University of Minnesota



Observations finales du Comité des droits économiques, sociaux et culturels, Algérie, U.N. Doc. E/C.12/1995/18,paras.278-305 (1995).




COMITÉ DES DROITS ÉCONOMIQUES,
SOCIAUX ET CULTURELS


EXAMEN DES RAPPORTS PRESENTES PAR LES ETATS PARTIES
CONFORMEMENT AUX ARTICLES 16 et 17 DU PACTE


Conclusions du Comité des droits économiques,
sociaux et culturels


ALGERIE

278. Le Comité a examiné à ses 46e et 47e séances, le 30 novembre 1995, et à sa 48e séance, le 1er décembre, le rapport initial de l'Algérie (E/1990/5/Add.22), et a adopté, à sa 48e séance, tenue le 1er décembre 1995, les observations finales ci-après.

A. Introduction

279. Le Comité remercie l'Etat partie pour la soumission de son rapport initial, pour les réponses écrites à la liste de questions du Comité, ainsi que pour la qualité du dialogue avec la délégation algérienne, dont l'ouverture d'esprit et la coopération sont appréciées.

280. Le Comité note qu'en dépit des difficultés économiques, sociales et sécuritaires du pays, l'Etat partie a néanmoins soumis un rapport initial détaillé en ce qui concerne les dispositions constitutionnelles et législatives qui ont pour objectif la protection et la promotion des droits économiques, sociaux et culturels des habitants de l'Algérie.

B. Aspects positifs

281. Le Comité note avec satisfaction que l'article 123 de la Constitution algérienne reconnaît la primauté du Pacte par rapport à la loi dans l'ordre juridique interne. Le Comité se félicite également de constater que les dispositions du Pacte peuvent être invoquées directement devant les tribunaux.

282. Les engagements concrets en faveur des droits de l'homme, pris ces dernières années par l'Etat partie, sont également notés avec satisfaction. Ceux-ci comprennent notamment la création, en 1992, de l'Observatoire national des droits de l'homme, la création du Haut Commissariat à l'Amazighité (berbères) en mai 1995, la formation des magistrats en matière de droits de l'homme, et la création de chaires de droits de l'homme à l'échelle universitaire.

283. Le Comité prend note de la déclaration de la délégation, suivant laquelle l'état d'urgence ayant cours en Algérie ne met en cause aucun des droits garantis par le Pacte, en particulier la liberté syndicale et le droit de grève, garantis par la législation algérienne. Le Comité prend d'ailleurs note de la vigueur de la vie associative et de la floraison de nouveaux syndicats.

284. Le Comité se félicite des efforts entrepris pour mettre en place une série de mesures destinées à favoriser la création d'emplois et à atténuer les conséquences de l'ajustement structurel pour les groupes vulnérables. En particulier, l'installation récente d'un régime de protection sociale - « filet social » - pour les chômeurs est notée avec satisfaction. Le Comité se déclare encouragé par l'engagement constant de l'Etat algérien en faveur de la protection sociale et la déclaration faite par le gouvernement dans les réponses écrites, selon laquelle la part budgétaire consacrée jusqu'ici au soutien d'entreprises déficitaires sera reventilée vers les couches sociales les plus défavorisées.

285. Le Comité prend note avec satisfaction des progrès considérables accomplis par l'Etat partie depuis l'indépendance en matière d'éducation, ainsi que du faible taux d'abandon scolaire. Les progrès en matière d'éducation comprennent une augmentation constante et importante du taux de scolarisation des filles. Le Comité note avec intérêt l'introduction, depuis la rentrée scolaire 1995-1996, de l'enseignement de la langue amazighe (berbère).

286. Le Comité apprécie le fait qu'en dépit de la situation interne difficile, de la destruction de près de six cents écoles (ECOSOC E/ICEF 1995 P/L.30) et des dangers auxquels font face enseignants et élèves, ceux-ci ne sont pas découragés de continuer à enseigner et à étudier. Le progrès que l'Algérie réalise dans le domaine de l'éducation malgré ces circonstances difficiles doit être apprécié et encouragé.

287. Le Comité prend acte de la déclaration de la délégation, suivant laquelle le processus de ratification de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes est en cours.

288. Le Comité note avec satisfaction que les autorités algériennes ont commencé à accorder plus d'attention et à consacrer de plus en plus de ressources à la construction des logements, surtout pour les secteurs de la population à faible revenu.

C. Facteurs et difficultés entravant l'application du Pacte

289. Le Comité note que la mise en oeuvre des droits économiques, sociaux et culturels garantis par le Pacte est sérieusement affectée par la grave crise économique que traverse le pays. La lourde dépendance de l'économie par rapport aux hydrocarbures, la dette extérieure et la sécheresse qui frappe l'agriculture apparaissent comme des contraintes récurrentes, de nature à grever le budget de l'Etat et les dépenses sociales.

290. Le Comité constate par ailleurs que la forte croissance démographique entraîne une augmentation rapide des demandeurs d'emploi, ce qui fait progresser le taux de chômage.

291. Enfin, le Comité note que les actes de terrorisme qui frappent le coeur de la société algérienne sont de nature à entraver son développement humain et sa capacité de promouvoir la réalisation des droits économiques, sociaux et culturels.

D. Principaux sujets de préoccupation

292. Le Comité se déclare profondément inquiet devant les turbulences politiques qui caractérisent la vie quotidienne en Algérie et qui entravent la pleine réalisation des droits garantis par le Pacte.

293. Le Comité est gravement préoccupé par le fait que la philosophie du Pacte, fondée sur le principe de la non-discrimination et sur l'idée d'universalité des droits de l'homme, n'a pas pleinement pris racine dans la vie sociale en Algérie. Par ailleurs, de nombreuses formes de discrimination à l'égard des femmes, tant dans la législation que dans la vie quotidienne, empêchent ces dernières d'exercer pleinement leurs droits économiques, sociaux et culturels.

294. Le Comité déplore également que des libertés fondamentales comme le droit de travailler ou de faire des études, la liberté de circulation et le droit de choisir librement un conjoint ne sont pas pleinement garanties aux femmes algériennes. La violence exercée contre les femmes dans la famille, et hors du cadre de celle-ci par des groupes fanatiques inquiète profondément le Comité. Le droit absolu pour le mari de garder le logement conjugal en cas de divorce est un autre sujet de préoccupation.

295. Le Comité exprime sa vive préoccupation devant le taux élevé de chômage, qui, d'après les informations contenues dans les réponses écrites du gouvernement aux questions du Comité, pourrait dépasser 30 % en 1995. Le Comité note par ailleurs que ce taux ne cesse d'augmenter.

296. Le Comité note avec préoccupation que la violence familiale, dont les femmes sont les principales victimes, reste un problème de société en Algérie, insuffisamment traité par les autorités tant sur le plan de la prévention que sur celui de la répression. Le Comité déplore en outre que les enfants nés hors mariage soient l'objet de discriminations de jure et de facto.

297. Le Comité note avec préoccupation la grave pénurie de logements et les conditions précaires d'habitation d'une part importante de la population, ce qui affecte la jouissance du droit à un logement suffisant, tel qu'il est énoncé dans le Pacte.

298. Le Comité note avec inquiétude le taux élevé de mortalité parmi les fillettes dans la tranche d'âge de 1 à 10 ans, dont le Gouvernement reconnaît qu'il est dû à une meilleure prise en charge des garçons.

E. Suggestions et recommandations

299. Tout en étant conscient du contexte politique, économique et social extrêmement difficile dans lequel le Gouvernement algérien exerce ses fonctions, le Comité estime de la plus grande importance qu'une attention particulière soit accordée au problème de la discrimination à l'égard des femmes, en particulier telle qu'elle existe dans la législation.

300. Le Comité recommande que les réformes économiques profondes entreprises par le Gouvernement soient en permanence évaluées au regard de la réalisation des droits économiques, sociaux et culturels de tous les Algériens, et qu'une priorité particulière soit accordée au bon fonctionnement des politiques sociales visant à contrecarrer les effets négatifs des ajustements structurels.

301. Le Comité recommande que des campagnes de sensibilisation visant à prévenir la violence familiale soient mises en place. Il y aurait également lieu d'informer comme il se doit les victimes de telles violences sur leur droit d'obtenir réparation.

302. Le Comité encourage le Gouvernement algérien à poursuivre une politique du logement efficace, de façon à faire des progrès vers la pleine réalisation du droit à un logement adéquat.

303. Le Comité demande par ailleurs au gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer aux fillettes la pleine réalisation de leur droit à l'éducation et à la santé mentale et physique. De telles mesures devraient être accompagnées de la mise en place d'un système de collecte de données permettant d'évaluer leur impact.

304. Le Comité recommande que des mesures soient prises pour incorporer l'enseignement des droits de l'homme dans les programmes scolaires, notamment au niveau des écoles primaires, en conformité avec les buts et les objectifs de la Décennie des Nations Unies pour l'éducation dans le domaine des droits de l'homme, et que cet enseignement soit dispensé aux responsables de l'application des lois.

305. Le Comité recommande que le deuxième rapport périodique de l'Etat partie contienne davantage d'informations sur la mise en oeuvre effective des droits garantis par le Pacte. A cet égard, le Comité rappelle au gouvernement la possibilité de faire appel aux services consultatifs du Centre pour les droits de l'homme, qui propose des formations sur la rédaction des rapports dus en vertu des instruments internationaux.



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