University of Minnesota



Observations finales du Comité des droits de l'homme, Ecuador, U.N. Doc. CCPR/C/79/Add.92 (1998).


 

 


Convention Abbreviation: CCPR
COMITÉ DES DROITS DE L'HOMME
Soixante-troisième session





EXAMEN DES RAPPORTS SOUMIS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT
À L'ARTICLE 40 DU PACTE

Observations finales du Comité des droits de l'homme

ÉQUATEUR
1. Le Comité a examiné le quatrième rapport périodique de l'Équateur (CCPR/C/84/Add.6) à ses 1673ème et 1674ème séances, le 14 juillet 1998 (CCPR/C/SR.1673 et SR.1674) et a adopté les observations ci-après à sa 1692ème séance tenue le 27 juillet 1998.

A. Introduction
2. Le Comité se félicite de la présentation du quatrième rapport périodique, ainsi que de l'additif à ce rapport, qui contient une mise à jour des renseignements fournis par l'État partie. Il salue la présence d'une délégation composée de personnalités de haut niveau et est satisfait de la franchise du débat, qui lui a permis de se faire une idée plus précise de la situation actuelle des droits de l'homme en Équateur.

3. S'il apprécie l'additif au rapport présenté par l'État partie, le Comité regrette de ne pas avoir pu disposer d'un document de base qui lui aurait permis de mieux comprendre les problèmes qui se posent en Équateur. Il regrette également l'absence de chiffres fiables.

B. Aspects positifs
4. Le Comité prend acte de la promulgation, en mai 1997, de la nouvelle Constitution, qui doit entrer en vigueur en août 1998, et se félicite de l'augmentation du nombre des dispositions concernant la protection des droits de l'homme.

5. Le Comité se félicite de l'adoption d'une législation prévoyant réparation pour les victimes de violations des droits de l'homme. Il est satisfait d'apprendre en outre que, dans deux cas particulièrement graves de violations des droits de l'homme, la famille des victimes a été indemnisée par l'État partie.

6. Le Comité se félicite du Plan national pour les droits de l'homme (Plan Nacional de Derechos Humanos), ainsi que de la création du Conseil national de la magistrature (Consejo Nacional de la Magistratura). Il prend note par ailleurs de la nomination d'un nouveau Défenseur du peuple, et se félicite de l'extension des procédures d'amparo et d'habeas corpus ainsi que de la mise en place du recours en habeas data.

7. Le Comité apprend avec satisfaction que l'article 23 de la Constitution interdit de promulguer des lois d'amnistie ou d'accorder la grâce en cas de violation des droits de l'homme. Il se félicite du fait qu'il n'y a pas prescription pour les cas de torture, de disparition forcée et d'exécution extrajudiciaire, et que l'obéissance aux ordres des supérieurs ne peut pas être invoquée comme une circonstance atténuante dans de tels cas. Il se félicite en outre d'apprendre que la compétence des tribunaux militaires est limitée aux membres des forces armées dans l'exercice de leurs fonctions officielles, que ces tribunaux n'ont aucune compétence à l'égard des civils et que les cas de violation des droits de l'homme par des membres des forces armées et des forces de sécurité sont du ressort des tribunaux civils.

8. Le Comité se félicite des renseignements précisant que le Tribunal constitutionnel a déclaré inconstitutionnelles, d'une part, la criminalisation des relations homosexuelles entre adultes consentants et, d'autre part, la loi visant à soustraire à l'application des nouvelles dispositions relatives à la détention des personnes en attente de jugement les personnes inculpées en vertu de la loi sur les stupéfiants et les psychotropes.

9. Le Comité prend connaissance avec satisfaction des renseignements selon lesquels une série de programmes éducatifs ont été mis au point en collaboration avec des institutions internationales de façon à permettre à tous les secteurs de la population, et en particulier aux membres des forces armées, des forces de sécurité et de la police, ainsi qu'aux magistrats et aux avocats, de se familiariser avec les normes internationales relatives à la protection et au respect des droits et de la dignité de l'homme.

C. Principaux sujets de préoccupation, suggestions et recommandations
10. Le Comité s'inquiète des nombreux cas de violence à l'égard des femmes et du très petit nombre de décisions de justice prises à cet égard. Le Comité fait ressortir que tout acte de violence contre la femme, pour lequel une plainte est déposée, doit faire l'objet d'une enquête et d'une action en justice.

11. Le Comité s'inquiète du très grand nombre de suicides de mineures, évoqué dans le rapport, qui semble être lié en partie à l'interdiction de l'avortement. À cet égard, le Comité déplore que l'État partie n'ait pas abordé les conséquences de ce phénomène pour les adolescentes, en particulier celles qui sont victimes de viol, considérant que celles-ci souffrent des conséquences de tels actes pendant toute leur vie. Ce type de situation, tant au regard de la loi que dans la pratique, est contraire aux articles 3, 6 et 7 du Pacte, ainsi qu'à l'article 24 en ce qui concerne les mineures.

Le Comité recommande à l'État partie d'adopter toutes les mesures nécessaires, législatives et autres, pour aider les femmes, en particulier les adolescentes, en cas de grossesse non désirée, à avoir accès à des services de santé et des services éducatifs adaptés.

12. En dépit des renseignements positifs fournis concernant les mesures prises en vue de modifier la procédure pénale, d'instituer l'oralité des débats et d'introduire d'autres moyens de régler les affaires civiles, le Comité reste inquiet devant la lenteur indue de la justice.

Le Comité invite l'État partie à accélérer le cours de la justice étant donné l'énorme arriéré des affaires judiciaires en instance.

13. Le Comité est particulièrement inquiet de voir que les prévenus peuvent être maintenus en détention avant jugement pour une durée maximale équivalant à un tiers de la peine qu'ils encourent, quel que soit le risque ou défaut à comparaître et que, selon les chiffres indiqués par l'État partie, près de 70 % de la population des prisons est en attente de jugement. Cette situation est incompatible avec la présomption d'innocence et le droit d'être jugé dans des délais raisonnables ou d'être libéré sous caution prévus aux articles 9 et 14 du Pacte.

Le Comité recommande que la législation concernant la liberté sous caution soit rendue conforme aux dispositions du Pacte et que la détention préventive soit l'exception et non la règle.

14. Le Comité est inquiet de la lenteur de la justice, qui est incompatible avec les prescriptions des articles 9 et 14 du Pacte. Il s'inquiète aussi de la grave pénurie de défenseurs publics pour les personnes démunies à Quito et à Guayaquil, et du fait qu'il n'en existe pas en de nombreux points du pays. Cette situation est d'autant plus grave que, selon la loi équatorienne, l'assistance d'un conseil est obligatoire dans un procès.

Le Comité recommande à l'État partie de se pencher sur la question de la lenteur de la justice et en particulier de respecter les dispositions du Code de procédure pénale (Código de Procedimiento Penal), qui prévoit que la phase initiale du procès doit être achevée dans un délai de 60 jours. Le Comité invite l'État partie à augmenter le nombre de défenseurs publics et à faire en sorte qu'il en existe sur tout le territoire.

15. Le Comité s'inquiète de voir que les dispositions de la loi no 10282 relative à l'état d'urgence, ainsi que celles de l'article 103 ñ (no 6) de la Constitution, qui contient une énumération des articles de la Constitution auxquels il peut être dérogé pendant l'état d'urgence ne sont pas conformes au Pacte.

Le Comité regrette de ne pas avoir eu suffisamment de précisions sur les dispositions auxquelles il peut être dérogé selon la Constitution pendant l'état d'urgence et se demande si elles sont compatibles avec les dispositions du Pacte.

16. Le Comité s'inquiète de voir qu'en dépit du Plan pour l'égalité des chances 1997-2000 (Plan de Igualdades 1997-2000), du fait que les droits des femmes sont garantis par la Constitution et des lois visant à mettre fin à la discrimination, les femmes continuent de recevoir un traitement inéquitable en Équateur par suite, notamment, de la permanence d'attitudes traditionnelles et de lois dépassées. Cet état de choses, ainsi que l'existence de ces lois soulèvent des difficultés au titre des articles 3, 23, 24 et 26 du Pacte.

Le Comité recommande à l'État partie de mettre en oeuvre sans réserve le Plan pour l'égalité des chances. Il lui recommande également d'abroger les dispositions du Code de procédure pénale qui dénient à la prostituée le droit de témoigner devant les tribunaux. Le Comité prie l'État partie de l'informer, dans son prochain rapport périodique, des mesures prises et des résultats obtenus dans l'application du plan pour l'égalité des chances.

17. Le Comité s'inquiète aussi de voir qu'en dépit du fait que le travail sous les ordres d'un tiers des mineurs de moins de 14 ans requiert l'autorisation du juge, l'exploitation économique des enfants continue.

Le Comité recommande que le Comité national pour l'élimination progressive du travail des enfants (Comité Nacional para la Eradicación Progresiva del Trabajo Infantil) soit doté des moyens nécessaires pour
exercer son mandat, qui est de mettre fin au travail des enfants.

18. Le Comité s'inquiète de voir qu'il arrive fréquemment que les enfants de réfugiés sans papiers, nés en Équateur, ne soient pas enregistrés, les parents redoutant d'être expulsés. Cet état de choses empêche les enfants de demander la nationalité équatorienne que le droit équatorien accorde à tous les enfants nés en Équateur.

Le Comité recommande à l'État partie d'adopter des mesures de façon à garantir à tous les enfants de réfugiés non enregistrés nés en Équateur le droit d'obtenir une nationalité.

19. Le Comité est inquiet de l'incidence des projets d'extraction pétrolière sur la jouissance des droits des membres des groupes autochtones, tels qu'ils sont consacrés à l'article 27 du Pacte. Il s'est préoccupé de constater, qu'en dépit de l'adoption de lois autorisant sans réserve l'utilisation communale par les communautés autochtones de leurs terres traditionnelles, des obstacles continuent de s'opposer à la pleine jouissance des droits garantis en vertu de l'article 27 du Pacte.

Le Comité recommande que de nouvelles mesures soient prises afin de protéger les membres des groupes autochtones des effets néfastes de l'extraction du pétrole et de leur permettre de jouir pleinement de leurs droits en vertu de l'article 27 du Pacte, en particulier en ce qui concerne
la préservation de leur identité culturelle et de leurs moyens traditionnels de subsistance.

20. Le Comité se félicite des assurances données par l'État partie, selon lesquelles celui-ci est en train de donner suite aux constatations du Comité concernant les communications nos 480/1991 et 481/1991. En revanche, le Comité n'a reçu aucune information sur la mise en oeuvre des constatations et les réparations qui auraient pu être accordées aux victimes. Il espère recevoir sous peu les renseignements pertinents.

21. Le Comité invite instamment l'État partie à faire en sorte que le respect des droits de l'homme soit institutionnalisé à tous les échelons du Gouvernement et recommande qu'un enseignement des droits de l'homme soit dispensé dans les écoles à tous les niveaux et que les présentes observations finales soient largement diffusées.

22. Le Comité engage l'État partie à donner la plus large diffusion possible aux présentes observations finales et, en particulier, à les porter à l'attention des agents de l'État, des organisations non gouvernementales et des médias.

23. Le Comité appelle l'attention du Gouvernement équatorien sur les dispositions de l'alinéa a) du paragraphe 6 des Directives concernant la forme et le contenu des rapports périodiques communiqués par les États parties et demande que le prochain rapport périodique de ce pays, qui devrait être présenté en juin 2001, contienne des renseignements sur toutes les présentes observations finales.

 

 



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