COMITÉ POUR L'ÉLIMINATION
DE LA DISCRIMINATION RACIALE
Soixante-deuxième session
3-21 mars 2003
EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES
CONFORMÉMENT À L'ARTICLE 9 DE LA CONVENTION
Conclusions du Comité pour l'élimination de la discrimination raciale
*
Fédération de Russie
1. Le Comité a examiné les quinzième, seizième et dix-septième rapports périodiques
de la Fédération de Russie, soumis en un seul document (CERD/C/431/Add.2),
à ses 1564e et 1565e séances, tenues les 10 et 11 mars 2003 (CERD/C/SR.1564
et 1565). À ses 1580e et 1581e séances, tenues les 20 et 21 mars 2003 (CERD/C/SR.1580
et 1581), il a adopté les conclusions ci-après.
A. Introduction
2. Le Comité accueille avec satisfaction les quinzième, seizième et dix-septième
rapports périodiques, soumis en un seul document, ainsi que les renseignements
supplémentaires fournis par la délégation de l'État partie pendant sa présentation
orale. Il se félicite du haut niveau de représentation de la délégation dépêchée
par l'État partie et du dialogue constructif qu'il a pu avoir avec ce dernier.
B. Aspects positifs
3. Le Comité se félicite de l'adoption et de l'entrée en vigueur du Code du
travail, en particulier des dispositions visant à éliminer la discrimination
dans les relations de travail.
4. Le Comité prend note avec satisfaction des mesures concrètes prises
par l'État partie à l'encontre des organisations nationalistes et racistes
extrémistes.
5. Le Comité se félicite de l'adoption en 2001 du programme fédéral spécial
intitulé «Inculquer la tolérance et prévenir l'extrémisme dans la société
russe, 2001-2005».
6. Le Comité se félicite de l'adoption d'une série de textes législatifs
visant à protéger les droits des populations autochtones. Il se félicite
également d'avoir été informé par la délégation que le rythme des travaux
préparatoires en vue de la ratification de la Convention no 169 de l'Organisation
internationale du Travail (OIT) avait été accéléré.
7. Le Comité se félicite des efforts déployés pour renforcer la coopération
entre l'État partie et les organisations de la société civile, y compris
les activités en cours découlant du Forum civique de 2001.
8. Le Comité se félicite de la ratification par l'État partie de la Convention-cadre
du Conseil de l'Europe pour la protection des minorités nationales en 2001.
9. Le Comité prend acte avec satisfaction des assurances de la délégation
de l'État partie selon lesquelles les personnes déplacées de Tchétchénie
qui vivent dans les régions voisines de cette république seront autorisées
à participer au référendum sur la nouvelle constitution qui aura lieu en
Tchétchénie.
C. Sujets de préoccupation et recommandations
10. Le Comité constate avec préoccupation l'absence de définition de la discrimination
raciale dans le droit interne. Même si la législation offre une protection
dans ce domaine sans employer le terme «discrimination», le Comité encourage
l'État partie à envisager d'introduire dans les textes pertinents une interdiction
explicite de la discrimination raciale telle qu'elle est définie à l'article
premier de la Convention.
11. Le Comité constate qu'un certain nombre d'institutions, dont la Procurature
générale, le Commissaire fédéral aux droits de l'homme et la Commission
présidentielle des droits de l'homme, ont à connaître de cas de discrimination
raciale dans le cadre d'affaires concernant plus largement les droits de
l'homme. Pour se faire une idée plus précise de leurs travaux, le Comité
prie l'État partie de communiquer, dans son prochain rapport périodique,
des renseignements sur les cas de discrimination raciale examinés par ces
organes.
12. Le Comité déplore qu'un grand nombre d'anciens citoyens soviétiques,
qui résidaient auparavant légalement en Fédération de Russie, aient été
considérés comme des migrants en situation irrégulière depuis l'entrée en
vigueur en 2002 des lois fédérales sur la nationalité russe et sur le statut
juridique des étrangers dans la Fédération de Russie. Le Comité engage l'État
partie à prendre des mesures pour régulariser la situation de cette catégorie
de personnes.
13. Le Comité est préoccupé par les informations faisant état d'inspections
et de contrôles d'identité motivés par des considérations raciales visant
les membres de certaines minorités, y compris celles du Caucase et de l'Asie
centrale, ainsi que les Roms. Il recommande à l'État partie de prendre immédiatement
des mesures pour mettre fin à la pratique des contrôles d'identité arbitraires
par les forces de l'ordre. Ces mesures devraient comprendre l'organisation
d'activités d'éducation et de sensibilisation des fonctionnaires de police
et des personnels chargés de l'application des lois, en vue de faire en
sorte que, dans l'exercice de leurs fonctions, les personnels concernés
respectent et protègent les droits fondamentaux de toutes les personnes,
sans distinction aucune fondée sur la race, la couleur ou l'origine raciale
ou ethnique.
14. Le Comité est préoccupé par les nombreuses informations selon lesquelles
l'enregistrement obligatoire du domicile est utilisé comme une mesure discriminatoire
à l'égard de certains groupes ethniques et l'absence d'un tel enregistrement
sert de prétexte pour refuser de reconnaître un certain nombre de droits
politiques, économiques et sociaux. Tout en se félicitant que les tribunaux
de l'État partie aient déclaré ces pratiques inconstitutionnelles, le Comité
recommande à l'État partie de s'assurer que, dans l'application du système
d'enregistrement du domicile, les normes énoncées dans la législation fédérale
et entérinées par les décisions de la Cour constitutionnelle et de la Cour
suprême sont strictement observées.
15. Le Comité est préoccupé par les nombreuses informations concordantes
concernant la discrimination à l'égard des Meskhètes du territoire de Krasnodar,
y compris le refus arbitraire d'enregistrer leur domicile et de reconnaître
officiellement leur nationalité russe. Il demande instamment à l'État partie
de faire en sorte que les intéressés, qui sont arrivés en Fédération de
Russie entre 1989 et 1991, soient enregistrés comme il se doit et jouissent
des droits et avantages de la nationalité russe. De même, il l'engage à
veiller à ce que les autorités locales n'exercent aucune pression sur les
Meskhètes pour qu'ils s'installent en dehors du territoire de Krasnodar.
16. Le Comité est conscient de l'histoire particulière des Cosaques dans
la Fédération de Russie, mais il n'en déplore pas moins les informations
selon lesquelles des organisations cosaques se livrent à des actes d'intimidation
et de violence contre des groupes ethniques. Selon les renseignements reçus,
ces organisations, qui fonctionnent comme des groupes paramilitaires et
sont utilisées par les autorités pour exercer des fonctions de police, bénéficient
de privilèges particuliers, y compris de subventions de l'État. À ce propos,
le Comité recommande que, conformément à l'article 2 b) de la Convention,
l'État partie s'assure qu'aucun appui n'est fourni aux organisations qui
encouragent la discrimination raciale et fasse en sorte que les groupes
paramilitaires cosaques ne puissent exercer des fonctions de maintien de
l'ordre contre des groupes ethniques.
17. Le Comité déplore le fait que les Tchétchènes qui ont cherché refuge
hors de Tchétchénie sur le territoire russe, se voient refuser le statut
de migrants involontaires. Il encourage l'État partie à prendre des mesures
efficaces pour garantir qu'aucun groupe ne fait l'objet d'une discrimination
dans l'octroi du statut de migrant involontaire.
18. Le Comité est préoccupé par les informations selon lesquelles des personnes
déplacées ont été contraintes de quitter les camps où elles séjournaient
alors que les conditions relatives à leur sécurité n'étaient pas assurées
pour leur retour en Tchétchénie. Le Comité recommande à l'État partie de
prendre des mesures efficaces pour garantir que le retour des Tchétchènes
déplacés a lieu sur une base volontaire et dans des conditions de sécurité
et de dignité.
19. Le Comité souhaiterait recevoir des renseignements supplémentaires
sur la protection accordée aux réfugiés et aux demandeurs d'asile dans l'État
partie et sur la possibilité qu'ont les enfants de demandeurs d'asile de
fréquenter l'école.
20. Le Comité est préoccupé par la situation difficile des populations
autochtones dans l'État partie. À ce propos, il prie l'État partie de communiquer,
dans son prochain rapport périodique, des informations sur les progrès accomplis
dans l'application des lois et programmes fédéraux visant à protéger les
droits de ces populations. En particulier, il souhaiterait recevoir des
informations concernant la création de territoires de subsistance traditionnelle
dans le cadre de la législation fédérale et l'impact du Code foncier de
2001 sur les droits de propriété des populations autochtones.
21. Eu égard aux nombreuses lois intéressant l'application de la Convention,
qui sont examinées par la Commission des nationalités de la Douma d'État
et adoptées sur son initiative, le Comité prie l'État partie de présenter
dans son prochain rapport périodique des données actualisées sur les travaux
de ladite Commission, y compris l'élaboration d'un projet de loi fédérale
portant sur la protection des droits des minorités.
22. Tout en se félicitant des mesures prises pour appliquer l'article 4
de la Convention, le Comité déplore l'absence de définition claire de la
notion d'extrémisme politique dans la loi fédérale de 2002 relative à la
lutte contre les activités extrémistes. Il encourage l'État partie à revoir
cette loi en vue d'en définir le champ d'application de façon plus précise.
23. Le Comité souhaite recevoir, dans le prochain rapport périodique, des
informations sur la façon dont les articles du Code pénal intéressant l'article
4 de la Convention, ainsi que la loi fédérale relative à la lutte contre
les activités extrémistes, sont appliqués, y compris des données statistiques
sur le nombre et le résultat des plaintes déposées.
24. Le Comité prend note des efforts engagés pour lutter contre le fléau
du terrorisme, mais il est préoccupé d'apprendre que les forces de l'ordre
s'en prennent particulièrement à certains groupes, notamment des Tchétchènes.
À ce propos, le Comité appelle l'attention de l'État partie sur sa déclaration
du 8 mars 2002, dans laquelle il souligne l'obligation qui incombe aux États
de veiller «à ce que les mesures prises pour lutter contre le terrorisme
n'aient pas pour but ou pour effet d'entraîner une discrimination fondée
sur la race, la couleur, l'ascendance ou l'origine nationale ou ethnique»
(A/57/18, chap. XI, sect. C, par. 5).
25. Le Comité est préoccupé par les informations selon lesquelles des documents
racistes visant des groupes minoritaires et perpétuant des stéréotypes sont
diffusés dans les médias nationaux. Il recommande à l'État partie de suivre
de près la situation et de communiquer, dans son prochain rapport périodique,
des renseignements détaillés sur toute procédure judiciaire instituée à
l'encontre de médias.
26. En ce qui concerne le prochain référendum en Tchétchénie, le Comité
recommande à l'État partie d'appuyer le débat public sur la constitution
de la République tchétchène et de ne ménager aucun effort pour faire en
sorte que cette consultation favorise le retour à la paix dans la région.
27. Le Comité exprime sa préoccupation devant l'incidence des agressions
racistes violentes perpétrées contre des minorités ethniques par, notamment,
des skinheads et des néonazis. À ce propos, il recommande à l'État partie
de redoubler d'efforts pour prévenir la violence raciste et protéger les
minorités ethniques et les étrangers, y compris les réfugiés et les demandeurs
d'asile. De plus, il le prie de fournir dans son prochain rapport périodique
une liste des affaires ayant fait l'objet d'une enquête et portées devant
les tribunaux.
28. Le Comité encourage l'État partie à consulter les organisations de
la société civile qui participent à la lutte contre la discrimination raciale
lorsqu'il établira son prochain rapport périodique.
29. Le Comité recommande fermement à l'État partie de ratifier l'amendement
au paragraphe 6 de l'article 8 de la Convention, adopté le 15 janvier 1992
à la quatorzième Réunion des États parties à la Convention et approuvé par
l'Assemblée générale dans sa résolution 47/111. À ce propos, il renvoie
à la résolution 57/194 dans laquelle l'Assemblée demande instamment aux
États parties de hâter leurs procédures internes de ratification de l'amendement
et d'informer par écrit le Secrétaire général, dans les meilleurs délais,
de leur acceptation de cet amendement.
30. Le Comité recommande à l'État partie de tenir compte des passages pertinents
de la Déclaration et du Programme d'action de Durban lorsqu'il incorpore
dans l'ordre juridique interne les dispositions de la Convention, en particulier
celles des articles 2 à 7, et de communiquer dans son prochain rapport périodique
des renseignements sur les plans d'action et autres mesures adoptés pour
appliquer au niveau national la Déclaration et le Programme d'action de
Durban.
31. Le Comité recommande à l'État partie de mettre à la disposition du
grand public ses rapports périodiques dès leur présentation, et de faire
connaître de la même manière les conclusions correspondantes du Comité.
32. Le Comité recommande à l'État partie de soumettre son dix-huitième
rapport périodique en même temps que le dix-neuvième, attendu le 6 mars
2006, dans un document unique consistant en une mise à jour du dernier rapport
et portant sur les points soulevés dans les présentes conclusions.
_________________
* La cote CERD/C/no de session/CO/… remplace désormais la cote CERD/C/304/Add…