University of Minnesota



Conclusions du Comit
é pour l'élimination de la discrimination raciale, Allemagne, U.N. Doc. CERD/C/304/Add.24 (1997).




COMITE POUR l'ELIMINATION
DE LA DISCRIMINATION RACIALE
Cinquantième session

EXAMEN DES RAPPORTS PRESENTES PAR LES ETATS PARTIES
CONFORMEMENT A L'ARTICLE 9 DE LA CONVENTION

Conclusions du Comité pour l'élimination de la discrimination raciale


Allemagne

1. Le Comité a examiné les treizième et quatorzième rapports périodiques de l'Allemagne présentés en un seul document (CERD/C/299/Add.5) à ses 1196ème et 1197ème séances (CERD/C/SR.1196 et 1197), les 10 et 11 mars 1997. A sa 1211ème séance tenue le 20 mars 1997, il a adopté les conclusions suivantes.


A. Introduction

2. Le Comité félicite l'Etat partie pour la qualité de son rapport, établi conformément aux principes directeurs du Comité, bien qu'il soit noté que le rapport ne répond pas systématiquement aux conclusions du Comité relatives au précédent rapport de l'Etat partie. Les informations détaillées fournies dans le rapport et ses annexes, l'attitude franche et constructive adoptée par la délégation de haut niveau dans le dialogue avec le Comité et les informations supplémentaires apportées en réponse aux questions posées par des membres du Comité témoignent du sérieux attachement du Gouvernement allemand aux principes et au but de la Convention.

3. Le Comité note que l'Etat partie n'a pas fait la déclaration prévue à l'article 14 de la Convention, et certains de ses membres ont demandé qu'il envisage la possibilité de faire cette déclaration.


B. Facteurs et difficultés entravant l'application de la Convention

4. Le Comité note qu'il n'existe en Allemagne aucun organisme ou médiateur national chargé des droits de l'homme qui soit habilité à suivre et coordonner les efforts du Gouvernement pour éliminer la discrimination raciale, et qu'aucune loi générale visant à lutter contre la discrimination n'a été adoptée, nonobstant le fait que la Constitution allemande (Grundgesetz) et de nombreuses lois fédérales et provinciales (Länder) interdisent effectivement différentes manifestations de discrimination raciale et de xénophobie et prévoient des sanctions pénales contre leurs auteurs.


C. Facteurs positifs

5. Le Comité exprime sa satisfaction devant la diminution importante des infractions pénales commises à l'encontre d'étrangers et de demandeurs d'asile, ainsi que d'autres expressions de discrimination et de violence raciales, au cours de la période écoulée depuis le dernier rapport de l'Allemagne. Cette évolution doit être apparemment attribuée aux nombreuses mesures d'ordre législatif, administratif et judiciaire prises par les autorités allemandes aux niveaux fédéral et provincial, y compris des amendements à la législation pénale et l'adoption de lois supplémentaires visant à rendre plus efficaces l'interdiction de la discrimination raciale et la protection des victimes.

6. L'interdiction de la production et de la diffusion de publications néo-nazies et la sévérité des peines prononcées à l'encontre de personnes reconnues coupables d'incitation à la haine raciale ont certainement contribué à l'amélioration de la situation depuis le dernier rapport de l'Allemagne. Il y a eu aussi un recul notable du nombre de personnes affiliées à des organisations extrémistes, dont plusieurs ont été interdites. Dans ce contexte, le Comité est satisfait de constater que l'Allemagne a adopté des mesures législatives pour satisfaire aux exigences de l'article 4 de la Convention.

7. Le Comité n'ignore pas que les attitudes de xénophobie et de discrimination raciale sont rejetées par un vaste secteur de la société allemande, comme le montrent les nombreuses manifestations spontanées qui ont lieu dans des villes allemandes pour s'opposer à la discrimination, les expressions de compassion à l'égard des victimes de violences, et la condamnation fréquente de la xénophobie et de la discrimination raciale dans la presse quotidienne et les autres médias.

8. Le Comité réaffirme que le génocide a, à juste titre, été condamné en tant que crime contre l'humanité et il a bon espoir que tous les actes de génocide seront condamnés sans aucune distinction quant à l'époque, au lieu ou au groupe de victimes; il espère en outre que des systèmes d'indemnisation des victimes de génocide et de prévention de toute discrimination future s'appliqueront à tous les groupes qui ont été ou peuvent devenir victimes.

9. Selon les informations fournies tant dans le rapport que de manière orale par la délégation, certaines victimes de discrimination ont réussi à faire valoir leurs droits devant les tribunaux allemands, y compris dans le domaine de l'emploi.

10. Le Comité se félicite des informations données par la délégation à propos des principes directeurs sur l'éducation publiés par la Conférence des Ministres de la culture, qui prévoient l'enseignement systématique des droits de l'homme et des principes de tolérance et de coexistence dans une société multiculturelle. En particulier, le Comité félicite les autorités allemandes de l'amélioration des programmes scolaires à différents niveaux, notamment par une instruction dispensée, dès les premières années de scolarité, sur d'autres cultures et religions, en vue d'inculquer aux jeunes un sentiment de respect de tous les êtres humains, quelle que soit leur origine ethnique ou leur appartenance religieuse.

11. Le fait que la délégation allemande reconnaisse franchement qu'il subsiste de graves problèmes à régler et l'engagement des autorités allemandes à prendre des mesures préventives et à continuer à suivre l'évolution de la situation dénotent une attitude réaliste de nature à produire de bons résultats.

12. Le Comité prend également note avec satisfaction de la coopération régionale en cours pour l'élimination de la xénophobie et de la discrimination raciale, notamment dans le contexte de l'Union européenne, par exemple des activités engagées en relation avec l'Année européenne conte le racisme.


D. Principaux sujets de préoccupation

13. Des préoccupations sont exprimées à propos de manifestations de xénophobie et de discrimination raciale, dont des actes d'antisémitisme et d'hostilité à l'égard de certains groupes ethniques, ainsi que de la violence raciale qui reste un phénomène non négligeable en Allemagne. Malgré les efforts du Gouvernement pour prévenir de tels faits et en punir les auteurs, il apparaît que ces manifestations traduisent des préjugés profondément enracinés et des craintes latentes dans certaines couches de la population, notamment parmi les éléments les moins éduqués et les chômeurs. Cette situation requiert la poursuite des efforts de la part du gouvernement fédéral et des gouvernements provinciaux pour supprimer les causes de discrimination et intensifier les programmes d'information et d'éducation.

14. Des préoccupations sont exprimées en raison du fait que l'Etat partie a accordé le statut de minorité ethnique et assuré une protection spéciale à quatre petits groupes ethniques vivant traditionnellement en Allemagne mais a laissé sans protection particulière des groupes ethniques numériquement beaucoup plus importants, en particulier les membres de ces groupes ethniques ayant le statut de résident à long terme ou qui sont devenus citoyens allemands.

15. Des préoccupations ont été exprimées à propos de cas de brutalités policières contre des étrangers, en particulier des Africains et des Turcs, dont la presse s'est fait l'écho. Une amélioration de la formation et un renforcement des mesures disciplinaires contre les auteurs de ces actes semblent être nécessaires.

16. Il est pris note avec inquiétude du fait que des compagnies d'assurance privées opèrent parfois une discrimination à l'encontre de groupes ethniques et que c'est à la victime qu'il incombe d'engager une action. Le Comité estime que la législation fédérale régissant le secteur de l'assurance devrait interdire de tels abus.

17. Des préoccupations ont aussi été exprimées en raison de l'absence d'une législation d'ensemble interdisant la discrimination raciale dans le secteur privé conformément aux articles 2 1) d) et 5 e) i) de la Convention.

18. Il est noté avec inquiétude, en relation avec l'article 6 de la Convention, que certaines catégories d'étrangers, dont ceux dépourvus de statut légal et les résidents temporaires, n'ont pas droit à réparation en raison d'actes de discrimination raciale commis à leur encontre.

19. Il est noté avec inquiétude qu'aucune information n'a été fournie par l'Etat partie à propos des mesures prises pour supprimer toute ségrégation raciale de facto conformément à l'article 3 de la Convention tel qu'il a été précisé dans la recommandation générale XIX (47) du Comité.


E. Suggestions et recommandations

20. Le Comité recommande de nouveau que les autorités allemandes envisagent sérieusement l'adoption d'une loi générale visant à lutter contre la discrimination et propose que soit également envisagée la création d'un organisme national pour faciliter l'application de la Convention, eu égard à la recommandation générale XVII (42) du Comité.

21. Le Comité encourage l'Etat partie à continuer de rechercher les moyens d'offrir une protection spécifique à tous les groupes ethniques vivant en Allemagne.

22. Dans son prochain rapport, l'Etat partie devrait aborder, entre autres, les questions de la discrimination raciale dans le secteur privé, de l'accès des étrangers à l'emploi, de l'égalité contractuelle dans l'emploi, de la ségrégation raciale de facto (compte tenu de la recommandation générale XIX (47) du Comité concernant l'article 3 de la Convention), de la célérité des enquêtes et des poursuites dans le cas d'infractions xénophobes, en particulier celles commises par des membres de la police, de la législation sur les étrangers et de son application (conformément à la recommandation générale XI du Comité), des pratiques actuelles en matière d'asile, pour ce qui est notamment de la liste des "pays sûrs", de l'indemnisation de toutes les victimes d'actes de discrimination raciale en Allemagne, et des compétences respectives des autorités fédérales et provinciales (Länder).

23. Le Comité recommande que le prochain rapport périodique de l'Etat partie constitue une mise à jour du précédent conformément aux principes directeurs pertinents, tenant compte des conclusions du Comité.

24. Le Comité invite l'Etat partie à diffuser largement en Allemagne son rapport et les conclusions du Comité en vue de susciter un débat sur les problèmes qui subsistent.



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