University of Minnesota



Observations finales du Comit
é pour l'élimination de la discrimination raciale, Grèce, U.N. Doc. A/47/18,paras.75-92 (1992).






COMITE POUR L'ELIMINATION DE
LA DISCRIMINATION RACIALE

EXAMEN DES RAPPORTS PRESENTES PAR LES ETATS PARTIES
CONFORMEMENT A L'ARTICLE 9 DE LA CONVENTION


Conclusions du Comité pour l'élimination
de la discrimination raciale

Grèce


75. Les huitième, neuvième, dixième et onzième rapports périodiques de la Grèce, présentés en un seul document (CERD/C/210/Add.1), ont été examinés par le Comité à ses 940e, 941e et 950e séances, tenues les 4 et 11 août 1992 (voir CERD/C/SR.940, 941 et 950).

76. Les rapports ont été présentés par le représentant de l'Etat partie qui a appelé l'attention sur le paragraphe 1 de l'article 28 de la Constitution qui stipule que les instruments internationaux auxquels la Grèce est partie non seulement font partie intégrante du droit hellénique mais ont une valeur supérieure à la législation nationale. En cas de conflit entre ces textes, un juge devait appliquer les dispositions internationales pertinentes. Il existait donc un ensemble de lois en vertu desquelles les violations de la Convention étaient considérées comme des délits. Toutefois, comme la société grecque était traditionnellement tolérante à l'égard des autres races et des autres groupes, aucune plainte pour discrimination n'avait été adressée aux tribunaux du pays. La Grèce avait ratifié la plupart des conventions internationales interdisant tout comportement discriminatoire et était en train de créer un organe administratif distinct qui s'occuperait des droits de l'homme d'une manière générale. Grâce à ce nouvel organe, la Grèce pourrait présenter ses rapports en temps opportun. Depuis 1985, la Grèce reconnaissait aux particuliers le droit de saisir la Commission européenne des droits de l'homme, laquelle n'avait reçu qu'un très petit nombre de plaintes.

77. En ce qui concerne l'Afrique du Sud et les sanctions contre ce pays, la Grèce avait fait le nécessaire pour que sa législation interne soit conforme aux résolutions du Conseil de sécurité. De même, en tant que membre de la Communauté européenne, la Grèce avait pris à l'égard de l'Afrique du Sud toutes les mesures exigées par la Communauté.

78. Des membres du Comité, après avoir rendu hommage à la Grèce pour son rapport, ont noté cependant que celui-ci était insuffisant à certains égards. Les renseignements fournis touchant les mesures judiciaires et administratives étaient limités et les données relatives à la composition démographique de la population, incomplètes. En outre, des membres du Comité auraient aimé savoir si la Convention avait été utilisée comme base pour modifier la législation interne ou si les dispositions de la Convention étaient appliquées directement. On a fait remarquer qu'aucun Etat ne pouvait prétendre ne connaître aucun problème en matière de discrimination raciale.

79. En ce qui concernait l'article 1 de la Convention, des membres du Comité ont demandé des précisions au sujet de la composition démographique de la Grèce sur le plan ethnique, en particulier sur les proportions de la population totale que représentaient les communautés turque, pomaque et tzigane ainsi que sur les taux de natalité et de mortalité de ces communautés. Des renseignements complémentaires ont également été demandés au sujet de la situation des communautés albanaise et macédonienne en Grèce. Notant que des ressortissants grecs qui étudiaient ou travaillaient à l'étranger risquaient de perdre leur nationalité, des membres du Comité ont souhaité savoir combien de ressortissants grecs d'origine non hellénique avaient perdu leur nationalité dans ces conditions.

80. Se référant à l'article 2 de la Convention, des membres du Comité ont souhaité connaître le nombre des étrangers vivant en Grèce et leur statut en vertu de la loi grecque. Ils ont également demandé si des réfugiés yougoslaves et albanais vivaient en Grèce, quel était leur statut et si tous les réfugiés arrivant à la frontière étaient traités de la même manière.

81. En ce qui concernait l'article 4 de la Convention, des membres du Comité ont demandé si les dispositions de l'article 192 du Code pénal, qui frappaient d'une peine d'emprisonnement toute personne troublant l'ordre public en incitant à la violence ou en créant des divisions entre les citoyens, avaient été appliquées, si des organisations poursuivant des buts racistes ou discriminatoires avaient été dissoutes et combien de fois la loi No 927/1979 avait été invoquée en justice et quel avait été le résultat.

82. Des membres du Comité ont souhaité avoir des précisions sur les mesures prises pour appliquer les dispositions de l'article 5 de la Convention. De plus amples informations ont été demandées, en particulier sur la situation de la minorité musulmane qui était à 50 % d'origine ethnique turque, compte tenu notamment des allégations de discrimination dont cette minorité serait l'objet; sur la cessation de leurs activités par la plupart des associations turques de Thrace occidentale suite, disait-on, à une décision de la Cour suprême de 1988 déclarant que l'emploi du mot "turc" pour désigner des Grecs musulmans portait atteinte à l'ordre public; sur le nombre et le type d'écoles où la langue turque était enseignée; sur les restrictions à la liberté de circulation et de résidence en Thrace occidentale, s'agissant notamment des Pomaques et des membres de la minorité turque; sur des plaintes selon lesquelles les biens des Grecs d'origine turque étaient fréquemment confisqués, mais rarement ceux des autres Grecs; sur l'existence possible en Grèce de partis politiques constitués sur une base ethnique; sur le nombre de membres du Parlement appartenant à des groupes minoritaires; sur la possibilité pour ces mêmes groupes d'avoir un enseignement primaire et secondaire dispensé dans leur propre langue; et sur la question de savoir si la langue macédonienne était reconnue par les autorités grecques ou simplement considérée comme un dialecte.

83. S'agissant de l'article 6 de la Convention, des membres du Comité ont demandé si les tribunaux avaient été saisis de plaintes pour discrimination; si les dispositions de l'article 57 du Code civil, qui protège la réputation des particuliers, n'étaient pas appliquées d'une manière trop restreinte; et si le Gouvernement grec envisageait activement de faire la déclaration prévue à l'article 14 de la Convention.

84. En ce qui concernait l'article 7 de la Convention, des membres du Comité ont demandé si les dispositions de la Convention étaient enseignées dans le cadre d'un programme d'études universitaires.

85. Dans sa réponse, le représentant de l'Etat partie a déclaré que la Grèce était particulièrement sensible aux problèmes des minorités, notamment en raison du fait qu'il y avait des minorités grecques dans de nombreuses régions du monde. Voilà pourquoi le Procureur général n'avait été saisi d'aucune plainte pour discrimination présentée en vertu de la loi No 927/1979. Parmi la communauté musulmane vivant en Thrace occidentale, qui comptait 110 000 à 115 000 personnes, seul un petit nombre d'agitateurs souhaitaient faire sécession. La région était restée longtemps sous-développée mais d'importantes initiatives avaient été prises pour améliorer les conditions de vie de cette minorité. Pour ce qui était des mesures d'expropriation prises par l'Etat, seuls 18 % des personnes frappées par ces mesures étaient des musulmans et aucune plainte n'avait été adressée aux tribunaux. Quant aux incidents signalés à Komotini, en Thrace occidentale, en 1990, ceux-ci n'avaient pas un caractère racial mais concernaient des membres de la même communauté.

86. S'agissant des Albanais résidant en Grèce, le mot de "minorité" n'était guère approprié pour décrire la situation de ces personnes; il ne s'agissait, en effet, que d'un petit nombre de familles albanaises dispersées dans l'ensemble du pays. En ce qui concernait la Macédoine, il était important de rappeler qu'il s'agissait d'une région divisée entre la Grèce, la Bulgarie et l'ancien Etat de Yougoslavie. La notion d'ethnie macédonienne n'existait pas, ayant été purement et simplement inventée par le maréchal Tito. Il n'existait donc pas de minorité macédonienne en Grèce mais il y avait des citoyens qui parlaient une langue qui se rapprochait du bulgare.

87. A propos de la déclaration prévue à l'article 14, le représentant a informé le Comité que son gouvernement envisageait de créer un service qui s'occuperait de toutes les pétitions présentées en vertu d'instruments internationaux.

88. En conclusion, le représentant a assuré le Comité que les questions soulevées lors du débat auxquelles il n'avait pas pu répondre seraient traitées en détail dans le prochain rapport de son pays au Comité.

Conclusions

89. Le Comité a félicité le Gouvernement grec d'avoir, après un intervalle de six ans, renoué le dialogue avec le Comité en présentant son onzième rapport qui contenait les huitième, neuvième et dixième rapports.

90. En examinant le rapport, le Comité a constaté que la législation grecque correspondait à l'article 4 de la Convention. Le Comité a toutefois noté aussi que la Grèce n'avait pas fourni d'informations sur les procédures judiciaires dans lesquelles les diverses dispositions du droit pénal grec avaient été invoquées.

91. Afin de déterminer si la différenciation entre musulmans, Pomaques, tziganes, Arméniens et autres, particulièrement mais pas uniquement dans la Thrace occidentale, avait pour effet d'entraver les droits de l'homme et les libertés fondamentales des membres de ces groupes, le Comité a demandé au Gouvernement grec d'inclure dans son prochain rapport périodique des informations sur la situation économique, sociale et culturelle de ces groupes, en ayant présente à l'esprit la recommandation VIII du Comité concernant les critères régissant l'identification des groupes ethniques, selon laquelle on ne pouvait décider que telle ou telle personne appartenait à tel ou tel groupe racial ou ethnique que si elle s'en réclamait elle-même.

92. Compte tenu des dispositions de l'alinéa c) du paragraphe 1 de l'article 2 de la Convention, le Comité a demandé au Gouvernement grec de réviser sa loi sur la nationalité dans la mesure où elle établissait une différence entre Grecs ethniques et non ethniques, en même temps que toutes les pratiques juridiques ou administratives qui s'appuyaient sur cette distinction.



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