University of Minnesota



Observations finales du Comité des droits de l'homme, Paraguay, U.N. Doc. A/50/40, paras. 192-223 (1995).


 

 


Convention Abbreviation: CCPR
COMITE DES DROITS DE L'HOMME


EXAMEN DES RAPPORTS PRESENTES PAR LES ETATS PARTIES
EN APPLICATION DE L'ARTICLE 40 DU PACTE

Observations du Comité des droits de l'homme



Paraguay


192. Le Comité a examiné le rapport initial du Paraguay (CCPR/C/84/Add.3 et HRI/CORE/1/Add.24) à ses 1392e et 1396e séances, les 22 et 24 mars 1995 (voir CCPR/C/SR.1392 et 1396) et il a adopté À sa 1412e séance (cinquante-troisième session), le 5 avril 1995. les observations ci-après :


1. Introduction

193. Le Comité accueille avec satisfaction le rapport initial présenté par l'État partie et se félicite de l'attitude coopérative que la délégation a adoptée en engageant le dialogue avec lui. Il regrette cependant que ce rapport, dans lequel sont présentés des éléments d'information détaillés concernant la législation en vigueur au Paraguay, ne rende pas compte comme il le faudrait de la manière dont le Pacte est mis en oeuvre dans la pratique, ni des difficultés rencontrées à cet égard. Bien que les renseignements donnés oralement par la délégation aient répondu à certaines des préoccupations du Comité, celui-ci n'a pu se faire qu'une idée partielle de la situation des droits de l'homme dans le pays.

194. Le Comité félicite l'État partie d'avoir présenté un document de référence (HRI/CORE/1/Add.24) établi conformément aux directives générales concernant la première partie des rapports par lesquels les États parties doivent rendre compte de l'application des divers instruments protégeant les droits de l'homme (HRI/1991/1).


2. Facteurs et difficultés ayant une incidence
sur l'application du Pacte

195. Le Comité reconnaît que l'État partie, où un changement de gouvernement intervenu en 1989 a mis fin à une longue période de régime dictatorial, passe actuellement par une phase de transition vers la démocratie et que l'infrastructure nécessaire pour assurer l'application du Pacte n'a pas encore été mise en place. Il mesure les difficultés auxquelles se heurtent les nombreuses initiatives législatives encourageantes qui ont été prises en ce qui concerne les droits de l'homme et se rend compte qu'il n'est pas encore possible d'évaluer les résultats obtenus de manière réellement concluante.


3. Aspects positifs

196. Le Comité constate avec satisfaction que le Gouvernement paraguayen a continué de progresser depuis 1989 dans le cadre des efforts qu'il déploie pour démocratiser le pays et faire en sorte que la protection des droits de l'homme s'y accorde avec les normes internationales. Il se félicite en particulier de la signature et de la ratification d'un certain nombre d'instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme, y compris le Pacte et le premier Protocole facultatif, ainsi que des mesures législatives et administratives prises pour en faire progresser l'application. Il félicite de même l'État partie d'avoir ratifié le Pacte sans émettre de réserves.

197. Le Comité se félicite tout particulièrement de la promulgation de la Constitution de 1992 qui contient des dispositions relatives à la protection des droits civils et politiques et donne rang constitutionnel à un certain nombre d'instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme, y compris le Pacte, qui l'emportent ainsi sur les lois nationales.

198. Le Comité se félicite en outre de la mise en place d'instances ayant à recevoir les plaintes et à s'occuper des divers aspects des questions relatives aux droits de l'homme, y compris la Direction générale pour les droits de l'homme, relevant du Ministère de la justice et du travail, le Bureau du "Defensor del pueblo", et les commissions des droits de l'homme créées au sein de chacune des deux chambres du Congrès.

199. Le Comité se félicite des amendements apportés au Code civil en 1992, ainsi que de l'adoption des autres textes qui rapprochent les droits civils et politiques reconnus aux femmes de ceux dont bénéficient les hommes. Il accueille avec satisfaction la création du Secrétariat d'État à la condition féminine.

200. Le Comité prend note avec satisfaction de la déclaration faite par la délégation, selon laquelle le gouvernement ne promulguera pas de loi d'amnistie, des mesures concrètes ayant au contraire déjà été prises ou l'étant actuellement pour faire en sorte que les coupables de violations des droits de l'homme commises sous la dictature aient à répondre de leurs actes. Il fait observer à cet égard que l'adoption de telles lois tend à avoir pour effet de prévenir l'ouverture des enquêtes qui s'imposeraient et à protéger les auteurs de violations des droits de l'homme commises dans le passé, à entraver les efforts visant à assurer le respect des droits de l'homme, à donner davantage encore aux auteurs de violations des droits de l'homme le sentiment qu'ils peuvent agir en toute impunité et à faire obstacle à l'action menée en vue de consolider la démocratie et de promouvoir le respect des droits de l'homme.

201. Le Comité note avec satisfaction l'initiative que le Gouvernement a prise de rendre publiques les archives de l'armée, permettant ainsi aux particuliers de porter plainte sur la base des éléments d'information qui y figurent.

202. Le Comité note avec satisfaction que les questions relatives aux droits de l'homme font maintenant partie des programmes de l'enseignement secondaire.

203. Le Comité se félicite des efforts que le Paraguay déploie, avec l'aide de la communauté internationale, afin de moderniser le processus judiciaire. Il note par ailleurs qu'une révision du Code pénal et du Code de procédure criminelle est en cours.

204. Le Comité note que l'État partie a manifesté sa volonté de ratifier le deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, qui vise à abolir la peine de mort.


4. Principaux sujets de préoccupation

205. Le Comité regrette que l'État partie n'ait pas donné d'informations sur l'indemnisation des victimes de violations des droits de l'homme commises sous la dictature.

206. Le Comité constate que la torture et de mauvais traitements ont continué d'être infligés aux détenus même après le rétablissement de la démocratie en 1989. Il est préoccupant que des responsables qui se sont identifiés avec le précédent régime et adhéraient à ses méthodes autoritaires soient toujours en place.

207. Le Comité juge préoccupant qu'en dépit des garanties constitutionnelles visant les droits des femmes, celles-ci continuent d'être soumises à un traitement inégal au Paraguay, en partie du fait du maintien de lois surannées qui vont manifestement à l'encontre des dispositions du Pacte, par exemple les lois qui sont plus clémentes lorsqu'un infanticide est commis pour protéger l'honneur d'une femme que dans les cas ordinaires d'homicide, ou qui modulent la peine infligée à ceux qui violent ou enlèvent des femmes en fonction de la situation de famille de la victime. Le Comité considère en outre que la législation du travail ne protège pas les droits des femmes comme il le faudrait. Il note que les lois relatives au salaire minimum ne s'appliquent pas aux employés de maison, ce qui défavorise les femmes dans la mesure où le travail domestique constitue l'un de leurs principaux débouchés.

208. Le Comité, constatant le grand nombre de décès parmi les femmes enceintes, regrette que l'État partie n'ait pas donné de renseignements sur les répercussions qu'a pu avoir à cet égard l'application des lois contre l'avortement.

209. Le Comité constate avec préoccupation que les lois contraires à la Constitution n'ont pas été abrogées. De plus, certaines des dispositions de la Constitution, portant notamment sur le droit à réparation (art. 39), ne sont toujours pas assorties de règlements d'application.

210. Le Comité s'inquiète de la pratique consistant à ne pas séparer les prévenus des condamnés dans les prisons, qui contrevient au paragraphe 2 a) de l'article 10 du Pacte. Il note également avec préoccupation que les mesures visant à limiter le recours à la détention provisoire sont insuffisantes, ce qui fait de cette pratique la règle plutôt que l'exception. De l'avis du Comité, les conditions énoncées dans la loi ne sont pas suffisantes pour justifier la détention provisoire dans les cas où une tentative d'échapper à la justice ou le danger pour la communauté ne constituent pas des risques réels.

211. Le Comité se déclare préoccupé par l'insuffisance de l'information produite en ce qui concerne l'indépendance du pouvoir judiciaire, et en particulier la sécurité de l'emploi dans la magistrature.

212. Le Comité constate avec préoccupation que le rôle prédominant réservé à l'Église catholique dans le pays semble entraîner dans les faits une certaine discrimination à l'égard des autres confessions.

213. Le Comité constate avec préoccupation que la pauvreté et le manque d'instruction, en particulier parmi les autochtones, font dans bien des cas obstacle à l'exercice des droits civils et politiques.

214. Le Comité voit dans le déni du statut d'électeur aux élèves des écoles militaires une restriction excessive au regard de l'article 25 du Pacte, concernant le droit de participer à la vie publique.


5. Suggestions et recommandations

215. En ce qui concerne l'application du Pacte, le Comité demande à être informé dans les rapports périodiques que l'État partie lui présentera à l'avenir de tout cas dans lequel l'instrument aura pu être directement invoqué dans les tribunaux, de même que des résultats obtenus.

216. Le Comité félicite l'État partie, conformément au paragraphe 2 de l'article 2 du Pacte des efforts qu'il déploie en vue de traduire en justice ceux qui se sont rendus coupables d'atteintes aux droits de l'homme dans le passé. Il demande instamment à l'État partie de continuer à enquêter sur toutes les allégations relatives à des violations des droits de l'homme, passées et actuelles, et, à cet effet, d'étudier avec soin toutes les archives du régime précédent. Il demande instamment aussi à l'État partie de donner suite aux conclusions de ces enquêtes, de traduire les coupables en justice et d'indemniser comme il convient les victimes, s'agissant en particulier des cas dans lesquels les forces de police et de sécurité continuent d'avoir recours à la torture ou à de mauvais traitements. Le Comité recommande qu'un mécanisme indépendant et crédible soit institué pour recevoir les plaintes relatives aux violences policières et que les dispositions voulues soient prises pour faire connaître l'existence dudit mécanisme.

217. Le Comité demande instamment à l'État partie de se conformer au paragraphe 2 a) de l'article 10 du Pacte en séparant les prévenus des condamnés dans les prisons. Il recommande en outre que l'État partie revoie ses lois et pratiques concernant la détention provisoire afin de faire en sorte que celle-ci ne soit pas considérée comme la règle générale et que, dans les cas où elle est imposée, la durée en soit strictement limitée, conformément à l'article 4 du Pacte.

218. Le Comité recommande que toutes les lois nationales intéressant les femmes soient revues en vue d'actualiser les normes juridiques surannées qui sont actuellement en vigueur et de les conformer aux dispositions pertinentes du Pacte. Il recommande en particulier que l'État partie revoie ses lois sur les actes criminels commis à l'encontre des femmes, de même que toutes les dispositions de la législation du travail par lesquelles une discrimination est exercée à l'encontre des femmes, et qu'il prenne toutes les mesures voulues pour lutter contre les conceptions traditionnelles du rôle des femmes dans la société. Il recommande en outre que l'État partie encourage la participation des femmes à la vie publique, en particulier à la vie politique, qui demeure faible en dépit des progrès juridiques grâce auxquels les restrictions existant dans ce domaine ont été réduites.

219. Le Comité prie l'État partie de fournir dans son prochain rapport des indications sur la fréquence des avortements clandestins, la proportion des décès dus à ceux-ci dans le fort taux de mortalité maternelle et les mesures prises en application de l'article 61 de la Constitution.

220. Le Comité recommande que l'État partie procède à un examen approfondi de la législation nationale afin d'en assurer la conformité avec les normes énoncées tant dans la Constitution que dans le Pacte. Il recommande à cet égard que le Pacte et les recommandations précises formulées ici soient pris en considération aux fins de la révision du Code pénal à laquelle il est actuellement procédé.

221. Le Comité recommande que l'État partie inclue dans son prochain rapport des éléments d'information détaillés concernant les questions soulevées au cours de l'examen du rapport initial, s'agissant en particulier de l'efficacité des lois à l'étude ou en vigueur, de l'évolution du rôle des institutions mises en place pour assurer la protection des droits de l'homme et du système de coordination des diverses institutions.

222. Le Comité recommande également que l'État partie inclue dans son prochain rapport des éléments d'information concernant les procédures établies pour faire en sorte que la suite voulue soit donnée aux recours, conformément aux vues et aux recommandations formulées par le Comité au titre du premier Protocole facultatif, et compte tenu des obligations énoncées à l'article 2 du Pacte.

223. Le Comité recommande que le Pacte, les Protocoles facultatifs et ses observations soient largement diffusés au Paraguay et que l'enseignement des droits de l'homme soit étendu aux membres des forces de police et de sécurité, ainsi qu'aux membres de la profession juridique et à tous ceux qu'intéresse l'administration de la justice, en vue d'en faire un élément constituant de leur formation.

 

 



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