University of Minnesota



Observations finales du Comité des droits économiques, sociaux et culturels, Ukraine, U.N. Doc. E/C.12/1/Add.65 (2001).




COMITÉ DES DROITS ÉCONOMIQUES,
SOCIAUX ET CULTURELS
Vingt-sixième session (extraordinaire)
13-31 août 2001

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES
CONFORMÉMENT AUX ARTICLES 16 ET 17 DU PACTE

Observations finales du Comité des droits économiques,
sociaux et culturels

UKRAINE


1. Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a examiné le quatrième rapport périodique de l'Ukraine sur l'application du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (E/C.12/4/Add.2) à ses 40e et 41e séances, tenues le 20 août 2001, et a adopté à sa 54e séance (E/C.12/2001/SR.54), le 29 août 2001, les observations finales ci-après.

A. Introduction

2. Le Comité accueille avec intérêt le rapport de l'État partie ainsi que ses réponses écrites à la liste des points à traiter (E/C.12/Q/UKR/2). Il se félicite du climat de franchise dans lequel s'est déroulé le dialogue et des efforts qui ont été faits par la délégation pour répondre aux questions posées durant le débat.

B. Aspects positifs

3. Le Comité prend acte avec satisfaction des textes législatifs relatifs à la protection des droits de l'homme qui ont été adoptés récemment, notamment la loi sur les réfugiés, la loi sur l'immigration, la loi sur la citoyenneté et le Code pénal.

4. Le Comité prend acte avec satisfaction du plan national d'action visant à améliorer la situation des femmes et à renforcer leur rôle dans la société.

5. Le Comité prend note avec satisfaction de la création du bureau du Commissaire aux droits de l'homme près le Conseil suprême qui a examiné de nombreuses plaintes en rapport avec les droits économiques, sociaux et culturels.

6. Le Comité se félicite que, comme l'a assuré la délégation pendant le dialogue, l'État partie soit disposé à coopérer avec les institutions spécialisées de l'ONU ainsi que d'autres organisations internationales dans des domaines tels que la lutte contre la pauvreté, l'égalité des sexes, l'intégration des Tatars de Crimée, la santé des femmes et des enfants, l'examen de la législation relative aux droits de l'homme et le soutien apporté au Commissaire aux droits de l'homme près le Conseil suprême, et à lutter contre la traite des personnes.

7. Le Comité note avec satisfaction la création par l'État partie d'une caisse d'assurance sociale.


C. Facteurs et difficultés entravant l'application du Pacte

8. Le Comité note que le passage à l'économie de marché a eu des effets négatifs sur les droits consacrés dans le Pacte.

D. Principaux sujets de préoccupation

9. Le Comité est préoccupé de constater que l'État partie a un taux de pauvreté élevé et qu'il n'a pas pris de mesures suffisantes pour lutter contre cet état de fait. Cette situation est aggravée, entre autres, par les politiques de privatisation mises en œuvre, un taux de chômage élevé, des retraites et des salaires bas, un salaire minimum légal inférieur au niveau de subsistance reconnu et une pénurie de logements adéquats.

10. Le Comité continue d'exprimer les préoccupations que lui inspirent la situation des femmes dans la société et l'insuffisance des mesures prises par l'État partie pour éliminer la discrimination à leur égard. La plupart des femmes sont mal payées, et 80 % des chômeurs sont des femmes. Elles sont aussi fréquemment victimes d'actes de violence au sein de la famille et de harcèlement sexuel au travail.

11. Le Comité est préoccupé par l'ampleur de la traite et de l'exploitation sexuelle à des fins commerciales de femmes et d'enfants.

12. Le Comité est préoccupé par la discrimination de fait à l'égard de minorités ethniques, telles que les Tatars de Crimée et les Roms, et le harcèlement dont des étrangers d'origine africaine sont victimes de la part des responsables de l'application des lois.

13. Le Comité est préoccupé par le nombre important d'enfants, en particulier de nouveau-nés et d'enfants handicapés, qui sont abandonnés ou, d'une manière ou d'une autre, privés d'un environnement familial, et regrette que des stratégies efficaces n'aient pas été mises en œuvre pour remédier à cette situation.

14. Le Comité exprime les préoccupations que lui inspire l'ampleur des arriérés de paiement des salaires et des pensions, ce qui prive les intéressés de moyens de subsistance.

15. Le Comité relève avec une profonde préoccupation le grand nombre d'accidents dus à l'insuffisance des normes en matière de santé et de sécurité dans le travail et à un équipement industriel obsolète, en particulier dans le secteur minier, ainsi que l'insuffisance des efforts déployés par l'État partie pour appliquer les normes existantes.

16. Le Comité est préoccupé par les restrictions touchant les libertés syndicales, y compris le droit de chacun à s'affilier au syndicat de son choix, ainsi que les actes d'intimidation qu'exerceraient les autorités locales à l'égard de syndicalistes indépendants et de leurs dirigeants.

17. Le Comité relève avec préoccupation que le budget alloué à l'éducation et à la recherche scientifique a été fortement réduit, ce qui a entraîné une dégradation de la qualité de l'enseignement. Il est préoccupé en particulier par la vétusté du matériel scolaire et le caractère dépassé des manuels dans les établissements d'enseignement primaire et secondaire et par les bas niveaux de rémunération des enseignants.

18. Le Comité est préoccupé par la détérioration de l'état de santé des groupes les plus vulnérables, en particulier les femmes et les enfants, et de la qualité des services de santé. Il note avec préoccupation l'augmentation du nombre de personnes touchées par les maladies sexuellement transmissibles et la propagation du VIH et du sida. Il est préoccupé également par le taux élevé d'alcoolisme et de tabagisme, en particulier chez les jeunes de moins de 18 ans.


E. Suggestions et recommandations

19. Le Comité recommande à l'État partie d'évaluer les politiques de réforme économique du point de vue de leur impact sur la pauvreté et de s'efforcer d'ajuster ses programmes de manière à protéger les droits économiques et sociaux des groupes sociaux les plus vulnérables. À ce sujet, il appelle l'attention de l'État partie sur la déclaration relative à la pauvreté qu'il a adoptée le 4 mai 2001.

20. Le Comité recommande à l'État partie de prendre en compte les obligations qui lui incombent en vertu du Pacte dans tous les aspects de ses négociations avec les institutions financières internationales, de manière à garantir que les droits économiques, sociaux et culturels, des groupes les plus vulnérables en particulier, soient dûment protégés.

21. Tout en accueillant avec satisfaction la confirmation, par sa délégation, que l'État partie a l'intention d'élaborer un plan d'action dans le domaine des droits de l'homme avec l'aide du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme, le Comité recommande à l'État partie de mettre au point, dans le cadre d'un processus consultatif ouvert, un plan national d'action détaillé, axé sur la mise en œuvre de ses obligations découlant des instruments internationaux dans le domaine des droits de l'homme, y compris le Pacte. Il lui demande de joindre à son cinquième rapport périodique une copie du plan national d'action dans le domaine des droits de l'homme et de l'informer de sa mise en œuvre.

22. Le Comité recommande à l'État partie de renforcer les dispositions de sa législation visant à interdire la discrimination pour les motifs énoncés au paragraphe 2 de l'article 2 du Pacte, c'est-à-dire la race, la couleur, le sexe, la langue, la religion, l'opinion politique ou toute autre opinion, l'origine sociale ou nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation. Eu égard au Code de conduite pour les responsables de l'application des lois (résolution 34/169 de l'Assemblée générale), l'État partie devrait prendre toutes les mesures nécessaires pour empêcher les cas de mauvais traitements infligés pour des motifs raciaux et garantir que des enquêtes approfondies soient menées dans les délais voulus et les responsables poursuivis.

23. Le Comité engage l'État partie à prendre toute mesure législative nécessaire pour interdire la discrimination fondée sur le sexe dans tous les domaines de la vie civile, politique, économique, sociale et culturelle.

24. Le Comité recommande à l'État partie d'inclure dans ses rapports ultérieurs des données comparées sur l'emploi des hommes et des femmes, y compris la représentation des femmes aux divers échelons administratifs et dans des secteurs tels que l'application des lois, les professions juridiques et l'appareil judiciaire, en mettant en évidence les progrès réalisés au cours de la période sur laquelle porte le rapport.

25. Le Comité engage l'État partie à faire en sorte que les employés soient payés sans retard et que la législation sur les salaires minimums soit pleinement appliquée.

26. Le Comité recommande à l'État partie de veiller à ce que des ressources suffisantes soient consacrées aux programmes de prévention des accidents du travail et de continuer à fournir davantage de ressources et de pouvoirs à l'inspection du travail. Il lui recommande d'envisager de ratifier la Convention de l'OIT de 1947 concernant l'inspection du travail dans l'industrie et le commerce (n° 81).

27. Le Comité souligne que le droit des syndicats de fonctionner librement ne doit être soumis à aucune restriction autre que celles qui sont prescrites par la loi et qui sont nécessaires dans une société démocratique pour garantir la sécurité nationale ou l'ordre public ou protéger les droits et libertés d'autrui. Il demande à l'État partie de veiller à ce que les restrictions énoncées dans le droit du travail soient pleinement conformes à l'article 8 du Pacte et à ce que les actes d'intimidation dont les syndicalistes et leurs dirigeants sont victimes soient interdits.

28. Le Comité recommande à l'État partie d'adopter toutes les mesures appropriées pour prévenir la violence familiale et le harcèlement sexuel et combattre ces pratiques, ainsi que de prendre des mesures appropriées pour réduire le taux de chômage chez les femmes.

29. Le Comité encourage l'État partie à redoubler d'efforts pour lutter contre la traite et l'exploitation sexuelle à des fins commerciales des femmes et des enfants. Il lui recommande d'appliquer énergiquement le droit pénal à cet égard, de veiller à ce que les victimes ne soient pas sanctionnées et aient accès à des services de réadaptation, de faire en sorte que le Conseil national de coordination contre la traite dispose de ressources et de personnel suffisants, et de renforcer sa coopération avec des organisations internationales et régionales ainsi que sur une base bilatérale. Le Comité recommande à l'État partie de donner dans son cinquième rapport périodique des renseignements complets sur la traite et l'exploitation sexuelle à des fins commerciales des femmes et des enfants, en incluant des chiffres sur l'ampleur du phénomène.

30. Le Comité invite instamment l'État partie à prendre des mesures efficaces, notamment en mettant au point des stratégies et des activités de sensibilisation dans le but de réduire et de prévenir les abandons d'enfants. Il lui recommande en particulier de promouvoir la famille, par le biais de programmes communautaires et de programmes d'assistance sociopsychologique, comme étant le meilleur environnement qui puisse être pour l'enfant et d'aider les parents à garder leurs enfants dans leur foyer. En outre, il lui recommande de prendre des mesures efficaces pour développer et renforcer les soins de remplacement axés sur la famille et de ne placer les enfants en institution qu'en dernier recours.

31. Le Comité recommande à l'État partie de s'attacher à remplir ses engagements en matière de soins de santé primaires en allouant à ce secteur des ressources suffisantes et de veiller à ce que tous les citoyens, en particulier les plus vulnérables, aient accès aux soins de santé. Il lui suggère d'établir des programmes de santé génésique très étendus et de prendre des mesures pour faire en sorte que l'avortement ne soit pas perçu comme une méthode de contraception. Il lui recommande aussi de faire en sorte que les adolescents aient accès à l'éducation en matière de santé génésique ainsi qu'à des programmes de prévention des maladies sexuellement transmissibles, du VIH et du sida. Le Comité recommande à l'État partie de donner aux enfants une information exacte et objective sur la consommation d'alcool et de tabac et de décourager les activités promotionnelles dans ce domaine dans les médias.

32. Le Comité recommande à l'État partie de prendre toutes les mesures voulues pour que les ressources nécessaires soient allouées à la mise en œuvre effective de la loi de 1991 sur l'éducation. Il lui recommande de tenir dûment compte de ses Observations générales n°11, portant sur les plans d'action dans le domaine de l'éducation primaire, et n°13, relative au droit à l'éducation, ainsi que de l'Observation générale n°1 du Comité des droits de l'enfant, consacrée aux buts de l'éducation, en mettant au point ses politiques d'éducation. Il lui recommande aussi de promouvoir la participation des parents et des communautés, en particulier des minorités ethniques, dans les conseils de direction des écoles, afin d'augmenter les taux d'inscription et de surveiller la qualité de l'éducation.

33. Le Comité encourage l'État partie à envisager de ratifier la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés ainsi que le Protocole de 1967 relatif au statut des réfugiés, la Convention de 1954 relative au statut des apatrides et la Convention de 1961 sur la réduction des cas d'apatridie.

34. Le Comité recommande à l'État partie de mettre au point un programme permanent pour la diffusion d'informations sur le contenu du Pacte et sa mise en œuvre au sein de la population, de la société civile, de tous les secteurs et échelons de l'administration. Il lui recommande en outre d'élaborer des programmes de formation systématiques et permanents sur les dispositions du Pacte à l'intention de groupes professionnels, tels que parlementaires, juges, avocats et autorités locales.

35. Enfin, le Comité demande à l'État partie de diffuser largement les présentes observations finales dans la société ukrainienne à tous les niveaux et de l'informer des mesures qu'il aura prises pour appliquer ses recommandations dans son cinquième rapport périodique qui devra être présenté le 30 juin 2006.



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