University of Minnesota



Observations finales du Comit
é pour l'élimination de la discrimination raciale, Égypte, U.N. Doc. A/49/18,paras.362-387 (1994).





COMITE POUR L'ELIMINATION DE
LA DISCRIMINATION RACIALE

EXAMEN DES RAPPORTS PRESENTES PAR LES ETATS PARTIES
CONFORMEMENT A L'ARTICLE 9 DE LA CONVENTION


Conclusions du Comité pour l'élimination
de la discrimination raciale

Égypte


362. Le Comité a examiné les onzième et douzième rapports périodiques de l'Égypte formant un seul document (CERD/C/226/Add.13) à ses 1048e et 1049e séances les 4 et 5 août 1994 (CERD/C/SR.1048 et 1049).

363. Le rapport a été présenté par le représentant de l'État partie, qui a exposé brièvement les mesures prises pour donner effet aux dispositions de la Convention depuis la présentation du rapport précédent. Il a signalé au Comité, en particulier, l'adoption d'une législation conforme aux obligations énoncées à l'article 4 de la Convention touchant l'interdiction des organisations qui incitent à la discrimination raciale ou qui l'encouragent. Le représentant a également mis en lumière les efforts engagés par l'État partie pour appliquer l'article 7 de la Convention en prenant des mesures éducatives et en organisant des campagnes d'information destinées à mieux faire connaître les droits de l'homme et les libertés. Ces campagnes visent également à neutraliser les comportements et les traditions susceptibles de porter atteinte à la réalisation des droits de l'homme, notamment ceux qui ont trait au développement économique.

364. Les membres du Comité se sont félicités de l'occasion fournie à ce dernier de poursuivre son dialogue constructif avec l'État partie, mais ils ont regretté que le rapport n'ait pas été établi conformément aux directives unifiées du Comité sur l'établissement des rapports et qu'on n'y trouve pas les réponses aux questions auxquelles il n'avait pas été répondu lors de l'examen du précédent rapport de l'État partie. Un complément d'information était nécessaire aussi sur les facteurs et difficultés rencontrés dans l'application des dispositions de la Convention. Il a également été noté que les renseignements essentiels sur la composition ethnique de la population ne se trouvaient pas dans le rapport.

365. Des inquiétudes ont été exprimées au sujet du régime d'état d'urgence en vigueur dans l'État partie. Mention a été faite des agressions violentes qui, au cours des dernières années et des derniers mois, avaient été dirigées contre des étrangers et des membres de l'Église copte d'Égypte, ainsi que des problèmes qui se posaient à l'État partie pour faire face à cette situation. À ce propos, les membres du Comité voulaient être informés des mesures prises pour protéger les groupes en question contre les agressions ou le harcèlement.

366. Des renseignements supplémentaires ont été demandés au sujet de la place de la Convention dans le droit interne. En outre, les membres du Comité se sont déclarés inquiets du fait que la législation nationale ne répondait pas à toutes les conditions énoncées à l'article premier de la Convention. À ce sujet, ils ont demandé des éclaircissements sur le point de savoir si, aux termes des dispositions de l'article 40 de la Constitution, la discrimination fondée sur la race était interdite et quelle était la protection accordée aux non-ressortissants touchant l'exercice des droits qui leur sont garantis par la Convention.

367. Les membres du Comité ont noté qu'aux termes de l'article 86 bis du Code pénal, modifié par la loi No 97 du 18 juillet 1992, constituait une infraction pénale, entre autres, l'établissement de toute association, organe, organisation, groupe ou bande prônant d'une manière quelconque la violation de la liberté individuelle des citoyens ou de leurs droits et libertés publics garantis par la Constitution et la loi ou cherchant à porter atteinte à l'unité nationale et l'harmonie sociale, et que le Code pénal prévoyait les mesures énoncées à l'article 4 de la Convention. Toutefois, ils ont observé que le rapport n'expliquait pas suffisamment la manière dont cet article du Code était appliqué par les tribunaux égyptiens et n'indiquait pas la jurisprudence qui s'était constituée dans ce domaine, notamment au sujet du sens à donner aux termes d'unité nationale et l'harmonie sociale. Toujours à propos de l'application de l'article 4 de la Convention, la question a été posée de savoir si des publications incitant à la haine raciale, notamment à l'égard des Juifs, circulaient dans le pays.

368. Au sujet de l'article 5 de la Convention, les membres du Comité se sont inquiétés de ne pas avoir de renseignements sur la mesure dans laquelle tous les groupes de la population de l'État partie exerçaient les droits énumérés dans cet article. C'est ainsi qu'ils ont posé des questions sur le point de savoir si les Arméniens et les Grecs vivant en Égypte avaient la nationalité égyptienne et sur la situation économique et sociale de ces groupes. Des précisions ont également été demandées concernant les mesures prises non seulement pour protéger la langue et le mode de vie traditionnel des Nubiens en particulier, mais aussi pour protéger les droits culturels, économiques et sociaux des Nubiens, des Berbères et des Bédouins d'Égypte, en général. Des questions ont aussi été posées au sujet de la situation des Palestiniens vivant en Égypte. De plus, un complément d'information a été demandé sur l'application dans la pratique de l'article 4 de la loi No 40 sur les partis politiques de 1977 et sur la jurisprudence relative au sens des termes "ordre public" et "moralité publique" aux fins de l'application des articles 2 et 33 de la loi No 132 de 1964 sur les associations et institutions privées.

369. Pour ce qui est de l'article 6 de la Convention, les membres du Comité ont pris note des renseignements figurant dans le rapport de l'État partie selon lesquels, pour les actes interdits en vertu de l'article 4 de la Convention, la législation nationale stipulait que les procédures pénales ou civiles engagées pour réprimer certaines infractions ne pouvaient s'éteindre par prescription et que ses décisions administratives prises en violation des dispositions de la Constitution ou de la Convention donnaient lieu à indemnisation ou à réparation. À ce propos, les membres du Comité ont demandé comment cette législation était appliquée dans la pratique et des renseignements sur les affaires de ce type dont les tribunaux avaient pu être saisis.

370. À propos de l'article 7 de la Convention, mention a été faite de la recommandation générale XIII (42) du Comité sur la formation des responsables de l'application des lois à la protection des droits de l'homme, et il a été question de l'utilité, en général, de dispenser à ces fonctionnaires une éducation et une information sur les droits de l'homme. Mention a également été faite du rôle que les institutions nationales de défense des droits de l'homme pouvaient jouer pour promouvoir et protéger les droits de l'homme, notamment ceux qui sont énoncés dans la Convention. Un complément d'information a été demandé sur les activités organisées par l'État partie dans les domaines en question.

371. Il a été observé que l'État partie n'avait pas fait la déclaration prévue à l'article 14 de la Convention; des membres du Comité ont demandé si l'État partie envisageait de prendre des mesures en vue de reconnaître la compétence du Comité pour examiner les communications reçues en vertu des dispositions de l'article 14.

372. Répondant aux questions posées par les membres du Comité, le représentant de l'État partie a expliqué que l'article 40 de la Constitution énonçait l'égalité devant la loi et que, même si les termes de race ou de couleur n'étaient pas spécifiquement mentionnés, le terme "origine", utilisé dans cet article, avait un sens très large en arabe et englobait les aspects en question. Au sujet des lois sur la nationalité, le Comité a été informé que les autorités égyptiennes étudiaient actuellement des propositions tendant à régulariser la situation des enfants nés de mère égyptienne et de père non égyptien. En outre, le représentant de l'État partie a indiqué que des experts allaient étudier les observations du Comité sur les aspects de la législation égyptienne qu'il faudrait peut-être modifier pour les mettre en conformité avec les dispositions de la Convention.

373. Touchant la protection des personnes menacées par le terrorisme, le représentant de l'État partie a indiqué que les mesures prises par ce dernier visaient à améliorer la sécurité tant de la population égyptienne que des personnes de passage dans le pays.

374. Au sujet de l'application des articles 4 à 6 de la Convention, le représentant de l'Égypte a indiqué qu'aux termes de l'article 57 de la Constitution, les procédures pénales et civiles engagées pour faire valoir les droits et libertés garantis par la Constitution et par la loi n'étaient frappées d'aucune prescription, que les violations de ces droits et libertés constituaient des infractions et que l'État devait garantir une indemnisation aux victimes. Au sujet du sens à donner aux notions d'harmonie sociale et d'unité nationale en droit égyptien, le représentant de l'État partie a expliqué que tout acte interdit aux termes de la Convention serait considéré comme portant atteinte à l'unité nationale et à l'harmonie sociale en droit égyptien. De même, la notion d'ordre public telle qu'on l'entendait en Égypte désignait un domaine dont relevaient les droits et libertés fondamentaux et ceux-ci devaient être scrupuleusement respectés par tous, notamment par les organismes publics.

375. En ce qui concerne les communautés ethniques, le représentant de l'État partie a déclaré qu'elles jouissaient de l'égalité des droits et d'une entière liberté, notamment celle d'avoir leurs propres écoles, de recevoir un enseignement dans leur langue maternelle et d'avoir des publications dans leur propre langue. Les Nubiens constituaient un groupe homogène dans la société égyptienne et parlaient l'arabe avec leur propre dialecte. Lorsqu'ils ont été réinstallés après la construction du barrage d'Assouan, le Gouvernement égyptien a tenu compte des objections formulées à l'encontre des logements qui leur avaient été fournis et a établi des plans s'inspirant du style d'architecture préféré des Nubiens. Ceux-ci ne faisaient l'objet d'aucune discrimination, pouvaient exercer leurs propres activités et accéder à des postes d'un rang très élevé; il y avait des Nubiens parmi les ministres, dans les rangs supérieurs de la hiérarchie judiciaire et dans le corps enseignant à tous les niveaux.

376. En ce qui concerne l'application de l'article 7 de la Convention, le représentant de l'État partie a indiqué que les instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme figuraient dans les programmes des écoles de formation de la police et des écoles de magistrature, ainsi que dans les programmes d'éducation permanente de la fonction publique et de la police. Le Centre pour les droits de l'homme avait fourni une assistance précieuse à cet égard, en organisant notamment un cours de formation à l'intention des agents de police. De plus, cette matière était enseignée dans les écoles et à l'université et les autorités s'efforçaient de sensibiliser le public, spécialement les enfants et les jeunes, aux questions ayant trait aux droits de l'homme. L'Organisation égyptienne des droits de l'homme n'avait pas encore été officiellement reconnue.

377. Le représentant de l'État partie a indiqué que son gouvernement envisageait de faire la déclaration prévue à l'article 14 de la Convention mais qu'aucune décision n'avait été prise à cet égard.

Conclusions

378. À sa 1065e séance, le 17 août 1994, le Comité a adopté les conclusions ci-après.

a) Aspects positifs

379. Les renseignements supplémentaires fournis oralement par le représentant de l'État partie ont permis de remplir un grand nombre de lacunes du rapport écrit. Ces renseignements supplémentaires sont dûment appréciés et la poursuite du dialogue fructueux, franc et constructif entre l'État partie et le Comité est accueillie avec une grande satisfaction.

380. L'observation du représentant de l'État partie qui a souligné l'importance que son pays attachait aux travaux du Comité pour l'aider dans la mise en oeuvre des dispositions de la Convention est notée avec satisfaction.

b) Principaux sujets de préoccupation

381. La rareté des renseignements figurant dans le rapport de l'État partie à propos des mesures judiciaires, administratives ou autres, adoptées pour donner effet à la Convention et à propos de leur influence sur la situation, est regrettée. Faute de tels renseignements, le Comité ne peut pas avoir une idée exacte des progrès accomplis dans la réalisation des droits garantis par la Convention. À cet égard, l'absence de renseignements détaillés sur la composition démographique et sur la situation économique et sociale des différents groupes de population est regrettée.

382. La mesure dans laquelle d'autres dispositions de la législation nationale sont appliquées pour promouvoir et protéger les droits garantis par la Convention n'apparaît pas clairement. En particulier, en ce qui concerne les mesures récentes prises pour donner effet à l'article 4 de la Convention, il est pris note de l'article 86 bis du Code pénal (loi No 58 de 1937), modifié par la loi No 97 du 18 juillet 1992, mais aucun renseignement n'est donné sur l'application pratique de cette disposition du Code pénal.

383. Les attaques terroristes, dont certaines pourraient avoir un caractère xénophobe, et leurs conséquences pour l'État partie, inspirent de l'inquiétude.

c) Suggestions et recommandations

384. Le Comité recommande à l'État partie de donner dans son prochain rapport (qui devait être soumis à la date du 5 janvier 1994) de plus amples renseignements sur la situation réelle dans le domaine de l'application de la Convention et d'apporter des réponses écrites aux questions posées oralement au cours de l'examen du rapport de l'Égypte. Le rapport devrait également contenir des renseignements sur la composition démographique du pays et sur la situation économique et sociale des différents groupes qui composent la population ainsi que des détails sur la mise en oeuvre dans la pratique de l'article 5 de la Convention.

385. Le Comité demande des précisions sur les mesures prises pour donner effet à d'autres articles de la Convention, notamment à son article premier, qui contient la définition de la discrimination raciale (par. 1). À cet égard, l'État partie est prié, dans son prochain rapport, de tenir compte des recommandations générales XI (42) et XIV (42) du Comité. De plus, le Comité souhaiterait avoir de plus amples détails sur l'application dans la pratique des articles 4 et 6 de la Convention, notamment des exemples de décisions récentes des tribunaux, s'il en existe, en particulier en ce qui concerne l'article 86 bis du Code pénal (loi No 58 de 1937), modifié par la loi No 97 du 18 juillet 1992. Concernant l'article 4 de la Convention, l'attention de l'État partie est appelée sur la teneur de la recommandation générale XV (42) du Comité.

386. De plus amples renseignements sont également nécessaires sur la mise en oeuvre de l'article 7 de la Convention. De plus, l'État partie devrait, dans son prochain rapport, décrire toute institution nationale qui a pu être mise en place pour promouvoir et protéger les droits de l'homme et, à cet égard, son attention est appelée sur la recommandation générale XVII (42) du Comité concernant les rôles que pourraient jouer des organismes nationaux pour faciliter l'application de la Convention.

387. Enfin, l'attention de l'État partie est appelée sur la possibilité qu'il a de déclarer qu'il reconnaît la compétence du Comité prévue à l'article 14 de la Convention. Le Comité appelle également l'attention de l'État partie sur l'amendement du paragraphe 6 de l'article 8, qui a été approuvé à la quatorzième réunion des États parties et par l'Assemblée générale dans sa résolution 47/111, et l'invite à prendre rapidement les mesures nécessaires à l'acceptation officielle dudit amendement.



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