University of Minnesota



Observations finales du Comité des droits économiques, sociaux et culturels, Suisse, U.N. Doc. E/C.12/1/Add.30 (1998).



COMITÉ DES DROITS ÉCONOMIQUES,
SOCIAUX ET CULTURELS


EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT
AUX ARTICLES 16 ET 17 DU PACTE


Observations finales du Comité des droits économiques,
sociaux et culturels


SUISSE



1 Le Comité a examiné le rapport initial de la Suisse (E/1990/5/Add.33) concernant les droits visés aux articles 1 à 15 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels de sa 37ème à sa 39ème séances, tenues les 20 et 23 novembre 1998, et a adopté les observations finales ci-après à sa 55ème séance (dix-neuvième session) le 3 décembre 1998.


A. Introduction



2. Le Comité constate que le rapport soumis par l'État partie a été établi conformément à ses directives. Il se félicite de ce qu'une délégation importante et de haut niveau, venue de la capitale, ait été présente et note que la très grande qualité du dialogue a tenu notamment à la participation d'un spécialiste pour pratiquement chacun des articles du Pacte.

3. Le Comité apprécie au plus haut point les réponses franches et détaillées que la délégation suisse a apportées à toutes ses questions et qui lui ont permis de se faire une idée générale de la façon dont la Suisse s'acquitte des obligations qui lui incombent en vertu du Pacte.


B. Aspects positifs



4. Le Comité note avec satisfaction que le Pacte commence à être accepté comme faisant partie intégrante du système juridique suisse. Il constate que les tribunaux suisses, notamment le Tribunal fédéral, se sont déjà en certaines occasions référés aux dispositions du Pacte. À cet égard, le Comité observe avec satisfaction que les décisions du Tribunal fédéral semblent avoir remédié dans une certaine mesure aux insuffisances de la Constitution fédérale, concernant les articles 9, 11 et 12 du Pacte.

5. Le Comité se félicite de l'étendue et de la qualité des services fournis à l'ensemble de la population et, en particulier, des prestations sociales offertes aux personnes âgées et aux handicapés.

6. Le Comité prend note du nombre élevé d'étrangers résidant dans l'État partie et se félicite des mesures prises par les autorités pour leur permettre d'exercer leurs droits économiques, sociaux et culturels.

7. Le Comité prend note également des efforts déployés par le Gouvernement suisse pour intégrer les travailleurs étrangers et leurs familles.


C. Facteurs et difficultés entravant l'application du Pacte



8. Le Comité note que l'application effective du Pacte en Suisse n'est pas entravée par des difficultés ou des facteurs significatifs.


D. Principaux sujets de préoccupation



9. Le Comité reconnaît que, du fait de la structure fédérale de l'État partie, certains droits doivent être garantis par les cantons, mais il réaffirme néanmoins sa position, à savoir que c'est au gouvernement fédéral qu'il incombe en droit de veiller à l'application du Pacte.

10. Le Comité ne partage pas la position de l'État partie selon laquelle les dispositions du Pacte représentent des principes et des objectifs de programme plutôt que des obligations juridiques et ne peuvent donc pas être incorporées dans la législation. Il rappelle que, dans son observation générale No 3 de 1990 sur la nature des obligations des États parties au titre de l'article 2 du Pacte, il se réfère à un certain nombre de dispositions du Pacte, dont celles des articles 8 sur le droit de grève et 13 sur le droit à l'éducation, qui sont, semble-t-il, susceptibles d'être immédiatement appliquées dans le cadre du système judiciaire. Le Comité juge difficile de suggérer que les dispositions susmentionnées ne sont pas, vu leur nature, applicables en elles-mêmes et par elles-mêmes.

11. Le Comité se déclare préoccupé par la situation existant dans l'État partie où certains droits définis dans le Pacte ne sont pas reconnus sur le plan constitutionnel, qu'il s'agisse des droits au travail, à l'éducation ou à la culture. De l'avis du Comité, le droit d'exercer une activité lucrative n'est pas équivalent ou assimilable au droit au travail. À cet égard, le Comité regrette que les intéressés aient à faire valoir les droits en question devant les tribunaux, alors qu'ils devraient être reconnus par la Constitution.
12. Le Comité note qu'en dépit du degré élevé de développement atteint par la Suisse et de la vigueur de son économie, on observe des niveaux inacceptables de pauvreté dans certains groupes de population, en particulier les femmes.

13. Le Comité note qu'un projet de législation doit être soumis à un vote populaire en ce qui concerne le droit de grève des fonctionnaires. Il déplore cependant que ce droit leur soit toujours interdit. Il note en outre avec préoccupation que la réforme du statut des fonctionnaires, qui est en cours actuellement et qui prévoit la privatisation de certains services publics aux échelons fédéral, cantonal et communal risque de porter atteinte aux droits acquis des fonctionnaires, tels qu'ils sont garantis par le Pacte.

14. Le Comité est préoccupé par le fait que l'État partie n'a pas ratifié les Conventions Nos 98 et 174 de l'OIT.

15. Le Comité constate qu'en dépit de la constitutionnalisation du droit à l'assurance-maternité, le Parlement n'a pas encore reconnu ce droit. De l'avis du Comité, ceci n'est pas conforme aux dispositions de l'article 10 selon lesquelles les femmes enceintes doivent bénéficier de prestations de sécurité sociale adéquates.

16. Le Comité observe que, même s'il existe une législation concernant la protection contre la discrimination, les femmes et les minorités ethniques continuent d'être l'objet d'une importante discrimination de fait.

17. Le Comité constate avec préoccupation que dans de nombreux domaines, tels que l'accès à l'enseignement supérieur, l'accès à des postes de responsabilité et le principe d'une rémunération égale pour un travail de valeur égale, l'égalité entre hommes et femmes n'a pas encore été instaurée dans la pratique.

18. Le Comité déplore la proportion relativement élevée de femmes dans les emplois les moins rémunérés et parmi les travailleurs à temps partiel et "en disponibilité", ainsi que leur place relativement modeste dans l'enseignement supérieur.

19. Le Comité note avec préoccupation l'étendue du problème de la violence familiale à l'égard des femmes, le nombre de cas recensés étant estimé par l'État partie à 110 000 par an. Il est toutefois regrettable que, faute de statistiques détaillées, il n'ait pas pu se représenter clairement la situation régnant à cet égard dans l'État partie.

20. Le Comité regrette également que les données statistiques disponibles sur la violence à l'égard des femmes et la maltraitance des enfants, y compris la pédophilie, n'aient pas été analysées et mises à profit pour élaborer des mesures visant à remédier à ces problèmes. Il est à déplorer que, faute d'informations de ce type, ni le Gouvernement ni le Comité n'aient pu en mesurer l'ampleur.

21. Le Comité se déclare préoccupé par le fait que le rapport de l'État partie ne contient aucun renseignement sur la santé mentale de l'ensemble de la population et sur la santé des malades mentaux en particulier.

22. Le Comité regrette que le rapport passe sous silence la question de l'avortement et l'incidence des maladies propres aux femmes.

23. Le Comité redoute que la réforme du régime de sécurité sociale qui est en cours n'ait des conséquences néfastes pour les groupes défavorisés de la société.

24. Le Comité est préoccupé par les coûts élevés des services de santé gérés par des sociétés privées, que doivent payer intégralement les travailleurs et les retraités, ce qui a des répercussions négatives sur leur niveau de vie.


E. Suggestions et recommandations



25. Le Comité suggère à l'État partie de prendre les mesures voulues pour donner plein effet juridique au Pacte, afin que les droits qui y sont visés soient pleinement intégrés dans le système juridique.

26. Le Comité recommande de continuer à harmoniser les lois cantonales pour garantir que les dispositions du Pacte soient dûment respectées, concernant notamment des droits aussi fondamentaux que le droit au travail, à l'éducation et à la culture.

27. Le Comité recommande que l'État partie confère un statut juridique interne égal aux deux pactes internationaux relatifs aux droits de l'homme et que, si des mesures sont prises pour incorporer les obligations conventionnelles touchant aux droits civils et politiques, il envisage des mesures similaires pour les droits économiques, sociaux et culturels.

28. Le Comité recommande que le projet de législation concernant le droit de grève des fonctionnaires soit adopté dans les meilleurs délais, conformément aux obligations qui incombent à l'État partie en vertu du paragraphe 2 de l'article 8 du Pacte.

29. Il recommande en outre que, quelles que soient les modifications apportées au statut des fonctionnaires, leurs droits acquis soient préservés.

30. Le Comité engage également l'État partie à ratifier sans tarder les Conventions Nos 98 et 174 de l'OIT.

31. Le Comité recommande d'accorder aux femmes enceintes et aux mères qui viennent d'accoucher une protection adéquate sur le plan de la sécurité sociale. Il souligne en outre l'importance des campagnes de sensibilisation au problème de la discrimination et recommande que toutes les mesures possibles soient prises, notamment au niveau des infrastructures sociales, pour que les femmes désireuses de travailler à l'extérieur puissent le faire plus facilement.

32. Le Comité recommande à l'État partie d'intensifier ses efforts pour garantir aux hommes et aux femmes un accès égal à l'emploi et l'égalité de rémunération pour un travail de valeur égale.

33. Le Comité recommande à l'État partie de jouer un rôle plus actif dans la promotion de l'égalité d'accès à l'enseignement supérieur pour les femmes, les immigrants et les minorités ethniques.

34. Le Comité invite l'État partie à fournir dans son prochain rapport des renseignements à jour sur les mesures prises pour lutter contre les phénomènes de la violence familiale et de la pédophilie.

35. Le Comité prie également l'État partie de communiquer dans son prochain rapport des renseignements plus détaillés sur la santé mentale de la population, la situation des malades mentaux dans le pays ainsi que sur les progrès qui auront été réalisés dans ce domaine.

36. Le Comité recommande à l'État partie de revoir son système de soins de santé, conformément au paragraphe 2 d) de l'article 12 du Pacte, pour éviter que le coût élevé des soins n'ait un effet négatif sur le niveau de vie des familles, ce qui est incompatible avec le paragraphe 1 de l'article 11 du Pacte.

37. Le Comité demande à l'État partie de diffuser largement ses observations finales à tous les niveaux de la société et d'informer le Comité de toutes les mesures qu'il aura prises pour y donner suite. Il invite par ailleurs instamment le Gouvernement à prendre l'avis des organisations non gouvernementales lorsqu'il établira son deuxième rapport périodique.



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