University of Minnesota



Observations finales du Comité des droits de l'homme, Mexico, U.N. Doc. CCPR/C/79/Add.32 (1994).


 


Convention Abbreviation: CCPR
COMITE DES DROITS DE L'HOMME
Cinquantième session


EXAMEN DES RAPPORTS PRESENTES PAR LES ETATS PARTIES
EN VERTU DE L'ARTICLE 40 DU PACTE
Observations du Comité des droits de l'homme


Mexique

1. Le Comité a examiné le troisième rapport périodique du Mexique (CCPR/C/76/Add.2) lors de ses 1302ème à 1305ème séances (CCPR/C/SR.1302 à SR.1305), tenues les 28 et 29 mars 1994, et a adopté à sa 1315ème séance (cinquantième session), tenue le 6 avril 1994.les observations ci-après :


A. Introduction

2. Le Comité remercie le Mexique de son rapport et se félicite de la présence devant lui d'une importante délégation de haut niveau malgré les événements graves survenus très récemment dans le pays. Il constate que le rapport a été produit dans les délais requis et a tenu compte et des questions présentées par les membres du Comité lors de l'examen du précédent rapport périodique et des observations générales du Comité. Les commentaires développés oralement et accompagnés d'une abondante documentation ont actualisé le rapport écrit et contribué à rendre le dialogue avec le Comité franc et fructueux.

3. Le Comité remercie l'Etat partie pour le document de base (HRI/CORE/1/Add.12), rédigé conformément aux directives unifiées concernant la première partie des rapports des Etats parties devant être présentés en vertu des différents instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme (HRI/1991/1).


B. Facteurs et difficultés entravant l'application du Pacte

4. Les difficultés socio-économiques ainsi qu'une pauvreté largement répandue entraînent la marginalisation croissante d'une partie importante de la population, en particulier les enfants des rues et les membres des groupes autochtones qui, dès lors, n'ont pas accès à la protection des droits fondamentaux garantis par le Pacte. De surcroît, l'éloignement des centres de décision et des organes judiciaires dans les zones agraires est un facteur d'isolement des populations rurales qui entrave la mise en oeuvre des droits de l'homme sur tout le territoire mexicain.


C. Aspects positifs

5. Le Comité accueille avec satisfaction l'institution de la Commission nationale des droits de l'homme, chargée de faire des enquêtes et des recommandations au gouvernement. Il prend acte de la création de commissions du même type dans chacun des Etats du pays. Les nouvelles institutions ainsi que le développement de la législation dans ce domaine, notamment pour réprimer la torture et indemniser les victimes, traduisent un progrès en faveur de la promotion et de la sauvegarde des droits de l'homme au Mexique. L'élargissement du droit de vote à des personnes qui n'en jouissaient pas jusqu'alors ainsi que l'accès à la fonction publique pour les citoyens qui ne sont pas mexicains de naissance marquent une évolution favorable dans le sens du respect de l'article 25 du Pacte. La possibilité offerte aux organisations non gouvernementales de se rendre dans tout le territoire, en particulier dans les régions sensibles, manifeste la volonté du gouvernement de coopérer avec les organes de défense des droits de l'homme.


D. Principaux sujets de préoccupations

6. Le Comité déplore vivement les événements récemment survenus au Chiapas et qui ont entraîné de nombreuses violations des droits garantis par le Pacte, en particulier ses articles 6, 7 et 9. Le Comité note que, l'état d'urgence n'ayant pas été proclamé au Chiapas au début de 1994, les autorités ont restreint les droits énoncés dans le Pacte, notamment aux articles 9 et 12, sans que soient respectées les garanties prévues par le Pacte.

7. Le Comité s'inquiète du nombre important de plaintes concernant des actes de torture ou des détentions arbitraires alors que les poursuites et les condamnations des coupables sont très peu nombreuses et très inférieures aux recommandations de la Commission mexicaine des droits de l'homme, qui a dénoncé ces faits. De même, les disparitions forcées ou involontaires et les exécutions extra-judiciaires ne sont pas systématiquement suivies d'enquêtes permettant d'identifier, de traduire en justice, de sanctionner les auteurs et d'indemniser les victimes. Enfin, les conditions dans les prisons et autres centres de détention ainsi que la lenteur des procédures judiciaires demeurent d'importants sujets de préoccupation.

8. En l'absence d'efficacité de la procédure d'amparo, la libération immédiate d'une personne irrégulièrement détenue n'est pas pleinement garantie, comme le veut l'article 9 du Pacte.

9. Le Comité déplore les très graves atteintes aussi bien au droit à la vie qu'à la liberté d'expression constituées par les fréquents assassinats de journalistes qui ont atteint des chiffres particulièrement alarmants.

10. Le Comité est également préoccupé par les conditions d'exercice des droits prévus aux articles 21 et 22 du Pacte, comme en témoigne la répression sévère qui a frappé des manifestations pacifiques de travailleurs en grève.

11. Le Comité s'interroge avec inquiétude à propos du système et des pratiques en matière électorale ainsi que du climat de violence qui entoure les scrutins les plus importants. Il constate que cette situation ne permet pas de garantir pleinement l'expression libre de tous les électeurs ainsi que la participation de tout citoyen à la direction des affaires publiques, notamment par l'intermédiaire de représentants librement choisis, conformément à l'article 25 du Pacte.

12. Enfin, le Comité s'est montré préoccupé par la situation des populations autochtones. L'article 27 de la Constitution relatif à la réforme agraire est souvent appliqué au détriment des personnes appartenant à de tels groupes. Le retard apporté à résoudre les problèmes liés à la répartition des terres a ébranlé la confiance de ces populations à l'égard des autorités tant locales que fédérales. Ces personnes sont soumises à des lois spéciales, notamment au Chiapas, ce qui peut entraîner une situation de discrimination au sens de l'article 26 du Pacte.


E. Suggestions et recommandations

13. Le Comité recommande à l'Etat partie de doter la Commission nationale des droits de l'homme des pouvoirs qu'il faut à celle-ci pour fonctionner efficacement et de manière totalement indépendante vis-à-vis des autorités politiques et administratives, et de l'habiliter à saisir les autorités judiciaires compétentes lorsqu'elle constate des violations des droits garantis par le Pacte.

14. Le Comité recommande instamment que tous les cas d'exécution extrajudiciaire, de torture et de détention arbitraire fassent l'objet d'enquêtes systématiques afin que les personnes soupçonnées d'avoir commis de tels actes soient traduites en justice, que les coupables soient sanctionnés et que les victimes soient indemnisées. Les responsables de l'application des lois devraient recevoir une formation adéquate pour que le respect des droits fondamentaux des personnes placées sous leur contrôle fasse partie intégrante de leur mission.

15. Le Comité suggère aux autorités mexicaines de donner pleinement effet à l'article 25 du Pacte, en particulier dans le domaine électoral, en prenant des mesures d'ordre juridique et pratique pour assurer une représentation équitable du corps électoral tout entier et pour que les scrutins se déroulent sans fraude, dans le climat de sérénité indispensable à l'exercice du libre choix des électeurs. A cette fin, l'intention des autorités d'accepter la présence lors des scrutins d'observateurs internationaux contribuerait à assurer la transparence des élections.

16. Le Comité invite les autorités à poursuivre activement les programmes relatifs à la protection des enfants vulnérables, en particulier les enfants des rues. De même, les progrès déjà réalisés dans l'évolution de la condition de la femme devraient être soutenus et la violence familiale devrait être combattue avec plus de vigueur.

17. Le Comité recommande que le gouvernement envisage d'assurer, dans le cadre d'une réforme agraire, une répartition plus équitable des terres et tienne compte des droits et aspirations des populations autochtones à cet égard. En outre, les mesures d'application de l'article 4 de la Constitution devraient être renforcées de manière significative. Les populations autochtones devraient avoir la possibilité de participer à la prise des décisions qui les concernent.



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