University of Minnesota



Observations finales du Comit
é pour l'élimination de la discrimination raciale, Luxembourg, U.N. Doc. A/49/18,paras.429-443 (1993).




COMITE POUR L'ELIMINATION DE
LA DISCRIMINATION RACIALE

EXAMEN DES RAPPORTS PRESENTES PAR LES ETATS PARTIES
CONFORMEMENT A L'ARTICLE 9 DE LA CONVENTION


Conclusions du Comité pour l'élimination
de la discrimination raciale

Luxembourg


411. Le Comité a examiné les sixième et septième rapports fusionnés et le huitième rapport du Luxembourg (CERD/C/206/Add.1 et CERD/C/236/Add.1) à sa 1051e séance, le 8 août 1994 (voir CERD/C/SR.1051).

412. Les rapports ont été présentés par le représentant de l'État partie qui a fourni des renseignements sur les faits nouveaux intervenus depuis l'examen du précédent rapport de l'État partie. Il a ainsi indiqué que 32,4 % de la population du pays étaient composés d'étrangers, dont beaucoup étaient des ressortissants de l'Union européenne. Étant donné que les enfants étrangers constituent plus de 40 % de la population scolaire, un certain nombre de mesures ont été prises pour surmonter les problèmes linguistiques que pouvaient rencontrer ces enfants. C'est ainsi, par exemple, que le nombre d'élèves par classe a été réduit et qu'une année supplémentaire a été ajoutée à la scolarité primaire. En outre, un enseignement dans la langue maternelle a été prévu à l'intention des élèves étrangers dans les études primaires dans certaines communes au cours de l'année scolaire 1993-1994. Les autorités s'efforcent par l'intermédiaire des inspecteurs scolaires de persuader d'autres conseils communaux de l'enseignement de prendre une mesure analogue. En outre, le Ministère de la famille accorde une aide financière à une organisation non gouvernementale qui s'occupe de promouvoir les activités socioculturelles. Dans bien des communes où la population compte plus de 20 % d'étrangers des commissions consultatives spéciales ont déjà été mises en place avec pour mission de prendre en charge les résidents étrangers. En outre, les immigrants sont informés de leurs droits et des voies de recours qui leur sont ouvertes et bénéficient aussi d'autres services. Bien qu'une vigoureuse campagne ait été lancée pour encourager les ressortissants de l'Union européenne à se faire inscrire sur les listes électorales, seuls 6 907 d'entre eux ont accompli cette démarche sur les 45 000 qui remplissaient les conditions voulues pour être électeurs.

413. Le représentant de l'État partie a indiqué qu'une loi concernant l'intégration des étrangers dans le Grand-Duché de Luxembourg avait été adoptée le 27 juillet 1993; son but était de faciliter l'intégration des étrangers et de prévoir des mesures de protection sociale en leur faveur. La loi prévoyait que la politique concernant les étrangers serait coordonnée par le truchement d'un Comité interministériel et par la Commission des étrangers.

414. Le représentant de l'État partie a aussi informé le Comité que les agissements racistes et xénophobes avaient refait surface au Luxembourg comme dans d'autres pays européens. L'incident le plus grave avait été la profanation de tombes dans un cimetière juif par l'inscription de croix gammées, le 27 février 1994, ainsi que l'affichage de slogans hostiles aux Noirs. De plus, il y a eu 15 rapports officiels de la police sur l'apparition de graffitis pronazis en 1992, ces chiffres étant tombés à 4 en 1993 et à 3 en 1994; par ailleurs la police a signalé quatre cas de vol accompagné de graffitis pronazis en 1992 et quatre autres en 1993. Devant ces incidents les autorités ont déclaré que la vente ou le port d'insignes nazis étaient de nature à causer des désordres et tombaient à ce titre sous le coup de la loi.

415. Les membres du Comité ont remercié l'État partie de ses rapports établis conformément aux directives arrêtées pour la présentation des rapports ainsi que des renseignements complémentaires fournis oralement par son représentant, qui permettaient au Comité d'apprécier plus complètement le cadre politique, juridique et institutionnel existant au Luxembourg.

416. Un complément d'information a été demandé sur le statut de la Convention en droit interne. Dans la mesure où la Constitution ne contenait aucune disposition condamnant ou interdisant la discrimination raciale, l'État partie a été prié d'envisager d'ajouter une telle disposition à sa Constitution.

417. Les membres du Comité ont exprimé le souhait de recevoir des renseignements complémentaires sur les commissions consultatives créées à l'intention des étrangers au niveau communal, notamment en ce qui concerne leurs fonctions, et de savoir aussi pourquoi certaines communes n'avaient pas mis en place de telles commissions.

418. Le Comité s'est déclaré préoccupé par le fait que la législation nationale ne satisfaisait pas entièrement aux exigences de l'article 4 de la Convention dans la mesure où les dispositions pertinentes du Code pénal, en particulier ses articles 454 et 455, ne sanctionnaient pas la diffusion d'idées basées sur la notion de supériorité ou de haine raciale au sens le plus large, ni n'interdisaient les organisations ou la propagande qui tendaient à inciter à la discrimination raciale ou à l'encourager.

419. En ce qui concerne l'article 5 de la Convention, les membres du Comité ont noté la forte proportion d'élèves étrangers, notamment originaires des pays de l'Union européenne, dans les établissements scolaires, et la décision prise de leur dispenser un enseignement dans leur langue maternelle au niveau primaire. On a demandé quelles dispositions avaient été prises pour leur enseigner la langue et la culture de leur pays d'origine dans les lycées. En outre, les membres du Comité ont constaté qu'en général, une distinction était établie entre les ressortissants d'États membres de l'Union européenne et ceux d'autres pays en ce qui concerne l'exercice des droits prévus à l'article 5 e) i) de la Convention; on a fait remarquer que c'était là une pratique commune à tous les États membres de l'Union européenne étant donné la tendance à l'intégration européenne. On a noté également que d'autres règlements en vigueur dans l'État partie plaçaient les ressortissants de certains États membres tiers sur un pied d'égalité avec les ressortissants de l'Union européenne. Les membres du Comité ont demandé des éclaircissements sur cette question et indiqué qu'il faudrait pousser plus loin l'étude de la question de la politique de l'Union européenne en matière de traitement des non-ressortissants et de liberté de circulation par rapport à la Convention. On a également demandé un complément d'information sur l'immigration dans l'État partie de personnes venues d'autres régions que l'Europe et sur la situation des réfugiés originaires de l'ex-Yougoslavie dans l'État partie.

420. À propos de l'article 6 de la Convention, les membres du Comité ont demandé de plus amples informations sur les voies de recours ouvertes dans les tribunaux et dans d'autres organes nationaux aux victimes d'actes de discrimination raciale. Ils ont également souhaité en savoir davantage sur les condamnations prononcées dans les cas d'actes racistes mentionnés au paragraphe 8 du huitième rapport, et ils ont voulu savoir combien de plaintes avaient été déposées pour des actes présumés de racisme.

421. S'agissant de l'article 7 de la Convention, les membres du Comité ont demandé des informations complémentaires sur les mesures prises dans les domaines de l'éducation, de la culture et de l'information pour lutter contre les préjugés qui sont à l'origine de la discrimination et de l'intolérance. À cet égard, on a tout particulièrement signalé le phénomène de la participation de jeunes aux mouvements et organisations racistes. On a souligné combien il serait important de faire figurer dans les programmes scolaires des informations sur la Convention et de prendre d'autres mesures encore pour prévenir la discrimination.

422. D'autres détails ont été demandés concernant les activités des institutions nationales de défense des droits de l'homme. On a également posé la question de savoir si l'État partie avait fait part au Secrétaire général de son acceptation des amendements à la Convention concernant le financement des réunions du Comité.

423. Les membres du Comité ont attiré l'attention de l'État partie sur la complémentarité existant entre le système européen des droits de l'homme et celui des Nations Unies pour ce qui était de l'examen des communications concernant la discrimination raciale. Ils ont donc souhaité savoir si l'État partie envisageait de faire la déclaration par laquelle il reconnaîtrait la compétence du Comité pour recevoir et examiner des pétitions en vertu de l'article 14 de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale.

424. Répondant aux questions posées, le représentant de l'État partie a indiqué que les dispositions de la Convention avaient déjà la même force juridique que la Constitution au Luxembourg; il recommanderait, toutefois, à son gouvernement d'incorporer les dispositions de la Convention dans la Constitution.

425. En ce qui concerne la question de l'enseignement dans la langue maternelle dans les lycées, le Comité a été informé que les élèves du secondaire avaient le choix entre l'italien, le portugais, l'anglais, le français ou l'allemand.

426. Concernant la situation des réfugiés originaires de l'ancienne Yougoslavie, le représentant de l'État partie a notamment déclaré qu'ils étaient plus de 2 700 au Luxembourg et que leur statut avait été défini après consultation avec le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, ce qui avait amené à reconnaître leur droit de travailler au Luxembourg. Le représentant de l'État partie a indiqué aussi que le prochain rapport de son gouvernement contiendrait plus de renseignements sur les commissions consultatives, y compris un bilan de leur action. En outre, ce rapport fournirait un plus grand nombre de détails d'ordre statistique sur les cas de discrimination raciale et sur les peines prononcées par les tribunaux.

427. Concernant les mesures prises pour coordonner les activités des organisations non gouvernementales dans le domaine des droits de l'homme, le représentant de l'État partie a précisé que l'Institut luxembourgeois pour les droits de l'homme avait été créé en 1992 pour coordonner les activités en matière de droits de l'homme.

428. Le Comité a aussi été informé par le représentant de l'État partie que le Gouvernement du Luxembourg était favorable aux amendements à la Convention relatifs au financement des activités du Comité par imputation sur le budget ordinaire de l'Organisation des Nations Unies, et qu'il ferait donc part au Secrétaire général de son acceptation de ces amendements.

Conclusions

429. À sa 1065e séance, le 17 août 1994, le Comité a adopté les conclusions ci-après.

a) Introduction

430. Le Comité se félicite de ce que les rapports présentés aient été établis conformément aux directives énoncées dans la Convention. Il a apprécié aussi les renseignements complémentaires fournis oralement par une délégation de haut niveau.

b) Éléments positifs

431. Le Comité prend note de l'importance que l'État partie attache à la protection et à la promotion des droits de l'homme, ainsi qu'en témoignent en particulier sa participation aux travaux d'instances internationales et régionales, ainsi que les mesures prises au niveau national. Il se félicite notamment des programmes d'information mis sur pied par le Ministère de la famille pour informer les immigrants, y compris par le biais d'émissions radiophoniques multilingues, de leurs droits et des services et avantages dont ils peuvent bénéficier. Le Comité prend note également de la décision prise par le Gouvernement de faire participer la communauté des organisations non gouvernementales à la diffusion d'informations pour lutter contre l'intolérance, le racisme et la xénophobie.

432. Le Comité a également pris note avec intérêt de l'initiative visant à constituer des commissions consultatives dans les communes dont la population comprend plus de 20 % d'étrangers.

c) Principaux sujets de préoccupation

433. Le Comité note que des actes racistes et xénophobes, quoique très peu nombreux, ont été commis au Luxembourg.

434. L'absence de données dans le rapport de l'État partie sur la répartition et le nombre d'étrangers ressortissants de pays non membres de la Communauté européenne et résidant au Luxembourg a été jugée regrettable.

435. Le Comité a pris note des dispositions des articles 454 et 455 du Code pénal, mais il considère que l'État partie n'a toujours pas pris de mesures suffisantes pour donner effet aux dispositions de l'article 4 de la Convention.

436. Le Comité note avec regret que l'État partie n'a pas donné dans ses rapports d'informations suffisamment détaillées sur la mise en oeuvre des articles 5, 6 et 7 de la Convention.

d) Suggestions et recommandations

437. Le Comité demande à l'État partie de fournir dans son prochain rapport des renseignements complémentaires sur la répartition de la population, notamment en ce qui concerne les personnes qui ne sont pas des ressortissants d'États membres de l'Union européenne, ainsi que sur sa politique d'immigration.

438. Le Comité souhaiterait que le prochain rapport contienne des informations complémentaires sur les mesures prises pour donner effet à toutes les dispositions de l'article 4 de la Convention, notamment la disposition en vertu de laquelle les États parties se sont engagés à déclarer illégales et à interdire les organisations qui incitent à la discrimination raciale et qui l'encouragent.

439. Le Comité demande que d'autres précisions soient fournies concernant l'application de l'article 5 de la Convention par l'État partie en ce qui concerne les personnes qui ne sont pas des ressortissants d'États membres de l'Union européenne.

440. En ce qui concerne l'article 6 de la Convention, le Comité souhaiterait recevoir des informations complémentaires sur le nombre de plaintes déposées pour discrimination raciale, sur le résultat des poursuites engagées en matière de discrimination raciale et sur la réparation accordée, le cas échéant, aux victimes d'une telle discrimination.

441. Le Comité demande à l'État partie de fournir dans son prochain rapport des informations complémentaires sur la mise en oeuvre de l'article 7 de la Convention, en ce qui concerne notamment les mesures prises dans les domaines de l'enseignement et de l'éducation, dans les écoles, pour lutter contre les préjugés et favoriser la tolérance, ainsi que sur l'information distribuée à cet égard aux jeunes.

442. Le Comité encourage l'État partie à faire la déclaration prévue à l'article 14 de la Convention, par laquelle il reconnaîtrait la compétence du Comité pour recevoir et examiner les communications.

443. Le Comité appelle l'attention de l'État partie sur l'amendement du paragraphe 6 de l'article 8 de la Convention, qui a été approuvé à la quatorzième Réunion des États parties et par l'Assemblée générale dans sa résolution 47/111, et l'invite à prendre rapidement les mesures nécessaires à l'acceptation officielle dudit amendement.



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