Objet du module
26
Ce module a pour
objet de fournir une vue densemble
sur les accords multilatéraux sur
le commerce et les investissements
dans le contexte de la jouissance
des droits ESC.
Ce module
-
souligne
le bien-fondé dune approche
des actions axées sur les
droits humains en ce qui concerne
ces accords;
-
propose
un cadre des droits humains fournissant
un fil directeur pour ces actions;
-
présente
les coalitions internationales dorganisations
de la société civile qui travaillent
à lheure actuelle sur ces
accords; et
-
identifie
les défis et opportunités auxquelles
sont confrontées les organisations
qui cherchent à protéger les droits
ESC des impacts négatifs de ces
accords.
Introduction
À laube du vingt-et-unième
siècle, la mondialisation économique [1] domine la planète.
Ses manifestations ont lieu tout autour
de nous, notamment ses nombreux
échecs. Les injustices en découlant
ont été décrites dans de nombreux
rapports de lONU. Même les
forums sur la politique économique
internationale reconnaissent aujourdhui
que leffet de « ruisselle-ment »,
considéré depuis longtemps comme la
justification sociale de la libéralisation
économique, na pas lieu. Les
études comme celle de la Conférence
des Nations Unies sur le commerce
et le développement (CNUCED), Rapport
sur le commerce et le développement
1997,
et le Programme
des Nations Unies pour le développement
(PNUD), dans leur Rapport mondial
sur le Développement Humain 1997
(RDH 1997), démontrent formellement
que le contraire se produit. La CNUCED
décrit la manière dont, depuis le
début des années 1980, léconomie
mondiale se caractérise par une inégalité
croissante à la fois entre les pays
et à lintérieur même des pays,
comment les disparités de revenus
entre le nord et le sud continuent
de sélargir; et comment la part
de revenus des 20 pour cent les plus
riches a augmenté pratiquement partout,
tandis que celle des 20 pour cent
les plus pauvres a chuté.
[2] De même, le RDH 1997
signale que, même si les besoins ont
considérablement diminué dans nombre
de régions du monde, un quart
de la race humaine vit encore dans
une pauvreté extrême. Il démontre
que lindice de développement
humain (IDH) du PNUD a décliné dans
plus de trente payscest
à dire davantage cette année que depuis
la première publication du RDH
en 1990et que si la mondialisation
économique a contribué à réduire la
pauvreté dans les pays en développement
les plus forts, elle a produit un
écart qui ne cesse de sétendre
entre les gagnants et les perdants,
à la fois entre les pays et à lintérieur
même des pays.
[3]
Il est ironique de constater que
les États-Unis, dont lidéologie
a créé et maintient larchitecture
mondiale dont dépend la mondialisation
économique, ont fait eux-mêmes lexpérience
de lexpropriation et de la pauvreté.
[4] La pauvreté est aujourdhui
plus étendue et plus sévère aux États-Unis
que dans aucun autre pays industrialisé.
De puissantes voix, dont celle de
Joseph Stiglitz, léconomiste
en chef de la Banque mondiale, émergent
à lheure actuelle de cette
nation pour questionner le bien-fondé
de la mondialisation économique telle
que nous la connaissons. [5]
Comme si les effets nuisibles de
la libéralisation du commerce et des
investissements ne suffisaient pas,
lon tente actuellement de créer
les conditions qui permettront la
libre circulation des capitaux.
Cette tendance naquit lors de la dérégulation
des marchés mondiaux dans les années
1980 et 1990. Laccroissement
considérable de la mobilité financière
savère très dangereux pour la
santé des économies nationalescomme
nous lavons vu avec la crise
de lAsie du sud-est à la fin
des années 1990mais laugmentation
exponentielle et léchelle actuelle
de ces flux financiers sont stupéfiantes. [6]
Des citoyens
intentent un procès contre
le gouvernement canadien
En avril 1998 le Comité
de défense des libertés
canadien intenta un procès
pour tenter d'empêcher
le gouvernement de participer
à des négociations
relatives à l'Accord
multilatéral sur l'investisse-ment
(AMI). Le Comité de défense
soutenait que l'AMI était
inconstitutionnel aux termes
de la loi canadienne, car il
conférait aux banques
internationales et aux entreprises
étrangères des
droits garantis par le droit
international, droits que les
Canadiens n'avaient pas. Les
droits fonda-mentaux des citoyens
des pays membres seraient affectés
par l'application de l'AMI et,
par conséquent, en vertu
des principes fondamentaux d'une
démocratie, ceux qui
négociaient le traité
devaient avoir un mandat du
Parlement. Toutefois, les seules
personnes consultées
furent les banquiers et les
porte-parole des entreprises.
Le Comité de défense
soutint que cela était
contraire au principe d'égalité
devant la loi, qui fait partie
de la Charte des droits et libertés
de la Constitution canadienne.
|
Au cours des années
1997 et 1998, lOrganisation
de coopération et de développement
économiques (OCDE), le club international
des vingt-neuf pays les plus riches
du monde, négocia ladoption
dun Accord multilatéral sur
les investissements (AMI). Sil
avait été adopté, lAMI
aurait apporté une contribution considérable
à ce qui a été appelé la « constitution
dune seule économie mondiale »
ou « une charte des droits et
libertés des entreprises multinationales
. . . une déclaration de contrôle
des entreprises ». Jusquen
février 1997, date à laquelle une
version préliminaire fut révélée,
lAMI avait été négocié
pratiquement en secret et poussé par
laction agressive de la Chambre
de commerce internationale, le US
Council on International Business
(Conseil américain sur le commerce
international) et autres groupes soutenus
par les entreprises. Lobjectif
général de lAMI était de boucler
le plan de libéralisation économique
qui favorisait les droits des investisseurs
et entreprises multinationaux au
détriment de ceux des travailleurs,
des consommateurs, des communautés
et de lenvironnement.
En décembre 1998, sous la pression
intense exercée par les organisations
de la société civile (OSC)
[7] et en réponse au retrait
de la France des négociations, lOCDE
abandonna lAMI (décrit ci-dessous).
Toutefois, laccroissement de
la liberté des investissements figure
très visiblement à lagenda de
divers forums mondiaux et régionaux.
Les points de lAMI qui ont mobilisé
les ONG denvironnement, de droits
de lhomme [8] et de développement sont main-tenant
débattus dans les instances de lOrganisation
mondiale du commerce (OMC), du Fonds
monétaire international (FMI), de
lAccord de libre-échange des
Amériques (ALEA) et ailleurs. Les
OSC doivent se montrer encore plus
vigilantes.
Cest dans le
contexte des tentatives de libéralisation
des finances, du commerce et des investissements
que les militants envisagent ce qui
est peut-être le plus grand problème
de leur action: comment soutenir les
forces qui contestent, exposent, démystifient
et discréditent lappât de la
mondialisation économique et émoussent
le pouvoir de ceux qui conçoivent
des systèmes qui poussent le monde
au bord dun désastre économique
et socialprocessus déjà évident
avec les crises récentes en Asie du
sud-est, en Russie et au Brésil.
Il est urgent que les
acteurs et militants sociaux sattaquent
aux systèmes économiques du monde,
à quelque niveau que ce soitdu
recueil dinformations et de
lamélioration de la compréhension
de la situation à mise en uvre
de recherches sur les impacts de la
mondialisation; des actions destinées
à réformer les institutions mondiales
aux demandes dintervention au
cours des négociations internationales
et régionales sur les traités économiques
et à lexigence dun rôle
accru pour les Nations Unies.
Les OSC ont la tâche
duvrer à tous les niveaux
pour la mise en oeuvre des droits
humains, en particulier des droits
ESC. Il est ironique de réaliser
que le catalyseur de ces activités
réside dans les processus mêmes produits
par la mondialisation économique.
Des alliances transnationales encore
plus étendues sont nécessaires pour
rétablir ce qui a été détruit
au cours des dernières décennies.
Lincompréhension des nombreuses
dimensions de la mond-ialisation,
dont certaines ont un caractère très
technique, la réticence à lutter avec
les institutions qui lont
poussée et la concentration sur les
actions locales ne feront que marginaliser
les OSC et condamner des millions
de personnes à être encore plus
exclues et appauvries.
Quelques
institutions ou accords couverts
dans ce module
Banque des règlements
internationaux (BRI)-Créée
en 1930, la BRI est détenue
et contrôlée par
les banques centrales à
qui elle fournit un certain
nombre de services très
spécialisés. Elle
sert également de mécanisme
de gestion des marchés
internationaux des devises en
fournissant des prêts
d'urgence aux banques centrales,
en autorisant des paiements
internationaux, en contrôlant
les opérations bancaires
internationales et en soutenant
la solidarité collective
des banquiers pour la défense
de la " monnaie saine ".
Accord de libre-échange
des Amériques (ALEA)-L'ALEA
fut créé en décembre
1994 avec l'engagement des dirigeants
de trente-quatre pays occidentaux
de conclure les négociations
pour l'établissement
d'une région de libre
échange en l'an 2005.
Selon leurs prévisions,
l'ALEA unira les territoires
situés entre l'Alaska
et Tierra del Fuego en une seule
zone de libre échange.
Fonds monétaire international-L'objectif
initial du FMI était
de soutenir les taux de change
fixes de différentes
devises à l'issue de
la deuxième guerre mondiale.
En 1972, les taux de change
fixes furent abolis et le FMI
entreprit de gérer la
crise de la dette internationale.
En 1994, il remplissait la fonction
centrale de coordonner les politiques
économiques, de développer
et de mettre en oeuvre les réformes
monétaires par le biais
de ses programmes d'ajustement
structurel. Il joue aujourd'hui
le rôle d'officier de
police financier mondial, de
ministre des finances et d'encaisseur
des dettes internationales,
en particulier dans les régions
à importantes dettes
extérieures.
Organisation internationale
des commissions de valeurs (OICV)-Association
internationale de réglementation
du commerce des titres financiers,
qui intervient principalement
dans les dettes extérieures,
les transactions d'actions et
d'options.
Accord multilatéral
sur les investissements (jamais
terminé)-L'AMI était
un accord commercial destiné
à éliminer pratiquement
toutes les barrières
au commerce international afin
d'amener une nouvelle ère
de prospérité.
Ses objectifs principaux étaient
de libéraliser les lois
sur le commerce international,
de protéger les investissements
à l'étranger et
de faire valoir les droits des
investisseurs en fournissant
un mécanisme de contrôle
des entreprises sur les accords
commerciaux internationaux existants.
Accord de libre-échange
nord-américain (ALENA)-Fondé
en 1990, l'ALENA créa
une zone de libre-échange
entre le Canada, les États-Unis
et le Mexique. Aux termes de
cet accord, la réglementation
du commerce afin de protéger
l'environnement, la santé
et autres objectifs sociaux
est strictement limitée,
et les droits du travailleur,
y compris l'interdiction d'avoir
recours au travail des enfants,
sont considérés
comme des restrictions inappropriées
du commerce mondial. D'un autre
côté, il élargit
la protection des droits concernant
les biens sociaux (notamment
la propriété intellectuelle).
Organisation mondiale du
commerce (OMC)-Fondée
le 1er janvier 1995, l'OMC est
un organe commercial politique
multilatéral dont la
personne morale indépendante
et le personnel sont similaires
à ceux de la Banque mondiale
et du FMI. Composée à
l'heure actuelle de spécialistes
commerciaux non-élus
de 134 pays souverains, elle
a pour mandat de réguler
le commerce mondial en éliminant
les barrières commerciales
pour permettre le libre déplacement
des produits et capitaux privés.
Sa Conférence ministérielle
est l'organe de décision
supérieur, qui se réunit
au moins une fois tous les deux
ans.
|
Le bien-fondé dune
approche axée sur les droits humains
De plus en plus de personnes et dinstitutions
reconnaissent désormais les problèmes
du modèle de libéralisation économique,
mais elles omettent le cadre dans
lequel il convient délaborer
la politique économique pour le bien-être
de lhumanité. Les déclarations
et traités internationaux actuels
sur les droits humains, [9] ainsi que les mécanismes
des Nations Unies qui font le suivi
de leur application, fournissent ce
cadre et confèrent aux États les obligations
juridiques de protéger, promouvoir
et satisfaire les droits humains.
Ces instruments constituent ensemble
des points de départ utiles à partir
desquels on peut formuler et
mettre en uvre les droits collectifs,
notamment le droit au développement
et à un environnement sain. Certains
instruments promeuvent aussi les droits
collectifs de groupes particuliers
tels que ceux des populations indigènes
et tribales, des minorités, ainsi
que ceux des handicapés.
[10] Les droits collectifs vont
être lobjet dun important
travail de formulation et seront au
cur dun vaste domaine
daction, étant donné les voix
qui se font entendre pour réclamer
le droit à leau potable, les
droits des femmes, des populations
indigènes et des travailleurs agricoles.
Les instruments relatifs
aux droits humains reposent sur les
principes fondamentaux de non-discrimination,
dégalité, dautodétermination
et du droit à la participation politique.
Les droits humains fournissent la
perspective, le contexte et la substance
(par les droits contenus dans différents
instruments) qui permettent daboutir
au développement durable et à la justice
pour tous. Vue sous cette lumière,
la réalisation des droits humains
pour chaque femme, homme et enfant
constitue le principal système par
lequel on peut chercher à responsabiliser
les investissements internationaux,
les finances et les régimes commerciaux.
Les politiques, programmes et instruments
émanant de la mondialisation économique
ont un impact sur les personnes au
niveau local, soit directement par
lacquisition des ressources
naturelles, soit indirectement par
linfluence des politiques nationales
qui minent les capacités des populations
et des communautés, en particulier
des marginaux, à contrôler leur propre
espace et leurs ressources. Ces impacts
constituent clairement une violation
des obligations acceptées au niveau
international en vertu des traités
sur les droits humains.
Les dangers inhérents aux nouveaux
accords sur les investissements sont
clairement exprimés par Oxfam dans
sa mise à jour de 1998 concernant
lAMI. [11]
Les réserves quelle exprime
indiquent la menace grave que représentent
les principes et dispositions des
nouveaux accords régionaux
et internationaux sur les investissements
pour les principes fondamentaux des
droits humains, tels que la réalisation
progressive des droits ESC. Les objections
émises par Oxfam vis-à-vis de lAMI
sont résumées comme suit:
[12]
Portée
Couverture de
chaque secteur économique et interprétation
élargie de linvestissement.
Couverture de
chaque échelon administratif (local,
provincial et national), sans prise
en compte suffisante du principe de
subsidiarité ou du consentement informé
des administrations locales et provinciales.
Manque de transparence
et de participation de tous les acteurs
(y compris les ONG) et organismes
au niveau intergouvernemental et
gouvernemental.
Exclusion des
pays en voie de développement des
négociations, même si ces pays constituent
les cibles clés du traité éventuel.
Modèle de négociation
descendante au lieu dune démarche
ascendante secteur par secteur (« positive »).
Manque dexamens
indépendants adéquats, transparents
et opportuns sur les implications
sociales et environnementales du projet
dAMI pour les pays de lOCDE
et les pays en voie de développement.
Absence de coordination
des politiques au niveau de lOCDE
et du gouvernement pour assurer que
le projet dAMI favorisait au
lieu dempêcher la réalisation
des obligations nationales aux termes
des traités internationaux, sociaux,
environnementaux et sur les droits
humains.
Principes
Concentration
exclusive sur la protection des investisseurs
et des droits privés de propriété,
sans accorder dattention comparable
aux obligations et à la responsabilisation
des investisseurs.
Interprétation
rigide du principe de non-discrimination,
qui peut conduire au traitement non
seulement favorable, mais meilleur,
des investisseurs étrangers par rapport
aux investisseurs nationaux.
Interdiction
globale des contrôles des investissements
étrangers et de la supervision des
gouvernementssauf lorsque des
exceptions ont été négociées
spécifiquement.
Linclusion
sans précédent de dispositions de
traitement national et daccès
aux marchés pendant la phase de pré-établissement,
et non uniquement pendant la phase
de post-établissement commune aux
traités dinvestissements bilatéraux.
Linterdiction
des conditions de performance obligatoire
(par exemple, contenu local et stipulations
demploi).
Caractère inadéquat
de la clause de non-diminution des
normes, proposée pour empêcher la
pression sur les dispositions concernant
lenvironnement et la main duvre,
afin dattirer les investissements
étrangers.
Définition ample
de lexpropriation, dont pourraient
abuser les investisseurs étrangers
(cf. les précédents aux termes de
lAccord de libre-échange nord-américain)
et qui pourrait menacer la législation
nationale légitime sur lenvironnement,
la taxation, la santé et la sécurité,
les droits des consommateurs et des
travailleurs.
Parti pris pour
les investisseurs étrangers dans le
cadre du règlement des litiges entre
lÉtat et les investisseurs,
qui permettrait aux investisseurs
étrangers dintenter des procès
aux gouvernements auprès de tribunaux
secrets, pour allégation dinfraction
des règles de lAMI, mais qui
ne fournit aucune capacité juridique
correspondante pour les citoyens qui
tentent dapporter des preuves
auprès de ces tribunaux.
Nature non-démocratique
des clauses de statu quo et de recul,
qui forceraient les lois nationales
à se conformer progressivement aux
disciplines de lAMI, fait qui
serait irréversible, même si les gouvernements
nationaux et les priorités changent,
sauf si les pays se retirent de lAccord.
Absence de toute
disposition (fiscale et régulatrice)
visant à réglementer les incitations
aux investissements, à renforcer les
lois sur la concurrence ou à combattre
les pratiques commerciales restrictives.
LInternational NGO Committee
on Human Rights in Trade and Investment
(Comité international des ONG sur
les droits humains dans le commerce
et les investissements) (décrit ci-dessous)
a identifié quatre droits humains
fondamentaux qui sont menacés. Il
a proposé un cadre utile pour expliquer
une approche axée sur les droits humains
et a offert des directives claires
pour obtenir et conserver ces droits:
[13]
La primauté des
droits humains: La promotion et la protection des droits humains
doivent être acceptées comme
le cadre fondamental et le but de
tous les accords multilatéraux
et bilatéraux sur les investissements,
le commerce et la finance. Ces
accords ne peuvent exclure ou ignorer
les principes et objectifs relatifs
aux droits humains sans perdre leur
revendication la plus fondamentale
de légitimité.
Non-régression:
Tous les États ont le devoir de
respecter, de protéger, dassurer
et de remplir leurs obligations
internationales relatives aux droits
humains; ils ne peuvent y déroger
ou les limiter, sauf comme prévu
expressément dans les traités pertinents.
Les conditions de « recul »
et de « statu quo » établies
dans lAMI sont incompatibles
avec limpératif de réalisation
progressive des droits ESC, stipulé
explicitement dans le PIDESC. (Voir
au module 9 les obligations des
États.)
Le droit à un
recours effectif auprès du forum
approprié:
Le droit à un recours effectif
dune personne dont les droits
ont été violés ne peut être
ignoré par lÉtat ou refusé
par les institutions intergouvernementales.
Les organes dinvestissements
ou de commerce ne doivent pas statuer
sur des affaires qui font clairement
partie du domaine des droits humains
comme si elles nétaient que
des litiges entre entreprises et
acteur étatiques. Elles doivent être
réglées par les forums nationaux,
régionaux et internationaux, ainsi
que par les mécanismes dexécution
appropriés.
Le droit de participation
et à un recours effectif des personnes
et groupes concernés: Les
droits humains ne peuvent être
réalisés si le droit de participation
des populations concernées à la
planification, à la mise en oeuvre
et à un recours effectif nest
pas respecté. La participation
des femmes dans tous ces processus
est particulièrement importante.
Les nouveaux mouvements
sociaux qui ont adopté cette approche
holistique ont beaucoup travaillé
à renforcer les groupes de pression
environnementaux et les mouvements
de femmes, mais aussi à démontrer
quil est impératif de considérer
les droits humains et le développement
comme étant complémentaires et de
renforcer mutuellement les trajectoires
qui permettront dobtenir une
justice sociale pour tous.
Outre le rapport dOxfam et
les propositions du Comité des ONG,
les résolutions émanant du programme
des droits humains des Nations Unies
offrent également des commentaires
et directives précieux.
[14] Prenons par
exemple la résolution adoptée le 20
août 1998 par la Sous-commission des
Nations Unies de la lutte contre les
mesures discriminatoires et de la
protection des minorités, intitulée
« Les droits de l'homme, objectif
premier de la politique en matière
d'échanges et d'investissement et
en matière financière ». Cette résolution
souligne que la réalisation des droits
humains et des libertés fondamentales
est la « responsabilité première
des États et leur objectif le plus
fondamental, dans tous les domaines
de la gouvernance et du développement
». [15]
Cette phrase réaffirme le langage
adopté par les gouvernements dans
la Déclaration et le Plan daction
de la Conférence mondiale de 1993
sur les droits de lhomme.
[16] La Sous-commission
exprima également ses préoccupations
concernant les implications de lAMI
sur les droits humains, « en
particulier parce que cet accord pourrait
limiter la capacité qu'ont les États
de prendre des mesures dynamiques
pour assurer que tous les individus
jouissent des droits économiques,
sociaux et culturels, et pourrait
créer des avantages en faveur d'une
petite minorité privilégiée aux dépens
d'une majorité de plus en plus marginalisée
». La résolution de 1998 appelait
également de ses vux la rédaction
dun document de travail sur
le commerce, les investissements et
les droits de lhomme.
[17]
À la suite de son initiative révolutionnaire
de 1998, la Sous-commission adopta
au cours de sa session de 1999 une
résolution intitulée « La
libéralisation du commerce et son
impact sur les droits de lhomme », [18]
qui sadressait directement à
lOMC en lui demandant de prendre
des mesures « pour assurer lintégration
totale des principes et des obligations
des droits de lhomme dans ses
futures négociations ».
Elle sattaqua
également à la question problématique
des sanctions commerciales pour faire
appliquer les droits humains. Un
grand nombre de pays en voie de développement
craignent, à juste titre, que lier
le commerce aux droits humains (y
compris aux droits des travailleurs)
ou à la protection de lenvironnement
fournisse un terrain fertile à des
mesures quasi-protectionnistes contre
leurs exportations. Lusage
détourné des objectifs relatifs aux
droits humains comme prétextes de
mesures protectionnistes déguisées
ne sert quà porter le discrédit
sur les droits humains dans le pays
ciblé. Reconnaissant cette difficulté,
la Sous-commission déclara: « Les
sanctions et conditionnalités négatives
qui ont un impact direct ou indirect
sur le commerce ne sont pas des moyens
appropriés de promouvoir lintégration
des droits humains dans la politique
et la pratique économique internationale ».
Le rejet apparemment
catégorique des sanctions commerciales
par la Sous-commission ne signifie
pas quil ne faut jamais les
envisager pour des violations des
droits humains. Toutefois, ces sanctions
ne conduisent certainement pas à lintégration
holistique des principes relatifs
aux droits humains dans la politique
commerciale ou à lincitation
de ladoption dun cadre
de droit de lhomme pour les
processus délaboration dune
politique économique internationale.
Au cours de sa session
de 1999, la Sous-commission établit
également un Groupe de travail (GT)
sur les entreprises multinationales
et les droits de lhomme. Le
GT reprend entre autres les efforts
précédents menés afin délaborer
un cadre juridique de droits de lhomme
pour les multinationales. La Sous-commission
nomma aussi un Rapporteur spécial
sur la mondialisation et les droits
de lhomme. Elle envisage en
outre dintégrer dans un format
interdisciplinaire social la promotion
et la réalisation des droits ESC dans
le contexte de la mondialisation
économique.
Pendant les jours qui précédèrent
la réunion de lOMC à Seattle
en 1999, le CDESC adressa une déclaration
à lOMC et à ses membres. [19]
Plus de 100 des 135 membres
de lOMC ont ratifié ce Pacte
international. Cette déclaration,
largement publiée à Seattle, demandait
instamment aux membres de lOMC
dassurer que leur organisation
joue « un rôle positif et constructif
vis-à-vis des droits de lhomme ».
La libéralisation du commerce, affirma
le comité, ne crée et naboutit
pas nécessairement à un environnement
favorable à la réalisation des droits
humains. Par ailleurs, la libéralisation
du commerce « doit être
comprise comme un moyen, et non une
fin. La fin quelle doit servir
est le bien-être de la personne, auquel
les instruments internationaux des
droits de lhomme donnent une
expression juridique. » Le comité
déclara être de plus en plus
conscient de « la mesure dans
laquelle les politiques et pratiques
économiques internationales influent
sur la capacité des États à respecter
leurs obligations aux termes du traité »,
dans le domaine des droits ESC. Il
demanda un examen de toutes les politiques
et règles internationales du commerce
et des investissements pour assurer
leur compatibilité avec les traités,
législations et politiques actuels
conçus pour protéger et promouvoir
les droits humains. « Cet examen
doit couvrir en premier lieu limpact
des politiques de lOMC sur
les secteurs les plus vulnérables
de la société ainsi que sur lenvironnement ».
Les nouvelles formes daction
Prenant les instruments internationaux
relatifs aux droits humains comme
point de départ, plusieurs ONG internationales
se mobilisèrent aux niveaux local,
national et international pour promouvoir
les droits ESC dans le contexte de
la mondialisation économique. [20] Ces dernières années
des OSC ont également mené certaines
actions remarquables, surmontant les
barrières culturelles, thématiques
et linguistiques, créant une solidarité
et entraînant avec elles de puissantes
institutions mondiales. Parmi ces
actions, citons:
The Coalition in Opposition to
the MAI (La
coalition dopposition à lAMI)
Il sagit de la
coalition mondiale créée pour contrer
lAMI. Plus de 650 OSC et ONG
de 70 pays sunirent en une campagne
mondiale qui eut recours aux médias,
à diverses formes daction, à
des politiques et des traités alternatifs
dinvestissements et à une série
de stratégies convenues en commun.
La coalition « anti-AMI »
se compose dOSC et dONG
à base religieuse ou non axées sur
lenvironnement, le développement,
les droits humains, ainsi que délus
locaux et de parlementaires. Pendant
que lOCDE débattait sur lAMI,
la coalition parrainait des campagnes
nationales anti-AMI auprès de plus
de la moitié des pays membres de lOCDE
et dun certain nombre de pays
en développement.
La force de la coalition fut reconnue
dans le rapport (rapport Lalumière)
préparé pour le gouvernement français
et qui amena ce dernier à se retirer
des négociations de lAMI.
[21] Ce rapport mentionne
la surprise des gouvernements membres
de lOCDE en face de « léchelle,
la force et la vitesse auxquelles
lopposition apparut et se développa »
et poursuit:
LAMI
marque un stade dans les négociations
internationales. Nous voyons pour
la première fois émerger une « société
civile mondiale » représentée
par des ONG qui sont souvent implantées
dans plusieurs États et communiquent
au-delà de leurs frontières. Il
ne fait aucun doute que cette évolution
est irréversible.
Le rapport Lalumière
mentionne lInternet comme source
majeure de force pour lopposition
à lAMI. Les membres de la coalition
utilisèrent le courrier électronique
au maximum dès le début de leur campagne.
Ils eurent recours à des listes de
diffusion électroniques et à des sites
Internet créés et exploités par les
ONG pour garder contact et partager
leurs stratégies, et ils informèrent
des millions de personnes dans le
monde sur les négociations de lAccord.
Des projets du texte circulèrent sur
lInternet et permirent à nombre
de groupes deffectuer des critiques
et des analyses qui furent ensuite
redistribuées.
La coalition est toujours
vigilante, car les principales dispositions
soutenant la libéralisation financière
émergent dans les forums économiques
régionaux et internationaux ainsi
que dans les instruments des traités
comme le FMI, lALEA et lOMC.
Peoples Global
Action (Laction populaire mondiale)
Peoples Global Action (PGA) est un autre exemple dopposition
mondiale à la mondialisation économique.
[22] Plus de 300 représentants
de mouvements populaires venant de
70 pays se réunirent à Genève en février
1998 pour lancer un mouvement populaire
international contre différents aspects
de la mondialisation. Le PGA se compose
principalement de mouvements sociaux
et dorganisations populaires
comme lAlliance nationale des
mouvements populaires (Inde), le Front
de libération national Zapatiste (Mexique),
le Mouvement des paysans sans terre
(Brésil), le Mouvement des paysans
des Philippines et le Syndicat des
travailleurs et travailleuses des
postes.
Cette réunion donna
naissance à un manifeste populaire
contre le « régime des entreprises »
mondial, qui proclame que:
lOMC, le FMI,
la Banque mondiale et autres institutions
qui favorisent la mondialisation
et la libéralisation veulent nous
faire croire aux effets bénéfiques
de la concurrence mondiale. Leurs
accords et politiques constituent
des violations directes des droits
humains fondamentaux (y compris des
droits civils, économiques, sociaux,
des droits au travail et des droits
culturels) codifiés dans le droit
international, dans nombre de constitutions
nationales et ancrées dans lesprit
des peuples comme faisant partie de
la dignité humaine. [23]
Au cours de la deuxième
réunion ministérielle de lOMC
en mai 1998, le PGA organisa une série
de manifestations dans le monde entier,
notamment à Genève. LOMC fut
préoccupé par la publicité négative
qui en résulta. En mai 1999, le PGA
organisa une Caravane intercontinentale
qui amena en Europe 500 fermiers indiens
pour protester devant les Parlements
nationaux, lOMC, les entreprises
et banques multinationales favorisant
des politiques de libre-échange mondial.
En novembre/décembre 1999, elle organisa
sur toute la planète des manifestations
qui coïncidaient avec la Conférence
ministérielle de lOMC à Seattle,
dans lÉtat de Washington aux
États-Unis.
International NGO
Committee
on Human Rights
in Trade and
Investment
Il convient également de mentionner
une alliance dONG de développement
et des droits humains qui se forma
en mai 1998, lInternational
NGO Committee on Human Rights in Trade
and Investment (INCHRITI),
[24] dans le but express dassurer
que les droits humains ne soient plus
ignorés dans la politique et la pratique
économiques internationales.
Des extraits de sa
déclaration de principes ont été
cités ci-dessus. Cette déclaration
souligne également le besoin
dautres
accords et de processus internationaux
dinvestissements et de commerce
qui viseraient à assurer la pleine
compatibilité des régimes internationaux
dinvestissement et de commerce
avec les obligations internationales
émanant des normes relatives aux droits
humains, à la protection de lenvironnement
et au développement durable . . .
ces
mesures, en favorisant létablissement
dun agenda international intégré,
serviraient à renforcer le contrôle
démocratique de la circulation des
capitaux et à stimuler les investissements
et le commerce dont bénéficieraient
les groupes défavorisés, en particulier
les femmes, les enfants et les communautés
vulnérables.
LINCHRITI contribua
à persuader la Sous-commission de
lONU dadopter la résolution
relative à la politique du commerce,
des investissements et des finances
mentionnée plus haut. Au cours dun
communiqué de presse du 21 octobre
1998, le Comité des ONG déclarait:
Nous
sommes convaincus que si les initiatives
concernant la politique économique
internationale (y compris les accords
et réglementations de lOMC,
les prescriptions de politique et
les dispositions dajustement
structurel du FMI et de la Banque
mondiale, ainsi que lAMI objet
de négociations à lOCDE) étaient
testées par rapport aux obligations
internationales juridiques sur les
droits humains et lenvironnement,
le milieu de la politique économique
internationale, ainsi que larchitecture
institutionnelle du système, différeraient
substantiellement.
En août 1999, lINCHRITI lança
avec succès une action pour ladoption
dune résolution progressiste
sur le commerce et les droits de lhomme
par la Sous-commission des Nations
Unies de la promotion et de la protection
des droits de lhomme. [25]
Au cours de la Conférence ministérielle
de lOMC à Seattle, lINCHRITI
organisa un séminaire dune
journée ainsi quun débat sur
lOMC et les droits humains.
Il publia également un ouvrage sur
les directives données à lOMC
concernant les droits humains.
[26]
La Conférence de Seattle constitua
une étape mémorable dactions
civiles reposant sur les alliances
forgées pendant la campagne anti-AMI.
Un large éventail de groupes issus
de la société civile accepta et adopta
le langage et les principes relatifs
aux droits humains pour contrebalancer
léconomie néo-libérale. Cet
événement marqua la naissance dun
effort coordonné des ONG afin dutiliser
les principes et instruments relatifs
aux droits humains, à la fois pour
évaluer limpact des négociations
de lUruguay Round, et comme
cadre pour guider les efforts de réforme
du régime de commerce mondial.
[27]
Le principal message de ces groupes
est quil est nécessaire de créer
une réforme de larchitecture
économique internationale qui repose
sur ladoption explicite des
obligations émanant des principes
fondamentaux relatifs aux droits humains
relatifs à lautodétermination,
la participation, la non-discrimination,
à un niveau de vie adéquat, à lalimentation,
au logement, au travail et à léducation,
ainsi quaux droits spécifiques
des femmes, des peuples indigènes
et des enfants.
[28]
Les défis qui demeurent
Bien que les droits
humains offrent un cadre de principes
sur lequel fonder lopposition
aux défis posés par la mondialisation
économique, des obstacles substantiels
demeurent.
La remise en cause
du rôle de lÉtat
Les partisans de la
mondialisation qui favorisent laccroissement
de la privatisation et de la monétarisation
de toutes les sphères de la vie ont
soutenu que lÉtat providence
nétait pas viable économiquement
et que les États devaient « harmoniser »
leurs priorités économiques avec leurs
responsabilités sociales qui « créent
des dépendances ». Ces visions
ont contribué substantiellement à
la recherche désespérée par les États
de meilleurs « indicateurs économiques »,
distincts des meilleurs « indicateurs
sociaux ». Les promoteurs de
la mondialisation économique affirment
en outre que lÉtat ne peut plus
jouer un rôle dynamique (en fait,
il nen a plus besoin) pour garantir
les droits ESC de ses citoyens; le
secteur privé (national et international),
ainsi que le secteur dynamique des
ONG (principalement des organismes
de développement et humanitaires)
peut très bien remplir ces fonctions.
Toutefois, avec le
début de la mondialisation économique,
les OSC et ONG ont exprimé leurs vives
préoccupations concernant le dépérissement
de lÉtat. Les partisans dun
État solide craignent le retrait
de sa souveraineté en face des accords
multilatéraux sur le commerce, les
investissements, les finances et la
propriété intellectuelle, ainsi que
sous les régimes dajustement
structurel et de remboursement des
dettes. Il existe également des politiciens
et des idéologues de droite (appartenant
souvent aux OSC) qui utilisent la
mondialisation économique comme bouc
émissaire de tous les maux, incitent
à des opinions anti-impérialistes
et en appellent aux identités religieuses
ou ethniques afin de créer une base
de politiques nationalistes sur léconomie,
limmigration et autres questions.
Il est crucial de ne pas oublier
que la lutte centrée sur la mondialisation
ne se borne pas à émousser ou à réformer
les forces de la mondialisation économique,
mais quelle reconnaît également
les violations actuelles des droits
ESC et le besoin daméliorer
les conditions dans lesquelles une
portion substantielle de lhumanité
vit. [29] La priorité fondamentale est darrêter
la dégradation des conditions de vie
directement liée à la disparité croissante
des richesses, que ce phénomène soit
dû aux forces de la mondialisation
économique ou à linjustice des
politiques sociales au niveau national.
Les mêmes voix qui
soutenaient par le passé le rôle « réduit »
de lÉtat lui demandent instamment
aujourdhui de reprendre son
rôle « régulateur ». Elles
veulent maintenant que lÉtat
soit larbitre, le protecteur
des secteurs sociaux contre les ravages
dun système économique mondial
de moins en moins contrôlé. Ce voix
sont celles déconomistes célèbres
comme Jagdish Bhagwati et Joseph Stiglitz,
dhommes daffaires en vue
comme George Soros et dorganes
de médias influents, notamment The
Financial Times et The Economist.
Il est donc nécessaire de renforcer
lÉtat afin quil tienne
tête aux forces de la mondialisation
en réaffirmant son rôle stratégique:
non seulement pour réguler, mais aussi
pour garantir la durabilité et le
développement des conditions permettant
la réalisation des droits humains
pour tous ses résidents.
Quel devrait-être le
rôle de lÉtat? Comment les
OSC devraient-elles répondre aux violations
des droits humains que lÉtat commet?
Une fois de plus, les instruments
actuels relatifs aux droits humains
offrent le cadre le plus précis et
le plus sensible, en obligeant lÉtat
« en premier lieu » à promouvoir
les droits des sections vulnérables
de la société et en nadoptant
pas de mesures régressives (par le
biais de politiques, programmes et
lois) qui déposséderaient davantage
ces groupes ou marginaliseraient dautres
secteurs. Les États ont des obligations
juridiques de respecter, promouvoir
et protéger les droits humains. Sils
devaient remplir ces obligations,
une grande partie de ce qui passe
pour un régime économique mondial
violerait les droits humains. Les
OSC et certaines sections du système
des Nations Unies réaffirment le rôle
stratégique de lÉtat, mais il
est également important de trouver
des moyens de soutenir et daugmenter
lespace des groupes des droits
humains et du développement afin quils
collaborent avec ses éléments plus
progressifs. Il sagit peut-être
là des moyens les plus prometteurs
par lesquels renforcer lÉtat
afin quil tienne tête aux forces
perfides de la mondialisation et
puisse profiter des bénéfices sociaux
positifs résultant de linteraction
avec les institutions mondiales légitimées
aux termes des traités et normes internationaux.
Le besoin de Nations
Unies revitalisées
Si les institutions
économiques internationales doivent être
plus responsables, les Nations Unies
doivent par conséquent jouer un rôle
central et trouver les moyens de créer
des structures démocratiques (faisant
intervenir la participation des OSC
et ONG) qui aboutiront à lélaboration
de nouveaux traités multilatéraux
sur le commerce, les investissements
et les finances. Ce rôle est crucial,
car toutes ces questions ont un impact
sur la sphère sociale.
Les devoirs futurs
et spécifiques nécessaires pour remplir
ce rôle sont déjà contenus dans nombre
dinstruments internationaux
sur les droits humains qui ont été
mis de côté lors de la ruée vers le
« marché ». Des dispositions
et des directives précieuses figurent
non seulement dans les Pactes et Conventions
internationaux, mais aussi, par exemple,
dans la Déclaration sur le progrès
et le développement dans le domaine
social, la Déclaration et le programme
daction pour un nouvel ordre
économique international et la Charte
des droits et devoirs économiques
des États.
Plusieurs mesures ont été
prises au cours des années 1980 par
certains organismes comme le Centre
des Nations Unies sur les sociétés
transnationales (UNCTC), le Fonds
des Nations Unies pour le développement
économique (UNFED), et dautres
initiatives comme le Nouvel ordre
mondial de linformation et de
la communication (NIIO) ou le Nouvel
ordre économique international (NOEI),
pour favoriser la justice sociale
dans le cadre du processus de libéralisation
économique et de la croissance des
entreprises transnationales. Leurs
efforts ont toutefois été systématiquement
sapés par les promoteurs de la libéralisation
globale.
Les Nations Unies ont
par la suite été les premières
à mettre en garde contre la libéralisation
sans frein et à souligner le besoin
de définir les obligations des États
et de leur permettre de satisfaire
leurs engagements. La Déclaration
et le Programme daction de Vienne
de 1993, par exemple, confirmaient
que la protection et la promotion
des droits humains et des libertés
fondamentales est la première responsabilité
des gouvernements, et que la personne
humaine est lobjet central du
développement. De même, la Déclaration
et le Programme daction de Copenhague
de 1995 recommandaient lintervention
des États dans les marchés pour empêcher
ou compenser leurs échecs, favoriser
la stabilité et les investissements
à long terme, assurer une concurrence
loyale et une conduite morale
et harmoniser le développement économique
et social.
Le développement dune
direction irréprochable (non soumise
aux aléas des agendas politiques)
à la tête des Nations Unies est crucial
pour contrer trois obstacles à la
mise en oeuvre des droits humains
dans le contexte actuel:
Lefficacité
des mécanismes dapplication
dinstitutions comme lOMC
et lALENA marque un contraste
frappant avec le manque dattention
au développement de mécanismes similaires
pour les instruments internationaux
relatifs aux droits humains.
Deuxièmement,
les États-Unis constituent un obstacle
majeur au développement des droits
humains, en particulier des droits
ESC. Au cours de lAssemblée
générale des Nations Unies en 1998,
par exemple, les États-Unis renièrent
leur ratification de la Déclaration
et du programme daction de Vienne
de 1993 et furent le seul État membre
à voter contre une résolution reconnaissant
le droit au développement. Il est
nécessaire de trouver des moyens
pour refréner le pouvoir des États-Unis.
Il est nécessaire de freiner
ladhésion enthousiaste du Secrétaire-général
des Nations Unies à la communauté
commerciale mondiale représentée par
des groupes comme la Chambre de commerce
internationale, composée dun
grand nombre des multinationales
les plus puissantes, et qui nest
sans doute pas le partenaire dont
ont besoin les Nations Unies si elles
veulent réaliser la coopération internationale
« en développant et en encourageant
le respect des droits de l'homme et
des libertés fondamentales», comme
ly oblige sa Charte. [30]
Pour reprendre leur rôle de dirigeant,
les Nations Unies doivent impérativement
participer aux efforts de collaboration
avec la coalition des OSC. Une alliance
des OSC, comprenant lINCHRITI
et le Transnational Resource and
Action Center (Centre transnational
de ressources et daction) (TRAC),
a déjà pris une telle initiative qui
a abouti à la rédaction dun
Citizens Compact on the UN and
Corporations (Pacte des citoyens
sur les Nations Unies et les entreprises)
demandant aux Nations Unies de ne
pas subordonner leur mission et leurs
valeurs au commerce, aux investissements
et aux finances.
[31]
Les femmes et la
mondialisation économique
Laspect le plus
négligé peut être des dimensions sociales
des politiques et des programmes sur
le commerce, les investissements et
les finances est leur impact sur les
femmes.
Parmi les principaux
impacts durables dune économie
libéralisée, citons une diminution
progressive des contrôles protégeant
la sécurité de lemploi (des
hommes autant que des femmes), des
réductions régulières des dépenses
sociales, la dérégulation des prix
des produits alimentaires due à limportance
des exportations agricoles, le manque
de protection de la production alimentaire
locale et de dispositifs de sécurité
alimentaire, labsence de mesures
de sécurité empêchant les personnes
dêtre obligées de prendre des
emplois temporaires et dexercer
plusieurs emplois, et le défaut de
protéger laccès à la terre et
au crédit. Tous ces facteurs ont
un impact négatif sur les femmes.
À titre dexemple, une étude
récente menée sur des ouvrières de
lindustrie électronique en Inde
révèle leur éloignement progressif
des emplois stables:
La restructuration
fait intervenir deux étapes: La première
est celle de la précarisation de la
main-duvre, la deuxième
le licenciement de la main-duvre
actuelle et la délocalisation des
unités de productions dans des régions
où les salaires sont inférieurs et
où on peut employer une main-duvre
temporaire. En fait, mis à part le
transfert demplois permanents
vers des emplois temporaires, les
entreprises ont également réduit directement
le nombre de travailleurs. [32]
Manquant dopportunités
déducation et de formation,
les femmes sont plus vulnérables que
les hommes face aux défis et aux complexités
du commerce international. Leurs
responsabilités traditionnelles de
reproduction et déducation de
leurs enfants réduisent le temps quelles
peuvent consacrer à gagner leur vie,
ce qui entraîne une réduction des
dépenses des foyers en éducation et
soins de santé. Limportance
donnée aux « cultures commerciales »
pour une économie exportatrice confine
leur accès à la terre à des zones
marginales qui, à leur tour, réduisent
leurs capacités de produire des produits
agricoles pour subsister et pour approvisionner
les marchés locaux. De plus, les
services de crédit et dassistance
technique privilégient les hommes.
Tous ces facteurs présentent des obstacles
au rôle productif que peuvent jouer
les femmes.
Une étude menée au
Ghana et présentée au Forum parallèle
des ONG de la Conférence ministérielle
de lOMC en 1998 concluait ainsi:
Etant donné la situation
défavorisée des femmes et leurs responsabilités
familiales, le commerce et les règlements
de lOMC ne leur fournissent
pas autant de débouchés rémunérateurs
quaux hommes; pis encore, ils
minent leurs activités commerciales
et leurs activités de production alimentaire.
Moins de revenus pour les femmes se
traduisent par moins de dépenses
en éducation et soins de santé, moins
de pouvoir dachat et de productivité,
et davantage de travail reproducteur
dans les foyers. Ces faits empêchent
le niveau de vie daugmenter
et la capacité de production de saméliorer
dans ce pays. [33]
La mondialisation économique
a certainement produit des débouchés
qui ont pris la forme dune mobilité
accrue de lemploi. Ce fait
a permis à certaines femmes de choisir
entre un travail agricole et un emploi
rémunéré; certaines études suggèrent
que les femmes préfèrent parfois lemploi
indépendant rémunéré aux structures
sociales accablantes et à lisolement
dans lesquels elles vivent, ainsi
quau dur labeur agricole, souvent
irrégulier, dont elles dépendent.
Leurs conditions de travail ont bien
évidemment un caractère dexploitation,
étant donné linsécurité et les
bas salaires de leurs emplois, généralement
à temps partiel, qui les privent de
leurs droits syndicaux, les exposent
au harcèlement sexuel et autre.
Etant donné le tableau
économique mondial, si on nintroduit
pas de changements qui tiennent compte
des besoins des femmes, les perspectives
à long terme sont moroses car le capital
cherche toujours à réduire les coûts
de main duvre et à éviter
les normes strictes sur lenvironnement
et les droits humains. Cette situation
nest que trop évidente, par
exemple, dans la prolifération des
zones franches industrielles (ZFI)
qui caractérisent la mondialisation
économique autour du globe et dont
la main duvre principale
est constituée de jeunes femmes.
Lune des raisons
majeures de léchec de larchitecture
financière mondiale en ce qui concerne
la réalisation dun minimum de
progrès social pour les secteurs vulnérables
tient au fait quelle ignore
ou ne reconnaît même pas le rôle que
jouent les femmes dans les activités
de développement quotidiennes. Il
est par conséquent crucial que toutes
les activités visant à émousser limpact
de la mondialisation économique et
à offrir des structures économiques
ou juridiques reconnaissent et développent
des points de référence afin dévaluer
la mesure dans laquelle le rôle des
femme est pris en considération dans
le cadre de « lélaboration
du développement ». Les quelques
groupes qui ont entrepris la tâche
de désagréger limpact de la
mondialisation économique et de ses
processus connexes ont présenté un
certain nombre de recommandations
qui constituent des points de départ
utiles aux futures actions visant
à assurer une politique tenant compte
des femmes dans les organes internationaux
du commerce, des investissements
et des finances (voir ci-dessous).
Les opportunités
et les défis auxquels doivent faire
face les OSC
Ce nest que récemment
que sont apparues les opportunités
offertes par la mondialisation
économique aux OSC. Les campagnes
internationales visant à limiter la
mondialisation, comme la campagne
anti-AMI et les campagnes Jubilée
2000 sur les dettes, ont permis de
créer des alliances au-delà des frontières
nationales. Ces alliances reposent
sur des valeurs et des objectifs communs,
ainsi que sur la perception commune
du pouvoir qua la solidarité
darrêter des initiatives économiques
internationales potentiellement nuisibles,
lancées par les institutions économiques
qui stimulent la mondialisation, ou
du moins de gagner du temps en les
retardant.
Lavantage évident
de ces collectifs tient à leurs liens
non-officiels, à leur structure non-hiérarchique,
et au fait quils sarticulent
autour de plusieurs points focaux,
chacun possède son propre programme
structuré autour de campagnes nationales,
mais ils fusionnent en un ensemble
formidable. La solidarité transnationale
créée par lopposition collective
à la mondialisation économique présente
de nombreux avantages. Dactions
auparavant dispersées, elles ont fait
une cause commune et les luttes locales
leur ont permis de prendre confiance,
sachant quelles ont le soutien
dautres OSC et ONG. Les militants
devront maintenant élaborer des stratégies
pour empêcher les violations locales
des droits ESC. La solidarité horizontale
et verticale qui résulte de ces actions
transnationales doit désormais être
canalisée pour susciter le changement
au niveau local.
Cette création de nouveaux
espaces politiques, forgés par des
actions transnationales menées au-delà
des frontières, soulève néanmoins
un certain nombre de questions sur
lesquelles réfléchir et agir. De
quoi a-t-on besoin pour soutenir ces
actions transnationales collectives,
ces campagnes et ces mouvements (processus)?
Quelles sont leurs limites? Le régime
des droits humains fournit une approche
suffisante, ainsi quun ensemble
de principes dorganisation et
qui sentrecroisent, pour obtenir
et rechercher la justice sociale,
légalité et la démocratie.
Quelles sont les étapes nécessaires
pour faire adopter cette approche
à un niveau plus large et améliorer
son efficacité? Ces forces peuvent-elles
continuer à avoir des résultats positifs
en face des phénomènes simultanés
de fragmentation (souvent au niveau
local) et dintégration propres
aux processus de mondialisation?
Ces collectivités, qui travaillent
sur la base dun monde multipolaire,
peuvent-elles rivaliser de façon constructive
avec le système mondial traditionnel
centré sur les États? Quelles sont
les conditions requises afin que ces
processus puissent renforcer les solidarités
locales pour contrer les violations
des droits ESC au niveau local fondées
sur lexclusion, la discrimination
et la dépossession?
Un examen rapide des
mesures nationales et internationales
quont prises les OSC à ce jour
pour contrer la mondialisation, ainsi
quun examen des opportunités
et défis en termes dinstruments
multilatéraux actuels et potentiels
dans le cadre de la mondialisation
économique révèlent les actions et
mesures que doivent entreprendre les
OSC si elles veulent conserver leur
bien-fondé en restant fidèles à la
tâche de contrer les forces de la
mondialisation économique et doffrir
des alternatives.
La connaissance
Les OSC et ONG doivent connaître
et traiter des processus et institutions
qui poussent la mondialisation économiquepar
exemple les forces de libéralisation
financière. Elles doivent chercher
les informations pertinentes auprès
des OSC qui sintéressent à des
institutions encore peu connues, comme
la Banque des règlements internationaux
(BRI) ou lOrganisation internationale
des commissions de valeurs (OICV)et
collaborer avec ces OSC.
[34]
Les barrières nord-sud
doivent être abattues. Les conséquences
de la mondialisation économique montrent
clairement que tout le monde est dans
le même cas et que les alliances transnationales
avantagent toutes les OSC. Les pays
du Tiers Monde doivent à tout le moins
avoir une meilleure connaissance de
la pauvreté matérielle et culturelle
qui existe et augmente dans les pays
capitalistes et ex-communistes.
Étude de cas et
analyse
Etant donné le faible
nombre détudes de cas qui examinent
limpact de la mondialisation
économique sur les droits humains
et lenvironnement, il est urgent
délaborer une méthodologie
et des plans de recherche appropriés,
de rechercher les données disponibles,
les études de cas et les documents
juridiques, danalyser et de
compiler les données en études de
cas succinctes sur les effets spécifiques
vérifiables des traités sur le commerce
et les investissements, de préparer
et diffuser des documents en langage
clair, ainsi que des publications
techniques. Ces travaux doivent porter
en particulier sur les questions négligées
jusquà présent, telles que
limpact de la mondialisation
économique sur les femmes et les enfants,
les peuples indigènes et les paysans
pauvres. Il y a un besoin de données
dorigines diverses provenant
dexamens des politiques économiques
et des règles commerciales, sans lesquelles
il est difficile dévaluer pleinement
les différents impacts de la mondialisation
économique sur les femmes et les hommes.
Il est également important
de collaborer, par exemple à des recherches
communes, avec des organes « progressifs »
des Nations Unies qui tentent de contrer
la mondialisation économiquela
Conférence des Nations Unies sur le
commerce et le développement (CNUCED),
lInstitut de recherche des Nations
Unies pour le développement social
(IRNUDS), le Haut-commissariat aux
droits de lhomme (HCDH), lOrganisation
internationale du travail (OIT)et
de suggérer comment les Nations Unies
peuvent jouer un rôle plus actif dans
les questions économiques, y compris
en constituant des organes démocratiques
représentatifs pour examiner les questions
et rédiger les instruments susceptibles
davoir un impact sur des millions
de personnes pauvres dans le monde.
Travaux communs
de solidarité
Les travaux menés jusquà
présent ont permis de comprendre quil
est crucial de continuer dabattre
les barrières nord-sud pour former
une société civile mondiale. Les
OSC, en particulier celles qui travaillent
au niveau local, doivent abandonner
lisolationnisme susceptible
de gâcher les efforts entrepris et
se joindre aux activités nationales
et transnationales visant à responsabiliser
la mondialisation économique vis-à-vis
des besoins et des choix des populations.
Leur adhésion à des coalitions mondiales,
telles que la coalition anti-AMI ou
le Comité international des ONG sur
le commerce et les investissements,
augmentera leur force et contribuera
à la croissance dun mouvement
de création dune société civile
mondiale.
Les militants sociaux
ont également besoin de plates-formes
sur lesquelles peut avoir lieu léchange
« horizontal ». Par exemple,
il est bien plus facile dobtenir
des informations sur les luttes menées
contre lOMC dans les pays industrialisés
que dans les pays du sud. Ce fait
illustre le besoin déchange
dinformations, de partage de
stratégies et de solidarité dans le
sud.
Élaboration dalternatives
Ceux qui travaillent sur les droits
humains doivent connaître, tester
et élaborer des alternatives. Il
importe par exemple de connaître,
faire connaître et élaborer des campagnes
sur des idées précieuses comme la
Taxe Tobin
[35] et laccord alternatif
sur les investissements proposé par
des groupes faisant partie de la campagne
mondiale anti-AMI.
Certains groupes proposent
également dautres moyens de
juger de limpact, sur les droits
humains et lenvironnement, de
forces de mondialisation économique
telles que les multinationales.
(Voir au module 25 un supplément dinformations
sur les multinationales et les droits
ESC.) Ladhésion à ces forces
et la participation à des actions
comme les tribunaux des peuples, en
particulier le Tribunal permanent
des peuples et le tribunal sur les
multinationales et les droits humains,
en cours de préparation, permettent
daccroître la responsabilisation
des promoteurs de la mondialisation.
Dans certains pays
comme lInde, des groupes comme
le Social Watch proposent
des enquêtes économiques alternatives,
des indicateurs et points de référence
alternatifs pour évaluer la situation
des peuples du monde. Les militants
sociaux doivent apprendre par ces
efforts, y contribuer et tenter dentreprendre
des actions similaires, en particulier
au niveau national. (Voir au module
19 un supplément dinformations
sur les points de référence des droits
humains.)
Action, intelligence
et nouvelles alliances
Les actions qui ciblent
les institutions économiques mondiales
telles que lOMC, lALENA
et le FMI sont capitales pour les
rendre démocratiques et les sensibiliser
aux questions de droits de lhomme,
de développement et denvironnement.
Il convient davoir recours à
lespace disponible à la participation
des OSC dans le cadre du nouveau mandat
de la sous-commission des Nations
Unies de la promotion et de la protection
des droits de lhomme.
Il importe également
de créer une capacité interne danalyse
de genre et de souligner le besoin
ces analyses dans tous les secteurs
du ressort du FMI, de lOMC et
de lALENA. Dans le cas de ces
deux derniers, il est impératif de
demander la participation des femmes
dans toutes les négociations et dans
tous les mécanismes de résolution
des différents et, dune manière
générale, daider à détecter
lémergence de dispositions semblables
à celles de lAMI dans les instruments
économiques multilatéraux et régionaux
qui naissent.
Toutes ces actions
doivent inciter les organisations
comme lOMC à adopter les instruments
relatifs aux droits humains et denvironnement
comme instruments de base et à respecter
les obligations imposées par ces régimes
aux États.
Il est également nécessaire
que les OSC forment des alliances
avec les nouveaux convertis comme
les économistes et les médias cités
plus haut qui étaient, jusquà
une époque récente, favorables à la
réduction du rôle de lÉtat,
et qui demandent aujourdhui
à lÉtat de jouer un rôle de
réglementation.
Le rôle de lÉtat
Outre les points précisés
plus haut, il convient dinciter
les États à agir conformément à leurs
obligations en termes de droits humains.
Les gouvernements devraient en particulier
être appelés à justifier ladoption
de toute nouvelle obligation, notamment
ladoption de nouveaux instruments
qui poussent la mondialisation économique,
si elle entre en conflit avec leurs
obligations actuelles.
Au niveau national, les gouvernements
et les institutions multilatérales
doivent assurer que lassistance
technique sapplique tant aux
hommes quaux femmes et quelle
favorise la modernisation des technologies
et des compétences, y compris lopportunité
dacquérir de nouvelles compétences,
pour les femmes autant que pour les
hommes. Ils doivent également assurer
un flux adéquat dinformations
et de transfert technologique entre
le nord et le sud, entre les hommes
et les femmes, ainsi que laccès
des femmes à la terre et au crédit.
[36] À tout cela
sajoute le besoin pour les femmes
davoir droit à lhéritage
du logement et de la terre.
Conclusion
Léconomie mondiale
en développement doit absolument être
informée et guidée par les principes
et les impératifs propres au régime
international des droits humains.
Il est nécessaire de créer des conditions
pour lharmonisation des régimes
internationaux du commerce, des investissements
et des finances avec les obligations
actuelles sur les droits humains.
Ces conditions permettront détablir
un agenda international intégré qui
couvrira non seulement les accords,
politiques et pratiques du commerce
et des investissements internationaux,
mais aussi (et surtout) les obligations
et normes internationales relatives
aux droits humains, de protection
de lenvironnement et de développement
durable. Se consacrer uniquement
aux premiers de ces critères minera
des obligations bien plus fondamentales
soulignées par les derniers.
Pour que cela se réalise,
cest à nouveau la tâche des
OSC de responsabiliser les acteurs
économiques internationaux et régionaux
afin quils placent le respect
des droits humains comme principal
fondement de leurs politiques et programmes
économiques. Cette structure élargie
incitera également les gouvernements
nationaux à aller dans la même direction.
Lengagement à laction
pour aboutir à un développement équitable
et humain exige ce type dapproche
complète, qui tient compte en particulier
du bien-être des populations démunies
et opprimées.
La lutte à laquelle
participent les populations et communautés
marginales et opprimées du monde vise
à la souveraineté (autodétermination)
des peuples et communautés, au-delà
des frontières, contre les forces
de la mondialisation économique, en
ayant recours principalement aux
instruments internationaux relatifs
aux droits humains, à lenvironnement
et au développement. Si la mondialisation
économique signifie abattre les frontières
et les contrôles nationaux, la réponse
donnée par la société civile est également
transnationale, inspirée par les valeurs
humaines fondamentales fondées sur
la foi en la solidarité et la camaraderie,
notions absentes du système de mondialisation
économique poussé par la technologie
et fondé sur la hiérarchie.
Le défi majeur est
de parvenir à trouver les moyens damener
les populations à se mobiliser politiquement
afin de démocratiser la possession
des instruments actuels et le processus
de leur perfectionnement et de leur
développement, ainsi que de responsabiliser
les États, les agents et les forums
économiques internationaux vis-à-vis
de nos droits humains et de nos libertés
fondamentales.
Auteur: Lauteur de ce module est Miloon Kothari.
NOTES
1. Lexpression « mondialisation économique »
utilisée dans ce module englobe les
processus institutionnels intervenant
dans le commerce, les investissements,
les finances, la propriété intellectuelle,
lajustement structurel et la
dette dans une idéologie de libéralisation
économique.
2. Conférence des Nations Unies sur le commerce
et le développement, Rapport sur
le commerce et le développement 1997
(Genève: CNUCED, 1997).
3.
Programme des Nations Unies pour le développement,
Rapport mondiale sur le développement
humain 1997, (New York: Oxford
University Press, 1997).
4.
63,8 millions de personnes (un résident américain
sur quatre) vivent au-dessous du seuil
de pauvreté; il y a deux millions
de sans-logis, dont 500 000 sont des
enfants. De 1979 à 1994, les revenus
effectifs par famille du dixième supérieur
de la population américaine ont augmenté
de 83 pour cent, tandis que ceux du
dixième inférieur ont baissé de 14
pour cent et ceux du dixième suivant
de 5 pour cent (chiffres tirés de
laudience du Congrès du 23 septembre
1998 sur la faim et les sans-logis
aux États-Unis).
5.
Voir par exemple, Dr. Joseph Stiglitz, Neuvième
conférence Prebisch à la CNUCED de
Genève le 19 novembre 1998. Parlant
du « Consensus de Washington »
(sur la mondialisation), Stiglitz
déclara quil navait pas
réussi à favoriser le développement
car il « confondait trop souvent
les moyens avec les finsen considérant
les moyens comme la privatisation,
lobtention de prix corrects
et la libéralisation du commerce comme
des fins en elles-mêmes ». Le
paradigme de développement quil
propose est toutefois décevant, car
il ne reconnaît pas les procédés déjà
en place sous la forme des nombreuses
initiatives des OSC et ONG, ainsi
que par le biais des instruments
internationaux sur les droits humains,
lenvironnement et le développement.
Le texte du discours du Dr. Stiglitz
est disponible sur le site Internet
de la Banque mondiale: http://www.worldbank.org.
6.
En 1980, le commerce des devises étrangères
sélevait à lui seul à 80 milliards
de dollars US en moyenne par jour,
et son taux par rapport au commerce
mondial était denviron 10/1.
En 1995, il sélevait à 1 260
milliards de dollars US en moyenne
par jour, et son taux par rapport
au commerce mondial était de près
de 70/1 ce qui équivalait aux réserves
officielles mondiales dor et
de devises du monde entier.
7.
Dans ce module, le terme « organisations
de société civile » inclut les
organismes basées dans les communautés,
les mouvements sociaux, les campagnes
et les ONG. Le terme « ONG »
est parfois utilisé pour désigner
un organisme de soutien intermédiaire.
8. La communauté des droits humains fut lente
à répondre à cette menace provenant
de lOCDE. Voir Miloon Kothari
et Tara Krause, « Human Rights
or Corporate Rights? The MAI Challenge »,
Human Rights Tribune, 5, no.
1-2 (avril 1998).
9.
Voir en particulier, Pacte international relatif
aux droits civils et politiques, adopté
le 16 décembre 1966, AG rés. 2200A
(XXI), 21 UN GAOR Supp. (No. 16) à
52, Arts. 28-45, ONU Doc. A/6316 (1966),
999 UNTS 171, entrée en vigueur
le 23 mars 1976; Pacte international
relatif aux droits économiques, sociaux
et culturels adopté le 16 décembre
1966, AG rés 2200A (XXI), 21 UN GAOR
Supp. (No. 16) à 49, Arts. 16-25,
ONU Doc. A/6316 (1966), 993 UNTS 3,
entrée en vigueur le 3 janvier
1976; Convention sur lélimination
de toutes formes de discrimination
à légard des femmes, adopté
le 18 décembre 1979, AG rés. 34/180,
34 UN GAOR Supp. (No. 46) à 193, ONU
Doc. A/34/46, entrée en vigueur
le 3 septembre 1981, réimprimé
dans 19 ILM 33 (ci-après cité
comme CEDEF); Convention relative
aux droits de lenfant, adopté
le 20 novembre 1989, AG rés. 44/25,
annexe, 44 UN GAOR Supp. (No. 49)
à 167, ONU Doc. A/44/49 (1989), entrée
en vigueur le 2 septembre 1990,
réimprimé dans 28 ILM 1448
(1989).
10. Voir, en particulier, Déclaration sur le droit
au développement, recherche de AG
41/128, annexe, 41 UN GAOR Supp.
(No. 53) à 186, ONU Doc. A/41/53 (1986);
Bien-être, progrès et développement
dans le domaine social, Déclaration
sur le progrès et le développement
dans le domaine social, AG rés. 2542
(XXIV), 24 ONU GAOR Supp. (No. 30)
à 49, ONU Doc. A/7630 (1969); Charte
des droits et des devoirs économiques
des états, AG rés. 3281 (XXIX), ONU
Doc. A/RÉS/29/3281, Annexe 1974; voir
aussi CEDEF, note 9 au-dessus (favorisant
les droits humains collectifs des
femmes); voir aussi, par exemple,
Charte africaine des droits de
lhomme et des peuples, adoptée
le 27 juin 1981, OAU Doc. CAB/LEG/67/3
Rev. 5, entrée en vigueur
le 21 octobre 1986 (pour un exemple
de la façon dont les instruments
régionaux abordent la question des
droits collectifs).
11. Voir la mise à jour dOxfam GB sur lAMI
(Accord multilatéral sur les investissements),
décembre 1998.
13. Voir la Déclaration de principes en anglais
du Comité international des ONG sur
les droits de lhomme dans le
commerce et les investissements, Investment,
Trade and Financethe Human Rights
Framework: Focusing on the
Multilateral Agreement on Investment
(MAI), septembre 1998.
14. Pour un texte sur le bien-fondé de lagenda
sur la mondialisation en cours à la
Sous-commission de la promotion et
de la protection des droits de lhomme,
voir Miloon Kothari et Peter Prove,
« The Sub-Commission and Globalization:
Guest Editorial », Human Rights
Tribune 5, no. 4 (septembre 1998).
15. ONU Sous-Commission résolution 1998/12, adopté
sans voix sur le 26 août 1998. ONU
Doc. E/CN.4/Sub.2/RÉS/1998/12 (1998).
16. « Les droits de l'homme et les libertés
fondamentales sont inhérents à tous
les êtres humains; leur promotion
et leur protection incombent au premier
chef aux gouvernements ». (para. 1
de la Déclaration de Vienne et du
Programme daction, adoptés lors
de la Conférence mondiale de Vienne
de juin 1993 sur les droits de lhomme).
17. Sous-commission de la promotion et de la protection
des droits de lhomme, Les
droits de lhomme, objectif premier
de la politique et de la pratique
internationales commerciales, financières
et en matière linvestissement,
Document de travail présenté par J.
Oloka-Onyango et Deepika Udagama,
conformément à la résolution 1998/12
de la Sous-Commission, ONU Doc. E/CN.4/Sub.2/1999/11
(17 juin 1999).
18. Voir la résolution 1999/30 de la Sous-commission,
adopté sur 26 août 1999. ONU Doc.
E/CN.4/Sub.2/Rés/1999/9 (1999).
19. ONU Doc. E/C.12/1999/9 (26 novembre 1999).
20. Deux exemples serviront dillustration:
Habitat International
Coalition (HIC):
Basant ses travaux sur le droit au
logement et les droit fonciers, le
HIC fonctionne par lintermédiaire
de ses trois comités: droits au logement
et les droits fonciers, femmes et
abris, logement et environnement.
Sa perspective holistique cherche
par la création dalliances,
la formation, le recours au système
des Nations Unies, la recherche et
linvestigation, à contrebalancer
les effets négatifs de la mondialisation
économique en soulignant que le caractère
inviolable de laccès et du maintien
des droits au logement et à la terre
est essentiel à la réalisation de
tous les droits de lhomme.
FoodFirst International
Action Network (FIAN):
Coalition mondiale promouvant le droit
humain à se nourrir, FIAN fonctionne
par lintermédiaire de chapitres
nationaux et dactions urgentes
menées contre les violations du droit
à la nourriture et à la terre. FIAN
a été la principale force, en
collaboration avec les OSC et ONG
du monde, a suscité la rédaction dun
Code de conduite sur le droit à la
nourriture à lissue de laction
sociale menée au cours du Sommet mondial
de lalimentation de Rome de
1997 afin dinclure le droit
à la nourriture dans la Déclaration
formelle. Le Code contient des dispositions
particulières sur la responsabilité
des acteurs non-étatiques.
21. Rapport Lalumière, octobre 1998. Rapport
demandé par le gouvernement français
et préparé, après consultation avec
des négociateurs du AMI et des représentants
des sociétés civiles, par le membre
du Parlement européen Catherine Lalumière,
lInspecteur général des finances
Jean-Pierre Landua et le Conseiller
à la Cour des comptes Emmanuel Glimet.
22. Les coordonnées de Peoples Global
Action sont les suivantes: Peoples
Global Action, s/c Canadian
Union of Postal Workers (CUPW),
377 Bank Street, Ottawa, Ontario,
Canada; site web: http://www.agp.org.;
courrier électronique: Pga@apg.org.
23. Peoples Global Action Manifesto,
Peoples Global Action
(PGA), février 1998.
24. Le Comité des ONG comprend Habitat International
Coalition, la Décennie populaire
déducation sur les droits de
lhomme, la Fédération luthérienne
mondiale, le Comité dAmérique
Latine et des Caraïbes pour la défense
des droits de la femme, Youth for
Unity of Voluntary Action, le
Centre for Equality Rights in Accommodation
et linstitut Mazingira.
Les coordonnées de lINCHRITI
sont les suivantes: s/c HIC, Secretariat,
B-28 Nizamuddin East, New Delhi110
023, India; courrier électronique:
hichrc@ndf.vsnl.net.in.
26. Voir M. Mehra, éd. Human Rights and Economic
Globalization: Directions for the
WTO (Londres: Global Publications
Foundation and International ONG Committee
on Human Rights in Trade and Investment,
novembre 1999).
27. Pour un texte sur les avantages de la réunion
de Seattle pour les OSC, voir Miloon
Kothari et Peter Prove, « The
WTOs 3rd Ministerial Conference:
Negative Impressions Mask Positive
Developments in Seattle », Human
Rights Tribune 6, no. 4 (décembre
1999).
28. Il ny a pas la place de résumer dautres
actions contre la mondialisation économique.
Au cours des deux dernières années,
il est toutefois apparu aux niveaux
nationaux, régionaux et internationaux
que les nombreuses actions menées
tendent à indiquer la naissance dun
mouvement de contre-mondialisation
mené par les OSC et ONG. Voir par
exemple, entre dautres, les
travaux du Third World Network
(Malaysia), du Public Citizens
Center (États-Unis), de linstitut
Polaris (Canada), du Focus on
the Global South (Thaïlande),
du Informal Working Group on Gender
and Trade (Suède), de la National
Alliance of Peoples Movement
(Inde), de lATAC (France) et
du Jubilee 2000 sur les dettes (GB).
29. Voir par exemple RDH 1997, note 3 ci-dessus,
qui calcule une série de mesures,
entre autres, lIndice de pauvreté
humaine, servant de référence de comparaison
annuelle des pays. Ces mesures comprennent
la fréquence de lanalphabétisme,
lespérance de vie, le degré
de malnutrition, laccès aux
services de santé et à leau
potable. En 1996, plus dun
milliard de personnes étaient au-dessous
de cet indice, chiffre qui reflète
une détérioration de la situation
de trente pays.
30. Pour une enquête à jour des partenariats
qui se créent entre les Nations Unies
et les multinationales, voir Miloon
Kothari et Peter Prove, « The
UN and Big Business: In Whose Interest? »,
Human Rights Tribune 6, no.
3 (septembre 1999).
31. Pour le texte du Citizens Compact et
les documents dappui et de campagne,
voir le site web de TRAC: http://www/
corpwatch.org.
32. Amrita Chachchi, « The New Labour Market »,
citée dans Bharat Dogra, « Women
Are Shouldering the Burden of Liberalisation
in India », InterPress Third
World News Agency (IPS), 7 décembre
1998.
33. Groupe de travail informel sur le genre et
le commerce, « The Need for a
Gender Analysis of the WTO: Ghana
Case Study », fascicule distribué
lors de la Conférence ministérielle
de lOMC à Genève en 1998.
34. Pour un texte utile concernant cette question
et dautres idées daction
pour les OSC, voir Kavaljit Singh,
« New Challenges for Peoples
Movement », Mainstream,
12 décembre 1998.
35. La taxe Tobin porte le nom de James Tobin,
économiste et lauréat du Prix Nobel.
Il proposa une taxe faible et uniforme
sur les transactions financières transfrontalières.
Cette taxe sur les investissements
spéculatifs à court terme pourrait,
si elle était appliquée, rassembler
plusieurs centaines de milliards
de dollars par an, susceptibles dêtre
utilisés pour le développement.
36. Trade Myth and Gender Reality: Trade Liberalisation
and Womens Lives, éd. Angela
Hale (Uppsala: Global Publications
Foundation and International Coalition
for Development Action, 1998).
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