University of Minnesota



Observations finales du Comité des droits économiques, sociaux et culturels, Maroc, U.N. Doc. E/C.12/1/Add.55 (2000).




COMITÉ DES DROITS ÉCONOMIQUES,
SOCIAUX ET CULTURELS



EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES
CONFORMÉMENT AUX ARTICLES 16 ET 17 DU PACTE

Observations finales du Comité des droits économiques, sociaux et culturels

MAROC



1. Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a examiné le deuxième rapport périodique du Maroc sur l'application du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (E/1990/6/Add.20) à ses 70ème, 71ème et 72ème séances, les 22 et 23 novembre 2000, et il a adopté, à sa 82ème séance, le 30 novembre 2000, les observations finales ci-après.

A. Introduction


2. Le Comité se félicite de la présentation du deuxième rapport périodique du Maroc qui, dans l'ensemble, a été établi conformément aux directives révisées concernant la forme et le contenu des rapports fixées par le Comité, ainsi que des réponses écrites données à la liste des points à traiter.

3. Le Comité se réjouit du dialogue franc et constructif qui s'est instauré avec la délégation marocaine, laquelle était composée d'experts dans le domaine considéré, et de la bonne volonté avec laquelle elle a répondu aux questions supplémentaires et fourni tout autre renseignement dont elle disposait. Il regrette néanmoins que cette délégation n'ait pas été en mesure de fournir suffisamment de détails, notamment des statistiques, en réponse à certaines questions figurant sur la liste des points à traiter ainsi qu'à celles posées dans leur prolongement au cours du dialogue. Le Comité note que l'État partie a exprimé l'intention d'apporter dès qu'il le pourrait des précisions pour clarifier les questions auxquelles les réponses fournies avaient été insuffisantes pendant le dialogue.


B. Aspects positifs


4. Le Comité salue l'initiative prise par le Roi Mohammed VI et son nouveau Gouvernement de continuer de promouvoir une culture des droits de l'homme au Maroc et prend note avec satisfaction de la création du Ministère des droits de l'homme. Il se réjouit également des efforts déployés par l'État partie pour s'acquitter des obligations qui découlent pour lui des instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme, en général, et du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, en particulier.

5. Le Comité prend note avec satisfaction de la création d'une institution nationale des droits de l'homme et de l'intention de l'État partie de créer un bureau de médiateur national.

6. Le Comité se félicite qu'à la suite de la quatrième Conférence mondiale sur les femmes qui s'est tenue à Beijing, l'État partie ait mis en place, en 1997, une stratégie nationale pour la promotion de la femme et qu'un plan d'action pour l'intégration des femmes au développement ait été adopté.

7. Le Comité prend note avec satisfaction des activités menées par l'État partie pour la campagne d'information visant à faire connaître les instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme aux membres du corps judiciaire.

8. Le Comité note avec intérêt les initiatives en cours prises par l'État partie pour faire face au fardeau de la dette, par exemple sous forme de conversions bilatérales de la dette avec certains pays donateurs.


C. Facteurs et difficultés entravant l'application du Pacte


9. Le Comité note que la persistance de pratiques et attitudes traditionnelles profondément ancrées dans la société marocaine à l'égard des femmes et des enfants entrave la capacité de l'État partie à protéger et promouvoir leurs droits économiques, sociaux et culturels.

10. Le Comité prend note aussi des difficultés auxquelles l'État partie se heurte pour assurer le service de sa dette qui absorbe un pourcentage considérable du produit national brut, nuisant ainsi à sa capacité de s'acquitter des obligations découlant pour lui du Pacte.


D. Principaux sujets de préoccupation


11. Le Comité note avec préoccupation que l'État partie n'a rien dit des mesures qu'il aurait prises pour donner suite aux suggestions et recommandations formulées par le Comité sur le rapport initial du Maroc en 1994 (voir E/C.12/1994/5), ou de leurs résultats. Bien des points soulevés dans les observations finales de 1994 restent un sujet de préoccupation dans les présentes observations finales.

12. Le Comité déplore qu'aucune mesure législative, judiciaire et administrative n'ait encore été prise par l'État partie pour donner effet à nombre de dispositions du Pacte.

13. En ce qui concerne la situation au Sahara occidental, le Comité regrette qu'une solution claire n'ait pas été apportée à la question de l'autodétermination.

14. Le Comité déplore que l'État partie n'ait pas encore formulé le plan général d'action en faveur des droits de l'homme recommandé au paragraphe 71 de la Déclaration et du Programme d'action de Vienne de 1993.

15. Le Comité regrette que dans ses négociations avec les institutions financières internationales, l'État partie ne prenne pas en considération les obligations que lui impose le Pacte.

16. En dépit des mesures prises par l'État partie pour améliorer la condition de la femme dans la société marocaine, le Comité note avec préoccupation que la législation nationale reste caractérisée par une discrimination à l'égard des femmes, en particulier en ce qui concerne le droit de la famille, le Code du statut personnel et le droit successoral.

17. Le Comité regrette les retards qui continuent d'intervenir dans l'adoption d'un nouveau code du travail visant à unifier les lois en vigueur dans ce domaine, question qu'il avait déjà évoquée en 1994 dans ses observations finales. Il s'inquiète également de ce que certaines dispositions du projet de code du travail concernant notamment l'âge minimum d'admission à l'emploi et le travail des enfants ne soient pas conformes aux Conventions pertinentes de l'OIT (Nos 138 et 182, respectivement), que l'État partie n'a pas encore ratifiées.

18. Le Comité note avec préoccupation que le salaire minimum au Maroc n'est pas suffisant pour permettre aux travailleurs de vivre et de faire vivre leur famille dans des conditions décentes. Il ne lui a pas non plus été donné de raison justifiant l'écart considérable entre le salaire minimum des ouvriers et celui des travailleurs agricoles.

19. Le Comité note avec préoccupation que l'État partie n'a pas fourni suffisamment de renseignements sur a) le nombre d'accidents survenus sur le lieu de travail, y compris ceux qui ont causé de graves blessures ou ont été mortels et b) les mesures législatives et administratives en vigueur pour éviter qu'ils se produisent.

20. Le Comité est préoccupé par le fait que l'État partie ne prévoit pas de peines suffisamment sévères et appliquées pour empêcher les employeurs, en particulier dans l'artisanat et les industries légères, de recourir au travail d'enfants n'ayant pas l'âge minimum légal d'admission à l'emploi.

21. Le Comité est également préoccupé par l'absence de législation protégeant ceux qui sont employés comme domestiques, en particulier les jeunes filles, qui sont maltraités et exploités par leurs employeurs.

22. Le Comité est préoccupé par le maintien de restrictions au droit de grève tel qu'il est énoncé à l'article 8 du Pacte, en particulier celles qui sont prévues par l'article 288 du Code pénal de l'État partie. Il regrette que ce dernier n'ait toujours pas ratifié la Convention No 87 de l'OIT concernant la liberté syndicale et la protection du droit syndical.

23. Le Comité note avec préoccupation la persistance de la discrimination à l'égard des enfants nés hors mariage qui sont fréquemment abandonnés par leurs parents et ne bénéficient d'aucune protection juridique dans le Code du statut personnel et le droit de la famille.

24. Le Comité est préoccupé par le grand nombre d'enfants qui vivent dans la rue et dont 22 % sont âgés de moins de 5 ans.

25. Le Comité est préoccupé par le pourcentage élevé de personnes qui vivent au-dessous du seuil de pauvreté au Maroc, en particulier dans les zones rurales.

26. Le Comité note avec préoccupation les disparités entre le niveau de vie des habitants des zones rurales et des zones urbaines, d'autant plus que l'accès des premiers à de l'eau salubre, à des installations sanitaires et à l'électricité est considérablement moindre.

27. Le Comité est également préoccupé par l'absence de logement social abordable au Maroc. En outre, il regrette que l'État partie n'ait pas fourni de renseignements suffisants, en particulier de statistiques, sur le nombre des sans-abri et des expulsions forcées, eu égard à l'Observation générale No 7 du Comité sur les expulsions forcées.

28 Le Comité regrette que l'État partie n'ait pas adopté de stratégie nationale et plan d'action en faveur de la santé et que la couverture assurée par l'État ne concerne pas plus de 20 % de la population. Il note également avec préoccupation que l'accès aux soins de santé primaires dans les zones rurales est encore plus limité que dans les zones urbaines.

29. Le Comité est préoccupé par le fort taux de mortalité maternelle et infantile au Maroc.

30. Le Comité note avec préoccupation que l'État partie n'exerce pas un contrôle suffisant, par le biais de mesures législatives et administratives, sur les usines qui fabriquent des produits alimentaires qui ne sont pas conformes aux normes internationales et causent des décès ou mettent en danger la santé de la population marocaine.

31. Le Comité est préoccupé par le taux d'analphabétisme élevé sur le territoire de l'État partie, en particulier chez les femmes des zones rurales.

32. Le Comité est profondément préoccupé par le faible taux de fréquentation en primaire. Actuellement, moins de 50 % des enfants des deux sexes vont régulièrement à l'école. Il est également préoccupé par le fait que l'accès des jeunes filles à l'enseignement est considérablement plus restreint, en particulier dans les zones rurales, ce qui explique que chez les adultes le taux d'analphabétisme est de 65 % chez les femmes contre 40 % pour les hommes.

33. Le Comité regrette que l'État partie n'ait pas fourni suffisamment de renseignements sur la manière dont les minorités au Maroc, par exemple les Amazighs, peuvent exercer leur droit de participer à la vie culturelle.


E. Suggestions et recommandations


34. Le Comité invite instamment l'État partie à prendre des mesures législatives et autres pour donner effet à toutes les dispositions du Pacte.

35. Le Comité encourage l'État partie à trouver une solution, en coopération avec l'Organisation des Nations Unies, aux problèmes qui entravent le processus de référendum sur la question de l'autodétermination du Sahara occidental.

36. L'État partie est instamment prié de formuler et de mettre en œuvre un vaste plan national d'action pour la protection et la promotion des droits de l'homme, conformément au paragraphe 71 de la Déclaration et du Programme d'action de Vienne de 1993, et de fournir des renseignements sur cette question dans le prochain rapport périodique.

37. Le Comité encourage l'État partie à veiller à ce que le bureau du médiateur national, qui doit être créé prochainement, soit conforme aux Principes de Paris de 1991. Il attend avec un vif intérêt d'être informé dans le prochain rapport périodique des résultats de son action.

38. Le Comité recommande vivement de tenir compte des obligations découlant du Pacte pour le Maroc, dans tous les aspects des négociations menées par ce pays avec les institutions financières et internationales, telles que le Fonds monétaire international, la Banque mondiale et l'Organisation mondiale du commerce, pour qu'il ne soit pas porté atteinte aux droits économiques, sociaux et culturels, en particulier à ceux des groupes les plus vulnérables de la société.

39. Le Comité réitère la recommandation qu'il a formulée au paragraphe 19 de ses observations finales de 1994 (E/C.12/1994/5), à savoir que l'État partie doit adopter de nouvelles mesures pour assurer la protection sociale voulue aux secteurs vulnérables de la société touchés par les programmes d'ajustement structurel.

40. Le Comité recommande vivement à l'État partie d'adopter et de mettre pleinement en œuvre dès que possible le plan d'action pour l'intégration des femmes au développement. En particulier, il le prie instamment de modifier la législation en vigueur qui institutionnalise la discrimination à l'égard des femmes, par exemple dans celles de ses dispositions qui concernent la famille, la succession et le statut personnel, en vue de renforcer le statut juridique des femmes.

41. Le Comité prie instamment l'État partie d'adopter le projet de code du travail et de veiller à ce que les dispositions qu'il contient soient conformes aux articles 6, 7 et 8 du Pacte, ainsi qu'aux Conventions pertinentes de l'OIT auxquelles le Maroc est partie. À ce propos, l'État partie est vivement encouragé à ratifier les Conventions de l'OIT No 87 (Liberté syndicale), No 138 (Âge minimum d'admission à l'emploi), No 169 (Peuples indigènes et tribaux) et No 12 (Interdiction des pires formes de travail des enfants).

42. Le Comité recommande à l'État partie de prendre des mesures pour éliminer la grande disparité entre les salaires minimums perçus par les diverses catégories de travailleurs, en particulier selon qu'ils sont employés dans l'industrie ou dans l'agriculture. En outre, il recommande vivement que le salaire minimum soit fixé à un niveau qui permette aux travailleurs et à leur famille de vivre dans des conditions plus décentes, conformément à l'article 7 du Pacte.

43. Le Comité prie l'État partie de donner dans son prochain rapport périodique, les informations détaillées sur a) le nombre d'accidents survenus sur le lieu de travail et b) toutes les mesures prises par lui pour les prévenir.

44. Le Comité prie instamment l'État partie de prendre les mesures qui s'imposent, y compris des peines suffisamment sévères, pour que les employeurs, en particulier dans l'artisanat et les industries légères, ne puissent pas recourir au travail d'enfants qui n'ont pas atteint l'âge minimum d'admission à l'emploi. En outre, il lui demande instamment de porter cet âge de 12 à 15 ans, conformément aux normes de l'OIT (Convention No 138).

45. Le Comité demande aussi instamment à l'État partie d'adopter immédiatement des lois pour protéger les mineurs qui travaillent comme domestiques, en particulier les jeunes filles, contre l'exploitation de leurs employeurs.

46. Le Comité recommande à l'État partie de prendre des mesures pour éliminer les restrictions excessives au droit de grève, en particulier celles que prévoit l'article 288 du Code pénal qui criminalise certaines formes de grève.

47. Le Comité réitère la recommandation qu'il a formulée au paragraphe 23 de ses Observations finales de 1994 (E/C.12/1994/5), à savoir que l'État partie prenne des mesures législatives et autres pour éliminer la discrimination contre les enfants nés hors mariage et pour les protéger efficacement contre elle.

48. Le Comité recommande vivement en outre que l'État partie règle le problème des enfants des rues et des enfants nés hors mariage qui sont abandonnés par leurs parents.

49. Le Comité prie instamment l'État partie d'intensifier ses efforts pour régler le problème de la pauvreté, en particulier dans les zones rurales.

50. Le Comité réitère la recommandation qu'il a formulée en 1994 (E/C.12/1994/5, par. 18), à savoir qu'il encourage vivement l'État partie à faire le nécessaire pour réduire les disparités actuelles entre les zones rurales et les zones urbaines, notamment en améliorant l'accès à l'eau, à l'électricité et aux installations sanitaires dans les premières.

51. Le Comité recommande que l'État partie intensifie ses efforts pour améliorer la situation dans le domaine du logement au Maroc, en particulier en assurant des logements sociaux abordables. Il demande également que, dans son prochain rapport périodique, l'État partie lui fournisse des renseignements détaillés, notamment des statistiques, sur le nombre de sans-abri et d'expulsions forcées au Maroc, sur les mesures prises pour remédier à ces problèmes et sur leurs résultats.

52. Le Comité recommande également que l'État partie adopte une stratégie nationale et un plan d'action en faveur de la santé qui accroîtra la couverture assurée par lui, en particulier dans les zones rurales.

53. Le Comité invite instamment l'État partie à faire le nécessaire pour régler le problème du taux élevé de mortalité maternelle et infantile au Maroc.

54. Le Comité prie instamment l'État partie de prendre les mesures législatives et administratives appropriées pour exercer un contrôle suffisant sur les fabriques de produits alimentaires afin que ceux-ci soient conformes aux normes internationales et ne constituent pas un risque sanitaire.

55. Le Comité prie instamment l'État partie d'assurer l'accès à un enseignement primaire gratuit et obligatoire pour tous, spécialement pour les femmes et les petites filles, et en particulier dans les zones rurales, compte tenu de ses Observations générales No 11 et No 13 sur le droit à l'éducation, y compris l'enseignement primaire. Il lui demande aussi de fournir dans le prochain rapport périodique des renseignements sur les subventions gouvernementales aux établissements d'enseignement supérieur privés et les programmes d'éducation en faveur des nomades, sur les mesures qu'il a prises et sur leurs résultats.

56. Le Comité invite instamment l'État partie à faire le nécessaire pour régler le problème toujours actuel du taux élevé d'analphabétisme, en particulier parmi les femmes des zones rurales.

57. Le Comité demande des renseignements plus détaillés, notamment des statistiques, sur la manière dont les Amazighs peuvent exercer les droits énoncés dans le Pacte, en particulier leur droit de participer à la vie culturelle de la société marocaine et d'utiliser leur propre langue.

58. Le Comité recommande vivement à l'État partie d'avoir recours aux services d'assistance technique du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme et des institutions spécialisées et programmes pertinents des Nations Unies, afin d'assurer l'exercice des droits économiques, sociaux et culturels conformément aux obligations qu'il a contractées en vertu du Pacte.

59. Le Comité a décidé que le Maroc devrait présenter son troisième rapport périodique d'ici au 30 juin 2004, et que ce dernier devrait contenir des renseignements sur les mesures prises par l'État partie pour donner suite aux suggestions et recommandations contenues dans les présentes observations finales.

60. Le Comité demande à l'État partie de diffuser les présentes observations finales aussi largement que possible dans toutes les couches de la société.



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