University of Minnesota



Comité des droits économiques, sociaux et culturels
, Observation générale 14, U.N. Doc. E/C.12/2000/4 (2000), réimprimé en Récapitulation des observations générales ou recommandations générales adoptées par les organes créés en vertu d'instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme, U.N. Doc. HRI/GEN/1/Rev.7 (2004).



Vingt-deuxième session
Genève, 25 avril-12 mai 2000
Point 3 de l'ordre du jour

Le droit au meilleur état de santé susceptible d'être atteint
(art. 12 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels)


1. La santé est un droit fondamental de l'être humain, indispensable à l'exercice des autres droits de l'être humain. Toute personne a le droit de jouir du meilleur état de santé susceptible d'être atteint, lui permettant de vivre dans la dignité. La réalisation du droit à la santé peut être assurée par de nombreuses démarches, qui sont complémentaires, notamment la formulation de politiques en matière de santé ou la mise en uvre de programmes de santé tels qu'ils sont élaborés par l'Organisation mondiale de la santé (OMS), ou l'adoption d'instruments juridiques spécifiques. En outre, le droit à la santé comprend certains éléments dont le respect est garanti par la loi (1).

2. Le droit de l'être humain à la santé est consacré dans de nombreux instruments internationaux. La Déclaration universelle des droits de l'homme prévoit, au paragraphe 1 de son article 25 : "Toute personne a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, son bien-être et ceux de sa famille, notamment pour l'alimentation, l'habillement, le logement, les soins médicaux ainsi que pour les services sociaux nécessaires". Le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels contient l'article le plus complet consacré dans le droit international des droits de l'homme au droit à la santé. Conformément au paragraphe 1 de l'article 12 du Pacte, les États parties reconnaissent "le droit qu'a toute personne de jouir du meilleur état de santé physique et mental qu'elle soit capable d'atteindre" et le paragraphe 2

de l'article 12 contient une énumération, à titre d'illustration, d'un certain nombre de "mesures que les États parties ... prendront en vue d'assurer le plein exercice de ce droit". En outre, le droit à la santé est consacré, notamment, au paragraphe e) iv) de l'article 5 de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale de 1965, au paragraphe 1 f) de l'article 11 et à l'article 12 de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes de 1979 et à l'article 24 de la Convention relative aux droits de l'enfant de 1989. Plusieurs instruments régionaux relatifs aux droits de l'homme reconnaissent également le droit à la santé, notamment la Charte sociale européenne de 1961, telle que révisée (art. 11), la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples de 1981 (art. 16) et le Protocole additionnel à la Convention américaine relative aux droits de l'homme traitant des droits économiques, sociaux et culturels de 1988 (art. 10). De même, le droit à la santé a été proclamé par la Commission des droits de l'homme (2) ainsi que dans la Déclaration et le Programme d'action de Vienne de 1993 et d'autres instruments internationaux (3).

3. Le droit à la santé est étroitement lié à d'autres droits de l'homme et dépend de leur réalisation : il s'agit des droits énoncés dans la Charte internationale des droits de l'homme, à savoir les droits à l'alimentation, au logement, au travail, à l'éducation, à la dignité humaine, à la vie, à la non-discrimination et à l'égalité, le droit de ne pas être soumis à la torture, le droit au respect de la vie privée, le droit d'accès à l'information et les droits à la liberté d'association, de réunion et de mouvement. Ces droits et libertés, notamment, sont des composantes intrinsèques du droit à la santé.

4. Lors de la rédaction de l'article 12 du Pacte, la Troisième Commission de l'Assemblée générale de l'ONU n'a pas repris la définition de la santé contenue dans le préambule de la Constitution de l'OMS, pour laquelle "la santé est un état de complet bien-être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d'infirmité". Toutefois, la formulation "le droit qu'a toute personne de jouir du meilleur état de santé physique et mental qu'elle soit capable d'atteindre" figurant au paragraphe 1 de l'article 12 du Pacte ne se limite pas au droit aux soins de santé. Au contraire, comme il ressort du processus d'élaboration et du libellé spécifique du paragraphe 2 de l'article 12, le droit à la santé englobe une grande diversité de facteurs socioéconomiques de nature à promouvoir des conditions dans lesquelles les êtres humains peuvent mener une vie saine et s'étend aux facteurs fondamentaux déterminants de la santé tels que l'alimentation et la nutrition, le logement, l'accès à l'eau salubre et potable et à un système adéquat d'assainissement, des conditions de travail sûres et hygiéniques et un environnement sain.

5. Le Comité n'ignore pas que, pour des millions d'êtres humains dans le monde, la pleine jouissance du droit à la santé reste un objectif lointain. De plus, dans de nombreux cas, en particulier pour les couches de la population vivant dans la pauvreté, cet objectif devient de plus en plus inaccessible. Le Comité reconnaît l'existence d'obstacles structurels et autres considérables résultant de facteurs internationaux et autres échappant au contrôle des États, qui entravent la pleine mise en uvre de l'article 12 dans un grand nombre d'États parties.

6. Dans le souci d'aider les États parties à mettre en uvre le Pacte et à s'acquitter de leurs obligations en matière d'établissement de rapports, la présente Observation générale porte sur le contenu normatif de l'article 12 (sect. I), les obligations des États parties (sect. II), les violations (sect. III) et la mise en uvre au niveau national (sect. IV), tandis que les obligations des acteurs autres que les États parties font l'objet de la section V. La présente Observation générale est fondée sur l'expérience acquise depuis de nombreuses années par le Comité à l'occasion de l'examen des rapports des États parties.


I. CONTENU NORMATIF DE L'ARTICLE 12

7. Le paragraphe 1 de l'article 12 contient une définition du droit à la santé et le paragraphe 2 cite à titre d'illustration et de manière non exhaustive des exemples d'obligations incombant aux États parties.

8. Le droit à la santé ne saurait se comprendre comme le droit d'être en bonne santé. Le droit à la santé suppose à la fois des libertés et des droits. Les libertés comprennent le droit de l'être humain de contrôler sa propre santé et son propre corps, y compris le droit à la liberté sexuelle et génésique, ainsi que le droit à l'intégrité, notamment le droit de ne pas être soumis à la torture et de ne pas être soumis sans son consentement à un traitement ou une expérience médicale. D'autre part, les droits comprennent le droit d'accès à un système de protection de la santé qui garantisse à chacun, sur un pied d'égalité la possibilité de jouir du meilleur état de santé possible.

9. La notion de "meilleur état de santé susceptible d'être atteint" visée au paragraphe 1 de l'article 12, repose à la fois sur la situation biologique et socioéconomique de chaque individu au départ et sur les ressources dont dispose l'État. Il existe un certain nombre d'éléments qui ne peuvent être englobés dans la relation entre l'État et l'individu; en particulier, la bonne santé ne peut être garantie par un État et les États ne peuvent pas davantage assurer une protection contre toutes les causes possibles de mauvaise santé de l'être humain. Ainsi, les facteurs génétiques, la propension individuelle à la maladie et l'adoption de modes de vie malsains ou à risque peuvent jouer un rôle important dans l'état de santé d'un individu. En conséquence, le droit à la santé doit être entendu comme le droit de jouir d'une diversité d'installations, de biens, de services et de conditions nécessaires à la réalisation du droit au meilleur état de santé susceptible d'être atteint.

10. Depuis l'adoption des deux Pactes internationaux en 1966, la situation mondiale en matière de santé a évolué de manière spectaculaire et la notion de santé a considérablement évolué et s'est également élargie. Davantage de facteurs déterminants de la santé sont désormais pris en considération, tels que la répartition des ressources et les différences entre les sexes. La définition élargie de la santé intègre en outre certaines considérations à caractère social, telles que la violence et les conflits armés (4). En outre, certaines maladies auparavant inconnues, comme le virus de l'immunodéficience humaine et le syndrome d'immunodéficience humaine acquise (VIH/sida), et d'autres maladies, qui sont devenues plus répandues, comme le cancer, s'ajoutant à l'accroissement rapide de la population mondiale, ont créé de nouveaux obstacles à la réalisation du droit à la santé, qu'il faut prendre en considération dans l'interprétation de l'article 12.

11. Le Comité interprète le droit à la santé, tel que défini au paragraphe 1 de l'article 12, comme un droit global, dans le champ duquel entrent non seulement la prestation de soins de santé appropriés en temps opportun, mais aussi les facteurs fondamentaux déterminants de la santé tels que l'accès à l'eau salubre et potable et à des moyens adéquats d'assainissement, l'accès à une quantité suffisante d'aliments sains, la nutrition et le logement, l'hygiène du travail et du milieu et l'accès à l'éducation et à l'information relatives à la santé, notamment la santé sexuelle et génésique. Un autre aspect important est la participation de la population à la prise de toutes les décisions en matière de santé aux niveaux communautaire, national et international.

12. Le droit à la santé sous toutes ses formes et à tous les niveaux suppose l'existence des éléments interdépendants et essentiels suivants, dont la mise en uvre précise dépendra des conditions existant dans chacun des États parties :

a) Disponibilité. Il doit exister dans l'État partie, en quantité suffisante, des installations, des biens et des services ainsi que des programmes fonctionnels en matière de santé publique et de soins de santé. La nature précise des installations, des biens et des services dépendra de nombreux facteurs, notamment du niveau de développement de l'État partie. Ces installations, biens et services comprendront toutefois les éléments fondamentaux déterminants de la santé tels que l'eau salubre et potable et des installations d'assainissement appropriées, des hôpitaux, des dispensaires et autres installations fournissant des soins de santé, du personnel médical et professionnel qualifié recevant un salaire décent par rapport au niveau national, et des médicaments essentiels, au sens du Programme d'action pour les médicaments essentiels de l'OMS (5)

.

b) Accessibilité. Les installations, biens et services en matière de santé (6) doivent être accessibles, sans discrimination, à toute personne relevant de la juridiction de l'État partie. L'accessibilité comporte quatre dimensions qui se recoupent mutuellement :

i) Non-discrimination : les installations, biens et services en matière de santé doivent être accessibles à tous, en particulier aux groupes de populations les plus vulnérables ou marginalisés, conformément à la loi et dans les faits, sans discrimination fondée sur l'un quelconque des motifs proscrits (7).

ii) Accessibilité physique : les installations, biens et services en matière de santé doivent être physiquement accessibles sans danger pour tous les groupes de la population, en particulier les groupes vulnérables ou marginalisés tels que les minorités ethniques et les populations autochtones, les femmes, les enfants, les adolescents, les personnes âgées, les personnes handicapées et les personnes atteintes du VIH/sida. L'accessibilité signifie également que les services médicaux et les facteurs fondamentaux déterminants de la santé, tels que l'eau salubre et potable et les installations d'assainissement appropriées, soient physiquement accessibles sans danger, y compris dans les zones rurales. L'accessibilité comprend en outre l'accès approprié aux bâtiments pour les personnes handicapées.

iii) Accessibilité économique (abordabilité) : les installations, biens et services en matière de santé doivent être d'un coût abordable pour tous. Le coût des services de soins de santé ainsi que des services relatifs aux facteurs fondamentaux déterminants de la santé doit être établi sur la base du principe de l'équité, pour faire en sorte que ces services, qu'ils soient fournis par des opérateurs publics ou privés, soient abordables pour tous, y compris pour les groupes socialement défavorisés. L'équité exige que les ménages les plus pauvres ne soient pas frappés de façon disproportionnée par les dépenses de santé par rapport aux ménages plus aisés.

iv) Accessibilité de l'information : l'accessibilité comprend le droit de rechercher, de recevoir et de répandre des informations et des idées (8) concernant les questions de santé. Toutefois, l'accessibilité de l'information ne doit pas porter atteinte au droit à la confidentialité des données de santé à caractère personnel.

c) Acceptabilité. Les installations, biens et services en matière de santé doivent être respectueux de l'éthique médicale et être appropriés sur le plan culturel, c'est-à-dire respectueux de la culture des individus, des minorités, des peuples et des communautés, réceptifs aux exigences spécifiques liées au sexe et au stade de la vie et être conçus de façon à respecter la confidentialité et à améliorer l'état de santé des intéressés.

d) Qualité. Outre qu'ils doivent être acceptables sur le plan culturel, les installations, biens et services en matière de santé doivent également être scientifiquement et médicalement appropriés et de bonne qualité, ce qui suppose, notamment, du personnel médical qualifié, des médicaments et du matériel hospitalier approuvés par les instances scientifiques et non périmés, un approvisionnement en eau salubre et potable et des moyens d'assainissement appropriés.

13. L'énumération non exhaustive d'exemples figurant au paragraphe 2 de l'article 12 apporte des indications sur l'action à mener par les États. Il s'agit d'exemples génériques spécifiques de mesures découlant de la définition du droit à la santé au sens large figurant au paragraphe 1 de l'article 12, illustrant ainsi le contenu de ce droit, tel qu'il est décrit dans les paragraphes suivants (9).

Paragraphe 2 a) de l'article 12. Le droit à la santé maternelle, infantile et génésique

14. Les mesures visant "la diminution de la mortinatalité et de la mortalité infantile, ainsi que le développement sain de l'enfant" (par. 2 a) de l'article 12) (10) peuvent s'entendre des mesures nécessaires pour améliorer les soins de santé maternelle et infantile, les services de santé en rapport avec la vie sexuelle et génésique, y compris l'accès à la planification de la famille, les soins pré et postnatals (11), les services d'obstétrique d'urgence ainsi que l'accès à l'information et aux ressources nécessaires pour agir sur la base de cette information (12).

Paragraphe 2 b) de l'article 12. Le droit à un environnement naturel et professionnel sain

15. Les mesures visant à "l'amélioration de tous les aspects de l'hygiène du milieu et de l'hygiène industrielle" (par. 2 b) de l'article 12) comprennent notamment les mesures de prévention contre les accidents du travail et les maladies professionnelles, les mesures visant à assurer un approvisionnement suffisant en eau salubre et potable et en moyens d'assainissement élémentaires; et les mesures visant à empêcher et réduire l'exposition de la population à certains dangers tels que radiations ou produits chimiques toxiques et autres facteurs environnementaux nocifs ayant une incidence directe sur la santé des individus (13). En outre, l'hygiène du travail consiste à réduire autant qu'il est raisonnablement possible les causes des risques pour la santé inhérents au milieu du travail (14). Le paragraphe 2 b) de l'article 12 vise également les mesures permettant d'assurer un logement approprié et des conditions de travail salubres et hygiéniques, un apport alimentaire suffisant et une nutrition appropriée, ainsi qu'à décourager la consommation abusive d'alcool et l'usage du tabac, des drogues et d'autres substances nocives.

Paragraphe 2 c) de l'article 12. Le droit à la prophylaxie et au traitement des maladies et à la lutte contre les maladies

16. "La prophylaxie et le traitement des maladies épidémiques, endémiques, professionnelles et autres, ainsi que la lutte contre ces maladies" (par. 2 c) de l'article 12) supposent la mise en place de programmes de prévention et d'éducation pour lutter contre les problèmes de santé liés au comportement, notamment les maladies sexuellement transmissibles, en particulier le VIH/sida, et les maladies nuisant à la santé sexuelle et génésique, ainsi que la promotion de déterminants sociaux de la bonne santé, tels que la sûreté de l'environnement, l'éducation, le développement économique et l'équité entre les sexes. Le droit au traitement suppose la mise en place d'un système de soins médicaux d'urgence en cas d'accidents, d'épidémies et de risques sanitaires analogues, ainsi que la fourniture de secours en cas de catastrophe et d'aide humanitaire dans les situations d'urgence. La lutte contre les maladies suppose des efforts individuels et communs de la part des États pour, notamment, assurer l'accès aux techniques nécessaires, appliquer et améliorer les méthodes de surveillance épidémiologique et de collecte de données désagrégées et mettre en place des programmes de vaccination et d'autres stratégies de lutte contre les maladies infectieuses ou améliorer les programmes existants.

Paragraphe 2 d) de l'article 12. Le droit d'accès aux installations, biens et services en matière de santé (15)

17. "La création de conditions propres à assurer à tous des services médicaux et une aide médicale en cas de maladie", tant physique que mentale, (par. 2 d) de l'article 12) suppose l'accès rapide, dans des conditions d'égalité, aux services essentiels de prévention, de traitement et de réadaptation ainsi qu'à l'éducation en matière de santé, la mise en place de programmes réguliers de dépistage, le traitement approprié, de préférence à l'échelon communautaire, des affections, maladies, blessures et incapacités courantes, l'approvisionnement en médicaments essentiels et la fourniture de traitements et de soins appropriés de santé mentale. Un autre aspect important est l'amélioration et l'encouragement de la participation de la population à la mise en place de services de prévention et de soins de santé, notamment dans le domaine de l'organisation du secteur sanitaire et du système d'assurance et, plus particulièrement, sa participation aux décisions politiques ayant des incidences sur le droit à la santé, prises tant à l'échelon de la communauté qu'à l'échelon national.

Article 12. Thèmes spéciaux de portée générale

Non-discrimination et égalité de traitement

18. En vertu du paragraphe 2 de l'article 2 et de l'article 3, le Pacte proscrit toute discrimination dans l'accès aux soins de santé et aux éléments déterminants de la santé ainsi qu'aux moyens et titres permettant de se les procurer, qu'elle soit fondée sur la race, la couleur, le sexe, la langue, la religion, l'opinion politique ou toute autre opinion, l'origine nationale ou sociale, la fortune, la naissance, un handicap physique ou mental, l'état de santé (y compris l'infection par le VIH/sida), l'orientation sexuelle, la situation civile, politique, sociale ou autre, dans l'intention ou avec pour effet de contrarier ou de rendre impossible l'exercice sur un pied d'égalité du droit à la santé. Le Comité souligne que nombre de mesures, de même que la plupart des stratégies et programmes visant à éliminer toute discrimination en matière de santé, peuvent être mises en uvre moyennant des incidences financières minimales grâce à l'adoption, la modification ou l'abrogation de textes législatifs ou à la diffusion d'informations. Le Comité rappelle le paragraphe 12 de l'Observation générale No 3 soulignant que, même en temps de grave pénurie de ressources, les éléments vulnérables de la société doivent être protégés grâce à la mise en uvre de programmes spécifiques relativement peu coûteux.

19. L'égalité d'accès aux soins de santé et aux services liés à la santé est un aspect du droit à la santé sur lequel il convient d'insister. Les États ont pour obligation spéciale de garantir aux personnes dépourvues de moyens suffisants l'accès à l'assurance maladie et au dispositif de soins de santé, ainsi que d'empêcher toute discrimination fondée sur des motifs proscrits à l'échelon international dans la fourniture de soins de santé et de services de santé, s'agissant en particulier des obligations fondamentales inhérentes au droit à la santé (16). Une mauvaise affectation des ressources peut aboutir à une discrimination qui n'est pas toujours manifeste. Par exemple, les investissements ne devraient pas privilégier de manière disproportionnée des services de santé curatifs coûteux, qui souvent ne sont accessibles qu'à une frange fortunée de la population, plutôt que des soins de santé primaires et une action de prévention sanitaire susceptibles de bénéficier à une proportion bien plus forte de la population.

Perspective sexospécifique

20. Le Comité recommande aux États d'intégrer une perspective sexospécifique dans les politiques, plans, programmes et travaux de recherche en rapport avec la santé afin de promouvoir un meilleur état de santé des hommes aussi bien que des femmes. Une démarche sexospécifique part du constat que la santé des hommes et des femmes est en grande partie fonction non seulement de facteurs biologiques mais aussi de facteurs socioculturels. La ventilation des données sanitaires et socioéconomiques en fonction du sexe est essentielle pour déceler et éliminer les inégalités dans le domaine de la santé.

Les femmes et le droit à la santé

21. Pour faire disparaître la discrimination à l'égard des femmes, il faut élaborer et mettre en uvre une stratégie nationale globale en vue de promouvoir leur droit à la santé tout au long de leur vie. Une telle stratégie devrait prévoir des interventions visant à prévenir les maladies dont elles souffrent et à les soigner, ainsi que des mesures qui leur permettent d'accéder à une gamme complète de soins de santé de qualité et d'un coût abordable, y compris en matière de sexualité et de procréation. Réduire les risques auxquels les femmes sont exposées dans le domaine de la santé, notamment en abaissant les taux de mortalité maternelle et en protégeant les femmes de la violence familiale, devrait être un objectif majeur. La réalisation du droit des femmes à la santé nécessite l'élimination de tous les obstacles qui entravent l'accès aux services de santé, ainsi qu'à l'éducation et à l'information, y compris en matière de santé sexuelle et génésique. Il importe également de prendre des mesures préventives, incitatives et correctives pour prémunir les femmes contre les effets de pratiques et de normes culturelles traditionnelles nocives qui les empêchent d'exercer pleinement leurs droits liés à la procréation.

Les enfants et les adolescents

22. À l'alinéa a) du paragraphe 2 de l'article 12, il est question de la nécessité de prendre des mesures pour réduire la mortalité infantile et promouvoir le développement sain du nourrisson et de l'enfant. Des instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme adoptés ultérieurement, ont reconnu aux enfants et aux adolescents le droit de jouir du meilleur état de santé possible et d'avoir accès à des services médicaux (17). La Convention relative aux droits de l'enfant enjoint aux États de garantir l'accès de l'enfant et de sa famille aux services de santé essentiels, y compris l'accès des mères aux soins prénatals et postnatals. Selon la Convention, ces objectifs doivent s'accompagner de l'accès à des informations adaptées aux enfants sur les comportements propres à prévenir la maladie et à promouvoir la santé, ainsi que de la fourniture aux familles et à la communauté d'un soutien en vue de la mise en uvre de ces pratiques. Le principe de non-discrimination veut que les filles, tout comme les garçons, accèdent dans des conditions d'égalité à une alimentation suffisante, à un environnement sûr et à des services de santé physique et mentale. Il faudrait adopter des mesures efficaces et adéquates pour mettre fin aux pratiques traditionnelles nocives affectant la santé des enfants, notamment des fillettes, qu'il s'agisse du mariage précoce, des mutilations génitales ou des préférences manifestées à l'égard des enfants de sexe masculin en matière d'alimentation et de soins (18). Les enfants handicapés devraient se voir offrir la possibilité de mener une vie enrichissante et décente ainsi que de participer à la vie de leur communauté.

23. Les États parties doivent prévoir à l'intention des adolescents un environnement sain et favorable leur donnant la possibilité de participer à la prise des décisions concernant leur santé, d'acquérir des connaissances élémentaires, de se procurer des informations appropriées, de recevoir des conseils et de négocier les choix qu'ils opèrent en matière de comportement dans l'optique de la santé. La réalisation du droit des adolescents à la santé est fonction de la mise en place de soins de santé tenant compte des préoccupations des jeunes et respectant la confidentialité et l'intimité, y compris des services appropriés de santé sexuelle et génésique.

24. Dans tous les programmes et politiques visant à garantir aux enfants et aux adolescents le droit à la santé, leur intérêt supérieur est un élément essentiel à prendre en considération.

Personnes âgées

25. Concernant la réalisation du droit à la santé des personnes âgées, le Comité, conformément aux paragraphes 34 et 35 de l'Observation générale No 6 (1995), réaffirme l'importance d'une démarche concertée, associant la prévention, les soins et la réadaptation en matière de traitement médical. De telles mesures doivent être fondées sur des examens périodiques tant pour les hommes que pour les femmes, sur des soins de rééducation physique et psychologique visant à préserver les capacités fonctionnelles et l'autonomie des personnes âgées et sur la nécessité d'accorder aux personnes souffrant de maladies chroniques et aux malades en phase terminale l'attention et les soins voulus, en leur épargnant des souffrances inutiles et en leur permettant de mourir dans la dignité.

Personnes handicapées

26. Le Comité réaffirme le paragraphe 34 de son Observation générale No 5, qui porte sur la question des personnes handicapées dans le contexte du droit à la santé physique et mentale. Par ailleurs, il souligne la nécessité de veiller à ce que non seulement le secteur public de la santé, mais également les fournisseurs privés de services et d'équipements sanitaires respectent le principe de la non-discrimination à l'égard de ces personnes.

Peuples autochtones

27. Vu le développement du droit et de la pratique au niveau international et les mesures récentes prises par les États à l'égard des peuples autochtones (19), le Comité juge utile de déterminer les éléments susceptibles de contribuer à définir leur droit à la santé pour aider les États sur le territoire duquel vivent des peuples autochtones à mettre en uvre les dispositions de l'article 12 du Pacte. Le Comité considère que les peuples autochtones ont droit à des mesures spécifiques pour leur faciliter l'accès aux services et aux soins de santé. Ces services de santé doivent être adaptés au contexte culturel, tout en tenant compte des soins préventifs, des thérapeutiques et des remèdes traditionnels. Les États devraient fournir aux peuples autochtones des ressources leur permettant de concevoir, de fournir et de contrôler de tels services afin qu'ils puissent jouir du meilleur état de santé physique et mentale susceptible d'être atteint. Les plantes médicinales essentielles, les animaux et les minéraux nécessaires aux peuples autochtones pour jouir pleinement du meilleur état de santé possible devraient également être protégés. Le Comité note que, dans les communautés autochtones, la santé des individus est souvent liée à celle de la société tout entière et revêt une dimension collective. À cet égard, le Comité considère que les activités liées au développement qui éloignent les peuples autochtones, contre leur gré, de leurs territoires et de leur environnement traditionnels, les privant de leurs sources de nutrition et rompant leur relation symbiotique avec leurs terres, ont des effets néfastes sur leur santé.

Limitations

28. Des considérations liées à la santé publique sont parfois invoquées par les États pour justifier une limitation de l'exercice de certains autres droits fondamentaux. Le Comité tient à souligner que la clause de limitation figurant à l'article 4 du Pacte vise essentiellement à protéger les droits des individus plutôt qu'à permettre aux États de les limiter. Par conséquent, un État partie qui, par exemple, restreint les mouvements de personnes souffrant de maladies transmissibles telles que l'infection par le VIH/sida ou les incarcère, refuse d'autoriser des médecins à traiter des personnes considérées comme des opposants au gouvernement, ou s'abstient de vacciner une communauté contre les principales maladies infectieuses pour des motifs tels que la sécurité nationale ou le maintien de l'ordre public se doit de justifier des mesures aussi graves au regard de chacun des éléments énoncés à l'article 4. De telles restrictions doivent être conformes à la loi, y compris aux normes internationales relatives aux droits de l'homme, compatibles avec la nature des droits protégés par le Pacte et imposées dans l'intérêt de buts légitimes, exclusivement en vue de favoriser le bien-être général dans une société démocratique.

29. Conformément au paragraphe 1 de l'article 5, de telles limitations doivent être proportionnées à l'objet (autrement dit l'option la moins restrictive doit être retenue lorsque plusieurs types de limitation peuvent être imposés). Même lorsque des limitations motivées par la protection de la santé publique sont foncièrement licites, elles doivent être provisoires et sujettes à un examen.


II. OBLIGATIONS INCOMBANT AUX ÉTATS PARTIES

Obligations juridiques générales

30.S'il est vrai que le Pacte prévoit la réalisation progressive des droits qui y sont énoncés et prend en considération les contraintes dues à la limitation des ressources disponibles, il n'en impose pas moins aux États parties diverses obligations avec effet immédiat. Les États parties ont des obligations immédiates au regard du droit à la santé : par exemple celle de garantir qu'il sera exercé sans discrimination aucune (art. 2, par. 2) et celle d'agir (art. 2, par. 1) en vue d'assurer l'application pleine et entière de l'article 12. Les mesures à prendre à cet effet doivent avoir un caractère délibéré et concret et viser au plein exercice du droit à la santé (20).

31.Le fait que la réalisation du droit à la santé s'inscrit dans le temps ne devrait pas être interprété comme privant les obligations de l'État partie de tout contenu effectif. Une réalisation progressive signifie plutôt que les États parties ont pour obligation précise et constante d'oeuvrer aussi rapidement et aussi efficacement que possible pour appliquer intégralement l'article 12 (21).

32.Tout laisse supposer que le Pacte n'autorise aucune mesure rétrograde s'agissant du droit à la santé, ni d'ailleurs des autres droits qui y sont énumérés. S'il prend une mesure délibérément rétrograde, l'État partie doit apporter la preuve qu'il l'a fait après avoir mûrement pesé toutes les autres solutions possibles et qu'elle est pleinement justifiée eu égard à l'ensemble des droits visés dans le Pacte et à l'ensemble des ressources disponibles (22).

33.Le droit à la santé, à l'instar de tous les droits de l'homme, impose trois catégories ou niveaux d'obligations aux États parties : les obligations de le respecter, de le protéger et de le mettre en uvre. Cette dernière englobe du même coup les obligations d'en faciliter l'exercice, de l'assurer et de le promouvoir (23). L'obligation de respecter le droit à la santé exige que l'État s'abstienne d'en entraver directement ou indirectement l'exercice alors que l'obligation de le protéger requiert des États qu'ils prennent des mesures pour empêcher des tiers de faire obstacle aux garanties énoncées à l'article 12. Enfin, l'obligation de mettre en uvre le droit à la santé suppose que l'État adopte des mesures appropriées d'ordre législatif, administratif, budgétaire, judiciaire, incitatif ou autre pour en assurer la pleine réalisation.

Obligations juridiques spécifiques

34.Les États sont en particulier liés par l'obligation de respecter le droit à la santé, notamment en s'abstenant de refuser ou d'amoindrir l'égalité d'accès de toutes les personnes, dont les détenus, les membres de minorités, les demandeurs d'asile et les immigrants en situation irrégulière, aux soins de santé prophylactiques, thérapeutiques et palliatifs, en s'abstenant d'ériger en politique d'État l'application de mesures discriminatoires et en évitant d'imposer des pratiques discriminatoires concernant la situation et les besoins des femmes en matière de santé. Entre en outre dans le champ de l'obligation de respecter celle qui incombe aux États de s'abstenir d'interdire ou d'entraver les méthodes prophylactiques, les pratiques curatives et les médications traditionnelles, de commercialiser des médicaments dangereux ou d'imposer des soins médicaux de caractère coercitif, sauf à titre exceptionnel pour le traitement de maladies mentales ou la prévention et la maîtrise de maladies transmissibles. De tels cas exceptionnels devraient être assujettis à des conditions précises et restrictives, dans le respect des meilleures pratiques établies et des normes internationales applicables, y compris les Principes pour la protection des personnes atteintes de maladie mentale et pour l'amélioration des soins de santé mentale (24) . De plus, les États devraient s'abstenir de restreindre l'accès aux moyens de contraception et à d'autres éléments en rapport avec la santé sexuelle et génésique, de censurer, retenir ou déformer intentionnellement des informations relatives à la santé, y compris l'éducation et l'information sur la sexualité, ainsi que d'empêcher la participation de la population aux affaires en relation avec la santé. Les États devraient aussi s'abstenir de polluer de façon illicite l'air, l'eau et le sol, du fait par exemple d'émissions de déchets industriels par des installations appartenant à des entreprises publiques, d'employer des armes nucléaires, biologiques ou chimiques ou d'effectuer des essais à l'aide de telles armes si ces essais aboutissent au rejet de substances présentant un danger pour la santé humaine, et de restreindre à titre punitif l'accès aux services de santé, par exemple en temps de conflit armé, ce en violation du droit international humanitaire.

35.L'obligation de protéger le droit à la santé englobe, entre autres, les devoirs incombant à l'État d'adopter une législation ou de prendre d'autres mesures destinées à assurer l'égalité d'accès aux soins de santé et aux soins en rapport avec la santé fournis par des tiers, de veiller à ce que la privatisation du secteur de la santé n'hypothèque pas la disponibilité, l'accessibilité, l'acceptabilité et la qualité des équipements, produits et services sanitaires, de contrôler la commercialisation de matériel médical et de médicaments par des tiers et de faire en sorte que les praticiens et autres professionnels de la santé possèdent la formation et les aptitudes requises et observent des codes . de déontologie appropriés. Les États sont également tenus de veiller à ce que des pratiques sociales ou traditionnelles nocives n'interfèrent pas avec l'accès aux soins pré et postnatals et à la planification familiale, d'empêcher que des tiers imposent aux femmes des pratiques traditionnelles, par exemple du type mutilations génitales, et de prendre des mesures destinées à protéger tous les groupes vulnérables ou marginalisés de la société, en particulier les femmes, les enfants, les adolescents et les personnes âgées, compte tenu de la plus grande vulnérabilité du sexe féminin à la violence. Les États devraient veiller à ce qu'aucun tiers ne limite l'accès de la population à l'information relative à la santé et aux services de santé.

36.L'obligation de mettre en uvre le droit à la santé requiert des États parties, entre autres, de lui faire une place suffisante dans le système politique et juridique national (de préférence par l'adoption d'un texte législatif) et de se doter d'une politique nationale de la santé comprenant un plan détaillé tendant à lui donner effet. Les États sont tenus d'assurer la fourniture de soins de santé, dont la mise en uvre de programmes de vaccination contre les grandes maladies infectieuses, et de garantir l'égalité d'accès à tous les éléments déterminants de la santé tels qu'une alimentation sûre sur le plan nutritif et de l'eau potable, un assainissement minimum et des conditions de logement et de vie convenables. Les infrastructures de santé publiques devraient assurer la prestation de services liés à la santé sexuelle et génésique, notamment une maternité sans risques, y compris dans les zones rurales. Les États doivent veiller à ce que les médecins et les autres personnels médicaux suivent une formation appropriée et à ce que le nombre des hôpitaux, des dispensaires et des autres établissements en relation avec la santé soient suffisants, ainsi que promouvoir et soutenir la création d'institutions chargées de fournir des services de conseil et de santé mentale, en veillant à ce qu'elles soient équitablement réparties dans l'ensemble du pays. Parmi les autres obligations figure celle d'instituer un système d'assurance santé (public, privé ou mixte) abordable pour tous, de promouvoir la recherche médicale et l'éducation sanitaire ainsi que la mise en uvre de campagnes d'information, concernant en particulier le VIH/sida, la santé sexuelle et génésique, les pratiques traditionnelles, la violence domestique, l'abus d'alcool et la consommation de cigarettes, de drogues et d'autres substances nocives. Les États sont également tenus d'adopter des mesures contre les dangers pesant sur l'hygiène du milieu et du travail et contre toute autre menace mise en évidence par des données épidémiologiques. À cet effet, ils devraient élaborer et mettre en uvre des politiques nationales visant à réduire et à éliminer la pollution de l'air, de l'eau et du sol, y compris la pollution par des métaux lourds tels que le plomb provenant de l'essence. Par ailleurs, les États parties se doivent de définir, de mettre en application et de réexaminer périodiquement une politique nationale cohérente en vue de réduire au minimum les risques d'accidents du travail et de maladies professionnelles, et de prévoir une politique nationale cohérente en matière de sécurité et de médecine du travail (25).

37.L'obligation de faciliter l'exercice du droit à la santé requiert des États qu'ils prennent des mesures concrètes permettant aux particuliers et aux communautés de jouir du droit à la santé et les aider à le faire. Les États parties sont également tenus d'assurer l'exercice d'un droit donné énoncé dans le Pacte lorsqu'un particulier ou un groupe de particuliers sont incapables, pour des raisons échappant à leur contrôle, d'exercer ce droit avec les moyens dont ils disposent. L'obligation de promouvoir le droit à la santé requiert de l'État qu'il mène des actions tendant à assurer, maintenir ou rétablir la santé de la population. De cette obligation découlent donc les suivantes : i) améliorer la connaissance des facteurs favorisant l'obtention de résultats positifs en matière de santé, c'est-à-dire appuyer la recherche et la diffusion d'informations; ii) veiller à ce que les services de santé soient adaptés au contexte culturel et que le personnel dispensant les soins de santé reçoive une formation lui permettant de déterminer et de satisfaire les besoins particuliers de groupes vulnérables ou marginalisés; iii) honorer les obligations qui incombent à l'État s'agissant de diffuser une information appropriée sur les modes de vie sains et une nutrition saine, les pratiques traditionnelles nocives et la disponibilité des services; iv) aider les intéressés à faire des choix en connaissance de cause dans le domaine de la santé.

Obligations internationales

38.Dans son Observation générale No 3, le Comité a appelé l'attention sur l'obligation faite à tous les États parties d'agir, tant par leur effort propre que par l'assistance et la coopération internationales, notamment sur les plans économique et technique, en vue d'assurer progressivement le plein exercice des droits reconnus dans le Pacte, dont le droit à la santé. Dans l'esprit de l'article 56 de la Charte des Nations Unies, des dispositions spécifiques du Pacte (art. 2, par. 1, et art. 12, 22 et 23) et de la Déclaration d'Alma-Ata sur les soins de santé primaires, les États parties devraient reconnaître le rôle essentiel de la coopération internationale et honorer leur engagement de prendre conjointement et séparément des mesures pour assurer la pleine réalisation du droit à la santé. À cet égard, les États parties sont renvoyés à la Déclaration d'Alma-Ata qui affirme que les inégalités flagrantes dans la situation sanitaire des peuples, aussi bien entre pays développés et pays en développement qu'à l'intérieur même des pays, sont politiquement, socialement et économiquement inacceptables et constituent de ce fait un sujet de préoccupation commun à tous les pays (26).

39. Pour s'acquitter des obligations internationales leur incombant au titre de l'article 12, les États parties doivent respecter l'exercice du droit à la santé dans les autres pays et empêcher tout tiers de violer ce droit dans d'autres pays s'ils sont à même d'influer sur ce tiers en usant de moyens d'ordre juridique ou politique compatibles avec la Charte des Nations Unies et le droit international applicable. Eu égard aux ressources disponibles, les États parties devraient faciliter l'accès aux soins, services et biens sanitaires essentiels dans la mesure du possible et fournir, au besoin, l'aide nécessaire (27). Les États parties devraient veiller à ce que le droit à la santé bénéficie de l'attention voulue dans les accords internationaux et, à cette fin, devraient envisager l'élaboration de nouveaux instruments juridiques. Concernant la conclusion d'autres accords internationaux, les États parties devraient s'assurer que ces instruments ne portent pas atteinte au droit à la santé. De même, les États parties sont tenus de veiller à ce que les mesures qu'ils prennent en tant que membres d'organisations internationales tiennent dûment compte du droit à la santé. En conséquence, les États parties qui sont membres d'institutions financières internationales, notamment du Fonds monétaire international, de la Banque mondiale et de banques régionales de développement, devraient porter une plus grande attention à la protection du droit à la santé et infléchir dans ce sens la politique de prêt, les accords de crédit ainsi que les mesures internationales de ces institutions.

40.Conformément à la Charte des Nations Unies et aux résolutions pertinentes de l'Assemblée générale des Nations Unies et de l'Assemblée mondiale de la santé, les États sont investis collectivement et individuellement de la responsabilité de coopérer aux fins de la fourniture de secours en cas de catastrophe et d'une assistance humanitaire en temps d'urgence, y compris l'assistance aux réfugiés et aux déplacés. Chaque État devrait contribuer à cette entreprise au maximum de ses capacités. En matière d'aide médicale internationale, de distribution et de gestion des ressources (eau salubre et potable, vivres, fournitures médicales, etc.) et d'aide financière, la priorité devrait être donnée aux groupes les plus vulnérables ou les plus marginalisés de la population. Par ailleurs, vu que certaines maladies sont aisément transmissibles au-delà des frontières d'un État, la communauté internationale doit collectivement s'atteler à ce problème. Il est, en particulier, de la responsabilité et de l'intérêt des États parties économiquement développés d'aider à cet égard les États en développement plus démunis.

41.Les États parties devraient en toutes circonstances s'abstenir d'imposer un embargo ou des mesures restrictives du même ordre sur l'approvisionnement d'un autre État en médicaments et matériel médical. Les fournitures de biens de ce type ne devraient jamais servir d'instrument de pression politique ou économique. À cet égard, le Comité rappelle la position qu'il a exprimée dans son Observation générale No 8 au sujet de la relation entre les sanctions économiques et le respect des droits économiques, sociaux et culturels.

42.Seuls des États peuvent être parties au Pacte et donc assumer en fin de compte la responsabilité de le respecter, mais tous les membres de la société - les particuliers (dont les professionnels de la santé), les familles, les communautés locales, les organisations intergouvernementales et non gouvernementales, les organisations représentatives de la société civile et le secteur des entreprises privées - ont une part de responsabilité dans la réalisation du droit à la santé. Les États parties devraient donc instaurer un environnement propre à faciliter l'exercice de ces responsabilités.

Obligations fondamentales

43.Dans l'Observation générale No 3, le Comité confirme que les États parties ont l'obligation fondamentale minimum d'assurer, au moins, la satisfaction de l'essentiel de chacun des droits énoncés dans le Pacte, notamment les soins de santé primaires essentiels. Interprétée à la lumière d'instruments plus contemporains tels que le Programme d'action de la Conférence internationale sur la population et le développement (28), la Déclaration d'Alma-Ata définit des orientations décisives au sujet des obligations fondamentales découlant de l'article 12. De l'avis du Comité, il s'agit au minimum :

a)De garantir le droit d'avoir accès aux équipements, produits et services sanitaires sans discrimination aucune, notamment pour les groupes vulnérables ou marginalisés;

b)D'assurer l'accès à une alimentation essentielle minimale qui soit suffisante et sûre sur le plan nutritionnel, pour libérer chacun de la faim;

c)D'assurer l'accès à des moyens élémentaires d'hébergement, de logement et d'assainissement et à un approvisionnement suffisant en eau salubre et potable;

d)De fournir les médicaments essentiels, tels qu'ils sont définis périodiquement dans le cadre du Programme d'action de l'OMS pour les médicaments essentiels;

e)De veiller à une répartition équitable de tous les équipements, produits et services sanitaires;

f)D'adopter et de mettre en uvre au niveau national une stratégie et un plan d'action en matière de santé publique, reposant sur des données épidémiologiques et répondant aux préoccupations de l'ensemble de la population dans le domaine de la santé; cette stratégie et ce plan d'action seront mis au point et examinés périodiquement dans le cadre d'un processus participatif et transparent; ils comprendront des méthodes (telles que le droit à des indicateurs et des critères de santé) permettant de surveiller de près les progrès accomplis; la mise au point de la stratégie et du plan d'action, de même que leur contenu, doivent accorder une attention particulière à tous les groupes vulnérables ou marginalisés.

44.Le Comité confirme également que les obligations ci-après sont tout aussi prioritaires :

a)Offrir des soins de santé génésique, maternelle (pré et postnatales) et infantile;

b)Vacciner la communauté contre les principales maladies infectieuses;

c)Prendre des mesures pour prévenir, traiter et maîtriser les maladies épidémiques et endémiques;

d)Assurer une éducation et un accès à l'information sur les principaux problèmes de santé de la communauté, y compris des méthodes visant à les prévenir et à les maîtriser;

e)Assurer une formation appropriée au personnel de santé, notamment sur le droit à la santé et les droits de l'homme.

45.Pour qu'il n'y ait aucun doute à ce sujet, le Comité tient à souligner qu'il incombe tout particulièrement aux États parties et aux autres intervenants en mesure d'apporter leur concours de fournir "l'assistance et la coopération internationales, notamment sur les plans économique et technique" (29), nécessaires pour permettre aux pays en développement d'honorer les obligations fondamentales et autres mentionnées aux paragraphes 43 et 44 ci-dessus.


III. MANQUEMENTS AUX OBLIGATIONS

46. Quand le contenu normatif de l'article 12 (sect. I) est appliqué aux obligations des États parties (sect. II), un processus dynamique est mis en branle qui permet de mettre plus facilement en évidence les atteintes au droit à la santé. On trouvera ci-après des exemples d'infractions à l'article 12.

47. Pour déterminer quelles actions ou omissions constituent une atteinte au droit à la santé, il importe d'établir chez l'État partie qui ne s'acquitte pas des obligations lui incombant au titre de l'article 12, une distinction entre l'incapacité et le manque de volonté. Ce constat découle du paragraphe 1 de l'article 12 qui parle du meilleur état de santé que l'individu puisse atteindre, ainsi que du paragraphe 1 de l'article 2 du Pacte, lequel fait obligation à chaque État partie de prendre les mesures nécessaires "au maximum de ses ressources disponibles". Un État dépourvu de la volonté d'utiliser au maximum les ressources à sa disposition pour donner effet au droit à la santé manque par conséquent aux obligations lui incombant en vertu de l'article 12. Si c'est la pénurie de ressources qui met un État dans l'impossibilité de se conformer aux obligations découlant du Pacte, l'État a alors la charge de démontrer qu'il n'a négligé aucun effort pour exploiter toutes les ressources à sa disposition en vue de s'acquitter à titre prioritaire des obligations indiquées ci-dessus. Il convient toutefois de souligner qu'un État partie ne peut absolument dans aucun cas justifier l'inexécution des obligations fondamentales énoncées au paragraphe 43 ci-dessus auxquelles il est impossible de déroger.

48. Les atteintes au droit à la santé peuvent être le fait d'une action directe, soit de l'État soit de diverses entités insuffisamment contrôlées par l'État. L'adoption de toute mesure rétrograde incompatible avec les obligations fondamentales relevant du droit à la santé qui sont indiquées au paragraphe 43 ci-dessus constitue une atteinte au droit à la santé. Les manquements par la voie de la commission d'actes englobent dès lors : l'abrogation ou la suspension officielle de la législation qui est nécessaire pour continuer d'exercer le droit à la santé ou l'adoption de lois ou de politiques manifestement incompatibles avec des obligations juridiques préexistantes de caractère interne ou international ayant trait au droit à la santé.

49. L'État peut également porter atteinte au droit à la santé en omettant ou en refusant de prendre des mesures indispensables découlant d'obligations juridiques. Parmi les atteintes par omission figurent celles-ci : le fait pour un État de ne pas prendre les mesures voulues pour assurer la pleine réalisation du droit de chacun de jouir du meilleur état de santé physique et mentale possible, le fait de ne pas adopter de politique nationale concernant la sécurité et la santé des travailleurs ainsi que les services de la médecine du travail, et le fait de ne pas assurer l'application des lois pertinentes.

Manquements à l'obligation de respecter

50. L'État peut se soustraire à l'obligation de respecter par des actions, des politiques ou bien des lois contraires aux normes énoncées à l'article 12 du Pacte et susceptibles de provoquer des atteintes à l'intégrité physique, une morbidité inutile et une mortalité qu'il serait possible de prévenir. On peut citer à titre d'exemple le déni d'accès aux équipements sanitaires et aux divers autres biens et services en rapport avec la santé dont sont victimes certains individus ou groupes sous l'effet d'une discrimination de jure ou de facto; la rétention ou la déformation délibérée d'informations qui sont cruciales quand il s'agit de protéger la santé ou d'adopter une démarche thérapeutique; la suspension de la législation en vigueur ou l'adoption de lois ou de politiques qui font obstacle à l'exercice de l'une quelconque des composantes du droit à la santé; le fait pour l'État de ne pas tenir compte des obligations juridiques qui lui incombent quant au droit à la santé lors de la conclusion d'accords bilatéraux ou multilatéraux avec d'autres États, avec des organisations internationales ou avec d'autres entités telles que des sociétés multinationales.

Manquements de l'obligation de protéger

51. L'État peut enfreindre l'obligation de protéger quand il s'abstient de prendre toutes les mesures voulues pour protéger les personnes relevant de sa juridiction contre des atteintes au droit à la santé imputables à des tiers. Dans cette catégorie de manquements entrent certaines omissions, comme le fait de ne pas réglementer l'activité de particuliers, de groupes ou de sociétés aux fins de les empêcher de porter atteinte au droit à la santé d'autrui; le fait de ne pas protéger les consommateurs et les travailleurs contre des pratiques nocives pour la santé, par exemple de la part des employeurs ou des fabricants de médicaments ou de produits alimentaires; le fait de ne pas décourager la production, la commercialisation et la consommation de tabac, de stupéfiants et d'autres substances nocives; le fait de ne pas protéger les femmes contre les violences dirigées contre elles ou de ne pas poursuivre les auteurs de violences; le fait de ne pas décourager le maintien en vigueur de certaines pratiques médicales ou culturelles traditionnelles qui sont nocives; et le fait de ne pas adopter de lois ou de ne pas assurer l'application de lois destinées à empêcher la pollution de l'eau, de l'atmosphère et des sols par les industries extractives et manufacturières.

Manquements à l'obligation de mettre en uvre

52. L'État partie manque à l'obligation de mettre le droit à la santé en uvre quand il s'abstient de prendre toutes les mesures voulues pour garantir la réalisation de ce droit. Nous citerons à titre d'exemple le fait de ne pas adopter ou de ne pas mettre en uvre une politique nationale de la santé destinée à garantir à chacun la réalisation de ce droit; le fait d'affecter à la santé un budget insuffisant ou de répartir à mauvais escient les ressources publiques de telle sorte qu'il sera impossible à certains individus ou certains groupes d'exercer leur droit à la santé, tout particulièrement les éléments vulnérables ou marginalisés de la population; le fait de ne pas contrôler la réalisation du droit à la santé à l'échelle nationale, comme l'État pourrait le faire, par exemple, en définissant des indicateurs et des critères permettant de vérifier si le droit à la santé est exercé; le fait de s'abstenir de prendre les mesures voulues pour remédier à une répartition inéquitable des équipements, des biens et des services médicaux; le fait de ne pas adopter, dans le domaine de la santé, une approche qui tienne compte des distinctions de sexe; et le fait de ne pas réduire les taux de mortalité infantile et maternelle.


IV. MISE EN UVRE À L'ÉCHELON NATIONAL

Une législation-cadre

53. Les mesures les mieux adaptées qu'il soit possible de prendre pour donner effet au droit à la santé vont nécessairement être très variables d'un pays à l'autre. Chaque État est doté d'une marge d'appréciation discrétionnaire quand il décide quelles mesures sont effectivement les mieux adaptées à sa situation particulière. Mais le Pacte impose clairement à chaque État le devoir de prendre toutes dispositions nécessaires pour faire en sorte que chaque individu ait accès aux équipements, aux biens et aux services de santé et puisse jouir dans les meilleurs délais du meilleur état de santé physique et mentale qu'il puisse atteindre. D'où la nécessité d'adopter à l'échelle nationale une stratégie visant à assurer à tous l'exercice du droit à la santé, les objectifs de ladite stratégie étant définis à partir des principes relatifs aux droits de l'homme, et la nécessité en outre de définir des politiques ainsi que des indicateurs et des critères permettant de mesurer l'exercice du droit à la santé. Cette stratégie nationale impose également de définir les ressources dont l'État est doté pour atteindre les objectifs définis ainsi que le mode d'utilisation desdites ressources qui présente le meilleur rapport coût-efficacité.

54. L'élaboration et la mise en uvre d'une stratégie et d'un plan d'action national en matière de santé doivent tout particulièrement respecter les principes de non-discrimination et de participation populaire. Il faut notamment que le droit des individus et des groupes à participer à la prise de décisions susceptibles d'orienter leur développement fasse partie intégrante de toute politique, de tout programme ou de toute stratégie ayant pour objet de donner effet aux obligations incombant à l'État au titre de l'article 12. Promouvoir la santé passe nécessairement par l'association effective de la collectivité à la définition des priorités, à la prise de décisions, à la planification, à la mise en uvre et à l'évaluation de la stratégie visant à améliorer la situation en matière de santé. Il n'est possible de mettre en place de bons services de santé que si l'État s'assure à cette fin de la participation de la population.

55. La stratégie nationale de la santé devrait en outre reposer sur les principes de la responsabilité, de la transparence et de l'indépendance de la magistrature, puisqu'une bonne gestion des affaires publiques est indispensable à l'exercice effectif de l'ensemble des droits de l'homme, dont le droit à la santé. Pour instaurer un climat favorable à l'exercice de ce droit, il faut que les États parties prennent des mesures appropriées pour faire en sorte que le secteur de l'entreprise privée tout comme la société civile prennent conscience du droit à la santé dans l'exercice de leurs activités et de l'importance qu'il convient de lui accorder.

56. Les États devraient envisager d'adopter une loi-cadre pour assurer la mise en train de leur stratégie nationale relative au droit à la santé. Cette loi-cadre devrait instituer des mécanismes nationaux de contrôle de la mise en uvre de la stratégie et du plan d'action national en matière de santé. Elle devrait contenir des dispositions sur les objectifs chiffrés à atteindre et le calendrier d'exécution; sur les moyens permettant de respecter les critères fixés sur le plan national; sur la collaboration à instaurer avec la société civile, y compris les experts des questions de santé, avec le secteur privé et avec les organisations internationales; la loi-cadre doit également dire où se situe la responsabilité institutionnelle de la mise en uvre de la stratégie nationale et du plan d'action adoptés et indiquer les procédures de recours possibles. Lorsqu'ils surveillent les progrès accomplis sur la voie de la réalisation du droit à la santé, les États parties doivent aussi déterminer quels éléments et quelles difficultés les gênent dans l'exécution de leurs obligations.

Indicateurs et critères concernant l'exercice du droit à la santé

57. Toute stratégie nationale de la santé doit définir des indicateurs et des critères relatifs à l'exercice du droit à la santé. Les indicateurs doivent être conçus pour permettre de suivre à l'échelle nationale comme à l'échelle internationale comment l'État partie s'acquitte des obligations lui incombant au titre de l'article 12. Les États peuvent savoir quels sont les indicateurs les mieux adaptés, qui devront nécessairement concerner différents aspects du droit à la santé, en puisant dans les travaux en cours de l'OMS et de l'UNICEF dans ce domaine. Les indicateurs à retenir imposent de ventiler les données en fonction des motifs de discrimination qui sont proscrits.

58. Une fois qu'ils auront défini des indicateurs bien adaptés, les États parties sont invités à définir en outre à l'échelle nationale des critères liés à chaque indicateur. Pendant l'examen du rapport périodique, le Comité procédera à une sorte d'étude de portée avec l'État partie. C'est-à-dire que le Comité et l'État partie examineront ensemble les indicateurs et les critères nationaux qui vont dire quels objectifs il faudra atteindre au cours de la période faisant l'objet du rapport suivant. Et pendant les cinq années qui suivront, l'État partie se servira de ces critères nationaux pour mieux contrôler l'application de l'article 12 telle qu'il l'assure. Puis, lors de l'examen du rapport ultérieur, l'État partie et le Comité verront si les critères ont été ou non remplis et pour quelles raisons des difficultés ont peut-être surgi.

Recours et responsabilité

59. Tout personne ou groupe victime d'une atteinte au droit à la santé doit avoir accès à des recours effectifs, judiciaires ou autres, à l'échelle nationale et internationale (30). Toutes les victimes d'atteintes à ce droit sont nécessairement fondées à recevoir une réparation adéquate, sous forme de restitution, indemnisation, satisfaction ou garantie de non-répétition. Sur le plan national, ce sont les commissions des droits de l'homme, les associations de consommateurs, les associations de défense des malades ou d'autres institutions de cette nature qu'il faut saisir des atteintes au droit à la santé.

60. L'intégration à l'ordre juridique interne d'instruments internationaux consacrant le droit à la santé peut élargir sensiblement le champ d'application et renforcer l'efficacité des mesures de réparation et il faut donc encourager dans tous les cas ladite intégration (31). Celle-ci donne aux tribunaux la compétence voulue pour se prononcer sur les atteintes au droit à la santé, ou tout au moins sur ses obligations essentielles, en invoquant directement le Pacte.

61. Les États parties devraient encourager les magistrats et tous les autres professionnels de la justice à s'intéresser davantage, dans l'exercice de leurs fonctions, aux atteintes au droit à la santé.

62. Les États parties devraient respecter, protéger, faciliter et promouvoir le travail des défenseurs des droits de l'homme et autres membres de la société civile afin d'aider les groupes vulnérables ou marginalisés à réaliser leur droit à la santé.


V. LES OBLIGATIONS D'AUTRES ACTEURS QUE LES ÉTATS PARTIES

63. Le rôle imparti aux organismes et aux programmes des Nations Unies, en particulier la fonction clef attribuée à l'OMS dans la réalisation du droit à la santé à l'échelle internationale, régionale et nationale, revêt une importance particulière, de même que la fonction de l'UNICEF en ce qui concerne le droit à la santé des enfants. Quand ils élaborent et mettent en uvre leur stratégie nationale concernant l'exercice du droit à la santé, les États parties devraient tirer avantage de l'assistance technique et de la coopération de l'OMS. En outre, quand ils établissent leurs rapports, les États parties devraient exploiter les informations exhaustives et les services consultatifs disponibles auprès de l'OMS aux fins de la collecte et de la ventilation des données ainsi que de la définition d'indicateurs et de critères concernant le droit à la santé.

64. En outre, il y a lieu de continuer à mener une action coordonnée aux fins de la réalisation du droit à la santé pour renforcer l'interaction entre tous les acteurs intéressés, y compris les diverses composantes de la société civile. Conformément aux articles 22 et 23 du Pacte, il faut que l'OMS, l'Organisation internationale du Travail, le Programme des Nations Unies pour le développement, l'UNICEF, le Fonds des Nations Unies pour la population, la Banque mondiale, les banques régionales de développement, le Fonds monétaire international, l'Organisation mondiale du commerce ainsi que les autres organes compétents du système des Nations Unies coopèrent efficacement avec les États parties en mettant à profit leurs compétences respectives pour faciliter la mise en uvre du droit à la santé à l'échelle nationale, sous réserve que le mandat propre à chaque organisme soit dûment respecté. En particulier, les institutions financières internationales, notamment la Banque mondiale et le Fonds monétaire international, devraient s'attacher davantage à protéger le droit à la santé dans le cadre de leur politique de prêt, de leurs accords de crédit et de leurs programmes d'ajustement structurel. Quand il examine le rapport des États parties et vérifie si ces pays sont en mesure de s'acquitter des obligations leur incombant en vertu de l'article 12, le Comité devra recenser les effets de l'assistance apportée par tous les autres acteurs. L'adoption par les institutions spécialisées, les programmes et les organes des Nations Unies d'une approche s'inspirant de la défense des droits de l'homme facilitera considérablement la mise en uvre du droit à la santé. Dans le cadre de l'examen des rapports des États parties, le Comité étudiera également le rôle que jouent les associations professionnelles et autres organisations non gouvernementales du secteur de la santé pour aider les États à s'acquitter des obligations leur incombant en vertu de l'article 12.

65. Le rôle de l'OMS, du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, du Comité international de la Croix-Rouge/du Croissant-Rouge et de l'UNICEF ainsi que des organisations non gouvernementales et des associations médicales nationales revêt une importance particulière quand il s'agit de fournir des secours en cas de catastrophe et d'apporter une assistance humanitaire dans les situations d'urgence, y compris une assistance aux réfugiés et aux personnes déplacées dans leur propre pays. Sur le plan international, en matière d'aide médicale, de répartition et de gestion des ressources, s'agissant par exemple d'eau potable, de denrées alimentaires et de fournitures médicales, et en matière d'aide financière, il convient d'accorder la priorité aux groupes les plus vulnérables ou aux groupes marginalisés de la population.


Notes

1. Par exemple, le principe de la non-discrimination dans l'accès aux installations, aux biens et aux services en matière de santé est un droit garanti par la loi dans de nombreuses juridictions nationales.

2. Dans la résolution 1989/11.

3. Les Principes concernant la protection des personnes atteintes de maladie mentale et l'amélioration des soins de santé mentale, adoptés par l'Assemblée générale des Nations Unies en 1961 (résolution 46/119), ainsi que l'Observation générale No 5 du Comité concernant les personnes souffrant d'un handicap, s'appliquent à ces catégories de personnes; le Programme d'action de la Conférence internationale sur la population et le développement, tenue au Caire en 1994, ainsi que la Déclaration et le Programme d'action de la quatrième Conférence mondiale sur les femmes, tenue à Beijing en 1995, contiennent des définitions concernant respectivement la santé génésique et la santé des femmes.

4. Art. 3 commun des Conventions de Genève de 1949 pour la protection des victimes de guerre; Protocole additionnel I (1977) relatif à la protection des victimes des conflits armés internationaux, art. 75 2) a); Protocole additionnel II (1977) relatif à la protection des victimes des conflits armés non internationaux, art. 4 a).

5. Voir la liste modèle OMS des médicaments essentiels, version révisée de décembre 1999, WHO Drugs Information, vol. 13, No 4, 1999.

6. Sauf indication contraire, toute référence dans la présente Observation générale aux installations, biens et services en matière de santé englobe les facteurs fondamentaux déterminants de la santé énoncés aux paragraphes 11 et 12 a) de la présente Observation générale.

7. Voir les paragraphes 18 et 19 de la présente Observation générale.

8. Voir le paragraphe 2 de l'article 19 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. La présente Observation générale met particulièrement l'accent sur l'accès à l'information en raison de l'importance spéciale de cette question en ce qui concerne la santé.

9. Dans les textes et la pratique concernant le droit à la santé, il est fait souvent référence à trois niveaux de soins de santé : les soins de santé primaires concernent en général les maladies courantes et relativement sans gravité et sont dispensés par des professionnels de la santé et/ou des médecins généralistes pratiquant au sein de la communauté à un coût relativement faible; les soins de santé secondaires sont dispensés dans des centres, habituellement des hôpitaux, et concernent en général des maladies mineures ou graves relativement courantes, qui ne peuvent pas être traitées au niveau de la communauté et qui exigent des professionnels de la santé et des médecins ayant reçu une formation spécialisée, du matériel spécial et parfois une hospitalisation à un coût relativement élevé; les soins de santé tertiaires sont dispensés dans un nombre de centres relativement restreint, ils concernent en général un petit nombre de maladies mineures ou graves exigeant l'intervention de professionnels de la santé et de médecins spécialisés et du matériel spécial et sont souvent relativement coûteux. Étant donné que les formes de soins de santé primaires, secondaires et tertiaires se recoupent souvent et sont souvent interdépendantes, l'emploi de cette typologie ne permet pas toujours de fournir des critères distinctifs suffisants pour permettre d'évaluer le niveau de soins de santé que les États parties doivent assurer, et est en conséquence d'une utilité limitée pour ce qui est de l'interprétation de l'article 12 du point de vue normatif.

10. Selon l'OMS, la mortinatalité n'est plus un indicateur d'usage fréquent; on mesure plutôt le taux de mortalité infantile et le taux de mortalité des moins de cinq ans.

11. Les soins "prénatals" sont les soins existants ou dispensés avant la naissance; les soins "périnatals" concernent une courte période avant et après la naissance (dans les statistiques médicales, cette période commence à l'achèvement de 28 semaines de gestation et est diversement définie comme s'achevant entre une et quatre semaines après la naissance); les soins "néonatals", en revanche, concernent la période couvrant les quatre premières semaines après la naissance; les soins "postnatals" sont les soins dispensés après la naissance. Dans la présente Observation générale, sont exclusivement employés les termes plus génériques de "pré et postnatals".

12. La santé génésique recouvre la liberté pour les hommes et les femmes de décider s'ils veulent procréer et quand, le droit d'être informés sur les méthodes sûres, efficaces, abordables et acceptables de planification familiale, l'accès à la méthode de leur choix, ainsi que le droit d'avoir accès à des services appropriés de soins de santé, garantissant, par exemple, aux femmes le bon déroulement de leur grossesse et de leur accouchement.

13. Le Comité prend note à cet égard du principe 1 de la Déclaration de Stockholm de 1972, selon lequel : "L'homme a un droit fondamental à la liberté, à l'égalité et à des conditions de vie satisfaisantes, dans un environnement dont la qualité lui permette de vivre dans la dignité et le bien-être", ainsi que des faits nouveaux survenus récemment dans le domaine du droit international, en particulier de la résolution 45/94 de l'Assemblée générale des Nations Unies sur la nécessité d'assurer un environnement salubre pour le bien-être de chacun; il note également le principe 1 de la Déclaration de Rio et les dispositions des instruments régionaux relatifs aux droits de l'homme, notamment de l'article 10 du Protocole additionnel à la Convention américaine relative aux droits de l'homme (Protocole de San Salvador).

14. Convention No 155 de l'OIT, art. 4 2).

15. Voir le paragraphe 12 b) et la note 8 ci-dessus.

16. Concernant ces obligations fondamentales, voir les paragraphes 43 et 44 de la présente Observation générale.

17. Paragraphe 1 de l'article 24 de la Convention relative aux droits de l'enfant.

18. Voir la résolution WHA47.10, de 1994, de l'Assemblée mondiale de la santé intitulée "Santé maternelle et infantile et planification familiale : pratiques traditionnelles nocives pour la santé des femmes et des enfants".

19. Parmi les normes internationales récentes intéressant les peuples autochtones, il convient de mentionner la Convention No 169 de l'OIT concernant les peuples indigènes et tribaux dans les pays indépendants (1989); les alinéas c) et d) du paragraphe 1 de l'article 29 et l'article 30 de la Convention relative aux droits de l'enfant (1989); alinéa j) de l'article 8 de la Convention sur la diversité biologique (1992), recommandant aux États de respecter, de préserver et de maintenir les connaissances; innovations et pratiques des communautés autochtones; le programme Action 21 de la Conférence des Nations Unies sur l'environnement et le développement (1992), en particulier le chapitre 26; et le paragraphe 20 de la première partie de la Déclaration et du Programme d'action de Vienne (1993), affirmant que les États devraient prendre des mesures constructives concertées pour garantir aux populations autochtones le respect de tous les droits de l'homme en vertu du principe de la non-discrimination. Voir également le préambule et l'article 3 de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (1992); et l'alinéa e) du paragraphe 2 de l'article 10 de la Convention des Nations Unies sur la lutte contre la désertification dans les pays gravement touchés par la sécheresse et/ou la désertification, en particulier en Afrique (1994). Ces dernières années, un nombre croissant d'États ont modifié leur constitution et introduit des dispositions législatives reconnaissant les droits spécifiques des peuples autochtones.

20. Voir l'Observation générale No 13, par. 43.

21. Voir l'Observation générale No 3, par. 9, et l'Observation générale No 13, par. 44.

22. Voir l'Observation générale No 3, par. 9, et l'Observation générale No 13, par. 45.

23. Selon les Observations générales Nos 12 et 13, l'obligation de mettre en uvre un droit comprend celle d'en faciliter l'exercice et celle de l'assurer. Dans la présente Observation générale, elle englobe également l'obligation de le promouvoir en raison de l'importance primordiale de la promotion de la santé dans les travaux de l'OMS et d'autres organismes.

24. Résolution 46/119 (1991) de l'Assemblée générale.

25. Une telle politique comprend les éléments suivants : identification, détermination, agrément et contrôle des matériels, équipements, substances, agents et procédés de travail dangereux; fourniture aux travailleurs d'informations en matière de santé et, le cas échéant, de vêtements et d'équipements de protection adéquats; contrôle de l'application des dispositions législatives et réglementaires au moyen d'inspections appropriées; déclaration obligatoire des accidents du travail et des maladies professionnelles; ouverture d'enquêtes sur les accidents et les maladies graves, et établissement de statistiques annuelles; protection des travailleurs et de leurs représentants contre toutes mesures disciplinaires consécutives à des actions effectuées par eux à bon droit conformément à la politique visée; et fourniture de services de santé au travaillant essentiellement des fonctions de prévention. Voir OIT, Convention sur la sécurité et la santé des travailleurs, 1981 (No 155), et Convention sur les services de santé au travail, 1985 (No 161).

26. Déclaration d'Alma-Ata, art. II, rapport de la Conférence internationale sur les soins de santé primaires, Alma-Ata, 6-12 septembre 1978, dans : Organisation mondiale de la santé,"Health for All Series", No 1, OMS, Genève, 1978.

27. Voir le paragraphe 45 de la présente Observation générale.

28. Rapport de la Conférence internationale sur la population et le développement, Le Caire, 5-13 septembre 1994 (publication des Nations Unies, numéro de vente F.95.XIII.18), chap. I, résolution 1, annexe, chap. VII et VIII.

29. Pacte, art. 2, par. 1.

30. Indépendamment du point de savoir si les groupes peuvent en tant que tels demander réparation au titre de droits exercés par le groupe, les États parties sont liés à la fois par les aspects collectifs et les aspects individuels de l'article 12. Les droits collectifs occupent une place cruciale dans le domaine de la santé; toute politique moderne de santé publique s'appuie en effet très largement sur la prévention et la promotion et ce sont des méthodes qui s'adressent avant tout aux groupes.

31. Voir l'Observation générale No 2, par. 9.



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