University of Minnesota



Conclusions du Comit
é pour l'élimination de la discrimination raciale, Liban, U.N. Doc. CERD/C/304/Add.49 (1998).




COMITE POUR L'ELIMINATION DE
LA DISCRIMINATION RACIALE
Cinquante-deuxième session

EXAMEN DES RAPPORTS PRESENTES PAR LES ETATS PARTIES
CONFORMEMENT A L'ARTICLE 9 DE LA CONVENTION

Conclusions du Comité pour l'élimination
de la discrimination raciale

Liban

1. Au cours de ses 1258ème et 1259ème séances, tenues les 10 et 11 mars 1998, le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale a examiné les sixième, septième, huitième, neuvième, dixième, onzième, douzième et treizième rapports périodiques du Liban (CERD/C/298/Add.2). A sa 1271ème séance, le 19 mars 1998, il a adopté les conclusions ci-après.


A. Introduction

2. Le Comité se félicite de ce que le Liban ait présenté son rapport, après une longue interruption du dialogue entre le Comité et l'Etat partie. Le Comité apprécie la qualité et la franchise du rapport, qui est conforme aux principes directeurs unifiés. Il apprécie également les renseignements supplémentaires fournis oralement par la délégation libanaise.


B. Facteurs et difficultés entravant la mise en oeuvre de la Convention

3. Le Comité note les graves difficultés auxquelles doit faire face le Liban en conséquence de près de 20 ans de guerre et d'intervention étrangère, qui ont causé de toute part des destructions. Il prend note également des difficultés provoquées par le fait que le Liban accueille un grand nombre de réfugiés depuis plusieurs décennies.


C. Aspects positifs

4. Le Comité se félicite de la reprise du dialogue avec l'Etat partie après 17 années pendant lesquelles le Liban a dû subir les traumatismes d'une guerre civile, de deux invasions militaires et de l'occupation ultérieure d'une partie de son territoire dans le sud.

5. Le Comité se réjouit de ce que le Liban ait retrouvé une paix et une stabilité qui créent un environnement plus favorable pour la promotion et la protection des droits de l'homme, y compris des droits consacrés dans la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale.

6. Le Comité accueille avec satisfaction les modifications de la Constitution promulguées le 21 septembre 1990, y compris le nouvel article 95 relatif à la suppression du confessionalisme politique.

7. La création récente, au sein de la Chambre des députés, de la Commission du règlement interne et des droits de l'homme est une heureuse initiative.

8. Il faut également se réjouir du fait que les traités ratifiés par le Liban ou auxquels il a adhéré, en particulier la Convention, font partie du droit interne à partir de l'échange ou du dépôt des instruments de ratification ou d'adhésion.


D. Principaux sujets de préoccupation

9. Le Comité exprime sa préoccupation au sujet de l'insuffisance de la définition juridique des groupes ethniques et de la protection qui leur est accordée en vertu du droit interne.

10. Bien que des efforts aient été entrepris sur le plan politique et sur le plan juridique depuis le rétablissement de la paix au Liban, le Comité exprime sa préoccupation devant le fait qu'une résistance se manifeste à l'égard de l'élimination progressive du système politique du confessionalisme, ce qui peut porter préjudice à l'application, par l'Etat partie, de certaines dispositions de la Convention.

11. Le Comité exprime ses craintes au sujet de la pleine application du paragraphe 1 de l'article 2 de la Convention, en particulier quand il considère l'insuffisance des mesures et des politiques (ainsi, il n'y a pas de campagne d'information de grande ampleur) qui ont été adoptées par l'Etat partie pour prévenir et combattre toutes les formes de discrimination raciale.

12. Bien que l'Etat partie reconnaisse les Syriens, Grecs, Arméniens, Coptes, Kurdes, Juifs, etc., en tant que "communautés" et que "religions", l'origine ethnique différente de certaines catégories de personnes n'est pas reconnue, ce qui peut motiver à l'égard de ces communautés des différences de traitement, y compris, dans certains cas, une discrimination raciale.

13. Les dispositions de l'article 4 de la Convention ne sont pas toutes pleinement reflétées dans le droit et les politiques internes, en particulier pour ce qui concerne l'obligation qu'a l'Etat partie d'adopter immédiatement des mesures positives destinées à éliminer toute incitation à la discrimination raciale et tous les actes de discrimination raciale.

14. Le Comité exprime des craintes au sujet de la possibilité, pour chacun, de jouir du droit à l'égalité devant la loi (art. 5), en particulier pour ce qui concerne les groupes ethniques, les réfugiés, les personnes déplacées et les travailleurs étrangers. A cet égard, le Comité exprime également sa préoccupation devant le fait que les tribunaux religieux peuvent se prononcer sur certaines questions familiales, ce qui peut être interprété comme discriminatoire à l'encontre des membres des groupes ethniques, y compris les réfugiés et les travailleurs étrangers.

15. En ce qui concerne l'alinéa 5 e) i) de la Convention, la situation des travailleurs migrants est un motif de préoccupation, en particulier pour ce qui est de l'accès à l'emploi et de conditions d'emploi équitables. A cet égard, les informations selon lesquelles les passeports des travailleurs étrangers sont confisqués par les employeurs libanais sont une question dont les autorités responsables de l'Etat partie devraient s'occuper.

16. Il n'y a dans le rapport aucun renseignement précis concernant l'article 6, et en particulier au sujet des affaires jugées par les tribunaux libanais dans lesquelles les parties ont pu invoquer les dispositions de la Convention.

17. Tout en reconnaissant la validité des arguments invoqués par l'Etat partie, le Comité note l'insuffisance des mesures et des programmes qui, dans les domaines de l'enseignement, de l'éducation en général, de la culture et de l'information, visent à combattre les préjugés propices à la discrimination raciale et à promouvoir la compréhension et l'amitié entre tous.


E. Suggestions et recommandations

18. Le Comité recommande à l'Etat partie de veiller à ce que les droits des groupes ethniques soient pleinement conformes aux exigences de l'article premier de la Convention.

19. Le Comité recommande à l'Etat partie de fournir, dans son prochain rapport périodique, des données sur la composition démographique du pays.

20. Dans l'esprit de l'accord de Taëf (1989) et de la révision constitutionnelle du 21 septembre 1990, le Comité soutient les efforts de l'Etat partie visant à l'élimination progressive du système du confessionnalisme politique, compte tenu de l'opinion et du sentiment de la population.

21. Compte tenu de l'article 2 de la Convention, le Comité recommande à l'Etat partie d'adopter toutes les mesures appropriées - par exemple d'entreprendre de grandes campagnes d'information - en vue de prévenir et de combattre toutes le formes de discrimination raciale.

22. Le Comité recommande à l'Etat partie de tenir pleinement compte des dispositions de l'article 4 dans son droit interne.

23. Le Comité recommande à l'Etat partie de prendre toutes les mesures appropriées pour véritablement faire en sorte que toutes les personnes, y compris les membres des groupes ethniques, les réfugiés et les travailleurs étrangers, jouissent de l'égalité de traitement devant la loi. Il recommande également à l'Etat partie de veiller à ce que toutes les dispositions juridiques concernant la famille qui intéressent les membres des groupes ethniques et les étrangers soient pleinement compatibles avec les dispositions de la Convention.

24. Le Comité recommande à l'Etat partie de prendre toutes les mesures appropriées, y compris les mesures de caractère juridique, pour assurer pleinement à tous les travailleurs étrangers, y compris aux Palestiniens, l'accès à l'emploi et à des conditions d'emploi équitables. Les pratiques de certains employeurs libanais qui confisquent le passeport des travailleurs étrangers devraient être interdites.

25. Compte tenu de l'article 7 de la Convention, le Comité recommande à l'Etat partie d'affecter les ressources appropriées aux secteurs de l'enseignement, de l'éducation en général, de la culture et de l'information en vue de lutter contre toutes les formes de discrimination raciale ainsi que de favoriser la compréhension, la tolérance et l'amitié entre tous.

26. Le Comité estime que la Convention, les rapports périodiques présentés par l'Etat partie et les conclusions du Comité devraient faire l'objet d'une large diffusion.

27. Le Comité note que l'Etat partie n'a pas fait la déclaration visée dans l'article 14 de la Convention, et certains de ses membres demandent que soit envisagée la possibilité de faire cette déclaration.

28. Le Comité recommande à l'Etat partie de ratifier les amendements se rapportant au paragraphe 6 de l'article 8 de la Convention qui ont été adoptés à la quatorzième Réunion des Etats parties.

29. Le Comité recommande que l'Etat partie veille à ce que son prochain rapport périodique, attendu pour le 12 décembre 1998, soit un rapport complet apportant des réponses aux questions qui ont été évoquées au cours de l'examen du rapport considéré ici.



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