University of Minnesota



Observations finales du Comité des droits économiques, sociaux et culturels, République de Corée, U.N. Doc. E/C.12/1995/3 (1995).


 

COMITE DES DROITS ECONOMIQUES
SOCIAUX ET CULTURELS


EXAMEN DES RAPPORTS PRESENTES PAR LES ETATS PARTIES
CONFORMEMENT AUX ARTICLES 16 ET 17 DU PACTE

Observations finales du Comité des droits économiques,
sociaux et culturels

REPUBLIQUE DE COREE


1. A ses 3ème, 4ème et 6ème séances (E/C.12/1995/SR.3, 4 et 6), tenues les 2 et 3 mai 1995, le Comité a examiné le rapport initial de la République de Corée sur l'application des droits visés aux articles 1er à 15 du Pacte (E/1990/5/Add.19) et a adopté à sa 27ème séance (douzième session) tenue le 18 mai 1995 les observations finales ci-après.


A. Introduction

2. Le Comité remercie l'Etat partie d'avoir présenté un rapport complet, établi, dans l'ensemble, conformément à ses directives, et d'avoir apporté par écrit des réponses à la liste des points à traiter qui lui avait été communiquée avant la session. Il le félicite également d'avoir envoyé une délégation importante et de haut niveau pour débattre du rapport et d'avoir eu un dialogue utile avec le Comité. Il convient toutefois de noter que le rapport, bien que complet, donne, dans de nombreux domaines, des informations excessivement générales. En conséquence, le Comité se félicite que le gouvernement ait offert de fournir par écrit des réponses supplémentaires et précises aux questions posées. Il sait gré au Gouvernement de la République de Corée de lui avoir communiqué rapidement ces réponses, le 5 mai 1995.


B. Aspects positifs

3. Le Comité note avec satisfaction que la République de Corée a connu une croissance économique importante et rapide au cours des 30 dernières années et que les progrès matériels considérables qui ont été faits devraient jeter les bases d'une plus grande jouissance des droits économiques, sociaux et culturels. Il prend note également des premières mesures qui ont été prises sur la voie de la mise en place d'un système de sécurité sociale adapté au niveau de développement d'un pays comme la République de Corée. La suppression quasi totale de l'analphabétisme dans tous les secteurs de la société hormis la catégorie des personnes âgées, l'allongement de l'espérance de vie et les efforts visant à accroître le parc immobilier national témoignent en outre de l'évolution positive de la société coréenne.

4. Le Comité prend note des efforts qui ont été faits récemment, sur le plan législatif, pour remédier au problème de la violence contre les femmes au sein de la famille et pour reconnaître les droits des femmes en matière successorale.

5. Le Comité se félicite de la création de services des droits de l'homme dans les principaux ministères et des possibilités nouvelles d'aide juridique apportées par la création d'un système de juristes publics.


C. Facteurs et difficultés entravant l'application du Pacte

6. Le Comité est conscient de ce que la Corée traverse une période de transition, sociale et politique. La progression dans chacun de ces domaines ne s'est pas faite de manière suffisamment équilibrée. Les efforts déployés pour garantir une croissance économique rapide et exceptionnelle et les résultats obtenus dans ce domaine n'ont pas toujours été accompagnés de mesures de protection des droits économiques, sociaux et culturels appropriées. Le Comité a conscience aussi que le pays n'a émergé que récemment d'une longue période de régime militaire pour accéder à un système de gouvernement démocratique et qu'il se trouve face à un lourd programme de changements à opérer pour créer une société civile, d'autant qu'il a affaire à des préjugés sociaux profondément enracinés. Enfin, les problèmes qui découlent de la partition politique de la péninsule coréenne continuent de faire prévaloir une mentalité d'assiégés omniprésente fondée sur la crainte que soit mise en danger la sécurité nationale.


D. Principaux sujets de préoccupation

7. Le Comité est préoccupé par le statut du Pacte en droit interne. Bien que les représentants de la République de Corée aient affirmé que toutes les lois nationales concordaient avec les dispositions du Pacte, le Comité demeure préoccupé par le fait qu'il n'existe aucun mécanisme permettant de vérifier la compatibilité des lois nationales avec les dispositions du Pacte.

8. Le Comité pense que les restrictions au droit de former des syndicats ne sont pas compatibles avec les obligations contractées par la République de Corée en vertu de l'article 8 du Pacte. Il ne semble pas qu'il y ait de raison pour interdire la formation de syndicats à des groupes tels que le corps enseignant, surtout lorsque cette interdiction ne s'applique pas à d'autres groupes, y compris celui des ouvriers du secteur de la défense nationale. De même, la réglementation concernant le droit de grève est excessivement restrictive et donne apparemment aux autorités tout pouvoir, ou presque, de se prononcer sur le caractère légal d'une action revendicative. Tout en reconnaissant les traditions culturelles de la République de Corée, y compris la haute estime dans laquelle les enseignants sont tenus, le Comité estime qu'il est tout à fait inacceptable de se fonder là-dessus pour justifier une limitation excessive de la liberté de secteurs importants de la société coréenne de jouir du droit fondamental à appartenir à des syndicats de leur choix.

9. Le Comité a en outre été très troublé d'apprendre que des personnes avaient été licenciées pour avoir participé à des actions revendicatives et que la police avait attaqué des syndicalistes engagés dans des activités pacifiques.

10. En dépit de la politique déclarée du gouvernement et de la gamme de programmes spéciaux qui ont été mis sur pied, le Comité juge la situation des femmes dans la société coréenne très insatisfaisante. Les femmes sont victimes dans tous les domaines de pratiques discriminatoires qui sont dues à de nombreux facteurs, et notamment à des préjugés culturels très anciens. A la maison, l'asservissement des femmes s'illustre par le très haut degré de violence dont elles sont victimes et que révèle le rapport du gouvernement. On relève aussi l'existence de règles anachroniques comme celles qui empêchent, dans certains cas, une femme de transmettre sa nationalité à son enfant. Dans le domaine de l'éducation, les disparités entre garçons et filles, exprimées en pourcentage, dans les établissements de deuxième et de troisième degré, sont préoccupantes. A cet égard, le Comité fait observer que les difficultés d'accès à l'enseignement secondaire ou supérieur et le coût élevé de cet enseignement expliquent le faible taux de participation féminine.

11. Des préoccupations particulières ont été exprimées en ce qui concerne les différences de salaire entre hommes et femmes et d'autres pratiques discriminatoires sur le lieu de travail, y compris un taux apparemment élevé de discrimination sexuelle au niveau du recrutement. Le Comité est également préoccupé par la non-application par le gouvernement de ses propres politiques et lois en la matière.

12. Le Comité constate avec inquiétude que la Corée enregistre un taux relativement élevé d'accidents sur le lieu de travail et qu'aucune solution satisfaisante n'a été apportée à ce problème. Il est particulièrement troublant que diverses réglementations concernant le lieu de travail ne s'appliquent pas aux entreprises comptant moins de 10 employés. Le fait que la réglementation sur les salaires minimums ne s'applique pas au personnel de ces entreprises est également regrettable et le Comité se félicite que le gouvernement ait fait part de son intention de réexaminer la situation. Les conditions d'emploi et le traitement des non-nationaux qui font partie de la main-d'oeuvre coréenne sont sources de préoccupation et les informations mises à la disposition du Comité par le gouvernement ne révèlent pas l'existence d'un ensemble suffisant de mesures juridiques pour protéger ces travailleurs.

13. Le Comité est préoccupé par un certain nombre de caractéristiques du système éducatif coréen. Seul l'enseignement primaire est gratuit. Il semblerait approprié, étant donné la puissance de l'économie coréenne, que la gratuité soit étendue aux niveaux secondaire et supérieur de l'enseignement. Par ailleurs, le représentant du gouvernement a reconnu oralement qu'il y avait un grave manque de places dans l'enseignement supérieur, d'où l'existence de conditions d'accès par voie de concours extrêmement difficiles. Cette situation a notamment pour conséquence que les établissements privés sont enclins à augmenter les droits d'inscription, ce qui contraint les enfants des groupes à faible revenu à rester en dehors du système.

14. Le Comité est préoccupé par la situation du logement en Corée et considère qu'il n'a pas reçu d'informations suffisantes à ce propos, notamment sur les logements inadaptés, le nombre des personnes sans abri et les expulsions forcées. Il note que, selon des sources non gouvernementales internationales, 720 000 personnes auraient été expulsées à l'occasion des Jeux olympiques de Séoul et qu'aucun renseignement n'a été fourni sur ce qu'il était advenu de leur situation par la suite; 16 000 personnes auraient été expulsées depuis février 1992; enfin, selon d'autres sources non gouvernementales nationales, il y aurait eu 4 000 expulsions en 1994. Malgré les préoccupations du Comité, il n'a pas été apporté de réponse à ses questions et, plus généralement, aux problèmes concernant le droit au logement.

15. Le Comité est d'avis que le gouvernement, étant donné ses ressources économiques, ne s'est pas suffisamment occupé des droits économiques, sociaux et culturels des groupes les plus marginalisés. Parmi les catégories de personnes qui ont besoin de davantage d'attention et de soins figurent les plus pauvres, les sans-abri et tout particulièrement les victimes de graves handicaps physiques ou mentaux.


E. Suggestions et recommandations

16. Le Comité appelle l'attention sur l'obligation qui incombe à la République de Corée de faire en sorte que les dispositions du Pacte concernant les droits économiques, sociaux et culturels l'emportent sur celles de toutes les lois nationales, qu'elles soient antérieures ou postérieures au Pacte. Il lui recommande d'examiner toutes les lois pour vérifier qu'elles sont conformes aux dispositions du Pacte. Il lui recommande aussi de développer ses programmes d'éducation afin de faire mieux connaître les dispositions du Pacte dans toute la société et de garantir leur application par les tribunaux et leur respect par les organes chargés de l'application des lois.

17. Le Comité recommande au gouvernement de modifier immédiatement ses lois et règlements portant sur la liberté de former des syndicats et sur le droit de grève afin que leurs dispositions concordent avec celles du Pacte et d'autres normes internationales applicables. En particulier, des mesures doivent être prises pour garantir aux enseignants, aux fonctionnaires et à d'autres catégories de personnels le droit de constituer des syndicats et se mettre en grève.

18. Tout en reconnaissant la valeur des programmes gouvernementaux qui existent déjà, le Comité invite instamment le gouvernement à donner la priorité à la promotion du rôle des femmes dans la société. Il l'engage vivement, afin d'éliminer la discrimination dont les femmes sont l'objet, à dégager des ressources afin de mener à bien toute une série d'activités, notamment dans les domaines de l'éducation des jeunes et des adultes, du développement des possibilités d'emploi, des réformes juridiques et de l'administration de la justice. Le Comité recommande aussi au gouvernement d'adopter des programmes en vue de redresser les déséquilibres dont les femmes sont l'objet dans la société coréenne.

19. Il est recommandé à la République de Corée d'appliquer la réglementation sur la sécurité sur le lieu de travail et sur les salaires minimums aux entreprises de moins de 10 employés. Toutes les améliorations touchant les conditions de travail doivent s'appliquer au même titre aux travailleurs nationaux et non nationaux, et les pratiques discriminatoires dont les non-nationaux qui exercent actuellement un emploi sont victimes doivent être supprimées.

20. Le Comité recommande de prendre des mesures propres à mieux assurer le droit au logement, et, en particulier, d'éviter les expulsions sans proposition de relogement, conformément à l'observation générale No 4 du Comité. Il souhaite obtenir des renseignements complémentaires sur l'application de l'article 11 du Pacte en Corée, et en particulier sur le droit au logement.

21. Le Comité recommande par ailleurs d'accorder sans plus tarder attention aux problèmes qui se posent dans le domaine de l'éducation, et en particulier aux moyens de faciliter l'accès des groupes les plus vulnérables et les plus désavantagés, en particulier les femmes, à l'enseignement secondaire et supérieur et à la nécessité de développer l'enseignement supérieur. Le Comité recommande de prêter une attention accrue à l'instauration d'un enseignement des droits de l'homme à tous les niveaux du système scolaire.

22. La République de Corée a certes mis en place les éléments d'un système de protection sociale, mais il convient qu'elle le développe rapidement pour répondre aux besoins de ceux qui se trouvent en marge de la société, des travailleurs étrangers y compris. La protection des travailleurs étrangers doit elle-même faire l'objet d'une attention particulière, compte tenu notamment de l'isolement social et de la vulnérabilité de ces derniers. L'attention est également appelée tout spécialement sur les très pauvres, les sans-abri et les victimes de maladies physiques ou mentales graves.



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