COMITÉ POUR L'ÉLIMINATION DE
LA DISCRIMINATION RACIALE
Soixante-troisième session
4-22 août 2003
EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES
CONFORMÉMENT À L'ARTICLE 9 DE LA CONVENTION
Observations finales du Comité pour l'élimination de la discrimination
raciale
NORVÈGE
1. Le Comité a examiné le seizième rapport périodique de la Norvège (CERD/C/430/Add.2),
qui était attendu le 5 septembre 2001, à ses 1602e et 1603e séances (CERD/C/SR.1602
et 1603, tenues les 15 et 18 août 2003. À sa 1611e séance (CERD/C/SR.1611),
tenue le 22 août 2003, il a adopté les conclusions suivantes.
A. Introduction
2. Le Comité accueille avec satisfaction le rapport, que l'État partie a soumis
dans les délais, ainsi que les renseignements supplémentaires fournis par
la délégation oralement et par écrit. Il se félicite des progrès signalés
et de l'information selon laquelle le Comité consultatif gouvernemental sur
les droits de l'homme et des organisations non gouvernementales ont pris part
à l'élaboration du rapport. Le Comité adresse en outre ses remerciements à
la délégation pour les réponses détaillées qu'elle a apportées aux questions
posées durant l'examen du rapport.
B. Aspects positifs
3. Le Comité se félicite de la qualité du rapport de l'État partie, qui est
conforme à ses principes directeurs et aborde les sujets de préoccupation
que le Comité a exprimés et les recommandations qu'il a formulées à l'issue
de l'examen du précédent rapport.
4. Le Comité prend note des amendements apportés en 2000 à la loi norvégienne
sur l'immigration, en vertu desquels la responsabilité de la politique de
l'immigration a été transférée du Ministère de la justice au Ministère des
collectivités locales et du développement régional et un comité a été créé
avec pour mission de réviser la loi sur l'immigration.
5. Le Comité se félicite de la modification apportée à l'article 135 a)
du Code pénal, adoptée en décembre 2002, indiquant expressément que cette
disposition s'applique aux symboles racistes.
6. Le Comité salue l'adoption du deuxième plan d'action national pour combattre
le racisme et la discrimination, qui couvre la période de quatre ans allant
de 2002 à 2006 et a pour objet de mettre en œuvre la Déclaration et
le Programme d'action de Durban, ainsi que la constitution d'un comité chargé
du suivi du premier plan d'action national.
7. Le Comité félicite l'État partie pour sa politique relative aux minorités
nationales, fondée sur le principe du respect de la diversité culturelle.
C. Sujets de préoccupation et recommandations
8. Le Comité prend note de l'opinion exprimée par l'État partie au sujet des
difficultés éprouvées à déterminer la composition ethnique de la population,
mais demeure préoccupé par l'absence d'informations de cet ordre dans le rapport
de l'État partie.
Compte tenu de l'absence de données statistiques sur la composition ethnique
de la société norvégienne, le Comité recommande à l'État partie de fournir
dans ses rapports ultérieurs des estimations sur les caractéristiques démographiques
de sa population, comme il prescrit au paragraphe 8 des principes directeurs
concernant l'établissement des rapports, et il appelle l'attention de l'État
partie sur sa recommandation générale VIII concernant l'auto-identification
des membres des groupes raciaux et ethniques.
9. Le Comité note que l'État partie poursuit sa réflexion sur l'incorporation
de la Convention dans son droit interne par voie d'amendement à la loi de
1999 sur les droits de l'homme.
Le Comité encourage l'État partie à examiner dûment cette question afin
de donner pleinement effet aux dispositions de la Convention dans son ordre
juridique interne.
10. Tout en accueillant avec satisfaction le projet de loi sur la protection
contre la discrimination ethnique, qui vise à renforcer la protection contre
la discrimination dans différents domaines et introduit la règle de la répartition
de la charge de la preuve dans les affaires civiles, le Comité note que
le projet de loi ne vise pas la discrimination raciale mais seulement la
discrimination ethnique.
Le Comité invite l'État partie à fournir dans son prochain rapport périodique
des informations supplémentaires sur les raisons pour lesquelles la discrimination
raciale n'a pas été incluse dans le projet de loi.
11. Le Comité prend note des amendements apportés à la loi sur les étrangers,
en particulier des dispositions prévoyant l'expulsion des personnes inculpées
d'actes terroristes ou des personnes dont on a de sérieuses raisons de croire
qu'elles ont participé à un acte de cet ordre.
Tout en ayant conscience des préoccupations de l'État partie en matière
de sécurité nationale, le Comité recommande à l'État partie de trouver un
équilibre entre ses préoccupations et les obligations lui incombant dans
le domaine des droits de l'homme. À ce propos, il appelle l'attention de
l'État partie sur la déclaration du Comité en date du 8 mars 2002, dans
laquelle le Comité souligne l'obligation incombant aux États de veiller
à ce que «les mesures prises pour lutter contre le terrorisme n'ait pas
pour but ou pour effet d'entraîner une discrimination fondée sur la race,
la couleur, l'ascendance ou l'origine nationale ou ethnique».
12. Le Comité constate avec préoccupation que l'interprétation stricte
du champ couvert par l'article 135 a) du Code pénal, qui interdit toute
expression d'idées racistes, sous une forme ou une autre, en public ou par
d'autres moyens d'atteindre le public, pourrait ne pas couvrir tous les
aspects de l'article 4 a) de la Convention.
Le Comité invite l'État partie à réviser les dispositions de l'article
135 a) du Code pénal à la lumière de l'article 4 a) de la Convention et
à fournir des renseignements sur ce point dans son prochain rapport périodique.
13. Le Comité prend note de l'observation de l'État partie selon laquelle
une interdiction officielle des organisations racistes pourrait ne pas constituer
un moyen très efficace de combattre le racisme du fait que les groupes auxquels
l'essentiel des menées racistes est imputable sont des réseaux peu structurés
et non des organisations officielles. À ce propos, le Comité appelle l'attention
de l'État partie sur sa recommandation générale XV dans laquelle il est
indiqué que toutes les dispositions de l'article 4 de la Convention, dont
celle qui prescrit de déclarer illégal et d'interdire toutes les organisations
qui incitent à la discrimination raciale et l'encouragent, revêtent un caractère
obligatoire.
Le Comité recommande à l'État partie d'adopter la législation nécessaire
pour donner pleinement effet à l'article 4 b) de la Convention.
14. Le Comité note qu'une forte proportion des demandes d'asile font l'objet
d'une décision prise par le seul Président de la Commission de recours en
matière d'immigration ou le secrétariat juridique de cette Commission, sans
audience devant cette Commission.
Le Comité recommande à l'État partie de fournir des renseignements supplémentaires
indiquant à quel point cette procédure offre une protection suffisante et
assure toutes les garanties juridiques pertinentes à tous les demandeurs
d'asile, sans distinction.
15. Tout en prenant acte de la franchise de l'État partie et des efforts qu'il
déploie pour combattre la discrimination à l'égard des minorités en matière
de logement et d'emploi, le Comité reste préoccupé par la persistance de pareille
discrimination.
Le Comité encourage l'État partie à intensifier ses efforts dans ces domaines,
conformément à l'article 5 e) de la Convention, et ne doute pas que des
dispositions contre la discrimination dans le domaine du logement et de
l'emploi figureront dans le projet de loi sur la protection contre la discrimination
ethnique.
16. Le Comité note avec préoccupation que la justice a été saisie d'un certain
nombre d'affaires portant sur une forme de discrimination qui persiste: le
refus d'accès à des lieux publics tels que bars, discothèques, boîtes de nuit
et restaurants. À ce propos, le Comité note en outre que les tribunaux norvégiens
sont habilités à déterminer si c'est pour des motifs raciaux que l'accès à
de tels lieux a été refusé à une personne.
Le Comité encourage l'État partie à inclure dans le projet de loi sur la
protection contre la discrimination ethnique des dispositions adaptées propres
à combattre la discrimination en matière d'accès aux lieux à usage public.
17. Le Comité est préoccupé par le manque d'interprètes qualifiés pour les
procédures judiciaires, ce qui pourrait constituer un obstacle à l'exercice
par les individus n'ayant pas le norvégien pour langue maternelle de leur
droit à l'égalité de traitement devant les tribunaux et tous les autres organes
d'administration de la justice.
Le Comité recommande à l'État partie d'adopter, conformément à l'article
5 a) de la Convention, de nouvelles mesures visant à remédier aux difficultés
rencontrées actuellement en matière de services d'interprétation.
18. S'agissant de l'article 7 de la Convention, le Comité note avec préoccupation
que les modules d'enseignement concernant la lutte contre le racisme et la
discrimination ne constituent pas une matière obligatoire dans le programme
d'instruction de base de l'École de police.
Le Comité appelle l'attention de l'État partie sur sa recommandation générale
XIII concernant la formation des responsables de l'application des lois
à la protection des droits de l'homme et invite l'État partie à envisager
de revoir le programme d'enseignement de l'Académie de police afin de mieux
faire connaître les normes et valeurs des différentes cultures et d'informer
les stagiaires des obligations incombant à l'État partie en vertu de la
Convention.
19. Le Comité note avec préoccupation que le projet de loi sur le Finnmark
déposé récemment risque de restreindre grandement le contrôle et le pouvoir
de décision de la population sami concernant le droit de posséder et d'utiliser
des terres et des ressources naturelles dans les provinces de Finnmark. Le
Comité appelle l'attention de l'État partie sur sa recommandation générale
XXIII concernant les droits des populations autochtones, dans lequel il a
demandé aux États parties, entre autres, de reconnaître et de protéger le
droit des populations autochtones de posséder, de mettre en valeur, de contrôler
et d'utiliser leurs terres, leurs ressources et leurs territoires communaux.
Le Comité recommande à l'État partie de rechercher une solution adéquate
en ce qui concerne les pouvoirs de contrôle et de décision en rapport avec
le droit à la terre et aux ressources naturelles dans la région du Finnmark
en accord avec le peuple sami.
20. Le Comité encourage l'État partie à consulter des organisations de la
société civile participant à la lutte contre la discrimination raciale à l'occasion
de l'élaboration de son prochain rapport périodique, comme il l'a fait auparavant.
21. Le Comité recommande à l'État partie de diffuser à grande échelle des
informations sur les recours internes disponibles contre les actes de discrimination
raciale, sur les modalités légales d'obtention d'une indemnisation en cas
de discrimination et sur la procédure de plainte individuelle en vertu de
l'article 14 de la Convention.
22. Le Comité recommande à l'État partie de mettre à la disposition du
grand public ses rapports périodiques dès leur soumission et de faire connaître
de la même manière les conclusions correspondantes du Comité.
23. Le Comité recommande à l'État partie de soumettre ses dix-septième
et dix-huitième rapports périodiques en un seul document, attendu le 5 septembre
2005, et d'y traiter tous les points abordés dans les présentes conclusions.