COMITÉ POUR L'ÉLIMINATION DE
LA DISCRIMINATION RACIALE
Soixantième session
4-22 mars 2002
EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L'ARTICLE
9 DE LA CONVENTION
Conclusions du Comité pour l'élimination de la discrimination raciale*
Jamaïque
1. Le Comité a examiné les huitième, neuvième, dixième, onzième, douzième,
treizième, quatorzième et quinzième rapports périodiques de la Jamaïque, présentés
en un seul document (CERD/C/383/Add.1), à ses 1511e et 1512e séances (CERD/C/SR.1511
et CERD/C/SR.1512), tenues les 14 et 15 mars 2002, et a adopté les conclusions
suivantes à sa 1521e séance (CERD/C/SR.1521), tenue le 21 mars 2002.
A. Introduction
2. Le Comité accueille avec satisfaction le document soumis par le Gouvernement
jamaïcain ainsi que les renseignements complémentaires fournis oralement par
la délégation. Tout en regrettant que le rapport ne contienne pas davantage
de renseignements, notamment en ce qui concerne la suite donnée aux précédentes
conclusions, le Comité se félicite de cette occasion de renouer le dialogue
avec l'État partie après plus de huit ans.
B. Aspects positifs
3. Le Comité se félicite de la promulgation de la loi (provisoire) sur le
Défenseur public (1999), qui a institué la fonction de défenseur public en
vue de garantir la protection et la réalisation des droits de l'homme et d'assurer
des voies de recours aux personnes victimes de violations de leurs droits.
C. Sujets de préoccupation et recommandations
4. Le Comité note que l'État partie a engagé un processus de révision de la
Constitution dans la perspective notamment de la promulgation d'une loi sur
la ratification des traités prévoyant l'incorporation des obligations découlant
des traités internationaux dans la législation interne. Constatant que ce
processus est en cours depuis un certain temps, le Comité encourage l'État
partie à arrêter les mesures nécessaires pour le mener à bien et à lui présenter
des renseignements pertinents sur ce point dans son prochain rapport périodique.
Le Comité souhaiterait également avoir des précisions concernant les dispositions
prises pour assurer la protection des libertés et droits fondamentaux telle
qu'elle est prévue à l'article 24 de la Constitution, notamment pour ce qui
est de la lutte contre la discrimination fondée sur la race, la couleur ou
l'origine ethnique.
5. Le Comité rappelle à l'État partie qu'il lui est difficile d'accepter
qu'un État partie se contente d'affirmer qu'il n'existe aucune forme de
discrimination raciale sur son territoire. Il lui rappelle également que
l'absence de plaintes émanant de victimes de discrimination raciale pourrait
signifier que les voies de recours disponibles sont mal connues. Il encourage
l'État partie à revoir sa perception de la discrimination raciale sur son
territoire et à mettre en œuvre des mesures efficaces visant à faire
face aux manifestations directes et indirectes de discrimination. En outre,
il recommande à l'État partie de prendre des mesures appropriées pour informer
l'opinion publique des voies de recours ouvertes aux victimes d'actes de
discrimination raciale. Il lui demande par ailleurs d'inclure dans son prochain
rapport périodique des données statistiques sur les actions en justice qui
auraient été engagées en liaison avec des actes de discrimination raciale.
6. Le Comité s'inquiète de ce qu'il n'existe pas, dans l'État partie, de
mesure d'ordre législatif, administratif ou autre visant expressément à
donner effet aux dispositions de l'article 4 de la Convention, notamment
à la disposition de l'alinéa b de l'article 4 interdisant les organisations
racistes. Il insiste sur les obligations incombant à l'État partie en vertu
de la Convention et réaffirme l'importance du rôle préventif de telles mesures.
À cet égard, il appelle également l'attention de l'État partie sur sa recommandation
générale n° VII, ainsi que sur sa recommandation générale n° XV, dans laquelle
il a affirmé que l'interdiction de la diffusion de toute idée fondée sur
la supériorité ou la haine raciale était compatible avec le droit à la liberté
d'opinion et d'expression. Le Comité invite instamment l'État partie à dûment
envisager la possibilité d'adopter dans les meilleurs délais les dispositions
législatives nécessaires pour donner effet à l'article 4 de la Convention,
et plus particulièrement à son alinéa b.
7. Le Comité suggère de nouveau à l'État partie d'envisager de retirer
sa réserve à l'article 4 de la Convention.
8. Le Comité regrette que le rapport de l'État partie, faute de renseignements
adéquats concernant l'article 5 de la Convention, ne lui permette pas de
se faire une idée précise de la situation des droits civils et politiques
ainsi que des droits économiques, sociaux et culturels des différents groupes
ethniques en Jamaïque. Le Comité recommande à l'État partie d'inclure dans
son prochain rapport des renseignements concernant les mesures prises en
vue d'appliquer les dispositions de l'article 5 de la Convention.
9. Le Comité se déclare préoccupé par l'indigence des données, en ce qui
concerne en particulier les statistiques démographiques, fournies dans le
rapport de l'État partie. Tout en prenant note de l'explication selon laquelle
l'État partie ne collecte pas de données ventilées selon la race ou l'appartenance
ethnique, le Comité rappelle qu'il a besoin de données pour évaluer la situation
des minorités dans chaque État. À cet égard, il invite instamment l'État
partie à revoir sa position et à inclure dans son prochain rapport périodique:
a) des renseignements sur la composition ethnique de la population, notamment
des données statistiques sur les groupes ethniques numériquement faibles;
b) des données ventilées sur l'emploi des personnes issues des différents
groupes raciaux dans les différents services de l'administration publique.
10. Le Comité note l'absence de toute référence dans le rapport à la contribution
des organisations issues de la société civile à la promotion de l'harmonie
ethnique et exprime l'espoir que le prochain rapport périodique fera état
du rôle de ces organisations, notamment de celles qui participent à la lutte
contre la discrimination raciale, y compris en faisant mieux connaître la
Convention.
11. Le Comité recommande à l'État partie de tenir compte lorsqu'il incorpore
les dispositions de la Convention, en particulier celles des articles 2
à 7, dans l'ordre juridique interne des passages pertinents de la Déclaration
et du Programme d'action de Durban et d'inclure dans son prochain rapport
périodique des renseignements sur les plans d'action et autres mesures adoptés
pour appliquer la Déclaration et le Programme d'action de Durban au niveau
national.
12. Le Comité recommande à l'État partie d'envisager la possibilité de
faire la déclaration facultative prévue à l'article 14 de la Convention.
13. Le Comité recommande à l'État partie de ratifier les amendements au
paragraphe 6 de l'article 8 de la Convention, adoptés le 15 janvier 1992
à la quatorzième réunion des États parties à la Convention et entérinés
par l'Assemblée générale dans sa résolution 47/111.
14. Le Comité recommande à l'État partie de mettre ses rapports périodiques
à la disposition du grand public dès leur présentation et de faire connaître
de la même manière les conclusions correspondantes du Comité.
15. Le Comité recommande à l'État partie de soumettre son seizième rapport
périodique et son dix-septième rapport périodique, attendu le 4 juillet
2004, en un seul document qui constituerait une mise à jour et traiterait
de toutes les questions soulevées dans les présentes conclusions.
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* La cote CERD/C/No de la session/CO/... remplace désormais l'ancienne
cote CERD/C/304/Add...