University of Minnesota



Observations finales du Comit
é pour l'élimination de la discrimination raciale, Sri Lanka, U.N. Doc. A/50/18,paras.110-142 (1995).






COMITE POUR L'ELIMINATION DE
LA DISCRIMINATION RACIALE
Quarante-sixième session


EXAMEN DES RAPPORTS PRESENTES PAR LES ETATS PARTIES
CONFORMEMENT A L'ARTICLE 9 DE LA CONVENTION

Conclusions du Comité pour l'élimination
de la discrimination raciale


Sri Lanka

110. Le Comité a examiné les troisième, quatrième, cinquième et sixième rapports périodiques du Sri Lanka, réunis en un seul document (CERD/C/234/Add.1) à ses 1079e et 1080e séances, tenues les 3 et 6 mars 1995 (CERD/C/SR.1079 et 1080).

111. Le rapport a été présenté par le représentant de l'État partie qui s'est déclaré convaincu qu'un dialogue constructif pourra être établi entre son pays, le Comité et d'autres mécanismes des Nations Unies dans le domaine des droits de l'homme. Il a appelé en particulier l'attention sur un changement important apporté récemment à la Constitution qui conférait un pouvoir administratif aux conseils des provinces en réponse aux revendications de minorités, et a précisé que le tamoul était devenu une langue officielle.

112. Le représentant a décrit les activités et les attributions de la Commission des langues officielles, établie en 1991, qui surveillait l'application des dispositions constitutionnelles concernant les langues et recommandait la politique à suivre à propos des langues officielles. Des initiatives avaient également été adoptées dans le domaine de l'emploi pour remédier aux problèmes concernant ces minorités. En application des recommandations de la Commission de la jeunesse, une politique de discrimination positive était appliquée pour remédier à la sous-représentation des groupes ethniques minoritaires au sein de la fonction publique, sous réserve des restrictions énoncées par la Cour suprême. Les faits nouveaux dans le domaine de la promotion de l'enseignement des droits de l'homme dans les écoles, les universités et les établissements spécialisés ont également été décrits.

113. Le représentant a déclaré que des progrès considérables avaient été accomplis dans la promotion des droits de l'homme à la suite du changement de gouvernement en 1994. Diverses mesures visant à favoriser la paix dans la partie septentrionale du pays ont été décrites, notamment l'établissement d'un cessez-le-feu et l'ouverture de négociations de paix avec les Tigres libérateurs de l'Eelam tamoul (LTTE), l'étude des possibilités de délégation de pouvoirs aux groupes minoritaires dans la région et de projets de relèvement. Il a également noté que le Gouvernement avait créé un Ministère des affaires ethniques et de l'intégration nationale et soumettra bientôt au Parlement une proposition visant à établir une commission nationale des droits de l'homme. Le représentant a soumis au Comité un document intitulé "Les droits de l'homme à Sri Lanka", qui décrit les mesures adoptées par son pays dans le domaine des droits de l'homme depuis la présentation du sixième rapport périodique.

114. Les membres du Comité ont félicité l'État partie pour la qualité de son rapport, établi conformément aux directives du Comité, et ont remercié le représentant pour les renseignements qu'il avait communiqués oralement. Les mesures adoptées par le Gouvernement pour trouver une solution politique aux problèmes dans les provinces septentrionale et orientale du pays ont été accueillies avec satisfaction ainsi que les récentes modifications constitutionnelles et législatives et l'établissement du Ministère des affaires ethniques et de l'intégration nationale. Les membres se sont félicités du développement de l'enseignement des droits de l'homme dans le pays et de la volonté exprimée par le Gouvernement de coopérer avec les organismes et mécanismes internationaux en matière de droits de l'homme.

115. Concernant l'article 2 de la Convention, les membres ont posé un certain nombre de questions au sujet de la Constitution de 1978 et sur les conditions dans lesquelles ses dispositions pouvaient être suspendues en cas de situation d'urgence. Des précisions ont également été demandées sur la compatibilité de la Constitution avec le droit international et le statut de la législation internationale en matière de droits de l'homme dans le système juridique national. Des membres ont demandé des renseignements sur l'application de la législation d'exception et sur la Commission nationale des droits de l'homme qu'il était envisagé de créer. Il a été demandé si, dans le cadre des efforts que le Gouvernement déployait pour combattre la discrimination conformément aux dispositions de l'article premier de la Convention, il envisageait de ratifier les conventions pertinentes de l'OIT et le Protocole II additionnel aux Conventions de Genève du 12 août 1949.

116. À propos de l'article 4, des renseignements complémentaires ont été demandés au sujet de l'application pratique des dispositions de droit pénal visant la répression des manifestations de haine raciale et religieuse. Des membres ont également exprimé leur crainte s'agissant de l'efficacité de ces dispositions et du fait qu'elles ne traitaient pas des actes de haine autres que ceux concernant la haine raciale ou religieuse.

117. En discutant de l'application de l'article 5, un certain nombre de membres ont appelé en particulier l'attention sur la situation des Tamouls, des Cinghalais et d'autres communautés. Des renseignements complémentaires ont été demandés notamment sur la liberté de circulation entre le continent et la péninsule de Jaffna et d'autres régions, le rôle de l'armée et la mesure dans laquelle elle pourrait s'opposer à la réconciliation nationale, les informations faisant état de la poursuite de la pratique de la torture par les forces de sécurité, ainsi que sur les activités de la Commission présidentielle chargée d'enquêter sur les enlèvements et les disparitions. Un membre a souhaité savoir quel était le sort des quelque 4 000 ou 5 000 Cinghalais qui, selon ce qu'avait déclaré le Gouvernement en 1991, devaient purger des peines de prison à perpétuité. Des renseignements ont été demandés sur la situation des quelque 85 000 Tamouls apatrides d'origine indienne se trouvant actuellement dans le pays.

118. Les autres questions posées à propos de l'article 5 portaient sur le traitement des travailleurs, notamment des femmes dans les zones franches, des libertés syndicales et de l'égalité des chances en matière d'emploi. Un membre a demandé si des quotas ethniques étaient ou pouvaient être utilisés pour l'attribution des postes dans la fonction publique, compte tenu en particulier des renseignements figurant dans le rapport selon lesquels 8 % de ces postes étaient réservés aux musulmans.

119. Concernant l'application de l'article 6, des membres ont demandé des renseignements complémentaires sur les activités des commissions constituées pour examiner les cas de corruption, de disparitions et d'assassinats politiques, ainsi que sur la protection accordée aux personnes qui avaient été menacées pour avoir intenté des actions contre l'État dans des affaires concernant des violations des droits de l'homme. Des précisions ont été également demandées au sujet de l'efficacité des recours juridiques disponibles en cas de violation des droits protégés par la Convention et du rôle et des activités de l'ombudsman. Certains membres ont exprimé la crainte que les divers organes de surveillance du respect des droits de l'homme et de recours fassent double emploi ou se gênent dans l'accomplissement de leurs activités.

120. Le représentant de l'État partie, avant de répondre à ces questions, s'est déclaré satisfait du dialogue établi avec le Comité et a donné l'assurance que les questions qui ne seraient pas traitées oralement seraient examinées dans le prochain rapport de son pays.

121. Le représentant a donné des précisions sur les exigences de sécurité qui avaient empêché l'organisation d'un recensement national et a fourni des détails sur les nouvelles réformes constitutionnelles, y compris le renforcement des garanties en matière de droits de l'homme. Il a souligné que ces réformes réduiront les possibilités de limiter un certain nombre de droits autres que ceux nécessaires pour maintenir l'ordre public. Le représentant a précisé que la politique de l'État visait à assurer la compatibilité des lois nationales avec les normes internationales avant d'adhérer aux instruments internationaux.

122. L'état d'urgence, proclamé dans l'ensemble du pays le 24 octobre 1994, était encore en vigueur dans certaines régions.

123. Le représentant a fourni des informations indiquant qu'un grand nombre des détenus mentionnés par des membres avaient été libérés et qu'une enquête était en cours afin de formuler des recommandations sur les libérations et les conditions de détention. Le Gouvernement devrait adopter toutes les mesures nécessaires pour faire cesser et réprimer les violations des droits de l'homme.

124. Le représentant a décrit en détail le mandat et la composition de la commission nationale des droits de l'homme qu'il était envisagé de créer et a fait savoir que ses rapports seraient soumis régulièrement au Parlement.

125. En réponse aux questions d'un membre, le représentant a expliqué les raisons pour lesquelles la liberté de circulation avait été limitée entre le continent et la péninsule de Jaffna et a exprimé la détermination de son gouvernement de remédier à cette situation.

126. Des précisions ont été données au sujet de la nature des communautés musulmanes et tamoules et des consultations menées avec les communautés musulmanes à propos de questions concernant leurs conditions de vie.

127. Le représentant a fait observer que le nombre de personnes disparues dans le pays était considérablement inférieur au chiffre de 60 000 mentionné par un membre. Il a décrit la politique de son gouvernement concernant le rôle futur des forces armées et les programmes en cours d'enseignement des droits de l'homme destinés à l'armée. Il a décrit également les stratégies visant à favoriser et assurer le retour des personnes déplacées. D'autres initiatives institutionnelles avaient été prises pour remédier aux problèmes des droits de l'homme notamment la création du groupe d'action pour les droits de l'homme, de la Commission indépendante sur la corruption, du Centre pour l'indépendance des magistrats et des avocats, l'application des recommandations du Groupe de travail des Nations Unies sur les disparitions forcées ou involontaires, l'établissement de la Commission présidentielle d'enquête sur les disparitions involontaires, de l'ombudsman, etc. Le rôle de la Cour suprême a également été décrit.

128. Le représentant a démenti que la liberté religieuse, la liberté d'expression ou syndicale et les droits en matière d'emploi étaient limités d'une manière incompatible avec la Convention.

129. En conclusion, le représentant a fourni des données chiffrées sur la composition ethnique dans la fonction publique et la politique de l'État en matière de recrutement.

Conclusions

130. À sa 1094e séance, tenue le 15 mars 1995, le Comité a adopté les conclusions suivantes.

a) Introduction

131. Le Comité félicite l'État partie de la qualité de son rapport, qui suit les directives du Comité concernant l'établissement des rapports et il remercie la délégation sri-lankaise des informations supplémentaires qu'elle lui a fournies oralement. Il note avec satisfaction la présentation par Sri Lanka du document de base (HRI/CORE/1/Add.48) ainsi que du document intitulé "Les droits de l'homme à Sri Lanka", qui contient des informations de nature générale. Le Comité regrette, toutefois, que les troisième, quatrième, cinquième et sixième rapports périodiques n'aient pas été présentés à temps et que le rapport considéré les regroupe et porte sur une période de près de 10 ans.

b) Aspects positifs

132. Le Comité accueille avec satisfaction les mesures adoptées par le Gouvernement d'Alliance populaire de Sri Lanka en vue de trouver une solution politique aux problèmes que connaissent les provinces du Nord et de l'Est. Ces mesures, notamment l'ouverture de négociations avec les Tigres libérateurs de l'Eelam tamoul (LTTE), l'élaboration de projets de relèvement d'une valeur de quelque 800 millions de dollars des États-Unis pour la province du Nord et la signature d'un accord de cessation des hostilités avec le LTTE, qui est entré en vigueur le 8 janvier 1995, ouvrent la voie à l'intégration nationale et à la promotion de la réconciliation nationale entre toutes les communautés de la société sri-lankaise.

133. Le Comité accueille également avec satisfaction les mesures législatives et administratives que le Gouvernement a prises récemment pour encourager et consolider le processus de règlement pacifique de la situation de conflit qui a régné dans le pays pendant la période considérée. Entre autres mesures, le Comité relève le treizième amendement à la Constitution qui prévoit, notamment, la création du système des conseils provinciaux afin de satisfaire les demandes des minorités et l'introduction du tamoul en tant que langue officielle, avec le cinghalais, l'anglais faisant office de langue véhiculaire; les amendements à la loi No 17 de 1981 relative au Commissaire parlementaire à l'administration, qui simplifie la procédure de soumission et d'examen des plaintes; la création d'un ministère des affaires ethniques et de l'intégration nationale et l'établissement annoncé d'une commission nationale des droits de l'homme qui donnera aux minorités une tribune supplémentaire pour faire entendre leurs plaintes et obtenir réparation.

134. Le Comité note avec satisfaction les mesures prises par le Gouvernement pour faire connaître les droits de l'homme dans tous les milieux de la communauté nationale, notamment en incorporant les concepts relatifs à ces droits dans les programmes scolaires, en dispensant une formation en la matière aux responsables de l'application des lois et en faisant des droits de l'homme une discipline des études universitaires à tous les niveaux.

135. Le Comité est heureux que le Gouvernement sri-lankais soit disposé à coopérer avec les divers mécanismes de l'Organisation des Nations Unies chargés de veiller au respect des droits de l'homme et avec d'autres institutions et organes intergouvernementaux et non gouvernementaux qui protègent ces droits.

c) Facteurs et difficultés entravant l'application de la Convention

136. Le Comité note que la situation régnant dans le pays pendant la période considérée n'a pas été favorable à la mise en oeuvre effective de la Convention et que, de ce fait, il a été difficile à l'État partie de s'acquitter de ses obligations en matière d'établissement de rapports, ce qui a empêché le Comité de s'acquitter de ses obligations conformément au paragraphe 1 de l'article 9 de la Convention.

d) Principaux sujets de préoccupation

137. Le Comité note avec préoccupation que l'état d'urgence, intermittent depuis 1983, reste en vigueur sur une grande partie du territoire national. Il espère que la situation s'améliorera pour que l'état d'urgence puisse être levé.

138. Le Comité se déclare préoccupé de ce que l'État partie n'ait pas fourni suffisamment d'informations sur la mise en oeuvre des dispositions des articles 4 et 5 de la Convention.

e) Suggestions et recommandations

139. Le Comité rappelle à l'État partie qu'il a l'obligation, au titre de l'article 9 de la Convention, de faire rapport régulièrement, et que son septième rapport, exigible le 20 mars 1995, doit être présenté sans retard.

140. Le Comité recommande également à l'État partie de s'attacher davantage à sensibiliser les organismes chargés de l'application des lois et les membres des forces armées et de sécurité aux droits de l'homme.

141. Par ailleurs, le Comité recommande que, dans son septième rapport périodique, l'État partie fournisse des informations plus détaillées sur les organes de défense des droits de l'homme qui fonctionnent dans le pays, et en particulier sur les rapports entre leurs mandats et les droits énoncés dans la Convention; il souhaite également avoir des précisions sur l'interaction entre ces organes et sur la coordination de leurs activités.

142. Le Comité recommande au Gouvernement de lui fournir les informations voulues pour qu'il puisse évaluer la manière dont Sri Lanka met en oeuvre les articles 4 b) et 5 e) de la Convention. Il est rappelé au gouvernement qu'il devrait adopter des lois pénales spécifiques conformément à la Recommandation générale 15.



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