University of Minnesota



Conclusions du Comité pour l'élimination de la discrimination raciale, Pérou, U.N. Doc. CERD/C/304/Add.69 (1999).



COMITE POUR L'ELIMINATION DE
LA DISCRIMINATION RACIALE
Cinquante-quatrième session


EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES
CONFORMÉMENT À L'ARTICLE 9 DE LA CONVENTION

Conclusions du Comité pour l'élimination
de la discrimination raciale

Pérou

1. Le Comité a examiné les douzième et treizième rapports périodiques du Pérou (CERD/C/298/Add.5) à ses 1317ème et 1318ème séances (CERD/C/SR.1317 et 1318), tenues les 9 et 10 mars 1999, et a adopté, à sa 1330ème séance, le 18 mars 1999 (CERD/C/SR.1330), les conclusions suivantes.


A. Introduction

2. Le Comité salue la présentation des douzième et treizième rapports périodiques du Pérou et l'occasion ainsi offerte de poursuivre le dialogue avec l'État partie. Le Comité remercie par ailleurs l'État partie d'avoir envoyé une délégation de haut niveau, conduite par Mme la Ministre de la Justice, qui a fourni des renseignements supplémentaires en réponse aux nombreuses questions posées par les membres du Comité au cours de l'examen de ce rapport.


B. Aspects positifs

3. Le Comité prend note avec satisfaction des renseignements fournis qui font état d'une diminution considérable de l'activité des groupes subversifs, ainsi que d'une diminution du nombre de plaintes pour violations des droits de l'homme.

4. Il prend également note avec satisfaction des renseignements fournis par l'État partie concernant l'amélioration de la situation économique du pays.

5. Il note aussi avec intérêt que le Pérou a adhéré au programme Action 21, adopté par la Conférence mondiale sur l'environnement et le développement, dont un chapitre est consacré au rôle des communautés autochtones et à la préservation de l'environnement. Le Pérou a également participé à la création de la Commission spéciale des affaires autochtones de l'Amazonie et soutenu la création du Fonds de développement pour les populations autochtones de l'Amérique latine et des Caraïbes.

6. Le Comité prend note de l'accord conclu avec l'Organisation internationale du Travail visant la mise en place d'un programme spécial pour la protection des communautés autochtones qui permettra d'instruire et de juger les plaintes pour violations des droits de l'homme.

7. L'inclusion dans les programmes d'enseignement de matières destinées à prévenir la discrimination raciale est également notée avec intérêt.

8. Le Comité se réjouit de la mise en place de la Defensoría del Pueblo et de son programme d'activités en faveur des populations autochtones.

9. Le Comité note avec satisfaction que le Pérou a fait la déclaration facultative de l'article 14 de la Convention et a ainsi accepté la procédure des communications individuelles.


C. Principaux sujets de préoccupation

10. Le Comité regrette que le rapport n'ait répondu que partiellement aux observations et recommandations formulées lors de l'examen du précédent rapport en 1995.

11. Le Comité aimerait savoir si les changements apportés par la Constitution de 1993 au sujet du statut des traités internationaux, y compris la Convention, dans la hiérarchie des normes nationales risquent de porter atteinte à la mise en application de la Convention.

12. Le Comité note avec préoccupation l'interrelation étroite entre le sous-développement socioéconomique et les phénomènes de discrimination ethnique ou raciale pour une partie de la population, principalement les communautés autochtones et paysannes. A cet égard, le Comité regrette l'absence dans le rapport périodique de renseignements concernant les indicateurs socioéconomiques caractérisant la situation des populations autochtones, paysannes et d'origine africaine. Il note cependant que le rapport reconnaît l'existence de carences dans des domaines tels que le logement et la santé.

13. Pour ce qui est de l'application de l'article 2 de la Convention, le Comité réitère ses observations concernant le manque d'informations lui permettant de savoir comment sont effectivement appliquées les dispositions constitutionnelles garantissant la protection du droit à la non-discrimination pour des motifs raciaux ou ethniques.

14. Au sujet de l'article 4 de la Convention, le Comité note avec inquiétude l'insuffisance de dispositions législatives spécifiques tendant à donner pleinement effet à la Convention; il relève cependant l'existence d'initiatives législatives visant à combler ces lacunes.

15. Le Comité regrette l'absence de renseignements sur le nombre de plaintes et de décisions judiciaires concernant les actes de racisme et sur les indemnisations accordées en conséquence. Il note avec préoccupation que dans les cas qui ont été soumis aux tribunaux, la charge de la preuve de la discrimination aurait pesé entièrement sur le plaignant.

16. S'agissant du droit à un traitement égal devant les tribunaux, le Comité relève avec préoccupation des informations selon lesquelles les autochtones monolingues ne pourraient pas en fait disposer d'interprètes et les textes de lois ne seraient pas traduits dans les langues indigènes.

17. Il est également inquiétant d'apprendre que des poursuites pour complicité de terrorisme sont exercées contre des populations qui seraient en réalité victimes de toutes les pressions, aussi bien des groupes subversifs que des forces de l'ordre. Il y a lieu de noter en outre les allégations concernant l'obligation pour les communautés autochtones de former des comités d'auto-défense encadrés par l'armée, ainsi que l'enrôlement forcé pour le service militaire obligatoire de jeunes des populations les plus défavorisées.

18. Le Comité note les informations selon lesquelles la population autochtone, souvent sans documents d'identité et analphabète, se trouverait, en fait, dans l'impossibilité d'exercer ses droits civiques et politiques.

19. Le Comité relève les renseignements faisant état de carences importantes en matière de santé pour la population rurale des Andes et de l'Amazonie, ainsi que des allégations de stérilisations forcées des femmes appartenant aux communautés auchtones. Il note, par ailleurs, les informations selon lesquelles il y aurait une différence de près de vingt ans dans l'espérance de vie de la population d'origine indigène par rapport au reste de la population.

20. Pour ce qui est du droit au travail, le Comité prend note avec préoccupation des renseignements selon lesquels l'accès à l'emploi et la promotion dans le travail seraient souvent influencés par des critères raciaux, tandis que certains travaux mineurs ou dépréciés seraient abandonnés aux personnes d'origine autochtone ou africaine.

21. S'agissant du droit d'accès à tous les lieux publics, le Comité prend note de la promulgation à la fin de 1998, à la suite de plaintes concernant des pratiques discriminatoires à ce sujet, d'une loi interdisant aux propriétaires d'établissements ouverts au public de faire une sélection de leurs clients selon des critères raciaux. Le Comité regrette cependant que cette interdiction n'ait pas encore été assortie de peines.

22. Le Comité s'inquiète des informations selon lesquelles l'inaliénabilité et l'indisponibilité de la propriété communale des populations indigènes ne seraient plus totalement garanties par la Constitution de 1993.

23. En ce qui concerne le droit à l'éducation, le Comité regrette l'absence de données, dans le rapport, concernant le nombre d'enfants non scolarisés appartenant aux communautés autochtones, paysannes et d'origine africaine.


D. Suggestions et recommandations

24. Des mesures devraient être prises pour garantir le droit des populations les plus défavorisées à la jouissance de tous les droits visés par l'article 5 de la Convention et le droit à un traitement égal devant les tribunaux et dans l'exercice de leurs droits politiques.

25. Le Comité recommande à l'État partie de mettre la législation penale en conformité avec les dispositions de la Convention, en particulier en ce qui concerne l'article 4.

26. Les programmes de formation en matière de droits de l'homme destinés au personnel de l'administration de la justice et des forces de l'ordre devraient inclure une formation à la prévention et la protection contre la discrimination raciale.

27. Le Comité recommande à l'État partie de prendre des mesures visant à instaurer un véritable dialogue entre le Gouvernement et les organisations non gouvernementales dans la lutte contre la discrimination raciale et ethnique.

28. Dans son prochain rapport, l'État partie devrait fournir des renseignements concernant notamment les questions suivantes: a) la composition ethnique de la population, dans la mesure où cette information est disponible; b) les indicateurs socioéconomiques caractérisant la situation des populations autochtones, paysannes et d'origine africaine; c) les progrès réalisés en faveur de ces mêmes populations sur chacun des droits énumérés dans l'article 5 de la Convention; d) les réformes législatives entreprises pour répondre pleinement aux exigences de l'article 4 de la Convention et réprimer toutes les formes de discrimination raciale et ethnique; e) le bilan des suites données aux plaintes des victimes de discrimination raciale et ethnique et à leurs demandes de réparations, conformément à l'article 6 de la Convention; f) les mesures prises pour la formation des agents chargés de l'application des lois à la tolérance et à l'entente inter-ethnique et

inter-raciale; g) les mesures prises pour mieux faire connaître la Convention et assurer une publicité des rapports et des conclusions du Comité.

29. Le Comité recommande à l'État partie de ratifier les amendements au paragraphe 6 de l'article 8 de la Convention adoptés, à la quatorzième réunion des États parties, le 15 janvier 1992.

30. Le Comité recommande que le prochain rapport périodique de l'État partie, qui aurait dû être présenté le 29 octobre 1998, soit un rapport de mise à jour et porte notamment sur les suggestions et recommandations formulées dans les présentes conclusions.



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