University of Minnesota



Conclusions du Comité pour l'élimination de la discrimination raciale, Iraq, U.N. Doc. CERD/C/304/Add.80 (2001).




COMITÉ POUR L'ÉLIMINATION DE
LA DISCRIMINATION RACIALE
Cinquante-cinquième session

Examen des rapports présentés par les états parties
conformément à l'article 9 de la Convention


Conclusions du Comité pour l'élimination
de la discrimination raciale

Iraq


1. Le Comité a examiné le quatorzième rapport périodique de l'Iraq (CERD/C/320/Add.3) à ses 1344e et 1345e séances (voir CERD/C/SR.1344 et 1345), les 9 et 10 août 1999, et a adopté, à sa 1360e séance (voir CERD/C/ SR. 1360), le 19 août 1999, les observations finales ci-après.


A. Introduction

2. Le Comité accueille avec satisfaction le quatorzième rapport périodique de l'État partie, présenté deux ans seulement après la présentation du rapport précédent et qui contient des réponses aux questions posées par le Comité en 1997. Ceci montre la volonté de l'État partie de maintenir un dialogue permanent avec le Comité. Le Comité se félicite en outre des renseignements supplémentaires fournis par l'État partie dans les annexes au rapport ainsi que durant la présentation orale de celui-ci. Toutefois, il regrette le peu d'informations fournies en ce qui concerne l'application de certains articles de la Convention, en dépit de la recommandation faite par le Comité dans ses précédentes conclusions, à savoir que le quatorzième rapport devait être exhaustif.

B. Facteurs et difficultés entravant l'application de la Convention



3. Le Comité note la situation économique et sociale difficile qui prévaut dans le pays du fait de la guerre avec la République islamique d'Iran, de la guerre du Golfe et des sanctions économiques, ainsi que des incursions armées étrangères dans différentes régions du pays, qui ont causé des souffrances à la population et entraîné la destruction d'une partie des infrastructures de base du pays et, en dernière analyse, ont eu un impact négatif sur l'application intégrale des traités relatifs aux droits de l'homme, notamment la Convention. Le Comité rappelle à cet égard que d'autres organes de surveillance de l'application des traités relatifs aux droits de l'homme, par exemple le Comité des droits économiques, sociaux et culturels [notamment dans son observation générale No 8 (1997)], le Comité des droits de l'enfant et le Comité des droits de l'homme ont constaté les conséquences néfastes des sanctions économiques sur la jouissance des droits de l'homme par la population civile et que, dans sa décision 1998/114, la Sous-Commission de la lutte contre les mesures discriminatoires et de la protection des minorités a lancé un appel à la communauté internationale et, en particulier, au Conseil de sécurité pour que les dispositions de l'embargo affectant la situation humanitaire de la population iraquienne soient levées. Le Comité prend également note d'un rapport récent de l'UNICEF qui décrit la situation tragique des enfants, notamment le taux élevé de mortalité infantile, qui résulte des sanctions économiques. Ces sanctions affectent également les régions habitées par des groupes ethniques.

4. Le Comité se joint aux appels lancés à la communauté internationale et à l'Organisation des Nations Unies et, en particulier, au Conseil de sécurité, pour que soient levées les dispositions de l'embargo qui affectent, notamment, la situation humanitaire de la population iraquienne.

5. Le fait que l'administration centrale de l'État ne contrôle pas les gouvernorats du nord, où vivent de grands nombres de kurdes, de turkmènes et d'assyriens, les combats entre les factions kurdes et les incursions militaires de puissances étrangères entravent l'application de la Convention par l'État partie dans cette région et font qu'il est difficile pour le Comité d'exercer ses fonctions de surveillance.

6. En dépit de toutes les difficultés, le Comité considère que le Gouvernement iraquien demeure compétent pour exécuter ses obligations en vertu de la Convention.


C. Aspects positifs

7. Il est noté avec intérêt que l'État partie continue de se considérer comme lié par la déclaration de 1970 qui a reconnu les droits ethniques, culturels et administratifs des citoyens kurdes dans les régions dans lesquelles ils constituent une majorité, ainsi que par la loi de 1974 sur l'autonomie régionale du kurdistan iraquien, qui a établi la région autonome en tant qu'entité administrative distincte dotée d'une personnalité distincte. Les lois et règlements visant à protéger l'identité culturelle de la minorité turkmène et de la communauté de langue syriaque, qui remontent aux années 70, sont aussi dignes d'éloges. Toutes ces dispositions visent à établir des normes de protection élevées de l'identité des groupes concernés.

8. Le Comité accueille avec satisfaction les mesures prises par le Gouvernement iraquien pour découvrir ce qu'il est advenu des personnes, y compris des étrangers, disparues durant la guerre du Golfe.

9. Le Comité se félicite en outre qu'un nombre important de réfugiés et autres étrangers soient accueillis en Iraq et y résident.

10. Il prend également note avec satisfaction des renseignements fournis par le Gouvernement selon lesquels l'ordre juridique interne permet aux individus d'invoquer directement les dispositions de la Convention devant les tribunaux et la législation iraquienne contient des dispositions réprimant la discrimination raciale.


D. Principaux sujets de préoccupation

11. On s'inquiète de savoir si, étant donné les circonstances qui prévalent dans les gouvernorats septentrionaux, les membres des minorités sont en mesure de jouir des droits que leur accorde la législation sur l'autonomie et sur les droits culturels et linguistiques.

12. Également préoccupantes sont les allégations selon lesquelles la population non arabe vivant dans les régions de Kirkouk et de Khanaquin, en particulier les Kurdes, les Turkmènes et les Assyriens, se sont vu imposer certaines mesures par les autorités iraquiennes locales, par exemple réinstallation forcée, refus de l'égalité d'accès à l'emploi et à l'enseignement et limites à l'exercice de leurs droits de propriété foncière.

13. Il est aussi noté avec préoccupation que la situation qui prévaut dans les gouvernorats du nord cause beaucoup de souffrances à une grande partie de la population, notamment les membres de groupes ethniques vivant dans la région, et l'a contrainte à se déplacer.

14. Bien que le Code pénal contienne des dispositions interdisant de constituer une association, organisation ou autre entité visant à provoquer des conflits intercommunautaires ou des sentiments de haine et d'animosité au sein de la population, ou d'appartenir à une telle association, organisation ou autre entité, ces dispositions ne répondent pas pleinement aux exigences de l'article 4 de la Convention.


E. Suggestions et recommandations

15. Le Comité recommande que l'État partie, en dépit des difficultés, ne ménage aucun effort pour exécuter ses obligations en vertu de la Convention et des autres traités internationaux relatifs aux droits de l'homme de respecter les droits de toutes les personnes vivant sur son territoire et d'y donner effet.

16. Tout en soulignant que le Gouvernement iraquien demeure compétent pour appliquer la Convention dans la partie septentrionale du pays, le Comité lance un appel en faveur de l'instauration d'un climat de paix et de compréhension entre les différentes factions kurdes et entre les Kurdes et les autres personnes vivant dans la région. Le Comité lance aussi un appel aux différents États et forces impliqués dans la région afin qu'ils mettent fin à toutes activités entraînant ou encourageant les conflits et l'intolérance ethniques, et contribuent à la paix et au respect des droits de l'homme de l'ensemble de la population.

17. L'État partie devrait examiner les allégations faisant état d'une discrimination contre les membres de minorités ethniques dans les régions de Kirkouk et Khanaquin, comme on l'a dit plus haut. Le Comité demande à être informé du résultat de ces investigations.

18. Le Comité recommande à l'État partie de revoir sa législation afin qu'elle réponde pleinement aux exigences de l'article 4 de la Convention.

19. Des mesures devraient être prises afin que les policiers et autres responsables du maintien de l'ordre reçoivent une formation efficace en ce qui concerne tous les aspects de la non-discrimination couverts par la Convention.

20. L'État partie devrait faire figurer dans son prochain rapport périodique des données actualisées indiquant dans quelle mesure les différents groupes ethniques jouissent des droits économiques et sociaux consacrés à l'article 5 de la Convention. Il devrait aussi fournir des informations sur : la composition démographique de la population; le nombre de personnes appartenant aux diverses minorités qui sont employées comme fonctionnaires dans les administrations centrale et locale; les décisions rendues par les tribunaux à la suite de plaintes pour discrimination raciale; et l'impact des restrictions à l'acquisition de biens fonciers, compte tenu de la composition de la population dans le gouvernorat de Bagdad.

21. Le Comité demande aussi à l'État partie de lui fournir davantage de renseignements sur la jouissance, par les membres des minorités, de la liberté de circuler et de résider dans le pays et du droit de quitter le pays et d'y revenir.

22. Le Comité recommande que le texte de la Convention, le rapport périodique et les présentes conclusions soient largement diffusés dans le public, également dans les langues minoritaires.

23. Le Comité recommande que l'État partie ratifie les amendements au paragraphe 6 de l'article 8 de la Convention adoptés le 15 janvier 1992 à la quatorzième réunion des États parties de la Convention.

24. Il est noté que l'État partie n'a pas fait la déclaration prévue à l'article 14 de la Convention, et certains membres du Comité ont demandé que la possibilité d'une telle déclaration soit envisagée.

25. Le Comité recommande que le prochain rapport périodique de l'État partie, qui devait être présenté le 13 février 1999, soit un rapport exhaustif, et qu'il envisage les questions soulevées dans les présentes conclusions.



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