University of Minnesota



Observations finales du Comité des droits économiques, sociaux et culturels, Canada, U.N. Doc. E/C.12/1/Add.31 (1998).



COMITÉ DES DROITS ÉCONOMIQUES,
SOCIAUX ET CULTURELS


EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES
CONFORMÉMENT AUX ARTICLES 16 ET 17 DU PACTE


Observations finales du Comité des droits
économiques, sociaux et culturels


CANADA

1. À ses 46ème, 47ème et 48ème séances, tenues les 26 et 27 novembre 1998, le Comité a examiné le troisième rapport périodique du Canada sur les droits visés aux articles premier à 15 du Pacte (E/1994/104/Add.14) et il a adopté, à sa 57ème séance, tenue le 4 décembre 1998, les observations finales suivantes.


A. Introduction

2. Le Comité exprime ses remerciements au Gouvernement canadien pour son rapport volumineux et détaillé qui, dans l'ensemble, suit les directives du Comité, ainsi que pour ses réponses écrites complètes à la liste de points à traiter. Le Comité note toutefois qu'en dépit du grand nombre d'experts dont se composait la délégation, trop de questions n'ont pas reçu de réponses détaillées ou spécifiques. De plus, vu la structure fédérale du Canada et les compétences étendues attribuées aux provinces, l'absence d'experts représentant les principales provinces, à l'exception du Québec, a considérablement restreint les possibilités d'approfondir le dialogue sur certaines questions essentielles. Le Comité note avec satisfaction que le Gouvernement canadien a procédé à des consultations étendues avec les organisations non gouvernementales (ONG) pour l'élaboration du rapport, a présenté un document de base (HRI/CORE/1/Add.91) et a fourni des renseignements supplémentaires au cours de l'examen du rapport.


B. Aspects positifs


3. Le Comité note que depuis cinq ans le Canada occupe la première place du classement en fonction de l'indicateur de développement humain (IDH) établi par le Programme des Nations Unies pour le développement. Cela signifie que les Canadiens jouissent, en moyenne, d'un niveau de vie particulièrement élevé et que le Canada a les moyens d'assurer dans une large mesure l'application de tous les droits énoncés dans le Pacte. Le fait que le Canada vienne au dixième rang des pays industrialisés au regard de l'indicateur de la pauvreté humaine établi par le PNUD montre que cela reste à faire.

4. Le Comité note avec satisfaction que la Cour suprême du Canada n'a pas suivi les décisions de différentes juridictions inférieures et a considéré que l'article 15 (droits à l'égalité) de la Charte canadienne des droits et libertés (ci-après dénommée la Charte) imposait aux gouvernements des obligations positives en matière d'affectation des ressources et de mise en oeuvre de programmes de lutte contre les inégalités sociales et économiques, de sorte que l'article 15 de la Charte offre aux groupes défavorisés des possibilités de recours internes effectifs.

5. Le Comité note avec satisfaction que le Gouvernement fédéral, suivant ainsi l'interprétation retenue par la Cour suprême, a reconnu que l'article 7 de la Charte (liberté et sécurité de la personne) garantissait la satisfaction des besoins vitaux, conformément au Pacte.

6. Le Comité note avec satisfaction que le Tribunal des droits de la personne du Québec a, dans un certain nombre de décisions, pris en considération les dispositions du Pacte pour interpréter la Charte des droits du Québec, notamment en matière de droits relatifs au travail.

7. Le Comité prend note que, face aux graves difficultés rencontrées par les peuples autochtones au Canada, le Gouvernement a institué la Commission royale sur les peuples autochtones, qui a publié en 1996 un rapport de grande envergure touchant de nombreux droits consacrés dans le Pacte.

8. Le Comité se félicite que le Gouvernement fédéral ait rétabli le Programme de contestation judiciaire, comme le Comité l'avait recommandé lors de l'examen du précédent rapport de l'État partie.

9. Le Comité prend acte de la déclaration de la Commission canadienne des droits de l'homme constatant les carences de la protection et de l'exercice des droits économiques et sociaux au Canada ainsi que de sa proposition tendant à inclure ces droits dans la législation relative aux droits de la personne, ainsi que le Comité l'avait recommandé en 1993.

10. Le Comité constate que la proportion élevée de femmes inscrites à l'université et leur accession en nombre croissant à des professions libérales traditionnellement occupées par des hommes constituent une évolution positive. Il note qu'au Canada la proportion de la population ayant achevé des études postsecondaires et le pourcentage du PIB consacré à l'enseignement postsecondaire sont parmi les plus élevés au monde.


C. Facteurs et difficultés entravant l'application du Pacte

11. Le Comité note que depuis 1994 l'État partie n'a pas accordé une attention suffisante aux conséquences négatives des coupes opérées dans les dépenses sociales pour résorber le déficit budgétaire sur la jouissance des droits économiques, sociaux et culturels par la population canadienne en général et par les groupes vulnérables en particulier.

12. Le Comité a entendu de nombreux témoignages de l'État partie indiquant que la complexité du système fédéral canadien constituait un obstacle à la mise en oeuvre du Pacte dans les domaines relevant de la compétence des provinces. Le Comité regrette que, à moins qu'un droit consacré dans le Pacte ne soit implicitement ou explicitement protégé par la Charte, par un accord entre le pouvoir fédéral et les autorités provinciales ou par incorporation directe dans la législation provinciale, il n'existe aucune possibilité de recours - ni pour les particuliers lésés ni pour le Gouvernement fédéral -en cas de non-application du Pacte par les provinces. La délégation de l'État partie a souligné l'importance que revêtaient les processus politiques à cet égard, tout en reconnaissant qu'ils étaient souvent complexes.

13. Alors que le Gouvernement canadien utilise systématiquement le seuil de faible revenu établi par Statistique Canada comme mesure de la pauvreté dans les renseignements qu'il fournit au Comité, il a informé celui-ci qu'il ne tenait pas ce seuil de faible revenu pour un seuil de pauvreté, bien qu'il soit largement utilisé par les experts pour évaluer l'ampleur et la gravité du phénomène de la pauvreté au Canada. Compte tenu de l'absence de seuil officiel de pauvreté, il est difficile d'obtenir du Gouvernement fédéral et des gouvernements provinciaux et territoriaux des comptes en ce qui concerne le respect des obligations leur incombant en vertu du Pacte.


D. Principaux sujets de préoccupation

14. Le Comité a reçu des informations faisant état de plaintes déposées par des personnes vivant dans la pauvreté (généralement des femmes avec enfants) contre des mesures des pouvoirs publics portant atteinte à leurs droits à une nourriture, un habillement et un logement suffisants. Les gouvernements provinciaux ont encouragé leurs tribunaux à privilégier dans ces affaires une interprétation de la Charte revenant à refuser toute protection des droits consacrés dans le Pacte, et laissant par conséquent les plaignants dépourvus de biens de première nécessité et de voies de recours.

15. Le Comité est profondément préoccupé par les informations selon lesquelles les tribunaux provinciaux canadiens donnent systématiquement une interprétation de la Charte excluant la protection du droit à un niveau de vie suffisant et d'autres droits énoncés dans le Pacte. Le Comité constate avec préoccupation que les tribunaux ont adopté cette attitude en dépit de l'avis exprimé par la Cour suprême du Canada et réitéré devant le Comité par le Gouvernement canadien, selon lequel la Charte pouvait s'interpréter de manière à protéger ces droits.

16. Le Comité s'inquiète en outre des insuffisances de la protection juridique des droits que le Pacte reconnaît aux femmes, notamment l'absence de loi obligeant les employeurs à verser un salaire égal pour un travail d'égale valeur dans certaines provinces et certains territoires, les restrictions entravant l'accès à l'aide juridictionnelle en matière civile, les carences de la législation relative aux droits de la personne en ce qui concerne la protection contre la discrimination à l'encontre des femmes et l'application insuffisante de ces lois.

17. Le Comité est vivement préoccupé par la disparité flagrante entre les autochtones et la majorité des Canadiens en ce qui concerne l'exercice des droits énoncés dans le Pacte. Les progrès réalisés dans la lutte contre le dénuement social et économique des autochtones sont minimes, voire nuls. Le Comité est particulièrement préoccupé par la pénurie de logements décents, le chômage endémique et le taux élevé de suicide, surtout parmi les jeunes, au sein des communautés autochtones. L'irrégularité et l'insuffisance de l'approvisionnement en eau potable des communautés autochtones vivant dans les réserves constituent un autre sujet de préoccupation. La délégation de l'État partie a en outre reconnu que près d'un quart des logements occupés par des autochtones nécessitaient d'importants travaux de réparation et étaient dépourvus de commodités de base.

18. Le Comité constate avec préoccupation qu'il existe un rapport direct entre la marginalisation économique des autochtones et la dépossession de leurs terres, comme l'a indiqué la Commission royale sur les peuples autochtones, et il fait siennes les recommandations de la Commission selon lesquelles l'État partie devrait éviter à tout prix de prendre des mesures contraires aux obligations découlant des traités conclus avec les peuples autochtones ou se traduisant par l'extinction, la transformation ou l'abandon des droits et des titres des peuples autochtones. Le Comité est vivement préoccupé de voir que les recommandations de la Commission royale sur les peuples autochtones n'ont toujours pas été suivies d'effet, malgré l'urgence de la situation.

19. Le remplacement du Régime d'assistance publique du Canada (RAPC) par le Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux (TCSPS) comporte une série d'aspects négatifs qui entravent l'exercice par les groupes défavorisés au Canada des droits reconnus dans le Pacte. Selon le rapport du Gouvernement canadien examiné par le Comité en 1993, le RAPC fixait des normes nationales en matière de protection sociale, autorisait les bénéficiaires de l'aide sociale à choisir librement leur travail, garantissait le droit à un niveau de vie suffisant et facilitait les recours en justice contre les programmes provinciaux d'assistance sociale subventionnés par l'État fédéral qui ne répondaient pas aux objectifs fixés dans la législation. Le TCSPS a supprimé chacun de ces éléments et a sensiblement réduit le montant des crédits transférés aux provinces pour couvrir les dépenses au titre de l'assistance sociale. Il conserve toutefois les normes nationales relatives à la santé, refusant aux provinces en cette matière une latitude qu'il tient pourtant à leur concéder dans d'autres domaines. La délégation n'a fourni aucune explication sur cette incohérence. Le Comité déplore que, en accordant un pouvoir discrétionnaire quasiment illimité aux gouvernements provinciaux en matière de droits sociaux, le Gouvernement canadien ait créé une situation de nature à remettre en cause les normes fixées dans le Pacte et à amoindrir radicalement l'obligation de rendre compte de leur application. Le Comité rappelle également à ce propos le paragraphe 9 de son Observation générale No 3.

20. Le Comité est préoccupé par les restrictions successives adoptées récemment concernant les prestations au titre de l'assurance-chômage, qui se traduisent par une baisse spectaculaire de la proportion de chômeurs bénéficiant d'une allocation avec un recul de près de 50 % du taux de couverture, un abaissement du montant de l'allocation, un raccourcissement de la période pendant laquelle des prestations sont servies et un accès toujours plus restreint des travailleurs à temps partiel à ce régime. Bien que ce nouveau programme soit censé assurer de meilleures prestations aux ménages à faible revenu avec enfants, le fait est que de moins en moins de familles à bas revenu peuvent prétendre à une allocation quelconque. Les travailleurs à temps partiel, les jeunes, les travailleurs occasionnels et les travailleurs temporaires et saisonniers sont confrontés à des restrictions croissantes et souvent ne perçoivent aucune allocation alors que leur contribution au fonds est importante.

21. Le Comité a reçu des informations faisant état d'une réduction d'environ 10 % des prestations d'aide sociale en faveur des célibataires dans le Manitoba, de 35 % des allocations en faveur des célibataires en Nouvelle-Écosse et de 21,6 % des allocations en faveur des familles et des célibataires dans l'Ontario. Ces réductions ont eu un impact très défavorable sur les groupes vulnérables, entraînant une aggravation du problème des sans-abri et de la faim, déjà de grande ampleur.

22. Le Comité note avec inquiétude que dans toutes les provinces sauf deux (le Nouveau-Brunswick et Terre-Neuve), la prestation nationale pour enfants mise en place par le Gouvernement fédéral, censée bénéficier à tous les enfants de familles à faible revenu, n'est en fait versée qu'aux enfants de parents pauvres qui travaillent, étant donné que les provinces sont autorisées par les Autorités fédérales à la déduire intégralement des sommes versées aux parents au titre de l'aide sociale.

23. Le Comité constate avec une vive inquiétude que l'abandon du RAPC et les réductions opérées dans les prestations, les services et les programmes d'aide sociale ont eu des conséquences particulièrement dures pour les femmes, notamment pour les mères célibataires, qui constituent la majorité des pauvres, des adultes recevant une aide sociale et des bénéficiaires des programmes sociaux.

24. Le Comité est profondément préoccupé de voir qu'un pays aussi riche que le Canada a laissé le problème des sans-abri et du manque de logements décents prendre une ampleur telle que les maires des 10 plus grandes villes du pays ont fini par le déclarer catastrophe nationale.

25. Le Comité constate avec préoccupation que le montant des allocations sociales provinciales et des autres aides au revenu n'est manifestement pas suffisant pour permettre aux pauvres de payer leur loyer. Au cours des cinq dernières années, le nombre de locataires consacrant plus de 50 % de leur revenu au paiement de leur loyer a augmenté de 43 %.

26. Le Comité note avec inquiétude que les gouvernements de l'Ontario et du Québec ont adopté une législation permettant de verser les prestations d'assistance sociale directement aux propriétaires sans le consentement des bénéficiaires, bien que la Commission des droits de la personne du Québec et un tribunal des droits de la personne de l'Ontario aient jugé que cette manière de traiter les bénéficiaires de l'aide sociale constituait une pratique discriminatoire.

27. Le Comité a appris avec vive inquiétude que le gouvernement de l'Ontario avait mis à exécution son projet de réduire de 21,6 % ses dépenses d'aide sociale, malgré les mises en garde selon lesquelles cette mesure contraindrait un grand nombre de personnes à quitter leur domicile.

28. Le Comité craint que les coupes importantes opérées dans les programmes provinciaux d'assistance sociale, la pénurie de logements décents et abordables et la discrimination répandue en matière de logement ne constituent des obstacles pour les femmes cherchant à fuir la violence conjugale. Du fait de ces obstacles, de nombreuses femmes n'ont d'autre choix que de revenir ou rester dans une situation de violence ou de se retrouver sans logement, sans nourriture et sans habillement suffisants pour elles et leurs enfants.

29. Le Comité note que les femmes autochtones qui vivent dans les réserves ne bénéficient pas, contrairement aux femmes vivant en dehors des réserves, du droit à un partage des biens conjugaux à égalité en cas de dissolution du mariage.

30. Le Comité note avec préoccupation qu'au moins six provinces canadiennes, dont le Québec et l'Ontario, ont adopté des programmes de travail obligatoire ("workfare") qui subordonnent le droit à l'aide sociale à l'acceptation d'un emploi obligatoire ou bien réduisent le montant des prestations lorsque les bénéficiaires, généralement des jeunes, font valoir leur droit de choisir librement leur travail. Dans de nombreux cas, ces programmes imposent un véritable travail mais sans la protection des lois relatives aux droits fondamentaux des travailleurs et des normes du travail. Le Comité note en outre que, dans le cas du Québec, ces programmes de travail obligatoire sont appliqués au mépris de l'avis de la Commission des droits de la personne et des décisions du Tribunal des droits de la personne, qui ont estimé qu'ils établissaient une discrimination fondée sur l'âge ou la condition sociale.

31. Le Comité relève que le projet de loi 22 a été adopté par l'Assemblée législative de l'Ontario le 24 novembre 1998 en tant que "loi de prévention de la syndicalisation". Cette loi refuse aux participants aux programmes de travail obligatoire les droits d'affiliation à un syndicat, de négociation collective et de grève. La question du Comité concernant la compatibilité de cette loi avec le Pacte est restée sans réponse de la part du Gouvernement. Le Comité juge cette loi en contravention manifeste avec l'article 8 du Pacte et invite l'État partie à prendre des mesures pour en abroger les dispositions en cause.

32. Le Comité est préoccupé de voir que le salaire minimal n'est pas assez élevé pour assurer un niveau de vie décent à un travailleur et à sa famille.

33. Le Comité est préoccupé d'entendre que le nombre de banques alimentaires a presque doublé entre 1989 et 1997 au Canada et qu'elles ne parviennent pourtant à pourvoir qu'à une partie des besoins croissants des pauvres.

34. Le Comité s'inquiète que l'État partie n'ait pas pris en considération les principales préoccupations et recommandations formulées par le Comité en 1993 et ait adopté aux échelons fédéral, provincial et territorial des mesures ayant exacerbé la pauvreté et le problème des sans-abri parmi les groupes vulnérables à une époque de forte croissance économique et de prospérité grandissante.

35. Le Comité est préoccupé par le tour critique que prend le problème des sans-abri parmi les jeunes et les jeunes ménages. D'après les informations communiquées par le Conseil national du bien-être social, plus de 90 % des mères célibataires de moins de 25 ans vivent dans la pauvreté. Les taux de chômage et de sous-emploi sont également beaucoup plus élevés parmi les jeunes que dans l'ensemble de la population.

36. Le Comité s'inquiète également des coupes importantes touchant des services essentiels pour les personnes handicapées, tels que les soins à domicile, les soins assurés par des auxiliaires médicaux et les transports spécialisés, ainsi que de l'introduction de critères plus stricts pour l'accès à ces services. Les programmes destinés aux personnes sorties d'établissements psychiatriques semblent totalement inadaptés. Bien que le Gouvernement ne lui ait donné aucun renseignement concernant le nombre de sans-abri parmi les patients sortis d'établissements psychiatriques, le Comité a été informé que nombre d'entre eux finissaient dans la rue, alors que d'autres vivaient dans des logements inadaptés, avec une assistance insuffisante.

37. Le Comité note avec inquiétude le sort des milliers de "réfugiés au sens de la Convention" au Canada, qui ne peuvent obtenir le statut de résident permanent pour différentes raisons telles que l'absence de pièces d'identité et qui ne peuvent bénéficier d'un regroupement familial avant un délai de cinq ans.

38. Le Comité constate avec inquiétude que 20 % des adultes vivant au Canada sont illettrés.

39. Le Comité est préoccupé de voir que les programmes de prêts à l'éducation postsecondaire sont réservés aux citoyens canadiens et aux résidents permanents et qu'ils sont refusés aux réfugiés officiellement reconnus mais qui n'ont pas le statut de résident permanent et aux demandeurs d'asile. Le Comité relève également avec inquiétude que les frais d'inscription à l'université ont augmenté de façon spectaculaire au Canada au cours des dernières années, ce qui compromet grandement l'accès à l'université des étudiants nécessiteux qui ne disposent pas de prêt ou de bourse. L'augmentation considérable de l'endettement moyen des étudiants en fin d'études constitue un autre sujet de préoccupation.


E. Suggestions et recommandations

40. Le Comité recommande que l'État partie étudie la possibilité de remettre en place un programme national de transferts en espèces destinés spécifiquement à l'assistance sociale et aux services sociaux prévoyant des droits à prestation pour tous, établissant des normes au niveau national et énonçant un droit exécutoire à une assistance appropriée pour toutes les personnes dans le besoin, le droit à un travail de son choix, le droit de recours et le droit de changer librement de travail.

41. Le Comité engage l'État partie à fixer un seuil officiel de pauvreté et à mettre en oeuvre des mesures d'assistance sociale appropriées pour assurer à chacun la réalisation du droit à un niveau de vie suffisant.

42. Le Comité recommande que les accords entre le pouvoir fédéral et les autorités provinciales soient modifiés pour faire en sorte, par tous les moyens nécessaires, que les services tels que les soins de santé mentale, les soins à domicile, la garde des enfants et les soins infirmiers, les foyers d'accueil pour femmes battues et l'aide juridictionnelle en matière non pénale, soient disponibles à tous les niveaux afin de garantir le droit à un niveau de vie suffisant.

43. Le Comité demande à l'État partie d'agir d'urgence pour donner effet aux recommandations de la Commission royale sur les peuples autochtones. Il demande également à l'État partie de prendre sans tarder des mesures concrètes en vue de redonner et de reconnaître aux autochtones des terres et des ressources suffisantes pour permettre la survie durable de l'économie et de la culture autochtones.

44. Le Comité recommande de modifier le Programme national de prestation pour enfant afin d'interdire aux provinces de déduire cette allocation des droits à prestation au titre de l'aide sociale.

45. Le Comité recommande que le Programme canadien d'assurance-emploi soit réformé afin d'assurer à tous les chômeurs une couverture adéquate à un niveau et pour une durée qui garantissent pleinement leur droit à la sécurité sociale.

46. Le Comité recommande que le Gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux et territoriaux s'attaquent au problème des sans-abri et des mal logés en tant qu'urgence nationale, en rétablissant ou en renforçant, selon le cas, les programmes de logement social en faveur des personnes dans le besoin, en améliorant et en appliquant effectivement la législation antidiscrimination dans le domaine du logement, en portant les montants de l'allocation-logement et de l'aide sociale à des niveaux conformes aux réalités, en assurant des services d'aide appropriés aux personnes handicapées, en améliorant la protection de la sécurité de jouissance pour les locataires et en faisant plus pour empêcher que le parc de logements à loyer abordable ne soit converti à d'autres usages. Le Comité invite instamment l'État partie à mettre en oeuvre une stratégie nationale pour lutter contre le problème des sans-abri et la pauvreté.

47. Le Comité demande à l'État partie, en consultation avec les communautés intéressées, de remédier à la situation décrite au paragraphe 29 ci-dessus en vue d'assurer le plein respect des droits de l'homme.

48. Le Comité recommande que le Gouvernement canadien prenne des mesures supplémentaires pour veiller à l'exercice des droits économiques et sociaux par les personnes handicapées, conformément à l'Observation générale No 5 du Comité.

49. Le Comité exhorte le Gouvernement à mettre au point et à développer des programmes appropriés pour lever les obstacles financiers à l'accès des étudiants à faible revenu à l'enseignement postsecondaire, sans aucune discrimination fondée sur la citoyenneté.

50. Le Comité engage le Gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux et territoriaux à adopter dans les procédures judiciaires des positions conformes à leur obligation de faire respecter les droits consacrés dans le Pacte.

51. Le Comité engage à nouveau le Gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux et territoriaux à étendre aux droits sociaux et économiques la protection conférée par la législation relative aux droits de la personne et à protéger les pauvres devant toutes les juridictions contre toute discrimination fondée sur leur situation sociale ou économique. En outre, il convient de renforcer les mécanismes d'application prévus dans la législation relative aux droits de la personne pour faire en sorte que toutes les plaintes pour violation des droits de l'homme qui n'ont pas été réglées par voie de médiation le soient rapidement par le tribunal des droits de la personne compétent, une aide juridictionnelle étant apportée aux groupes vulnérables.

52. Le Comité réaffirme, comme lors de l'examen du précédent rapport du Canada, que les droits économiques et sociaux ne devraient pas être ramenés au rang de principes et d'objectifs dans les discussions entre le Gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux et territoriaux se rapportant aux programmes sociaux. Par conséquent, le Comité prie instamment le Gouvernement fédéral de prendre des mesures concrètes pour s'assurer que les provinces et territoires respectent les obligations leur incombant en vertu du Pacte et garantissent les droits énoncés dans cet instrument en prenant des dispositions législatives ou politiques et en établissant des mécanismes de surveillance et de règlement indépendants et en nombre suffisant.

53. Le Comité encourage l'État partie à adopter les mesures nécessaires pour assurer la réalisation des droits économiques, sociaux et culturels des femmes, y compris le droit à un salaire égal pour un travail de valeur égale.

54. Le Comité recommande également d'affecter directement une partie plus importante des budgets fédéral, provinciaux et territoriaux aux actions visant à aider les femmes pauvres et leurs enfants, à offrir des services de garderie accessibles et à assurer une assistance juridique en matière familiale. Des mesures visant à apporter un soutien adéquat aux foyers d'accueil pour femmes battues, aux services de soins et aux organisations non gouvernementales féminines s'imposent également.

55. Le Comité exhorte le Gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux et territoriaux à réviser leurs législations respectives en matière de programmes de travail obligatoire pour s'assurer qu'elles ne contiennent aucune disposition contraire au droit de choisir librement son emploi et aux autres normes relatives au travail, notamment le salaire minimal, qui sont garantis non seulement dans le Pacte mais également dans les conventions pertinentes de l'OIT sur les droits fondamentaux des travailleurs et les normes du travail.

56. Le Comité appelle le Gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux et territoriaux à donner un rang de priorité encore plus élevé aux mesures visant à réduire le taux d'illettrisme au Canada.

57. Le Comité recommande à l'État partie de demander au Conseil canadien de la magistrature de communiquer à tous les juges des exemplaires des observations finales du Comité et de promouvoir la familiarisation des juges aux obligations incombant au Canada en vertu du Pacte.

58. Le Comité recommande également, compte tenu de la sensibilisation généralement insuffisante de l'opinion publique canadienne aux obligations découlant des traités relatifs aux droits de l'homme, que l'État partie informe la population, les institutions et les fonctionnaires à tous les niveaux de l'administration des obligations incombant au Canada en vertu du Pacte. À ce propos, le Comité renvoie spécifiquement à son Observation générale No 9 sur l'application du Pacte au niveau national.

59. Le Comité recommande que le Gouvernement fédéral étende le Programme de contestation judiciaire aux plaintes contre les lois et mesures provinciales contraires aux dispositions du Pacte.

60. Enfin, le Comité demande à l'État partie d'assurer aux présentes observations finales une large diffusion au Canada et de l'informer dans son prochain rapport périodique des mesures prises pour donner effet à ces recommandations.



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