouvoir judiciaire, les réformes apportées au Code pénal et au Code de procédure pénale et l'abrogation prévue de certaines lois discriminatoires comme celle qui opprimait les homosexuels.

6. Le Comité se félicite de l'abolition de la peine de mort et de la ratification par la Roumanie du deuxième Protocole facultatif. Il accueille aussi avec satisfaction l'adhésion récente de la Roumanie au premier Protocole facultatif reconnaissant la compétence du Comité pour recevoir et examiner des communications émanant de particuliers qui se prétendent victimes d'une violation de l'un des droits énoncés dans le Pacte.

7. Le Comité se félicite également de l'ouverture du gouvernement qui affirme le caractère pluriculturel de la société roumaine et des efforts entrepris pour faire participer les minorités à la vie publique.


D. Principaux sujets de préoccupation

8. Le Comité s'inquiète de ce que le cadre juridique n'est peut-être pas pleinement conforme au Pacte, relevant en particulier que la restriction générale des droits en vertu de l'article 49 de la Constitution est beaucoup plus étendue que celle qui est autorisée par le Pacte.

9. Le Comité se déclare préoccupé de la persistance en Roumanie de problèmes liés à la discrimination à l'encontre de membres de minorités et, plus particulièrement, d'infractions dues à l'incitation à l'intolérance ethnique ou religieuse. Les groupes vulnérables, tels que les Roms (Tziganes), se trouvent particulièrement menacés. Le Comité est préoccupé par le fait que le gouvernement n'ait pas réagi suffisamment pour combattre une telle discrimination ou pour riposter efficacement aux incidents violents qui visaient des membres de groupes minoritaires.

10. Le Comité s'inquiète des abus commis par la police, comme la pénétration de force au domicile d'individus, le manquement à l'obligation d'informer les personnes arrêtées de leurs droits et les mauvais traitements infligés aux prisonniers. Le Comité note à cet égard que le nombre d'enquêtes, d'inculpations et de condamnations est extrêmement faible par rapport au nombre de plaintes reçues ou d'abus dénoncés, que les peines prescrites par la loi ne sont pas proportionnées à la gravité des infractions et que l'indemnisation des victimes d'abus n'est pas toujours assurée, tous facteurs qui contribuent à un climat d'impunité. Cette situation est particulièrement alarmante de par la façon dont elle compromet les relations harmonieuses avec les minorités, entraînant une marginalisation ethnique et une escalade de la violence.

11. Le Comité note avec regret la baisse, ces dernières années, de la participation des femmes à la vie publique et à l'emploi ainsi qu'aux possibilités d'emploi. L'augmentation du taux de mortalité infantile donne également matière à préoccupation.

12. Le Comité s'inquiète aussi de ce que l'indépendance du pouvoir judiciaire ne soit pas encore pleinement assurée. A cet égard, le maintien d'un droit de regard du Ministère de la justice sur les décisions judiciaires et l'amovibilité des magistrats créent une situation qui compromet grandement l'indépendance du pouvoir judiciaire.


E. Suggestions et recommandations

13. Le Comité souligne qu'il faut continuer à passer en revue l'ensemble des lois, règlements et procédures administratives applicables pour garantir leur conformité avec les dispositions du Pacte. A cet égard, les projets de loi qui sont activement à l'étude devraient aussi être rigoureusement compatibles avec les obligations contractées par la Roumanie en vertu du Pacte. Cette remarque est particulièrement importante pour ce qui est de l'exercice de la liberté d'expression, étant donné que les restrictions prévues par l'article 49 de la Constitution ont une portée notablement plus étendue que celles qui sont autorisées par l'article 19 du Pacte. Le Comité recommande que les réformes législatives soient rapidement suivies par des changements réels dans la pratique, en particulier en ce qui concerne les règlements et les procédures administratifs.

14. Le Comité recommande l'adoption de nouvelles mesures pour assurer la protection des membres des groupes minoritaires et pour permettre à ceux-ci d'exercer leurs droits en vertu du Pacte, notamment le droit à la participation aux institutions publiques à tous les niveaux. Le Comité recommande également au Gouvernement roumain de prendre des mesures plus actives pour lutter contre les attitudes racistes et xénophobes et pour promouvoir la tolérance et la compréhension entre les différents groupes ethniques, religieux et nationaux du pays. A cet égard, des mesures résolues s'imposent pour lutter contre les attitudes négatives manifestées par les organes d'information, qui risquent de renforcer les attitudes racistes dans la population, en particulier à l'égard des Roms.

15. Le Comité insiste sur la nécessité de contrôler davantage la police, en particulier dans le contexte du passé récent, marqué par l'autoritarisme, d'où la société roumaine émerge. Il faut engager des efforts résolus et inlassables pour garantir qu'aucun élément de racisme n'entache l'application de la loi, dans la pratique ou dans les mentalités. Des progrès restent à faire pour placer la police parfaitement sous contrôle civil. Il faudrait organiser des programmes intensifs de formation et d'éducation à l'intention des responsables de l'application de la loi et consentir un effort résolu pour assurer une représentation suffisante des minorités dans les forces de police. Il faudrait aussi prendre des mesures pour renforcer les procédures de recours ouvertes aux victimes des abus commis par la police et pour qu'une suite appropriée soit donnée aux plaintes dénonçant de tels abus, par l'ouverture d'enquêtes poussées et par l'application aux responsables de sanctions pénales et non pas simplement administratives.

16. Le Comité insiste sur la nécessité pour le gouvernement de prendre des mesures positives visant à améliorer la situation des femmes et des enfants, en particulier en ce qui concerne la participation des femmes à la vie publique, l'égalité des chances en matière d'emploi et de rémunération et l'égalité des droits et des devoirs au sein de la famille. Le Comité recommande aussi l'adoption de mesures visant à réduire la mortalité infantile.

17. En ce qui concerne l'indépendance du pouvoir judiciaire, le Comité recommande l'adoption de mesures en vue d'accélérer la réforme entreprise et de mettre fin aux pouvoirs de contrôle dont dispose actuellement le Ministère de la justice. Il convient de poursuivre de façon résolue l'effort tendant à encourager une philosophie de l'indépendance au sein du pouvoir judiciaire lui-même.

18. Le Comité insiste sur la nécessité pour le gouvernement de se montrer plus actif pour éliminer les attitudes qui entravent le respect effectif des normes en matière de droits de l'homme. L'information et l'éducation doivent être intensifiées de façon à mieux faire connaître à la population les dispositions du Pacte et des mesures doivent être prises pour les appliquer dans la pratique. A cet égard, il pourrait être fait davantage appel aux organisations non gouvernementales et aux organes d'information.



Note

1/ A sa 1289ème séance, le 4 novembre 1993.

 



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