University of Minnesota



Observations finales du Comité pour l'élimination de la discrimination raciale, Chypre, U.N. Doc. A/56/18,paras.256-277 (2001).






COMITÉ POUR L'ÉLIMINATION DE
LA DISCRIMINATION RACIALE
Cinquante-neuvième session
30 juillet - 17 août 2001


CHYPRE

256. Le Comité a examiné les quinzième et seizième rapports de Chypre (CERD/C/284/Add.4), qui devaient être présentés le 4 janvier 1998 et le 4 janvier 2000, respectivement, réunis en un seul document, ainsi qu'un rapport complémentaire (CERD/C/384/Add.4/Rev.1), à ses 1472e et 1473e séances (CERD/C/SR.1472 et 1473), tenues les 2 et 3 août 2001. À sa 1483e séance (CERD/C/SR.1483), tenue le 10 août 2001, il a adopté les conclusions suivantes.

A. Introduction

257. Le Comité accueille avec satisfaction les quinzième et seizième rapports périodiques de Chypre ainsi que le rapport complémentaire présenté par l'État partie, dans lequel celui-ci répond en détail aux préoccupations exprimées et aux recommandations formulées par le Comité dans ses conclusions précédentes (CERD/C/304/Add.56). Le Comité remercie la délégation d'avoir fait montre de franchise et de sincérité pendant la présentation du rapport et d'avoir reconnu les difficultés rencontrées par l'État partie dans l'application de la Convention.

B. Facteurs et difficultés entravant l'application de la Convention

258. Bien que Chypre ait été l'un des premiers pays à ratifier la Convention, le Gouvernement chypriote est toujours empêché d'appliquer les dispositions de la Convention sur l'ensemble du territoire national. En effet, l'occupation par les forces turques, depuis 1974, de 37 % du territoire a entraîné une séparation de facto des diverses communautés ethniques et religieuses. Outre qu'elle est un obstacle à la paix et à la jouissance des droits de l'homme dans la région, cette division artificielle empêche aussi la mise en place d'une stratégie progressiste de lutte contre la discrimination dans l'ensemble de l'île. Dans ce contexte, l'attention de l'État partie est appelée sur la décision 1 (59) concernant Chypre adoptée par le Comité le 13 août 2001 (voir chap. X).

C. Aspects positifs

259. Le Comité salue la création, en septembre 1998, d'un Organisme national pour la protection des droits de l'homme, dont l'une des tâches consiste à diffuser des informations sur la Convention et sur d'autres instruments internationaux. Le Comité se félicite également de la désignation d'un Commissaire présidentiel aux minorités.

260. Le Comité prend note avec satisfaction de la création, au sein du Ministère du travail et de la sécurité sociale, d'un bureau d'examen des plaintes chargé d'examiner les plaintes soumises par les travailleurs étrangers, notamment les employés de maison.

261. Le Comité se félicite de l'accroissement des pouvoirs du Procureur général de la République, qui est désormais habilité à ouvrir une enquête pénale dans les cas où la police est soupçonnée d'avoir eu un comportement raciste, sans avoir été saisi d'une plainte écrite émanant de la victime supposée.

262. Le Comité prend note avec satisfaction de la modification récente [loi nE 28 (III) de 1999] de la loi nE 11 (III) de 1992, qui érige en infractions les actes mentionnés à l'article 4 de la Convention. À la suite de cette modification, il n'est plus nécessaire que l'incitation à la haine raciale soit intentionnelle pour que l'infraction soit constituée.

263. Le Comité prend également note avec satisfaction de la modification de la loi de 1967 sur la citoyenneté, qui supprime la discrimination à laquelle donnait lieu le mariage d'une citoyenne chypriote avec un étranger. Désormais l'époux étranger d'une citoyenne chypriote peut, au même titre que l'épouse étrangère d'un citoyen chypriote, acquérir la nationalité chypriote et une citoyenne chypriote mariée à un étranger peut, au même titre qu'un citoyen chypriote marié à une étrangère, transmettre sa nationalité à son enfant.

264. Le Comité note avec satisfaction qu'un projet de loi sur le mariage autorisant les mariages entre chrétiens et grecs orthodoxes et musulmans d'origine turque a été approuvé par le Conseil des ministres et déposé devant la Chambre des représentants pour approbation.

265. L'évolution de la situation dans le domaine de l'éducation, notamment les efforts déployés à l'école pour sensibiliser les écoliers aux droits de l'homme, les subventions octroyées aux établissements d'enseignement des groupes minoritaires et la création d'écoles élémentaires pour les Maronites, est encourageante.

266. Le Comité se félicite que l'État partie ait précisé que, bien qu'elle soit le fruit de traités internationaux, la Constitution de Chypre peut être modifiée de telle sorte notamment que le système juridique puisse mieux refléter les impératifs de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale.


D. Sujets de préoccupation et recommandations

267. S'agissant des informations sur les actes de violence commis par la police contre des étrangers entrés illégalement à Chypre, le Comité recommande aux autorités de continuer à passer au crible de tels incidents et de prendre des mesures appropriées pour y remédier.

268. S'il est vrai que l'État partie a introduit dans sa législation pénale plusieurs dispositions concernant la discrimination raciale et les a modifiées conformément aux recommandations du Comité, il ne semble guère établi que ces dispositions soient utilisées. L'État partie est invité à donner des renseignements sur le nombre de plaintes pour discrimination raciale portées devant les tribunaux ainsi que sur les décisions rendues.

269. Le Comité se déclare préoccupé par l'absence de dispositions législatives interdisant expressément les actes de discrimination raciale commis par des particuliers dans les domaines de l'éducation et de l'emploi et recommande à l'État partie d'envisager l'élaboration d'une telle législation.

270. Le Comité félicite l'État partie d'avoir promulgué la loi de 2000 sur les réfugiés et lui recommande de mettre rapidement en place les mécanismes nécessaires pour en appliquer pleinement les dispositions, en particulier en ce qui concerne la détermination du statut de réfugié.

271. Le Comité constate avec préoccupation l'absence d'une politique globale de l'immigration visant à réglementer l'entrée et le séjour des immigrants ainsi que leurs droits en matière d'emploi.

272. Le Comité encourage l'État partie à prendre de nouvelles mesures pour faire mieux connaître la Convention au public, en particulier aux employés de maison étrangers, aux policiers et aux membres des professions judiciaires. Il recommande aussi à l'État partie d'intensifier les mesures qu'il prend pour lutter contre la discrimination dans les domaines de l'éducation, de la culture et de l'information.

273. L'État partie est invité à faire figurer dans son prochain rapport des informations actualisées sur: a) l'action du Commissaire présidentiel aux minorités et b) la composition démographique de la population dans la zone contrôlée par le Gouvernement et dans la partie du territoire occupée par la Turquie, ventilées par communauté, groupe ethnique et sexe. À cet égard, l'attention de l'État partie est appelée sur la recommandation générale XXV concernant la dimension sexiste de la discrimination raciale.

274. Le Comité constate avec préoccupation, comme l'État partie, qu'en dépit des efforts déployés par le Gouvernement chypriote pour organiser des activités bicommunautaires, il existe toujours des difficultés qui empêchent les communautés turques et grecques de se rencontrer et de restaurer une confiance mutuelle. Le Comité recommande à l'État partie de continuer à adopter des mesures de confiance afin de favoriser l'instauration d'un climat de respect des droits de l'homme pour tous les citoyens.

275. Le Comité note qu'aucune communication n'a été reçue au titre de l'article 14, ce qui semble indiquer que cette procédure n'est pas connue.

276. Le Comité recommande à l'État partie de continuer de mettre ses rapports à la disposition du public, dès leur présentation, et de rendre publiques de la même manière les conclusions du Comité les concernant.

277. Le Comité recommande à l'État partie de présenter son dix-septième rapport périodique en même temps que le dix-huitième, attendu le 4 janvier 2004, et d'y traiter tous les points soulevés dans les présentes conclusions.



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