University of Minnesota



Observations finales du Comit
é pour l'élimination de la discrimination raciale, Pologne, U.N. Doc. A/48/18,paras.179-198 (1993).






COMITE POUR L'ELIMINATION DE
LA DISCRIMINATION RACIALE

EXAMEN DES RAPPORTS PRESENTES PAR LES ETATS PARTIES
CONFORMEMENT A L'ARTICLE 9 DE LA CONVENTION


Conclusions du Comité pour l'élimination
de la discrimination raciale

Pologne


178. Le Comité a examiné les dixième, onzième et douzième rapports périodiques de la Pologne, présentés dans un document unique (CERD/C/226/Add.2), à ses 981e, 982e et 983e séances, les 17 et 18 mars 1993 (CERD/C/SR.981 à 983).

179. En présentant le rapport de son pays, le représentant a expliqué que, depuis la rédaction du rapport en 1992, il n'y avait eu aucun fait nouveau digne d'être mentionné concernant la situation de la discrimination raciale en Pologne. Il a insisté sur le fait que, en Pologne, aucune loi n'établissait de distinction touchant la situation juridique des personnes pour des motifs de race ou d'origine ethnique. A plusieurs occasions, le tribunal constitutionnel avait déclaré que le principe de l'égalité devant la loi constituait le fondement même de l'Etat et devait être strictement respecté par tous ses organes. La Pologne possédait un système complet de garanties institutionnelles de la primauté du droit, qui était fondé sur l'indépendance de la magistrature. La justice n'était pas seulement administrée par les tribunaux, mais également par le commissaire aux droits de l'homme ou ombudsman, lequel était habilité à agir non seulement en cas d'infraction à la loi, mais aussi en cas de violation des principes acceptés de la vie communautaire. Les cas de discrimination en Pologne étaient peu nombreux et généralement liés à la nationalité.

180. En ce qui concerne l'application des traités internationaux relatifs aux droits de l'homme ratifiés par la Pologne, le représentant a informé le Comité que, suite à la décision prise par la Cour suprême en juin 1992, dorénavant ces traités seraient directement applicables et auraient force obligatoire, pour autant qu'ils soient en eux-mêmes susceptibles d'exécution. Malheureusement, la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale, qui avait été ratifiée avant la modification de la Constitution d'avril 1989, ne pouvait pas encore être considérée comme directement incorporée au droit polonais. Toutefois, cette situation devrait changer avec l'adoption de la nouvelle Constitution, qui mettrait tous les instruments relatifs aux droits de l'homme ratifiés par la Pologne sur un pied d'égalité et en ferait une partie intégrante du droit interne, quelle que soit leur date de ratification.

181. Des membres du Comité se sont félicités de la tendance récente vers une plus grande démocratie en Pologne. Le fait que la Pologne ait ratifié la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et qu'elle ait accepté à la fois la compétence de la Cour européenne des droits de l'homme et la procédure par laquelle des pétitions individuelles peuvent être présentées à la Commission européenne des droits de l'homme prouvait que ce pays avait renforcé son statut d'Etat démocratique fondé sur la primauté du droit.

182. Des membres du Comité ont noté que le rapport à l'étude était assez bref et qu'il n'était pas pleinement conforme aux directives générales révisées du Comité. Ces directives devraient être prises en compte lors de l'établissement du prochain rapport périodique. Des membres auraient souhaité avoir davantage de renseignements sur l'état du droit en Pologne pour ce qui est de l'application de la Convention. Ils ont fait observer que le Gouvernement devrait envisager de présenter un document de base contenant des informations générales sur la situation dans le pays, lequel pourrait être utilisé par tous les organes chargés de l'application des instruments relatifs aux droits de l'homme. A leur avis, la tâche du Gouvernement en matière d'établissement de rapports s'en trouverait facilitée. Certains membres auraient aimé avoir des données démographiques plus précises sur la situation ethnique et raciale en Pologne. En particulier, de plus amples renseignements ont été demandés au sujet des attitudes et des comportements dans ce pays à l'égard des Juifs et des Tziganes, ainsi qu'en ce qui concerne le problème de la discrimination raciale à l'encontre des immigrants et des réfugiés.

183. A propos de l'article 2 de la Convention, des membres du Comité ont signalé que les autorités polonaises devraient prendre en considération les dispositions de l'article 2 1) de la Convention dans le cadre de la politique que la Commission des minorités nationales et ethniques pourrait adopter. Les autorités devraient formuler une politique plus générale à l'égard des minorités, la mettre par écrit et la porter à l'attention des personnes qu'elle était censée protéger et de celles qui étaient tenues de l'appliquer. En outre, un organe officiel devrait être expressément chargé d'en assurer la coordination. Le Comité aimerait que la Pologne fournisse des renseignements complémentaires sur tous ces points dans son prochain rapport. Des membres ont demandé de plus amples informations au sujet de l'application du paragraphe 1 d) de l'article 2.

184. En ce qui concerne l'article 4 de la Convention, des membres du Comité ont indiqué que le rapport aurait dû contenir davantage d'informations au sujet du Parti national polonais, qui cherchait à susciter des attitudes négatives à l'égard des Juifs. Ces membres ont demandé si la Constitution polonaise autorisait la création de partis politiques et d'organisations fondés sur des considérations raciales, ethniques ou religieuses.

185. Pour ce qui est de l'article 5 de la Convention, des membres du Comité ont fait remarquer que les informations fournies au sujet de l'application de cet article avaient trait à la législation et non à la situation réelle dans le pays. Des membres auraient souhaité en savoir davantage sur les groupes organisés par la Société socio-culturelle, qui avait obtenu que la minorité allemande soit fortement représentée dans l'administration locale, les limitations du droit de propriété, l'éducation culturelle dispensée et la formation linguistique des groupes minoritaires, le système éducatif national et la mesure dans laquelle il reflétait les intérêts des différents groupes ethniques.

186. En ce qui concerne l'article 6 de la Convention, des membres du Comité ont déclaré que les renseignements qui avaient été fournis au sujet de l'application de cet article étaient insuffisants. De plus amples renseignements ont été demandés au sujet des fonctions de l'ombudsman et de la Commission des minorités nationales et ethniques. Des précisions ont également été demandées au sujet des changements introduits récemment dans l'organisation de la magistrature.

187. En ce qui concerne l'article 14 de la Convention, des membres du Comité ont demandé si la Pologne avait l'intention de faire une déclaration reconnaissant la compétence du Comité pour recevoir et examiner des communications émanant de personnes ou de groupes de personnes qui se plaignent d'être victimes d'une violation de l'un quelconque des droits énoncés dans la Convention.

188. Répondant à ces questions, le représentant de l'Etat partie a déclaré que, s'agissant de la composition démographique de la Pologne, le Ministère de la culture avait estimé que la population comptait 300 000 Ukrainiens, de 200 000 à 250 000 Bélarussiens, de 200 000 à 500 000 Allemands, de 20 000 à 25 000 Lituaniens, 15 000 Juifs, 15 000 Grecs et Macédoniens, 3 000 Russes, Tatars, Karaites, Ormiens et Tchèques et de 10 000 à 15 000 Tziganes. Au total, les minorités ethniques comptaient environ 1,1 million de personnes sur une population totale de 40 millions d'habitants. A part quelques cas isolés, il n'y avait aucune attitude négative ni discrimination à l'égard des étrangers dans le pays.

189. En ce qui concerne l'article premier de la Convention, le représentant a déclaré que, bien que ses dispositions n'aient pas été incorporées en toutes lettres dans la législation nationale, il ne faisait aucun doute que cet article avait joué un rôle pour ce qui est du sens donné en Pologne à la discrimination raciale.

190. En ce qui concerne l'article 2 de la Convention, le représentant a donné des détails sur le statut de la Convention par rapport au droit polonais et indiqué que la Convention jouait un rôle important dans la jurisprudence polonaise. Ainsi, même si les pactes internationaux n'avaient pas encore été incorporés à la législation interne, il y était fréquemment fait référence dans la jurisprudence du tribunal constitutionnel et du tribunal administratif, de même que dans le cadre des activités de l'ombudsman.

191. Pour ce qui est de l'article 4 de la Convention, le représentant a expliqué que, après des décennies de régime communiste, la Pologne ne faisait que commencer à se doter d'un système pluripartite. La politique générale à cet égard consistait à limiter autant que possible l'intervention de l'Etat dans ce processus. Actuellement, les partis politiques actifs en Pologne étaient plus de 180 mais la plupart d'entre eux avaient un très petit nombre d'adhérents et n'avaient aucune influence politique. C'était précisément le cas du Parti national dirigé par M. Tejkowski. Une procédure pénale avait été engagée contre M. Tejkowski en raison de ses déclarations et de ses autres activités mais celle-ci n'était pas encore terminée. A cet égard, en vertu de la loi sur les partis politiques de 1990, le tribunal constitutionnel pouvait déclarer un parti politique incompatible avec la Constitution. La législation sur les associations contenait des restrictions analogues applicables aux organisations autres que les partis politiques.

192. En ce qui concerne l'article 5 de la Convention et la participation des minorités dans les organes représentatifs, l'administration locale en Pologne était basée sur le principe de l'autonomie. Les représentants des minorités étaient membres des parlements locaux et du parlement national. Afin de faciliter l'accès des minorités à la législature, la loi électorale de 1991 avait assoupli les conditions régissant l'enregistrement et l'élection des candidats représentant des minorités. En ce qui concerne les possibilités offertes aux minorités en matière d'éducation, aucune restriction n'était imposée à l'enseignement des langues pratiquées par celles-ci. Cet enseignement était prévu en fonction des besoins et des ressources matérielles. Depuis le 1er septembre 1992, l'allemand était enseigné en tant que première langue dans sept écoles et comme seconde langue dans 170 établissements scolaires situés dans les zones habitées par la minorité allemande. L'ukrainien était enseigné dans trois écoles primaires et dans trois écoles secondaires d'enseignement général tandis que le bélarussien était enseigné dans 48 écoles primaires et dans deux écoles secondaires d'enseignement général.

193. Pour ce qui est de l'article 6 de la Convention, le représentant a expliqué que la Commission Sejm pour les minorités nationales et ethniques avait été créée immédiatement après les changements politiques de 1989. Il s'agissait d'une commission parlementaire permanente qui s'occupait de toutes les questions ayant trait à la protection des minorités. Cette commission était chargée en particulier, d'examiner la question d'un projet de statut des minorités.

194. S'agissant de l'article 14 de la Convention, le représentant a indiqué que, d'une manière générale, la Pologne reconnaissait le droit des personnes d'utiliser les procédures qui leur étaient offertes sur le plan international dans les cas où celles-ci estimaient que leurs droits avaient été violés. C'était seulement pour des raisons techniques que la Pologne n'avait pas encore fait la déclaration prévue à l'article 14 par laquelle les Etats parties reconnaissent la compétence du Comité à cet égard.

195. En conclusion, le représentant a signalé que les observations et les recommandations que formuleraient les membres du Comité seraient très utiles aux autorités polonaises.

Conclusions

196. Le Comité a recommandé que, lorsqu'il établirait son prochain rapport périodique, le Gouvernement polonais mette à profit la possibilité que lui offraient les directives révisées en matière d'établissement de rapports de présenter un document de base touchant l'ensemble de la situation en Pologne sur les plans juridique, politique et économique. Le Comité a exprimé l'espoir que le prochain rapport périodique contiendrait tous les renseignements demandés lors de l'examen par le Comité des dixième, onzième et douzième rapports périodiques de la Pologne.

197. Le Comité a réitéré sa demande tendant à ce que la Pologne fournisse des données démographiques plus détaillées conformément à la recommandation générale IV et des renseignements complets sur la situation des groupes ethniques.

198. Le Comité a examiné la manière dont la Convention avait été incorporée dans le droit polonais et noté que la nouvelle Constitution prévoyait à cet égard un système différent. Il a recommandé au Gouvernement d'envisager d'accorder à la Convention le même statut au regard du droit interne que celui dont bénéficiaient les autres instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme.



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