University of Minnesota



Observations finales du Comité des droits économiques, sociaux et culturels, Nicaragua, U.N. Doc. E/C.12/1993/14 (1994).


 


COMITE DES DROITS ECONOMIQUES,
SOCIAUX ET CULTURELS


EXAMEN DES RAPPORTS PRESENTES PAR LES ETATS PARTIES
CONFORMEMENT AUX ARTICLES 16 ET 17 DU PACTE


Observations finales du Comité des droits économiques,
sociaux et culturels


NICARAGUA

1. Le Comité a examiné le rapport initial du Nicaragua concernant les droits visés aux articles 10 à 12 du Pacte (E/1986/3/Add.15 et E/1986/3/Add.16), ainsi que les réponses écrites au questionnaire établi lors de la réunion de présession, lors des 27ème et 28ème séances, tenues les 24 et 25 novembre 1993, et a adopté à la 46ème séance (neuvième session), tenue le 8 décembre 1993 les observations ci-après :


A. INTRODUCTION

2. Le Comité sait gré au Gouvernement nicaraguayen d'avoir soumis le rapport mis à jour et se félicite de l'occasion qui lui a été donnée de poursuivre son dialogue avec l'Etat partie, compte tenu notamment des difficultés et des bouleversements qu'a connus le Nicaragua ces dernières années.


B. ASPECTS POSITIFS

3. Le Comité note avec satisfaction la franchise du Gouvernement nicaraguayen et la bonne volonté dont il a fait preuve en exposant les problèmes qui freinaient le développement sur le plan social. Le Comité prend note de la déclaration faite par le représentant du Gouvernement nicaraguayen au sujet de l'action entreprise, sur le plan institutionnel, pour lutter contre la pauvreté au moyen du plan d'action spécifique lancé en 1990 et pour améliorer le niveau de vie de la population grâce à l'intervention du Ministère de l'action sociale, créé en 1993.

4. Le Comité se félicite de l'intention qu'a le Gouvernement nicaraguayen de créer une Procuraduría de Derechos Humanos (ombudsman), service qui sera chargé d'enquêter sur les violations des droits de l'homme et de veiller à la mise en oeuvre des instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme que le Nicaragua a ratifiés.


C. FACTEURS ET DIFFICULTES INTERVENANT DANS L'APPLICATION DU PACTE

5. Le Comité est conscient que la destruction physique et économique du pays résultant d'une guerre prolongée et de catastrophes naturelles graves, auxquelles est venu s'ajouter le programme d'ajustement économique, a limité la réalisation des droits énoncés dans le Pacte.


D. PRINCIPAUX SUJETS DE PREOCCUPATION

6. Dans la mesure où l'ajustement structurel et la privatisation des biens de l'Etat ont eu des effets négatifs sur la jouissance effective des droits économiques, sociaux et culturels de la population nicaraguayenne, et plus spécialement sur le niveau de vie des secteurs les plus vulnérables, le Comité se dit gravement préoccupé. Il est particulièrement inquiet des statistiques officielles qui révèlent une dégradation alarmante du niveau de vie et indiquent qu'environ 70 % de la population du Nicaragua se trouve au-dessous du seuil de pauvreté et que 40 % d'entre eux souffrent de déficience en protéines. Ceci met en lumière le drame de la population enfantine, dont la situation constitue - comme il ressort explicitement du rapport lui-même -une réelle urgence nationale.

7. Le Comité est également préoccupé par l'absence de cohérence et d'efficacité des programmes entrepris pour réglementer la propriété foncière et traiter le problème du logement. En particulier, le non-respect de la propriété accordée par les lois 85 et 86 à des logements sociaux et la lenteur des procédures mises en place par l'OOT (Oficina de ordenamiento territorial) créent une insécurité juridique pour les occupants des logements concernés.

8. Les renseignements parvenus au Comité concernant l'expulsion par les forces de police de plusieurs centaines de familles (en particulier pour les communautés Extención La Primavera et El Boer à Managua) sans proposition de relogement sont très inquiétants. Il semble que l'expulsion soit pratiquée de façon courante, et le Comité n'a pas reçu de réponse à des questions précises posées sur des exemples concrets.


E. SUGGESTIONS ET RECOMMANDATIONS

9. Le Comité souhaite que le Gouvernement nicaraguayen fournisse des informations précises sur les incidents auxquels aurait donné lieu l'expulsion de personnes qui occupaient des terres, et il le prie de faire savoir, avant le mois de mai 1994, quelles mesures il a adoptées pour régler le problème des établissements non officiels conformément aux principes du Pacte. A ce sujet, le Comité estime que les décisions d'éviction forcée sont prima facie incompatibles avec les exigences du Pacte et ne peuvent être justifiées que dans les situations les plus exceptionnelles et conformément aux principes applicables du droit international.

10. Le Comité demande à être saisi de réponses écrites aux questions qui ont été soulevées pendant le dialogue avec l'Etat partie mais qui, faute de temps, sont restées sans réponse. En particulier, il souhaite recevoir des éclaircissements sur le départ et les menaces d'expulsion des squatters de différentes communautés.

11. Le Comité estime que l'Etat partie devrait assurer une mise en oeuvre efficace des lois 85 et 86 de 1990, en vue de garantir la sécurité de jouissance et le titre de propriété des terres. Il recommande à l'Etat partie d'élaborer et d'appliquer de manière urgente une politique globale du logement qui soit conforme aux obligations qui lui incombent en vertu des instruments internationaux.

12. Conformément aux directives générales révisées concernant la forme et le contenu des rapports que les Etats parties doivent présenter, le Comité demande à l'Etat partie de lui fournir des renseignements statistiques détaillés sur la répartition des revenus et des ressources entre les groupes vivant dans les zones rurales et dans les zones urbaines du pays, ventilés selon les caractéristiques linguistiques et ethniques signalées dans le paragraphe 5 du rapport (E/1986/3/Add.16). D'autre part, des statistiques semblables sur les taux de mortalité et de natalité, l'espérance de vie et les taux de scolarisation jusqu'au niveau universitaire sont demandées.

13. Le Comité rappelle l'opinion qu'il a formulée dans son Observation générale No 2, qui dispose que les obligations découlant du Pacte sont encore plus pertinentes en période de graves difficultés économiques et sociales.

14. Le Comité appelle l'attention de l'Etat partie sur le fait que les programmes d'ajustement structurel doivent être formulés et mis en oeuvre de manière à prévoir des filets de sécurité suffisants pour les secteurs vulnérables de la société, afin d'éviter la détérioration de l'exercice des droits économiques, sociaux et culturels garantis par le Pacte.



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