Caractère justiciable des droits ESC—Expérience de l’Inde

Introduction

Le chapitre III de la Constitution indienne garantit la jouissance des « droits fondamentaux » à tous les citoyens et certains de ces droits, par exemple, le droit à la vie (art. 21) et le droit à l’égalité (art. 14), à tous les individus.  Les droits fondamentaux peuvent être invoqués devant les tribunaux de première instance et la Cour suprême.  Toute personne ou tout individu est fondé à saisir ces instances d’une requête pour demander l’application des droits fondamen­taux et réparer toute éventuelle violation.  Le contrôle judiciaire des décisions du pouvoir exécutif ainsi que de la législation et des décisions judiciaires ou quasi-judiciaires est réputé faire partie intégrante de la « structure fondamentale » de la Constitution et, à ce titre, il ne peut donc être supprimé, même par un amendement à la Constitution.1  La Cour suprême a le dernier mot en ce qui concerne l’interprétation de la Constitution et ses décisions, qui ont force de loi, sont exécutoires et applicables par tous les pouvoirs (exécutif, législatif et judiciaire).2

Les Principes directeurs de la politique de l’État (DPSP) font l’objet des articles 36 à 50 du chapitre IV de la Constitution indienne.  La plupart de leurs dispositions correspondent à cel­les du PIDESC.  C’est ainsi que l’article 43 prévoit que l’État s’efforce de garantir, par la mise en œuvre d’une législation ou d’une organisation économique appropriée ou de toute autre manière, à tous les travailleurs agricoles, industriels et autres, un travail, un salaire adé­quat, des conditions de travail qui permettent un niveau de vie décent et la pleine jouissance des loisirs et des possibilités sociales et culturelles.  L’État doit, en particulier, s’efforcer de promouvoir, dans les zones rurales, le travail à domicile, qu’il soit individuel ou en coopéra­tive.  Cela correspond plus ou moins au contenu des articles 11 et 15 du PIDESC.  Toutefois, certains des droits prévus par le PIDESC, notamment le droit à la santé (art. 12), sont inter­prétés par la Cour suprême indienne comme relevant du droit à la vie prévu par l’article 21 de la Constitution, ce qui les rend directement exécutoires et susceptibles d’un recours devant les tribunaux.  En tant que partie au PIDESC, l’Inde a promulgué des lois qui rendent applicables certaines des obligations qu’elle a souscrites en vertu des traités auxquels elle est partie et ces lois sont, à leur tour, devenues applicables devant et par les tribunaux.

L’article 37 de la Constitution affirme que le PIDESC « n’est pas applicable devant un tribu­nal mais les principes qu’il pose sont cependant fondamentaux pour la gestion des affaires du pays et il incombe à l’État de les appliquer dans ses textes de loi ».  Il ne faut pas considérer comme une simple coïncidence le fait que l’apparente distinction faite, par les universitaires, entre les droits consacrés par le PIDCP et les droits ESC soit applicable à la distinction, dans le contexte de l’Inde, entre les droits fondamentaux et les DPSP.4  Ainsi, l’impossibilité, pour les DPSP, de faire l’objet d’un recours devant les tribunaux serait, en quelque sorte, énoncée par la Constitution elle-même.

Cependant, le pouvoir judiciaire indien a réussi à surmonter cet obstacle apparent en procé­dant à une interprétation novatrice.  Le contexte et la manière dont cela s’est passé sont les points que la présente étude de cas se propose d’examiner.  Après avoir brièvement retracé    le déroulement de cet exercice d’interprétation, par le biais de la jurisprudence des trois pre­mières décennies d’application de la Constitution, je suggère l’examen de la réaction des tribunaux concernant le caractère justiciable et l’applicabilité de droits ESC précis.

Droits fondamentaux et DPSP

Lorsque la Cour suprême a été, pour la première fois, saisie de la question de l’éventuelle primauté des droits fondamentaux sur les DPSP, la cour avait jugé que: « Les Principes directeurs doivent se conformer aux dispositions du chapitre sur les droits fondamentaux et s’appliquer sur la base de ces derniers ».5  Par la suite, selon l’avis majoritaire exprimé dans l’affaire des Droits fondamentaux (visée ci-dessus), l’intérêt général prime l’intérêt indivi­duel.  Un autre juge qui représentait le point de vue de la majorité dans cette affaire a fait va­loir que: « pour la mise en place d’un ordre social juste, il est parfois impératif que les droits fondamentaux soient subordonnés aux Principes directeurs ».6  C’est cet avis, selon lequel les droits fondamentaux et les DPSP sont complémentaires, « aucun d’entre eux n’étant supérieur à l’autre », qui prévaut depuis lors.7

Grâce aux importants amendements constitutionnels introduits, les DPSP sont devenus le point de référence pour protéger les textes de lois à caractère social, tels qu’énoncés par certains des DPSP, des risques d’invalidation par les tribunaux.  Ce faisant, les législations visant la mise en œuvre de réformes agraires et, notamment, la réalisation des objectifs énon­cés aux paragraphes (b) et (c) de l’article 39 de la Constitution, ont été soustraites du champ des recours pour violation du droit à l’égalité (art. 14) et des libertés de parole, d’expression, etc. (art. 19).  Toutefois, même à ce niveau, le tribunal reste compétent pour vérifier si, dans la réalité, la législation a pour finalité la réalisation des objectifs des articles 39(b) et (c) et, lorsque le texte concerné est un amendement à la Constitution, s’il viole la structure fonda­mentale de la Constitution.9 De même, les juges ont invoqué les DPSP pour garantir la con­stitutionalité des règlements qui imposent, apparemment, des restrictions aux droits fonda­mentaux prévus par l’article 19 (libertés de parole, d’expression, d’association, de résidence, de déplacement, liberté de gérer une entreprise, un commerce ou d’exercer une profession), dès lors que lesdits règlements sont réputés poursuivre les objectifs des DPSP.10

Par conséquent, les DPSP sont considérés comme des outils qui aident à l’interprétation de la Constitution et, plus précisément, à la définition de la base, de la portée et des limites d’un droit fondamental.  Référons-nous encore aux conclusions de l’affaire sur les Droits fonda­mentaux:

Les droits fondamentaux n’ont intrinsèquement aucun contenu figé, ils ne sont, pour la plupart, que des coquilles vides auxquelles chaque génération doit donner un contenu, en fonction de son expérience.  L’encadrement de ces droits par des restric­tions, limitations et même par l’abrogation, dans des circonstances que la Constitu­tion n’a pas prévues, pourrait se révéler nécessaire, leur caractère suprême ou priori­taire étant susceptible de s’effacer, à des moments particuliers de l’histoire de la nation, devant les considérations morales visées au chapitre IV.11

Activisme judiciaire et procédure d’utilité publique

La situation d’urgence qui avait prévalu au niveau interne, entre les années 1975 et 1977, et ses conséquences ont considérablement contribué à l’évolution de la perception, par les tribu­naux, de leur rôle dans l’application de la Constitution.  Pendant la période d’état d’urgence, les droits fondamentaux à la vie et à la liberté ont fait l’objet de violations sur une très grande échelle.  De même, cet épisode a été terni par de flagrantes violations du droit à la liberté de parole et d’expression.  La fin de l’état d’urgence a permis une réorganisation des forces politiques en présence.  Néanmoins, le gouvernement élu par le peuple était faible et il a eu une très courte durée de vie.  Déjà, en 1978/79 il était au bord de l’effondrement, après l’instauration, par les juges, du système de la procédure d’utilité publique (PIL).  Le dévelop­pement de la jurisprudence des droits ESC est également inextricablement lié à cette évolu­tion majeure.

La levée de l’état d’urgence et la réorganisation des forces politiques n’a pas bouleversé la situation caractérisée par les inégalités sociales ou les abus de l’exécutif, devenus endémi­ques.  La période qui a suivi l’état d’urgence a donc créé un environnement favorable pour permettre au judiciaire de se racheter en jouant pleinement son rôle de protecteur et de garant de l’état de droit.  Les juges ont pris conscience de cette nécessité et la PIL a été l’instrument conçu par les juges pour atteindre cet objectif.  La PIL a été un mouvement exclusivement animé et régi par les juges.12

Le caractère exceptionnel de la PIL tient au fait qu’elle reconnaissait que, du fait de ses han­dicaps sociaux, économiques et autres, la majorité de la population n’avait pas les moyens d’accéder au système judiciaire.  La procédure a été simplifiée, les portes de la Cour suprême se sont ouvertes aux populations et cette dernière a pu connaître de questions qui n’avaient jamais auparavant réussi à atteindre ce niveau de la hiérarchie judiciaire.  En assou­plissant les règles régissant la qualité du requérant et la procédure, au point d’accepter qu’une carte postale puisse servir d’instrument valable pour le dépôt d’une requête, les juges ouvraient une nouvelle ère d’activisme qui libère les plaideurs du carcan du droit formel et du juridisme.

Affaire Maneka Gandhi et autres

Simultanément, les juges ont pris sur eux-mêmes d’insuffler un es­prit de justice social dans les dispositions constitutionnelles.  Ils y sont parvenus progressi­vement, suite à une série d’affaires dont la plus marquante est l’affaire Maneka Gandhi v. Union indienne.13  Cette affaire avait eu pour point de départ le refus, par le gouverne­ment, d’accorder un passeport à la requérante, ce qui constituait une restriction de sa liberté de mouvement.  En examinant la question de savoir si ce refus est justifiable en l’absence de toute audition préliminaire, la cour a expliqué l’ampleur et le contenu du droit à la vie et à la liberté.  Prenant le contre-pied de l’avis qui prévalait jusque-là,14 la cour a affirmé que la doctrine du respect de la légalité est partie intégrante du chapitre sur les droits fondamentaux et qu’elle émane d’une interprétation générale du système qui sous-tend les articles 14 (droit à l’égalité), 19 (libertés) et 21 (droit à la vie).  Le pouvoir de la cour d’annuler une législation a donc été élargi afin d’intégrer la notion d’examen critique du volet respect de la légalité dans les règlements. 

Dès lors que les tribunaux ont eu une idée plus large de la portée et du contenu du droit fon­damental à la vie et à la liberté, il n’était plus question de revenir en arrière.  L’article  21 a été interprété de telle sorte qu’il puisse intégrer toute une série d’autres droits subsidiaires et   complets qui revêtent, pour la plupart, le caractère de droits ESC.  

Dans l’affaire Francis Coralie Mullin, la cour avait jugé que:

Le droit à la vie intègre le droit de vivre dans la dignité humaine et tous ces principes vont de pair avec le droit de jouir du strict nécessaire pour vivre (une nourriture suffi­sante, des vêtements et un logement satisfaisants ainsi que les moyens nécessaires pour lire, écrire et s’exprimer librement sous diverses formes), de la liberté de mou­vement, de fréquenter ses semblables et de se mêler à eux.  La portée et les différents volets de ce droit dépendent du niveau de développement économique du pays, mais il doit, quel que soit l’avis exprimé sur l’affaire, intégrer les nécessités minimales et, notamment, le droit d’exercer les fonctions et activités qui constituent l’expression minimale de la personnalité de l’individu.15

Les effets associés de l’interprétation plus large du droit à la vie et de l’utilisation de la PIL comme instrument ont amené la cour à s’aventurer sur des terrains souffrant de déficits fla­grants en matière de justice sociale.  Il s’agissait de domaines dans lesquels il existait une interaction directe entre la loi et la pauvreté, comme dans les cas du travail forcé et du travail des enfants, du crime et de la pauvreté, comme aussi dans le cas des procédures disciplinaires dans les prisons.  En examinant, à la lumière du droit à la vie, plusieurs de ces droits conco­mitants à la dignité, à des conditions de vie décentes et à la santé, la cour a réussi à transcen­der l’obstacle du caractère justiciable de ces droits économiques et sociaux, qui étaient, jusqu’alors, dans leur manifestation sous forme de DPSP, considérés comme non-exécutoires.  Une référence à la manière dont certains de ces droits ESC ont été gérés par les tribunaux dans quatre contextes différents facilitera la compréhension de l’évolution de la législation dans ce domaine.

Droit au travail

L’article 41 de la Constitution stipule que « Dans la limite de ses capacités et de son niveau de développement économiques, l’État prend les mesures nécessaires pour garantir le droit au travail, à l’éducation et à l’assistance publique en cas de chômage, de vieillesse, de maladie et de handicap et en d’autres situations difficiles imméritées ».16  L’article 38 précise que l’État doit s’efforcer d’assurer le bien-être des populations, tandis que l’article 43 lui fait obligation d’offrir un salaire et un niveau de vie décents à tous ses travailleurs.  L’une des situations qui avaient motivé la saisine de la Cour suprême pour assurer le respect de ce droit a été celle de l’abolition de nombreux postes de responsables villageois dans l’État de Tamil Nadu, en Inde.  Rejetant l’argument selon lequel cette suppression de postes serait constitutive d’une viola­tion des DPSP, la cour avait jugé que:

Il ne fait pas de doute que les articles 38 et 43 de la Constitution insistent sur le fait que l’État doit s’efforcer de trouver des postes suffisants pour ses populations afin qu’elles puissent s’insérer dans l’économie en faisant usage de leurs compétences et jouir d’un niveau de vie satisfaisant.  Cependant, ces articles ne signifient pas que chaque individu doit obtenir un travail dans la fonction publique et que lorsqu’un individu obtient un emploi il ne peut lui être demandé de quitter son travail, même pour des motifs justes.  S’il en était ainsi, il n’y aurait aucune justification au faible pourcentage des individus qui travaillent dans l’administration et reçoivent des sala­ries réguliers tandis que la majeure partie de la population est laissée à l’extérieur de ce système sans aucune garantie quant à ses moyens de subsistance.  Naturellement, l’idéal serait que toutes les personnes en bon état physique aient la possibilité d’apporter leur contribution à la production des richesses nationales et de jouir des fruits de cette richesse.  Le problème tient au fait que nous sommes aujourd’hui loin de cette situation.  La question de savoir si la personne qui perd, dans les conditions prévues par la loi, l’emploi qu’elle avait dans la fonction publique doit être réhabili­tée en lui proposant un poste de remplacement est, en l’état actuel de la législation, une question qui requiert une décision politique, un domaine qui échappe à la com­pétence du tribunal.17

Cependant, les tribunaux se sont, par la suite, sentis plus libres d’intervenir dans des domai­nes qui étaient réputés ressortir du domaine de compétence de l’exécutif.  Quand il s’est agi de régulariser la situation d’un important nombre de travailleurs temporaries du service public des postes et télégraphes, les juges n’ont pas hésité à invoquer les DPSP pour ordonner cette régularisation.  La décision des juges était fondée sur le raisonne­ment suivant:

Même si le Principe directeur susvisé n’est pas exécutoire en tant que tel en vertu de l’article 37 de la Constitution indienne, il peut être invoqué par les requérants afin de montrer que dans le cas d’espèce, ils ont fait l’objet d’une véritable discrimination.  En tout état de cause, l’État n’est pas fondé à refuser de payer le salaire minimum prévu par la grille salariale des travailleurs régulièrement recrutés par la fonction publique, même s’il n’est pas obligé de payer toutes les indemnités versées aux tra­vailleurs régulièrement recrutés.  Notre point de vue est que ce genre de refus serait constitutif d’une exploitation de la main d’œuvre.  Le gouvernement ne peut tirer profit de sa position dominante pour contraindre un employé, fut-il un travailleur oc­casionnel, à travailler pour un salaire de misère.  Il arrive cependant que le travailleur occasionnel accepte de travailler pour ce genre de salaire.  Cependant, s’il a accepté cette situation, c’est parce qu’il n’avait pas d’autre choix.  C’est la pauvreté qui l’amène à accepter cette situation.  Le gouvernement doit, pour ce qui le concerne, être un employeur modèle.  Nous estimons que, compte tenu des faits et dans les cir­constances liées au cas d’espèce, la classification des employés en employés régu­lièrement recrutés et en employés occasionnels pour pouvoir leur payer des salaires inférieurs au salaire minimum garanti aux employés exerçant dans les mêmes catégo­ries, notamment au bas de l’échelle du ministère ayant l’échelle de salaires la plus désavantageuse, n’est pas défendable . . . Il est vrai que tous ces droits ne peuvent être élargis simultanément, mais ils sont révélateurs de l’objectif social.  Le chemin parcouru dans cette direction dépend des ressources économiques, de la volonté des populations à produire et, surtout, de l’existence d’une paix industrielle sur tout le territoire national.  Pour ces droits, la question de la sécurité du travail est d’une importance capitale.18

Dans l’Affaire Bandhua Mukti Morcha v. Union of India,19 une procédure d’utilité publique (PIL) introduite par une ONG, a mis en exergue les conditions déplorables vécues par les travailleurs forcés d’une carrière d’Haryana, non loin du siège de la Cour suprême.  Une batterie de lois sociales, notamment la loi portant abolition du travail forcé pour dette et la loi sur le salaire minimum garanti, ont été réputés violés.  Définissant les orientations que le gouvernement doit suivre pour être en mesure de remplir ses obligations constitutionnelles vis-à-vis des travailleurs forcés, les juges ont fait valoir ce qui suit:20

Le droit à la vie dans des conditions qui préservent la dignité humaine, garanti par l’article 21, tire sa substance des Principes directeurs de la politique de l’État et, en particulier, des alinéas (e) et (f) de l’article 39 et des articles 41 et 42.  Par consé­quent, il intègre, au moins, la protection de la santé et de la force des travailleurs, hommes ou femmes, ainsi que celle des enfants contre les abus.  Il doit aussi offrir des opportunités et des facilités aux enfants en leur permettant de se développer dans des conditions saines, dans la liberté et la dignité, avec des possibilités d’éducation, des conditions de travail justes et humaines ainsi que des aides aux femmes encein­tes.  Il s’agit là des conditions minimales pour permettre à une personne de vivre dans la dignité humaine et aucun État n’a le droit de prendre une initiative qui pourrait pri­ver un individu de la jouissance de ces éléments essentiels.  Compte tenu du fait que les Principes directeurs de la politique de l’État, prévus par les alinéas (e) et (f) de l’article 39 et les articles 41 et 42, ne sont pas exécutoires devant un tribunal, il ne sera certainement pas possible de faire prendre une décision judiciaire pour contrain­dre l’État de garantir, par promulgation ou autorisation de l’exécutif, le respect de ces éléments essentiels qui participent de la dignité humaine.  Cependant, lorsqu’une législation a déjà été promulguée par l’État responsable de la satisfaction de ces be­soins des travailleurs et qui, ce faisant, prend en charge leur droit de vivre dans des conditions de dignité humaine fondamentale, en termes de réalité concrète et de contenu, l’État peut certainement être astreint à veiller au respect de cette législation.  En effet, tout manquement de l’État à agir pour garantir la mise en œuvre des textes de loi pertinents serait constitutif d’un déni du droit de vivre dans la dignité humaine, prévu par l’article 21, en particulier dans le cadre de l’article 256 qui dispose que le pouvoir exécutif de chaque État s’exerce de telle sorte qu’il puisse garantir le respect des lois votées par le parlement et de toute législation existante qui serait opposable à l’État concerné.21

Ainsi, en invoquant la large portée de l’article 21, la cour a transformé une question qui sem­blait non susceptible d’un recours en justice en une question relevant de la compétence des tribunaux.  Plus récemment, les juges se sont livrés au même exercice lorsque, dans le contexte des articles 21 et 42, ils ont défini des Principes directeurs exécutoires pour prendre en charge les problèmes liés au harcèlement sexuel des femmes dans le milieu professionnel.22 Le tribunal avait été saisi d’une requête relative au droit des travailleurs à se faire entendre au moment de la fermeture d’une société.  Les cinq juges avaient statué et pris une décision confirmant ce droit à une majorité de trois juges.  Cette décision était fondée sur un nouvel article (43-A), qui demande à l’État de prendre les mesures nécessaires pour veiller à ce que les travailleurs aient leur mot à dire dans la gestion de leur entreprise.  La cour a donc fait observer ce qui suit:

Il serait, par conséquent, inutile de considérer que, 32 ans après l’entrée en vigueur de la Constitution et, notamment après l’insertion de l’article 43-A, que les travailleurs ne seraient pas fondés à donner leur avis sur la question de savoir si leur entreprise doit continuer à fonctionner ou être fermée sur décision d’un tribunal.  Il serait, natu­rellement, étrange que les travailleurs qui ont contribué à la création de l’entreprise en tant que centre de pouvoir économique ne soient pas consultés au moment de prendre la décision de démanteler ce même centre de pouvoir économique. 23

Droit au logement

Contrairement aux autres droits ESC, le droit au logement, qui participe du droit à un niveau de vie adéquat, tel que défini par l’article 11 du PIDESC, ne trouve pas une expression correspondante dans les DPSP.  Ce droit a été considéré comme faisant partie intégrante de l’article 21 lui-même.  Le tribunal a même affirmé, à ce sujet, que « Le droit à la vie . . .  in­tègrerait le droit à la nourriture . . . et des conditions d’habitation raisonnables ».24  Toutefois, compte tenu du fait que ces observations n’étaient pas le fait d’une personne sans abri qui cherchait à trouver un logement, il est peu certain que cette déclaration aurait revêtu la forme d’un droit positif susceptible d’être jugé exécutoire.  Par ailleurs, dans d’autres affaires rela­tives au droit au logement des personnes démunies, la cour a refusé de reconnaître le carac­tère absolu d’un tel droit.  

Dans l’affaire Olga Tellis v. Bombay Municipal Corporation,25 le tribunal avait décidé que le droit à la vie intègre le droit de jouir de moyens de subsistance.  Les requérants avaient fait valoir que, au regard du fait qu’ils seraient privés de leurs moyens de subsistance si jamais ils étaient expulsés de leurs taudis ou de la rue, leur expulsion serait constitutive d’un déni de leur droit à la vie et serait, par conséquent, une décision inconstitutionnelle.  Toute­fois, la cour n’a pas voulu aller aussi loin.  Elle a finalement rejeté la requête en motivant sa décision ainsi qu’il suit:

Aucun individu n’a le droit d’utiliser des biens publics à des fins privées sans avoir, au préalable, obtenu les autorisations requises, et, par conséquent, il ne serait pas juste d’affirmer que les sans-abri ont le droit d’occuper les trottoirs en y construisant des abris . . . Lorsqu’une personne construit un abri sur le trottoir, son occupation du trottoir constitue un cas d’occupation illégale et cela quelles qu’aient été les motiva­tions économiques de ce geste.

Par la suite, les juges de la Cour suprême ont repris la jurisprudence Olga Tellis.  Dans l’affaire Municipal Corporation of Delhi v. Gurnam Kaur,26 le tribunal a jugé que la Société municipale de Delhi n’a aucune obligation légale à fournir, aux sans-abri qui vivent sur les trottoirs, des solutions de rechange en vue de leur réhabilitation, les squatters ne jouissant, a priori, d’aucun droit exécutoire.  Dans l’affaire Sodan Singh v. NDMC,27 la Cour suprême saisie d’un recours en constitutionnalité a confirmé qu’il n’existe aucun droit fon­damental en vertu duquel il serait permis à un individu d’occuper un endroit particulier du trottoir pour y vivre et y exercer un commerce.  Ces affaires ne tiennent pas compte des conditions socio-économiques qui sont à l’origine de l’occupation des trottoirs par des squat­ters et leurs conclusions se limitent à la formulation d’un point de vue exclusivement juridi­que, et non à celle d’un point de vue tenant compte de la dimension droits humains.

Fort heureusement, une récente décision judiciaire voit la question sous un angle différent.  En effet, dans l’affaire Ahmedabad Municipal Corporation v. Nawab Khan Gulab Khan,28 qui touche à l’expulsion d’un certain nombre d’occupants illégaux installés dans un quartier très animé de la ville d’Ahmedabad, la cour affirme:

Etant donné le déficit d’infrastructures et d’opportunités, le droit au logement et à l’installation demeure une illusion pour des populations rurales et urbaines démunies.   Les articles 38, 39 et 46 donnent mandat à l’État, dans le cadre de sa politique éco­nomique, de faire régner la justice socio-économique afin de réduire les inégalités en termes de revenus ainsi qu’en termes d’opportunités et de situation.  Ils chargent l’État d’avoir une action positive en apportant son assistance aux franges les plus fai­bles de la société visées par l’article 46 afin de veiller à ce que la justice devienne une réalité, qu’elle ait un sens et qu’elle soit aussi féconde, de telle sorte que la vie mérite d’être vécue dans le respect de la dignité des personnes, l’égalité des chances et la re­cherche constante de l’excellence.  Bien qu’aucun individu n’ait le droit de s’installer sans droit et d’ériger des abris ou autres infrastructures sur les trottoirs ou la voie publique ou en tout autre lieu réservé à un usage public et prévu à une telle fin, la constitution impose à l’État de créer des infrastructures et opportunités adé­quates en redistribuant ses ressources afin de garantir la vie et la construction d’abris pour don­ner un sens au droit à la vie. 29

Droit à la santé

Le droit à la santé a peut-être été le domaine le moins difficile, en termes de possibilité de recours devant une juridiction mais pas en termes d’applicabilité.  L’article 47 des DPSP pré­voit le devoir, pour l’État, d’améliorer la santé publique.  Toutefois, la cour a toujours re­connu le droit à la santé comme faisant partie intégrante du droit à la vie.30 Le principe avait été testé dans l’affaire de ce travailleur agricole dont l’état de santé avait connu une sérieuse aggravation, après sa chute d’un train en mouvement.  Pourtant, pas moins de sept hôpitaux publics de Calcutta avaient refusé de l’accepter au motif qu’ils ne disposaient pas de lits va­cants.  La Cour suprême ne s’est pas contentée de réaffirmer le fait que le droit à la santé est un droit fondamental et de confirmer l’existence des droits de ce travailleur en demandant au gouverne­ment du Bengal Ouest de lui verser des réparations pour les dommages qu’il avait subis.  Elle avait aussi exigé du gouvernement qu’il élabore un projet de soins de santé primaire, en met­tant l’accent sur le traitement des patients en situation d’urgence.31

Dans l’affaire Consumer Education and Research Centre v. Union of India32 la cour s’est penchée sur la santé des travailleurs d’une industrie d’amiante, dans le cadre d’une procédure d’utilité publique.  Ayant constaté que de nombreuses années d’exposition à ce produit chimique toxique pouvait résulter en une asbestose débilitante, la cour a décidé que chaque travailleur devait être couvert par une assurance maladie en vertu de l’application du droit fondamental du travailleur à la santé.  C’est aussi dans le cadre d’une procédure d’utilité publique que les tribunaux avaient eu l’occasion d’examiner la qualité des médica­ments commercialisés dans le pays et même de décider de l’interdiction d’un certain nombre d’entre eux. 33

Cependant, la cour a quelque peu tiré sur la sonnette d’alarme en affirmant ce qui suit, à l’occasion d’un mouvement de protestation organisé par des agents de l’État pour s’insurger contre la restriction de leur droit aux soins médicaux:

Aucun État ou pays ne peut disposer de crédits illimités pour financer un quelconque de ses projets.  C’est pourquoi les États n’approuvent leurs projets qu’en fonction de leurs moyens.  Il en est de même pour ce qui concerne la mise à disposition de leurs citoyens ou de leurs employés d’infrastructures médicales.  La mise à disposition des infrastructures ne peut pas être illimitée.  Elle se fait dans la limite des ressources financières disponibles.  Si aucune échelle ou aucun taux n’est fixé, au cas où les cli­ni­ques ou hôpitaux privés appliqueraient des tarifs exorbitants, l’État serait contraint de rembourser des montants similaires.  Le principe de la fixation des taux et des échelles dans le cadre de la nouvelle politique est justifié et ne peut pas être considéré comme attentatoire aux dispositions de l’article 21 ou l’article 47 de la Constitu­tion.34

Droit à l’éducation

L’article 45 des DPSP, qui correspond à l’article 13(1) du PIDESC, dispose que « L’État s’efforce de fournir, dans une période de dix ans à compter de l’entrée en vigueur de la Con­stitution, une éducation gratuite et obligatoire à tous les enfants, jusqu’à l’âge de quatorze ans».  Ainsi, si le droit de l’enfant à ne pas travailler dans un milieu industriel dangereux est re­connu, en vertu de l’article 24, comme un droit fondamental, le droit de l’enfant à l’éducation a été inséré dans le chapitre IV et son application a été différée de dix ans.

La question de savoir si le droit à l’éducation est un droit fondamental exécutoire en tant que tel a été tranchée par la Cour suprême qui y a répondu positivement dans l’affaire Mohini Jain v. State of Karna­taka.35 Le bien-fondé de cette décision a été examiné, dans l’affaire Unnikrishnan J.P. v. State of Andhra Pradesh, par une cour composée de cinq juges.36 Il s’agissait, dans le cas d’espèce, d’une requête introduite par des instituts supérieurs d’études médicales et techniques pour dénoncer la législation qui régit l’imposition de frais « individuels » aux étudiants candidats à une inscription.  Les directeurs de ces instituts sou­haitaient le respect de leur droit à avoir une activité commerciale.  La cour a formellement rejeté cette demande et elle a approfondi son examen en étudiant la nature du droit à l’éducation.  La cour a refusé d’accepter le principe du caractère non-exécutoire des DPSP.  Elle s’est donc demandé:

Le fait que, sur les divers articles du chapitre IV, seul l’article 45 fasse référence à un âge, est-il important?  Ce fait a-t-il une signification?  S’agit-il d’un simple vœu pieux, même après 40 années de vie de la Constitution?  L’État est-il en mesure de remettre en cause cette orientation au bout de 44 ans au motif que l’article y fait ex­clusivement référence dans le but de garantir que des efforts sont faits pour y parve­nir et également en raison du fait que ledit article n’est pas exécutoire en vertu de la déclaration de l’article 37.  Cette période de 44 ans—soit quatre fois plus que la pé­riode prévue à l’article 45—justifie-t-elle la conversion de l’obligation qui émane de l’article en droit exécutoire? Dans ce contexte, nous devons, à l’évidence, dire que l’allocation des crédits disponibles aux différents secteurs de l’éducation indienne est révélatrice d’une inversion des priorités définies par la Constitution.  La Constitution envisage un programme accéléré mis en oeuvre par l’État pour réaliser l’objectif visé à l’article 45.  Il convient de noter que l’article 45 ne parle pas des limites de ses capacités et de son niveau de développement économiques », visés à l’article 41, qui fait notamment référence au droit à l’éducation.  La réalité est que les crédits et l’attention consacrés à l’enseignement supérieur sont plus importants que, et au dé­triment de, ceux consacrés à l’éducation primaire (nous entendons par éducation pri­maire l’éducation que l’enfant normal reçoit avant l’âge de 14 ans).  Il en résulte que les zones rurales et les franges défavorisées de la société citées à l’article 46 sont en­core plus démunies.  En réalité, nous ne cherchons pas à définir les priorités du gou­vernement, nous ne faisons que mettre l’accent sur la démarche de la Constitution telle qu’elle est définie par les articles 45, 46 et 41.  A ce sujet, la sagesse des dispo­sitions constitutionnelles ne saurait être mise en doute 37

La cour a ensuite examiné comment ce droit pourrait être exécutoire et dans quelle mesure.  Elle a donc clarifié la question:

Le droit à l’éducation signifie également qu’un citoyen a le droit de faire appel à l’État pour ce dernier mette à sa disposition des infrastructures éducatives dans la limite de ses capacités et de son niveau de développement économiques.  En disant cela nous ne procédons pas à un transfert de l’article 41 du chapitre IV au chapitre III, nous ne faisons que nous référer à l’article 41 pour illustrer le contenu du droit à l’éducation qui découle de l’article 21.  Nous ne pouvons croire qu’un État puisse dire qu’il n’a pas pour obligation de fournir une éducation à ses populations, même dans la limite de ses capacités et de son niveau de développement économiques.  Pour résumer, il est donc évident que les limites des capacités économiques sont des questions qui emportent la satisfaction subjective de l’État. 38

Vient ensuite un appel à la prudence.  Le tribunal craignait manifestement que la reconnais­sance de ce droit n’ouvre une sorte de Boîte de Pandore qui donnerait lieu à d’autres deman­des.  Elle a donc tenu à faire des éclaircissements:

Nous devons nous empresser d’ajouter que, compte tenu de notre recours à certains des Principes directeurs pour définir les contours du droit à l’éducation implicitement visé par l’article 21, il ne faut pas en déduire automatiquement que chacune des obli­gations citées au chapitre IV est automatiquement transférée dans le champ de l’article 21.  Notre sentiment est que le droit à l’éducation est indissociable du droit à la vie du fait de son importance fondamentale évidente.  En tout état de cause, notre référence aux articles 41, 45 et 46 a pour unique objectif de définir les contours dudit droit.39

En réalité, les juges ont innové en ce qui concerne les caractères justiciable et exécutoire des DPSP.  La décision prise dans l’affaire Unnikrishnan a été appliquée par la cour pour tracer les larges contours dans lesquels le gouvernement doit concentrer ses activités d’éradication du travail des enfants.  La cour a saisi l’occasion d’une procédure d’utilité publique en sta­tuant ainsi qu’il suit:

A présent, de solides arguments plaident en faveur du recours à l’article 41 de la Constitution pour ce qui concerne le droit au travail et pour donner un sens aux dis­positions de l’article 47 relatives à la hausse du niveau de vie des populations, à celles des paragraphes (e) et (f) de l’article 39 relatifs à l’interdiction des abus contre les enfants et à la mise à la disposition de ces derniers d’opportunités et de moyens qui leur permettront de se développer sainement.  Il s’agit de demander à l’État de veiller à ce qu’un adulte membre de la famille de l’enfant qui travaille dans une usine ou dans une mine ou dans un autre site dangereux prenne la place de cet enfant.  Cette démarche permettra également de réaliser le souhait fait à l’article 41, environ un demi-siècle après qu’il a été consacré par le texte fondamental, à l’instar de l’éducation primaire préconisée à l’article 45, l’affaire Unnikrishnan lui ayant reconnu le statut de droit fondamental.  Toutefois, nous ne demandons pas ici à l’État d’offrir des emplois de substitution dans les cas couverts par l’article 24, étant donné que l’article 41 enferme le droit de travailler « dans les limites des capacités et du développement économiques de l’État ».  Compte tenu du nombre important d’enfants qui travaillent dans les milieux industriels susvisés, il faudrait donner du travail à de très nombreux adultes si nous devions demander au gouvernement compétent de pré­voir des emplois de substitution pour chaque cas, ce qui mettrait à rude épreuve les finances de l’État au cas où il ne serait pas en mesure d’insérer un adulte dans le privé ou dans une structure du secteur public.  Nous ne plaidons pas pour qu’une telle démarche soit adoptée dès à présent.  Nous souhaitons plutôt que cette question soit laissée à l’appréciation du gouvernement concerné.  Au cas où il ne serait pas possi­ble de fournir des emplois comme précisé ci-dessus, le gouvernement concerné pour­rait, à titre de contribution, déposer dans le fonds susmentionné une somme de 5.000 rials pour chaque enfant employé en usine, dans une mine ou dans un cadre où il au­rait à exécuter des tâches dangereuses.40

Tout en reconnaissant qu’il est important de poser les principes de l’interdiction de l’exploitation de l’enfant et du droit de l’enfant à l’éducation, les juges ont adopté une démar­che réaliste.  Auparavant, la cour aurait tout simplement estimé que la question ne relevait pas de sa compétence.  La situation a cependant changé, comme en atteste d’ailleurs la tendance notée dans les dernières affaires jugées. 

Conclusion

Il ressort manifestement de l’examen fait ci-dessus que les droits ESC sont moins importants que les droits fondamentaux énoncés dans la Constitution.  Ils sont exécutoires lorsqu’ils sont considérés comme dotés du poids d’un droit fondamental, mais non pas par eux-mêmes.42

Les magistrats ne seront pas freinés dans leur élan par une quelconque disposition de la Constitution consacrant le caractère exécutoire des DPSP.  Par ailleurs, ils vont rappeler l’État à ses obligations envers les citoyens en se référant aux DPSP.  Comme les juges l’ont expliqué dans le cadre de l’affaire sur le droit à l’environnement, cette obligation peut confé­rer des droits équivalents au citoyen:

Il n’est pas besoin de rappeler que le devoir auquel l’État est assujetti en vertu des articles 47 et 48-A, notamment du chapitre IV de la Constitution, doit être interprété comme donnant naissance à un droit correspondant pour le citoyen et, par consé­quent, le droit consacré par l’article 21 doit, au moins, être interprété comme offrant les mêmes possibilités.  A ce niveau, l’impact de la qualité de l’environnement sur la vie des habitants est trop manifeste pour qu’il y ait lieu d’insister ou de le commenter. 43

Les droits ESC symbolisés par les DPSP peuvent, pour l’exemple, être interprétés comme faisant partie intégrante d’un régime exécutoire de droits fondamentaux.  Le facteur majeur est donc la volonté de l’État de mettre en œuvre la mission que lui a confiée la constitution.  Les priorités de l’État peuvent être, dans une large mesure, définies par des juges novateurs et animé d’un esprit militant.  Il faut sans cesse rappeler l’État à ses obligations et devoirs.  La réalisation des droits ESC peut être un long processus mais l’on aura déjà franchi la moitié du chemin en réussissant à faire de telle sorte qu’elle reste un objectif à atteindre.  C’est là la démarche suivie par les juges indiens en faisant appel à diverses stratégies et c’est aussi tout le sens de l’expérience indienne.

L’auteur: L’auteur de cette étude de cas est S. Muralidhar.

NOTES


1. Keshavananda Bharati v. State of Kerala (1973) 4 SCC 225 (d’après l’affaire relative aux Droits fondamentaux).

 2.  Union of India v. Raghubir Singh (1989) 2 SCC, 754 à 766 para. 7. L’article 142 de la Constitution stipule que toute décision de la Cour suprême est applicable sur tout le territoire de l’Inde et l’article 144 enjoint à toutes les autorités d’apporter leur assistance à la Cour suprême.

 3.  Francis Coralie Mullin v. the Administrator, Union Territory of Delhi (1981) 2 SCR 516.

 4. Voir D. J. Ravindran, Human Rights Praxis: A Resource Book for Study, Action and Reflection (Bangkok: Asian Forum for Human Rights and Development, 1998), 124, où l’auteur remet en cause le bien-fondé du point de vue selon lequel les droits civils et politiques sont des droits humains tandis que les droits économiques, sociaux et culturels ne seraient que des aspirations.

 5. State of Madras v. Champakam Dorairajan (1951) SCR 525.

 6. Mathew, J. dans l’affaire sur les Droits fondamentaux, note 1 ci-dessus, SCC para. 1707, p. 879.

 7. V.R.Krishna Iyer, J. dans State of Kerala v. N. M.. Thomas (1976) 2 SCC 310, para. 134, p. 367.

 8. Les paragraphes (a) et (b) de l’article 39 prévoient que:

      L’État doit, notamment, veiller à ce que sa politique vise à assurer que:

(a) tous les citoyens, hommes et femmes, aient droit à des moyens suffisants de subsistance.

(b) la possession ou le contrôle des ressources matérielles de la communauté soient réparties au mieux de l’intérêt commun.

Les articles 31B et 31C de la Constitution ont été créés par les 1er et 25ème amendements à la Constitution.  En fait, l’affaire sur les Droits fondamentaux touche à la constitutionalité de l’article 31C de la Constitution.

 9. Minerva Mills v. Union of India (1980) 3 SCC 625; Waman Rao v. Union of India (1981) 2 SCC 362.

10. Par exemple, l’article 43 qui traite des salaries décents et des conditions de travail a été invoqué pour confirmer le caractère raisonnable de la restriction imposée par la Loi sur les Salaires minimums garantis, 1948. Chandra Bhavan v. State of Mysore (1970) 2 SCR 600.

11. Voir note 1, SCC para. 1714, p. 881.

12. Pour une analyse de la question voir Upendra Baxi, « Taking Suffering Seriously: Social Action Litigation in the Supreme Court of India », in Supreme Court on Public Interest Litigation, éd. Jagga Kapur, vol. I (1998), p. A-91.

13.  (1978) 1 SCC 248.

14.  Jusqu’à la décision de l’affaire Maneka Gandhi, les juges avaient suivi la jurisprudence A.K.Gopalan v. State of Madras 1950 SCR 88, selon laquelle l’article 21, qui dispose que « aucun individu ne doit être privé de sa vie ou de sa liberté personnelle, sauf dans les conditions prévues par la loi », pose le principe que dès lors qu’une loi votée par le parlement permet de priver une personne de sa liberté, cette loi ne devrait pas être remise en cause au motif qu’elle serait attentatoire aux droits fondamentaux.

15.  Affaire Francis Coralie Mullin, note 3 ci-dessus, p. 529 B-F.

16. Correspondance avec l’article 6 du PIDESC.

17. K.Rajendran v. State of Tamil Nadu (1982) 2 SCC 273, para. 34, p. 294.

18.  Daily Rated Casual Labour Employed under P & T Department v. Union of India (1988) 1 SCC 122 at paras. 7 and 9. Des décisions similaires ont été prises dans l’affaire Dharwad P. W. D. Employees Association v. State of Karnataka (1990) 2 SCC 396; Jacob M. Puthuparambil v. Kerala Water Authority (1991) 1 SCC 28; Air India Statutory Corporation v. United Labour Union (1997) 9 SCC 425.

19. (1984) 3 SCC 161.

20.  Ibid., para. 10, p. 183. Dans l’affaire Central Inland Water Transport Corporation v. Brojo Nath Ganguly (1986) 3 SCC 227, la cour a jugé la politique de recrutement et de licenciement d’une société publique indéfendable car en contradiction avec les DPSP.

21.  L’article 42 prévoit des conditions justes et humaines de travail et de congé de maternité. L’article 39(e) exige de l’État qu’il oriente sa politique de telle sorte que les citoyens ne soient pas contraints, par les difficultés économiques, d’accepter des emplois inadaptés à leur âge et à leur force physique.

22. Vishaka v. State of Rajasthan (1997) 6 SCC 241.

23.  National Textile Workers Union  v. P. R. Ramakrishnan (1983) 1 SCC 249.

24. Shanti Star Builders v. Narayan K. Totame (1990) 1 SCC 520.  Dans l’affaire Bandhua Mukti Morcha v. Union of India (1991) 4 SCC 177, les juges ont reconnu le droit d’un travail sauvé d’une situation de travail forcé pour dette d’obtenir un logement, à titre de compensation partielle pour sa réhabilitation. Cependant, l’application des décisions de justice prises dans les affaires qui touchent au travail forcé pour dette reste encore difficile.

25. (1985) 3 SCC 545.

26. (1989) 1 SCC 101.

27. (1989) 4 SCC 155.

28. (1997) 11 SCC 123.

29. Ibid., para. 13, p.133.

30. Voir Francis Coralie Mullin, note 3 ci-dessus; Parmanand Katara v. Union of India (1989) 4 SCC 286.

31. Paschim Banga Khet Majoor Samity v. State of West Bengal (1996) 4 SCC 37.

32. (1995) 3 SCC 42.

33. Vincent Pannikulangura v. Union of India (1987) 2 SCC 165; Drug Action Forum v. Union of India (1997) 6 SCC 609; All India Democratic Women Association v. Union of India 1998 (2) SCALE 360. Pour les procédures d’utilité publique visant l’application des droits fondamentaux des malades mentaux, voir Rakesh Chandra Narayan v. Union of India, 1991 Supp. (2) 626, 1989 Supp. (1) SCC 644, 1994 Supp. (3) SCC 478; Supreme Court Legal Aid Committee v. State of Madhya Pradesh (1994) 5 SCC 27, 1994 Supp. (3) SCC 489; Sheela Barse v. Union of India (1993) 4 SCC 204.

34. State of Punjab v. Ram Lubhaya Bagga (1998) 4 SCC 117, para. 29, p.130.

35. (1992) 3 SCC 666.

36. (1993) 1 SCC 645.

37. Ibid., paras. 172, 181 et 183, p. 733.

38. Ibid., paras. 181 et 182, p. 737.

39. Ibid., para. 183, p. 738.

40. M.C.Mehta v. State of Tamil Nadu (1996) 6 SCC 772, para. 31.

41.  Les DPSP touchant à la garantie d’un salaire égal pour un travail égal (article 39[d]) doivent toujours être interprétés dans le contexte de la discrimination aux termes de l’article 14 pour être reconnus et applicables. Voir affaire Randhir Singh v. Union of India (1982) 1 SCC 618.

42.  B. Krishna Bhat v. Union of India (1990) 3 SCC 65.  Dans le cas d’espèce, le requérant dans une procédure d’utilité publique souhaitait faire prendre une interdiction sur la base exclusive de l’article 47.  Sa requête n’a pas été approuvée par le tribunal.

43M. C. Mehta v. Union of India (1998) 9 SCC 591 para. 6.


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