University of Minnesota



Conclusions du Comit
é pour l'élimination de la discrimination raciale, Fédération de Russie, U.N. Doc. CERD/C/304/Add.43 (1998).




COMITE POUR L'ELIMINATION
DE LA DISCRIMINATION RACIALE
Cinquante-deuxième session

EXAMEN DES RAPPORTS PRESENTES PAR LES ETATS PARTIES
CONFORMEMENT A L'ARTICLE 9 DE LA CONVENTION

Conclusions du Comité pour l'élimination
de la discrimination raciale

Fédération de Russie

1. Le Comité a examiné le quatorzième rapport périodique de la Fédération de Russie (CERD/C/299/Add.15) à ses 1246ème et 1247ème séances, tenues les 2 et 3 mars 1998. A sa 1268ème séance, le 17 mars 1998, il a adopté les conclusions suivantes.

A. Introduction

2. Le Comité félicite l'Etat partie d'avoir soumis son rapport dans les délais fixés, de se montrer résolu à présenter un rapport régulièrement et de s'être fait représenter auprès du Comité par une délégation nombreuse et de haut niveau, toutes choses qui montrent l'importance que le Gouvernement de la Fédération de Russie attache aux obligations qui lui incombent en vertu de la Convention. Le Comité note également avec satisfaction le caractère ouvert et constructif du dialogue avec la délégation, qu'il remercie des renseignements supplémentaires fournis oralement.

3. Le Comité note que l'Etat partie s'est efforcé de tenir compte de certaines des préoccupations qu'il avait exprimées dans ses conclusions adoptées à l'issue de l'examen des douzième et treizième rapports périodiques. Toutefois, le quatorzième rapport était davantage une mise à jour, axée surtout sur les faits nouveaux survenus depuis l'examen du rapport précédent, qu'un rapport complet, comme le Comité l'avait demandé, et il n'était pas établi tout à fait conformément aux principes directeurs concernant la forme et la teneur des rapports.

B. Facteurs et difficultés entravant l'application de la Convention

4. Il est noté que la Fédération de Russie est un vaste pays pluriethnique, multireligieux et multiculturel, composé de plus de 176 nationalités et groupes ethniques. Les transformations politiques qui ont eu lieu au cours des dernières années continuent d'avoir des répercussions sur la situation économique et sociale de la population.

5. Une discrimination a de tout temps été exercée contre des individus pour des motifs ethniques. Ces dernières années, les tensions interethniques ont augmenté dans plusieurs régions de la Fédération de Russie. De plus, il s'agit d'un pays en transition, qui connaît des problèmes de coordination aux niveaux législatif et administratif.

C. Aspects positifs

6. Il est noté avec satisfaction que depuis l'examen des rapports précédents, de nouveaux textes législatifs ont été adoptés pour compléter les dispositions de la Constitution qui garantissent l'égalité en matière de droits et de libertés et interdisent la discrimination. Ainsi, un nouveau Code pénal est entré en vigueur le 1er janvier 1997, apportant des modifications aux dispositions du droit pénal relatives à l'interdiction de la discrimination pour quelque motif que ce soit. L'article 282 érige en infraction pénale tout acte commis dans l'intention d'inciter à la haine ou à la discorde nationale, raciale ou religieuse, le fait de porter atteinte à l'honneur ou aux sentiments nationaux, de défendre la thèse d'une exclusivité ou d'une infériorité des citoyens en raison des croyances religieuses, de la nationalité ou de la race, ou de restreindre les droits de certains citoyens, ou encore d'établir des privilèges pour certains, directement ou indirectement, en fonction de la race, de la nationalité ou de l'attitude à l'égard de la religion. L'article 282 prévoit également des peines pour les responsables de tels actes. L'article 63 pose le principe général que "la haine ou l'hostilité nationales, raciales ou religieuses" comme motif d'une infraction constituent une circonstance aggravante.

7. Il est noté également l'entrée en vigueur de la loi relative à l'autonomie culturelle des nationalités qui vise principalement à garantir aux personnes appartenant à toutes les communautés ethniques l'autonomie culturelle. Cette loi instaure un cadre pour l'élaboration de programmes de développement culturel et en application de ses dispositions un conseil consultatif pour les questions d'autonomie culturelle des nationalités a été constitué. Au cours de la période examinée, un certain nombre d'organes culturels autonomes régionaux, locaux et fédéraux, ont été créés.

8. Les principes de la politique de l'Etat en matière de nationalités ont été adoptés en juin 1996. Il s'agit de principes et de modes d'approche fondamentaux devant être appliqués pour régler les problèmes rencontrés dans les relations entre les différentes nationalités, au nombre desquels figure le principe de l'égalité des droits pour tous les groupes ethniques. Pour mettre en oeuvre ces principes, une commission gouvernementale a été créée et des mesures prioritaires ont été adoptées.

9. Il est noté également que plusieurs républiques ont adopté des textes législatifs garantissant les droits des minorités nationales, des peuples autochtones et des groupes ethniques.

10. La Douma d'Etat a travaillé à l'élaboration de diverses lois fédérales importantes, notamment la loi sur les minorités nationales, la loi sur les communautés autochtones de l'Extrême-Orient russe, de Sibérie et du Nord, numériquement peu importantes, et la loi sur les réfugiés et les personnes déplacées.

11. Il est noté que des efforts sont engagés pour renforcer le système judiciaire et garantir l'indépendance du pouvoir judiciaire. Ainsi, la loi sur le système judiciaire, entrée en vigueur à la fin de l'année 1996, contient des garanties visant à assurer une administration de la justice indépendante. Des efforts ont également été engagés pour assurer la formation des magistrats aux questions liées à l'exercice par les citoyens de leurs droits et libertés.

D. Principaux sujets de préoccupation

12. L'augmentation de l'incidence des actes de discrimination raciale et des conflits interethniques qui se sont produits dans l'Etat partie est relevée avec préoccupation.

13. Le rapport donne peu de renseignements sur les activités du Bureau du Procureur et du pouvoir judiciaire en matière d'enquête et de répression des actes de discrimination raciale. Les renseignements donnés oralement à ce sujet et les indications fournies sur la réparation des dommages subis du fait d'une discrimination de cette nature étaient limités.

14. Malgré les efforts consentis, les insuffisances du cadre législatif mis en place pour protéger les individus contre la discrimination raciale persistent. Ainsi, la législation ne donne pas de définition de la discrimination raciale selon les dispositions de l'article premier de la Convention. En outre, ni la Constitution ni le Code pénal ne contient de dispositions permettant de donner pleinement effet à l'article 4 b) de la Convention.

15. La situation en Tchétchénie donne matière à préoccupation. Il est noté qu'un certain nombre de mesures importantes ont été prises pour parvenir à un règlement pacifique du conflit. Toutefois des violations graves des droits de l'homme continuent de se produire dans cette République. Il faut poursuivre sans relâche les efforts en vue d'une réconciliation.

E. Suggestions et recommandations

16. Bien que la Constitution établisse un cadre pour la protection des individus contre la discrimination raciale, il est suggéré que de nouvelles mesures soient prises pour harmoniser la législation intérieure avec les dispositions de la Convention. A ce sujet, le Comité recommande en particulier l'adoption de mesures appropriées pour déclarer illégaux et interdire tous les groupes politiques et organisations qui encouragent les idées racistes ou ont des objectifs racistes et toutes les activités de cette nature, comme il est prescrit à l'article 4 de la Convention.
Il souhaite recevoir de plus amples renseignements sur les enquêtes ouvertes par les procureurs sur les cas de discrimination raciale et sur les peines prononcées par les tribunaux.

17. Il faudrait veiller à appliquer sans réserve la législation nationale de façon à garantir dans les faits l'exercice par chacun des droits consacrés à l'article 5 de la Convention et, en particulier, du droit à la liberté de mouvement et de résidence et du droit à une nationalité.

18. Le Comité invite l'Etat partie à donner dans son prochain rapport de plus amples renseignements sur les questions ci-après : a) les plaintes déposées pour discrimination raciale et les affaires portées devant les tribunaux, ainsi que les décisions et jugements rendus, conformément à l'article 6 de la Convention; b) la réparation pour les dommages subis du fait d'une discrimination dans les affaires portées devant les tribunaux; c) les mesures prises par l'Etat partie pour lutter contre les préjugés raciaux, pour promouvoir la compréhension entre différents groupes et d'autres questions relevant de l'article 7 de la Convention; d) l'état d'avancement des projets de loi actuellement en lecture devant la Commission des nationalités de la Douma d'Etat, ainsi que du projet de loi visant à interdire la propagation du fascisme; e) les mesures prises pour garantir comme il convient le développement et la protection des groupes les moins développés de la Fédération; f) la situation des Tziganes ou des Roms; g) les mesures prises pour lutter contre les organisations qui font de la propagande raciste; h) la situation des peuples autochtones du nord, de la Sibérie et de l'Extrême-Orient russe.

19. Le Comité recommande que les projets de loi en lecture devant la Douma d'Etat qui visent à garantir l'égalité et la non-discrimination tenant à des motifs de race, ainsi que le projet de plan d'action en vue de mettre en oeuvre les principes de la politique de l'Etat en matière de nationalités prévoient des moyens de contrôle dans lesquels les groupes bénéficiaires seront représentés.

20. Il faudrait accorder plus d'attention aux programmes visant à améliorer les relations entre les groupes ethniques ainsi qu'à assurer comme il convient le développement et la protection des groupes les moins favorisés, conformément au paragraphe 2 de l'article 2 de la Convention.

21. La formation des magistrats et des responsables de l'application de la loi aux questions liées à l'exercice par les individus de leurs droits et libertés et, plus particulièrement, au droit de ne pas être victime d'une discrimination pour des motifs tenant à la race doit être poursuivie et développée.

22. Il faudrait poursuivre les efforts tendant à renforcer le système judiciaire et l'indépendance de l'appareil judiciaire.

23. En ce qui concerne les peuples autochtones, le Comité recommande à l'Etat partie d'envisager de ratifier la Convention No 169 de l'OIT.

24. Le Comité recommande l'adoption de nouvelles mesures visant à assurer aux minorités et aux groupes autochtones un enseignement élémentaire dans leur propre langue.

25. Le Comité recommande à l'Etat partie de renforcer les mesures qu'il a prises en vue de protéger les droits fondamentaux en Tchétchénie, dans la République des Ingouches et en Ossétie du nord. Il faudrait en particulier prendre des mesures pour garantir que les violations graves du droit international humanitaire ne restent pas impunies, que les victimes reçoivent une réparation juste et équitable et que les personnes déplacées retrouvent une vie normale et puissent retourner dans leur lieu d'origine.

26. Le Comité suggère à l'Etat partie de ratifier les amendements au paragraphe 6 de l'article 8 de la Convention, adoptés à la quatorzième réunion des Etats parties.

27. Le Comité suggère à l'Etat partie de réfléchir à toutes les questions soulevées lors de l'examen du quatorzième rapport et d'assurer la diffusion du rapport et des conclusions adoptées à l'issue de cet examen. La procédure de présentation de communications individuelles (art. 14 de la Convention) que l'Etat partie a acceptée devrait être portée à la connaissance de l'opinion publique, dans les diverses langues.

28. Le Comité recommande à l'Etat partie de veiller à ce que son prochain rapport, attendu pour le 6 mars 1998, soit aussi complet que possible et suive les principes directeurs concernant la forme et la teneur des rapports périodiques. Ce rapport devrait également traiter de toutes les questions soulevées dans les présentes conclusions.



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