Objet du module
20
Ce module a pour objet
de fournir une perspective concernant
limpact de léducation
sur la réalisation des droits ESC
et de suggérer des moyens de créer
des programmes éducatifs pour lavancement
de ces droits.
Ce module
-
examine
le rôle joué par léducation,
qui dégrade la dignité humaine autant
quelle laméliore;
-
pose
les bases dune méthode pédagogique
avec une approche axée sur les droits;
-
suggère
certains moyens créatifs pour organiser
un programme déducation sur
les droits humains.
Introduction
Lampleur quont
pris les droits humains a contribué
au développement de nombreuses mesures
visant à diffuser la notion et les
principes des droits humains. Lune
dentre elles a été entreprise
par les Nations Unies, qui ont désigné
la période 1995-2004 comme Décennie
pour l'éducation aux droits de l'homme.
Certains gouvernements ont pour leur
part créé des plans daction
nationaux et des groupes locaux privés
ont organisé des programmes éducatifs.
Par ailleurs, des organismes et groupes
voués à des secteurs et questions
spécifiquesdroits de lenfant,
de la femme et syndicats, par exempleorganisent
régulièrement des programmes éducatifs.
Ces initiatives ont contribué à faire
connaître les droits humains et à
promouvoir la notion et la légitimité
du langage des droits. Elles ont
en outre suscité la création dune
multitude de méthodes détude
et denseignement utilisées dans
le cadre de programmes éducatifs
sur les droits humains. Certaines
de ces méthodes sont fondées sur le
principe que léducation sur
les droits humains doit viser lautonomisation
des particuliers et des groupes. [1]
Ce module sintéresse
tout particulièrement aux besoins
des activistes afin dexaminer
de manière critique la notion déducation,
et plus spécifiquement celle de droit
humain à léducation. Au bout
du compte, les droits ESC seront promus
par ceux qui ne peuvent en jouir,
et les activistes doivent être conscients
quà travers les programmes déducation
ils ne font que faciliter le processus
dautonomisation. Ce module fournit
quelques idées qui peuvent être utiles
à une réflexion sur léducation
comme moyen dautonomisation.
Léducation
sur les droits humains
Léducation sur
les droits humains est un processus
permettant dacquérir des connaissances,
aptitudes et valeurs afin de savoir,
faire valoir et revendiquer ses droits
en vertu des normes internationales
sur le droit humain. Cette définition
implique que les droits humains sont
des outils permettant sautonomiser.
Par conséquent, de par sa nature même,
léducation sur les droits humains
doit être une intervention positive
dans la vie des populations. Comme
nous lavons déjà mentionné,
certains efforts ont été entrepris
pour fonder cette éducation sur les
principes de participation et dautonomisation. [2]
Il savère toutefois que
les programmes mis en place par les
gouvernements et les organismes internationaux
sont le plus souvent fondés sur lhypothèse
que la diffusion de linformation
sur les normes des droits humains
est une fin en elle-même; léducation
sur les droits humains devient alors
la panacée pour tous les problèmes
de cet ordre qui se posent dans différentes
sociétés. La diffusion généralisée
des informations sur les droits humains
constitue, bien sûr, un résultat positif
à cette approche. Toutefois, léducation
sur les droits humains, dans ce type
de contexte, sert souvent dexcuse
pour éviter certains facteurs structurels
sous-jacents qui sont au cur
de ces problèmes.
Ce qui manque souvent
dans léducation sur les droits
humains est un débat sur la pratique
même de léducation. Ce domaine
relativement nouveau est né de lampleur
quont pris les droits de lhomme
ces dernières décennies. Etant donné
quils sont devenus une véritable
profession de foi, peu de débats ont
eu lieu sur la signification de léducation
elle-même.
Léducation
nest pas un processus neutre
Léducation fait
partie intégrante de la préparation
à des formes particulières de la vie
sociale et de leur légitimation. [3] Elle fait
partie du processus social.
Il est important de
commencer par une étude de la méthode
pédagogique comme forme de « politique
culturelle ». Prenons le cas
de lalphabétisation, souvent
considéré comme facteur impératif
pour quune personne puisse vivre
normalement dans la société.
Lalphabétisation, associée à
de multiples aptitudes et connaissances,
est souvent réduite à laptitude
à lire et écrire dans la langue officielle
du pays. Cette conception de lalphabétisation
sest développée au cours des
deux derniers siècles, de concert
avec la formation de lÉtat nation,
de lindustrialisation et de
la scolarisation. Ce processus a
détruit la notion pluraliste quune
personne peut avoir dautres
connaissances et aptitudes, même si
elle ne sait pas lire et écrire.
Par ailleurs, lalphabétisation,
la scolarisation et léducation
sont devenues liées à lidée
de la responsabilité individuelle
et du bien-être économique; les analphabètes
sont considérés comme les « fléaux
dune société ».
[4]
Au lieu de nier, daffaiblir
ou de déformer les aptitudes humaines,
une méthode pédagogique peut au contraire
contribuer à les diversifier. En
encourageant le développement des
compétences et aptitudes, elle peut
élargir le sens de lexpression
« être humain ». Cest
pourquoi léducation peut et
doit être un processus conduisant
à lautonomisation, un processus
permettant à ceux qui ont été
mis en marge économiquement, socialement,
politiquement et culturellement de
faire valoir leur statut de membres
à part entière dune communauté.
Lintervention
dans les questions ESCUne question
de perception
Lorsquils abordent
les questions relatives aux droits
ESC, les activistes doivent savoir
que leur mode dintervention
sera déterminé par la manière dont
ils perçoivent les problèmes ESC et
les personnes affectées. Le tableau
suivant illustre comment la perception
détermine le type dintervention
qui sera choisi pour aborder des problèmes
sociaux et économiques.
[5]
CINQ RÉPONSES À LA
PAUVRETÉ
CAUSE
IDENTIFIÉE
(perception)
|
INTERVENTION
|
Circonstances
hors du con-trôle de la population
(désastre naturel et malchance)
|
Soulager la
souffrance immédiate par une
assistance et des dons charitables
|
Manque déducation
et de motivation de la population;
pauvreté des ressources
|
Augmenter la
production en dispensant un
enseignement professionnel,
en créant des activités productrices
de revenus, de lépargne
et un système de crédit
|
Mauvais fonctionnement
ou absence de dispense des
services de santé, scolaires
et agricoles
|
Améliorer les
programmes actuels et fournir
des services supplémentaires,
notamment soins de santé,
conseils juridiques et création
de comités civiques pour renforcer
la diffusion des services
|
Exploitation
et inégalité
|
Maîtriser lexploitation
et les inégalités par la mobilisation
(partis politiques, mouvements,
programmes de prise de conscience)
|
Problèmes structurels
(structures inéquitables)
|
Eriger de nouvelles
structures économiques, politiques,
juridiques et éducatives
par des programmes de mobilisation
et de prise de conscience,
ainsi que de nouvelles formes
déducation.
|
Il est clair, daprès
le tableau ci-dessus, que le type
dintervention choisi dans le
cadre des problèmes ESC déterminera
également la nature de la méthode
pédagogique. Par exemple, une intervention
sous forme dassistance et de
dons charitables peut conduire souvent
à une méthode pédagogique en cascade.
De même, des activités productrices
de revenus et la dispense de services
peuvent mener à un enseignement technique
ou périscolaire.
Dun autre côté,
une approche axée sur les droits exige
une méthode pédagogique qui encourage
la participation pour définir la question
et les mesures à prendre.
Quelques éléments
dune méthode pédagogique dans
une approche axée sur les droits
La population est
la source denseignement la
plus riche
Au cours de leur vie,
les populations recueillent une vaste
somme de connaissances et dexpériences.
La méthode pédagogique donne de meilleurs
résultats et est plus approfondie
lorsquelle part de ce principe.
Le contenu de léducation doit être
fondé sur ce qui préoccupe les populations
à ce moment là et sappliquer
à la vie réelle.
Dialogue
avec un autochtone
Voici un dialogue avec un autochtone
indien. Lakshmi et Saraswati
sont respectivement les déesses
hindoues de la richesse et de
la connaissance. Sawkar est
le propriétaire qui prête
de l'argent ou le commerçant.
Question: Savez-vous qui sont
Lakshmi et Saraswati?
Autochtone: Oui.
Question: Qui est Lakshmi?
Autochtone: Riz, vêtements,
hutte.
Question: Et Saraswati?
Autochtone: Le savoir de Sawkar.
Question: Si vous ne pouviez
n'en avoir qu'une, laquelle
choisiriez-vous?
Autochtone: Saraswati.
Question: Pourquoi?
Autochtone: Si tout le monde
a le savoir, personne ne trompe
les autres. Alors seulement
nous aurons la vraie égalité.6
|
La participation
La méthode pédagogique
ne doit pas être considérée comme
la simple transmission des connaissances
de lactiviste des droits humains
à ceux qui en ont besoin. Lactiviste
nest pas celui ou celle qui
possède toutes les informations capitales
et les populations ne sont pas des
« coquilles vides » à emplir
de connaissances. Lactiviste
fournit un cadre dans lequel des participants
actifs, créatifs, capables de penser,
examinent un problème et trouvent
des solutions. Il ou elle soulève
les questions du pourquoi, comment
et qui? Les participants sont actifs,
ils décrivent, analysent, suggèrent,
prévoient et décident.
Le processus du dialogue
Une méthode pédagogique
participative doit être un dialogue,
et non un discours. Le processus
de participation implique un processus
interactif qui fait réfléchir les
populations à leur situation, les
amène à mieux la comprendre, à y réagir
et à la transformer. Le dialogue
implique également la pratique de
légalité tout en respectant
les différences.
La foi dans les êtres
humains
Le processus du dialogue
« exige une foi intense dans
les êtres humains, dans
leur aptitude à faire et refaire,
à créer et recréer, la foi que
la vocation à être totalement
humain est le droit inné de tous les
peuples, et non le privilège dune
élite ».7 Le respect de
la personne doit être un élément
essentiel de léducation sur
les droits humains, dans la mesure
où celle-ci met laccent sur
la dignité intrinsèque des êtres
humains. Le manque de confiance dans
les autres conduit à labandon
du dialogue et à lutilisation
de slogans, de monologues et dordres.8
Lhistoire vraie
suivante illustre combien il est important
découter les gens tout en les
aidant à réagir à des situations problématiques.
Les
habitants dun village dOuganda
avaient de nombreux problèmes de santé
(vers de toutes sortes, paludisme,
absence de clinique) et de scolarité,
car ils navaient quune
école très pauvre, dont les instituteurs
étaient pratiquement toujours absents.
Au cours dune réunion, les villageois
insistèrent pour faire construire
en priorité un terrain de football.
Jétais atterré, mais lanimateur
social encouragea judicieusement le
groupe à aller de lavant. Ils
construisirent leur terrain de football,
commencèrent à jouer, rassemblèrent
une équipe et organisèrent des matches
avec dautres villages. Ce terrain
de football fut un tournant dans leur
vie. Ils y gagnèrent une confiance
en eux, une structure qui leur permit
de communiquer et le sentiment quils
étaient capables de changer une situation.
Ils entreprirent par la suite nombre
dautres projets « plus
importants », mais étaient-ils
vraiment plus importants? Leur
besoin intuitif de posséder quelque
chose qui les unirait en tant que
communauté, leur conviction de pouvoir
atteindre leurs propres objectifs
nétaient-ils pas bien plus importants
que mon point de vue extérieur sur
la clinique qui leur était nécessaire?
Pour moi aussi, cette anecdote fut
un tournant qui mapprit comment
travailler avec les communautés.9
Faciliter lesprit
critique
En aidant les marginaux
à se développer en tant quêtres
humains, il est crucial de faciliter
non seulement laction, mais
aussi la réflexion critique sur les
conséquences de cette action. Cette
démarche est un élément essentiel
de la méthode pédagogique. Elle contribue
à lapprentissage, mais surtout
à ce que Paulo Freire appelle « lacte
de connaître ». Savoir ce nest
pas seulement parler de la réalité,
cest aussi saisir les contradictions
de la réalité, y compris les intérêts
du pouvoir.10
La prise de conscience
est le processus de transformation
dune compréhension fragmentée
de la réalité en compréhension critique.
Le développement de la pensée critique
fait partie de ce processus. Comme
lexplique Paulo Freire:
Sil ny
a que la conscience, notre lecture
est naïve, mais la conscience alliée
à la prise de conscience nous rend
progressivement plus critiques.
Cest la raison
pour laquelle les communautés analphabètes,
souffrant de linjustice, attribuent
au destin, au sort ou à Dieu la
faim qui les détruit. Ce nest
que dans la lutte pour leur survie
quelles commencent à surmonter
leur perception naïve, tenant de
la sorcellerie, du phénomène. La
prise de conscience change la perception
des faits car elle permet de les
comprendre dune manière critique.
Une personne qui
a atteint le stade de la prise de
conscience est capable de percevoir
clairement la faim comme phénomène
qui, allant au-delà du fait de ne
pas manger, est une manifestation
de la réalité politique, économique
et sociale dune profonde injustice.
Si cette personne croit en Dieu
et prie, sa prière demandera certainement
la force de lutter contre la privation
de sa dignité. La personne qui
a atteint le stade de la prise de
conscience et qui croit également
en Dieu le voit comme une présence
dans lhistoire, mais cette
présence ne crée pas lHistoire
à la place des hommes et des femmes
qui agissent.
La personne qui a
pris conscience est capable de relier
faits et problèmes et de comprendre
la corrélation entre faim et production
de nourriture, production de nourriture
et réforme agraire, réforme agraire
et réactions contre cette dernière,
faim et politique économique, faim
et violence, faim en tant que violence,
faim et vote conscient pour des
politiciens et des partis progressistes,
faim et vote contre des politiciens
et des partis réactionnaires dont
les discours peuvent paraître
progressistes.
Cette personne comprend
différemment lhistoire et
le rôle quelle y joue. Refusant
de végéter, elle bouge et se mobilise
pour changer le monde. Elle sait
quil est possible de le changer,
mais quil convient pour ce
faire de mobiliser ceux qui sont
dominés. Elle sait très bien que
la victoire sur la misère et la
faim est une lutte politique pour
la transformation profonde des structures
de la société.11
De ce qui précède,
il est évident que léducation
sur les droits humains a principalement
trait à la prise de conscience. Léducation
sur les droits humains est un projet
créatif qui permet lautonomisation.
Son objet nest pas de transférer
mécaniquement des textes des pactes
ou de conventions. Il convient également
de ne pas oublier que le langage utilisé
pour faciliter lapprentissage
est susceptible de refléter des préjugés
cachés et quil peut même devenir
un moyen de contrôle et de domination.
On le voit surtout dans les programmes
éducatifs destinés aux indigènes
ou aux autochtones, rédigés dans la
langue dÉtat officielle. En
tentant dassurer lalphabétisation
des peuples indigènes dans la langue
dÉtat officielle, on peut saper
leur langue et leur culture locales.
La langue nest pas neutre, et
ceux qui dirigent les programmes éducatifs
doivent tenir compte de cela.
Léducation
sur les droits humains et lactivisme
pour les droits ESC
Un programme créatif
déducation sur les droits humains
qui conduit à lautonomisation
intègre léducation dans tous
les aspects de lactivisme pour
les droits ESCidentification
des questions ESC pertinentes, suivi
de la mesure dans laquelle ces droits
sont respectés, mobilisation et organisation
pour assurer leur jouissance. Les
activistes des droits ESC décomposeront
leur intervention en plusieurs étapes,
en intégrant dans chacun léducation
sur les droits humains. Cet activisme
devrait faire naître des interactions
incessantes entre les communautés
en question. Les phases de
lintervention ne sont pas séparées,
elles se complètent.
Voici les stades suggérés:
1.
Limplication des populations concernées
Cette phase est importante
pour créer un lien durable entre les
populations concernées et lactiviste,
elle permet aussi a des leaders populaires
démerger. Léducation
sur les droits humains à ce stade
aide les communautés à découvrir et
utiliser de manière créative et constructive
tout leur potentiel de travail en
équipe. Cette situation fait intervenir
des programmes éducatifs qui aident
les membres de la communauté à réfléchir
sur leurs leaders et à acquérir les
connaissances et aptitudes nécessaires.
Il va sans dire que ce processus continu
est renforcé par une réflexion constante.
2.
Apprendre à observer leur réalité
Cette phase est importante
pour aider les populations ou communautés
affectées à identifier leurs besoins
et problèmes. Lactiviste aidera
par exemple les membres dune
communauté à mener leurs propres recherches.
À titre dexemple, un groupe
travaillant dans les États du nord-est
de lInde aida les populations
locales à mener une enquête sur le
fonctionnement du système public de
distribution ou sur les magasins qui
fournissaient du riz et autres produits
alimentaires subventionnés. À partir
de cette enquête, la communauté put
isoler les changements qui savéraient
nécessaires pour assurer un meilleur
fonctionnement des magasins. Elle
identifia également les mesures à
prendre à différents niveaux. Pour
mener lenquête, elle dut avoir
recours à lassistance des activistes
extérieurs.12 Cependant, une fois que
ces types daptitudes sont développés,
elles sont mises à contribution pour
effectuer un suivi permanent de la
jouissance des droits ESC.
3.
Comprendre la réalité plus large
Cette phase permet
aux populations ou communautés affectées
de comprendre la corrélation entre
leurs problèmes et les systèmes plus
étendus (« macro systèmes »).
Il est important dassurer que
la communauté comprenne la complexité
du problème et établisse sa stratégie
en conséquence. On peut, par exemple,
aider les populations à comprendre
le rapport entre les bas prix auxquels
on leur achète leurs produits et la
globalisation. Cette phase est importante
pour examiner les politiques sociales
et économiques, notamment le budget
national, du point de vue de la jouissance
des droits ESC.
4.
Etablir des objectifsplanification
et mise en place des actions
Au cours de cette phase,
on aide les populations ou communautés
affectées à élaborer une stratégie
appropriée pour assurer la jouissance
de leurs droits ESC. La stratégie
implique, par exemple, une mobilisation
pour faire appliquer de nouvelles
lois ou politiques, des recours en
justice, lutilisation dautres
institutions nationales, la demande
dintervention des Nations Unies
ou dorganismes régionaux des
droits humains, ou le recours aux
institutions financières multilatérales.
Il ne faut pas oublier
que les populations ou les membres
dune communauté concernés doivent participer
à tous les stades, que ce soit pour
identifier une stratégie, la mettre
en place ou apprendre des mesures
prises.
Léducation
aux droits humains comme une entreprise
créative
Il nous faut enfin
réitérer que léducation aux
droits humains doit être un processus
créatif. Les activistes des droits
ESC apprendront grâce aux groupes
(tels que groupes de femmes, groupes
de formation des adultes) qui se consacrent
au processus éducatif créatif.
Certaines techniques
simples peuvent aider à susciter la
réflexion et contribuent à apprendre
et à sautonomiser. En voici
quelques exemples:
Discussion
sur la respiration
Dans le cadre dun programme éducatif,
les participants, qui venaient dune
région rurale, furent invités à dire
à quels moments ils respiraient librement
et à quels moments ils respiraient
mal. Cétait pour la plupart
dentre eux la première fois
quils réfléchissaient à leur
respiration. Leurs réponses ont fait
ressortir des éléments intéressants.
Ils respiraient librement lorsquils
étaient heureux, lorsquils jouaient,
lorsquils prenaient part à un
processus créatif ou lorsquils
étaient avec des amis. Ils respiraient
mal quand ils étaient à court dargent,
quand leurs enfants étaient malades,
et autres cas difficiles semblables.
Il fut mentionné que les populations
pauvres, du fait de leurs occupations,
tendent à respirer plus souvent de
lair polluécest
ainsi que la situation des ouvriers
et autres groupes défavorisés ressortit
de la discussion sur la respiration.
Il fut également signalé que
les femmes respirent toujours mal,
car elles doivent faire face à nombre
de restrictions et veiller à leurs
familles. Le groupe fit remarquer
que dans leur communauté les hommes
ordonnent normalement aux femmes de
ne pas respirer lorsquils veulent
les faire taire ou les empêcher dexprimer
leur avis. Par conséquent, le facteur
du genre ressortit également de la
discussion.13
Cet exercice simple peut sappliquer à
la plupart des aspects des droits
ESC.
Comprendre
les distinctions de castes à travers
létude de la topographie des
villages
Dans le cadre dun autre programme éducatif,
la topographie des ressources en eau
dun village fut effectuée pour
faciliter la discussion sur les distinctions
de castes qui existaient dans la région.
Les participants furent invités à
examiner la politique de contrôle
des ressources en eau du village.
La discussion mena à lanalyse
des notions de pureté et de pollution,
du hunch (haute caste) et du
neech (basse caste). Les animateurs
fournirent des informations sur les
différentes castes de la région, ainsi
quune perspective historique
sur le système des castes.14
·
Le
recours aux histoires et aux fables
Un groupe de femmes travaillant sur la
santé des femmes a recours à la fable
suivante pour faciliter la discussion
avec les villageoises pauvres sur
linjustice quelles subissent
souvent. Les personnage, Sur
Oie et Oncle Renard, sont des animaux:
Sur
Oie vexe Oncle Renard, qui est riche
et puissant. On la traîne au poste
de police, où lInspecteur Renard
dépose plusieurs plaintes contre elle,
plaintes quelle comprend à peine.
Elle est convoquée au tribunal et,
malgré tous les arguments quelle
avance pour prouver son innocence,
le Magistrat Renard la déclare coupable.
En colère contre cette injustice,
elle décide de faire appel. Nayant
que peu dargent, elle met tous
ses biens en gage chez lUsurier
Renard, qui lui prête volontiers une
somme à un taux exorbitant. Le Juge
Renard du tribunal supérieur laccuse
de tendances et actions antisociales
et déclare que les gens comme elle
sont une menace pour la structure
même de la société. Elle est condamnée
à deux ans de prison ferme.
La fable est lue aux
participantes comme sil sagissait
dune pièce de théâtre, différentes
personnes jouant les rôles des protagonistes.
Une affiche illustrant les diverses
scènes est placée bien en vue.
Lhistoire peut paraître simpliste, mais
elle touche une corde sensible chez
ces femmes pauvres rurales, qui racontent
alors des épisodes similaires de leurs
vies. Elles analysent la fable et
concluent que les pauvres ne réalisent
souvent pas ce à quoi ils se mesurent
jusquà ce quils confrontent
le système. Quand une victime seule
comme Sur Oie demande naïvement
justice, on laccable et elle
perd. Sur Oie a commis lerreur
de se battre seule. Si elle avait
eu le soutien dautres dans son
cas, le résultat aurait probablement été
différent.15
·
Exercices
de simulation
Lexercice de
simulation suivant peut servir
à lancer une discussion sur la question
de laccès aux ressourcessujet
important dans le cadre des droits
ESC. Cet exercice peut être
effectué avec vingt personnes. Il
est nécessaire davoir une grande
feuille de papier blanc et vingt-quatre
crayons de différentes couleurs.
Séparez dabord
les participants en trois groupes.
Le premier, appelé « Pomme »,
comprend deux personnes, le deuxième,
« Mangue », six personnes
et le troisième, « Banane »,
onze personnes.
Puis, donnez la feuille
blanche et tous les crayons de couleur
au groupe Pomme. Demandez-leur dutiliser
autant de crayons que possible et
de faire un dessin en quatre minutes.
Lorsque le groupe Pomme
a fini, donnez la même feuille et
les crayons inutilisés au groupe Mangue,
qui doit dessiner dans lespace
libre et non sur le dessin du groupe
précédent. Il na que trois
minutes pour terminer son dessin.
Au bout des trois minutes,
donnez la feuille et les crayons inutilisés
au groupe Banane, qui doit dessiner
dans lespace laissé libre par
les deux groupes précédents. Ce groupe
dispose de deux minutes.
Montrez alors le dessin
pour que tous le voient. Analysez
le processus en demandant aux participants
quelles étaient les ressources à la
disposition du groupe et comment elles
étaient réparties. La discussion
doit ensuite mener à la disponibilité
des ressources et aux conflits qui
se produisent à cause de la recherche
de ressources naturelles et autres.16
Ce ne sont que quelques
exemples qui illustrent le grand nombre
de programmes créatifs que peuvent
utiliser les activistes dans le cadre
de léducation sur les droits
humains. Etablir et mettre sur pied
une méthode pédagogique créative fait
parti du défi que doivent relever
ceux qui oeuvrent à lavancement
des droits ESC.
Auteur: Lauteur de ce module est D.J. Ravindran.
NOTES
*
Le terme dautonomisation
a été choisi pour traduire le
concept anglophone dempowerment,
qui peut aussi être traduit par renforcement
des moyens daction ou renforcement
du pouvoir de la population
1. Voir par exemple
Richard Pierre Claude, Popular
Education for Human Rights: 24 Participatory
Exercises for Facilitators and Teachers
(Amsterdam et Cambridge: Human Rights
Education Associates, 2000).
3.. Roger I. Simon, « Empowerment as a Pedagogy
of Possibility », Language
Arts 64, no. 4 (Avril 1987).
4. Kathleen Rockhill, « Gender, Language
and the Politics of Literacy »
dans Cross-Cultural Approaches
to Literacy, éd. Brian V. Street
(Cambridge: Cambridge University
Press, 1993), 156-75.
5.. Adapté daprès Ann Hope, Training
for TransformationA Handbook
for Community Workers, (Gweru,
Zimbabwe: Mambo Press, 1994).
6.
Rahman, Md. A., « Theory and
Practice of Participatory Action Research »
WEP 10/Wp. 29 (Genève, OIT 1983),
cité dans Stan Burkey, People First:
A Guide to Self-Reliant Participatory
Rural Development (Londres: Zed
Books, 1993), 62.
7.Paulo Freire,
Pedagogy of the Oppressed (Pédagogie
des opprimés), traduit par Myra
Bergman Ramos (Londres: Penguin, 1972).
10.
Paulo Freire, « Dialogue is not
a Chaste Event » dans Comments
by Paulo Freire on Issues in Participatory
Research, compilation de Paul
Jurmo (University of Massachusetts,
Amherst: Center for International
Education, 1985).
11.
Paulo Freire, Letters to CristinaReflections
on My Life and Work (New York:
Routledge, 1996).
12.
Narration de N.B. Sarojini, SAMA,
New Delhi.
13.
Daprès un atelier organisé par
NIRANTAR, A Centre for Women and
Education, New Delhi.
14.
Windows to the WorldDeveloping
a Curriculum for Rural Women (New
Delhi, NIRANTAR, 1997).
15.
T.K. Sundari Ravindram, « Subverting
Patriarchy »: Workshops for Rural
Women (Tamil Nadu, Inde: Rural
Womens Social Education Centre,
1997).
16.
Cet exercice a été suggéré par
N.B. Sarojini, SAMA, New Delhi.
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