1. L'article 14 du Pacte international
relatif aux droits économiques,
sociaux et culturels exige de tout État
partie qui n'a pas encore pu assurer
le caractère obligatoire et la
gratuité de l'enseignement primaire
qu'il s'engage à établir
et à adopter, dans un délai
de deux ans, un plan détaillé
des mesures nécessaires pour
réaliser progressivement, dans
un nombre raisonnable d'années
fixé par ce plan, la pleine application
du principe de l'enseignement primaire
obligatoire et gratuit pour tous. En
dépit des obligations contractées
conformément à l'article
14, un certain nombre d'États
parties n'ont ni élaboré
ni mis en oeuvre un plan d'action pour
un enseignement primaire gratuit et
obligatoire.
2. Le droit à l'éducation,
reconnu aux articles 13 et 14 du Pacte
ainsi que dans plusieurs autres instruments
internationaux tels que la Convention
relative aux droits de l'enfant et la
Convention sur l'élimination
de toutes les formes de discrimination
à l'égard des femmes,
revêt une importance capitale.
Il a été selon les cas
classé parmi les droits économiques,
les droits sociaux et les droits culturels.
Il appartient en fait à ces trois
catégories. En outre, à
bien des égards, il est un droit
civil et un droit politique, étant
donné qu'il est aussi indispensable
à la réalisation complète
et effective de ces droits. Ainsi, le
droit à l'éducation incarne
l'indivisibilité et l'interdépendance
de tous les droits de l'homme.
3. Au titre de l'obligation claire
et sans équivoque qui lui incombe
en vertu de l'article 14, chaque État
partie est tenu de présenter
au Comité un plan d'action établi
selon les orientations précisées
au paragraphe 8 ci-dessous. Cette obligation
doit être scrupuleusement respectée
vu que, selon des estimations, 130 millions
d'enfants d'âge scolaire-dont
deux tiers environ de filles-n'ont actuellement
pas accès à l'enseigne-ment
primaire dans les pays en develop-pement.1
Le Comité est pleinement conscient
du fait qu'en raison de multiples facteurs
il a été difficile aux
États parties de s'acquitter
de leur obligation de présenter
un plan d'action. Qu'il s'agisse des
programmes d'ajustement structurel engagés
dans les années 70, des crises
de la dette survenues ensuite dans les
années 80 ou des secousses financières
de la fin de la présente décennie,
divers éléments ont fortement
pesé sur la réalisation
du droit à l'enseignement primaire.
Cependant, ces difficultés ne
sauraient libérer les États
parties de leur obligation d'adopter
et de soumettre un plan d'action au
Comité, comme le prévoit
l'article 14 du Pacte.
4. Les plans d'action établis
par les États parties au Pacte
conformément à l'article
14 sont d'autant plus importants que
les travaux du Comité ont montré
que les enfants privés de la
possibilité de recevoir une éducation
sont souvent plus exposés à
d'autres violations des droits de l'homme.
Ces enfants, qui vivent souvent dans
le dénuement le plus total et
dans des conditions insalubres, sont
ainsi particulièrement vulnérables
au travail forcé et à
d'autres formes d'exploitation. Par
ailleurs, il existe un lien direct entre,
par exemple, le taux de scolarisation
des filles dans le primaire et un recul
sensible des mariages d'enfants.
5. L'article 14 contient plusieurs
éléments qui justifient
un commentaire détaillé
à la lumière de la large
expérience acquise par le Comité
à l'occasion de l'examen des
rapports des États parties.
6. Caractère obligatoire de
l'enseignement primaire. Cet élément
met en avant le fait que ni les parents,
ni les tuteurs, ni l'État ne
doivent considérer l'accès
à l'enseignement primaire comme
facultatif. De même, il renforce
le principe que l'accès à
l'éducation doit être ouvert
à tous sans discrimination aucune
fondée sur le sexe, comme précisé
par ailleurs aux articles 2 et 3 du
Pacte. Il convient cependant de souligner
que l'enseignement proposé doit
être de bonne qualité,
adapté à l'enfant et propice
à la réalisation des autres
droits de l'enfant.
7. Gratuité. La nature de cette
exigence ne souffre aucune équivoque.
Ce droit est formulé explicitement
pour bien indiquer que l'enseignement
primaire ne doit être à
la charge ni des enfants, ni des parents,
ni des tuteurs. Les frais d'inscription
imposés par le Gouvernement,
les collectivités locales ou
les établissements scolaires,
et d'autres frais directs, sont un frein
à l'exercice du droit et risquent
de nuire à sa réalisation.
Ils entraînent aussi souvent un
net recul de ce droit. Le plan exigé
doit tendre à leur suppression.
Les frais indirects, tels que les contributions
obligatoires demandées aux parents
(quelquefois présentées
comme volontaires, même si cela
n'est pas le cas), ou l'obligation de
porter un uniforme scolaire relativement
coûteux, peuvent également
être considérés
sous le même angle. D'autres frais
indirects peuvent s'avérer acceptables,
sous réserve d'un examen par
le Comité au cas par cas. Cette
disposition n'est en rien contraire
au droit que le paragraphe 3 de l'article
13 du Pacte reconnaît aux parents
et aux tuteurs légaux "
de choisir pour leurs enfants des établissements
autres que ceux des pouvoirs publics
".
8. Adoption d'un plan détaillé.
L'État partie est tenu d'adopter
un plan dans un délai de deux
ans. Ce délai doit être
interprété comme s'entendant
d'un délai de deux ans à
compter de la date de l'entrée
en vigueur du Pacte pour l'État
considéré, ou d'un délai
de deux ans suivant un changement de
la situation à l'origine de la
non-observation de l'obligation. Cette
obligation a un caractère continu
et les États parties auxquels
elle s'applique en raison de la situation
en vigueur n'en sont pas exemptés
par le fait qu'ils n'ont pas par le
passé agi dans le délai
de deux ans prescrit. Le plan doit porter
sur l'ensemble des mesures à
prendre pour garantir la mise en oeuvre
de chacun des éléments
indispensables du droit et être
suffisamment détaillé
pour garantir la réalisation
complète de ce droit. La participation
de tous les secteurs de la société
civile à l'élaboration
du plan s'avère cruciale, et
il est essentiel de prévoir des
procédures de révision
périodique qui soient garantes
de transparence. Sans cela, la portée
de l'article sera amoindrie.
9. Obligations. Un État partie
ne peut s'affran-chir de l'obligation
explicite d'adopter un plan d'action
au motif qu'il ne dispose pas des ressources
voulues. Si cet argument suffisait à
se dégager de cette obligation,
rien ne justifierait l'exigence singulière
contenue dans l'article 14 qui s'applique,
pratiquement par définition,
dans les cas où les ressources
financières sont insuffisantes.
De même, et pour la même
raison, la référence à
" l'assistance et la coopération
internationales " au paragraphe
1 de l'article 2 du Pacte, ainsi qu'aux
" mesures d'ordre international
" en son article 23, est en l'occurrence
particulièrement pertinente.
Lorsqu'un État partie manque
manifestement des ressources financières
ou des compétences nécessaires
pour " établir et adopter
" un plan détaillé,
la communauté internationale
a indéniablement l'obligation
de l'aider.
10. Réalisation progressive.
Le plan doit permettre la réalisation
progressive du droit à un enseignement
primaire obligatoire et gratuit au titre
de l'article 14. Néanmoins, à
la différence du paragraphe 1
de l'article 2, l'article 14 prévoit
que les mesures doivent être prises
" dans un nombre raisonnable d'années
" et en outre que ce délai
doit être " fixé par
ce plan ". Autrement dit, le plan
doit expressément fixer une série
de dates prévues pour chacune
des étapes de sa mise en oeuvre.
Cela montre à quel point l'obligation
en question est importante et relativement
stricte. En outre, il convient de souligner
à cet égard que l'État
partie doit pleinement et immédiatement
s'acquitter de ses autres obligations
dont la non-discrimination.
11. Le Comité prie tout État
partie dont la situation relève
de l'article 14 de faire en sorte que
le contenu dudit article soit pleinement
respecté et que le plan élaboré
lui soit présenté en tant
que partie intégrante des rapports
soumis en vertu du Pacte. Il encourage
par ailleurs les États parties
à solliciter, le cas échéant,
l'aide des institutions internationales
compétentes, notamment l'Organisation
internationale du Travail (OIT), le
Programme des Nations Unies pour le
développement (PNUD), l'Organ-isation
des Nations Unies pour l'éducation,
la science et la culture (UNESCO), le
Fonds des Nations Unies pour l'enfance
(UNICEF), le Fonds monétaire
international (FMI) et la Banque mondiale,
tant en vue de l'élaboration
des plans d'action visés à
l'article 14 que de leur mise en oeuvre
ultérieure. En outre, le Comité
demande aux organisations internationales
compétentes d'aider autant que
faire se peut les États parties
à s'acquitter sans retard de
leurs obligations.
NOTES
1. De manière
générale, voir le rapport
de l'UNICEF sur la situation des enfants
dans le monde, 1999.
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