University of Minnesota



Conclusions du Comité pour l'élimination de la discrimination raciale, Croatie, U.N. Doc. CERD/C/304/Add.55 (1999).



COMITÉ POUR L'ÉLIMINATION
DE LA DISCRIMINATION RACIALE
Cinquante-troisième session


EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES
CONFORMÉMENT À L'ARTICLE 9 DE LA CONVENTION

Conclusions du Comité pour l'élimination
de la discrimination raciale

Croatie


1. Le Comité a examiné le rapport initial et les deuxième et troisième rapports périodiques de la Croatie (CERD/C/290/Add.1) à ses 1276ème et 1277ème séances, les 3 et 4 août 1998, et a adopté, à sa 1295ème séance, le 17 août 1998, les conclusions suivantes.


A. Introduction

2. Le Comité accueille avec satisfaction le rapport présenté par l'État partie, en particulier les informations relatives aux droits économiques, sociaux et culturels des minorités. Il prend note également avec satisfaction des renseignements complémentaires qui lui ont été donnés au cours de l'examen du rapport. Il se déclare satisfait du dialogue engagé avec la délégation de haut niveau de l'État partie et des réponses fournies oralement à toute une série de questions posées par ses membres.

3. Le Comité regrette toutefois que le rapport contienne presque exclusivement des informations sur le cadre juridique de protection des droits des minorités et ne donne pas suffisamment de détails sur l'application des lois en vigueur ou sur la mesure dans laquelle les communautés minoritaires jouissent de la protection accordée par la Convention. Le Comité regrette en outre que le rapport ne donne pas suffisamment d'indications sur la suite donnée aux recommandations formulées par le Comité lors de l'examen du rapport spécial de l'État partie en 1995 (A/50/18, par. 163 à 178).


B. Facteurs et difficultés entravant l'application
de la Convention

4. Le Comité note que l'État partie traverse une difficile période de changements politiques, économiques et sociaux à la suite des divers conflits qu'a connus l'ex-Yougoslavie, et que ces facteurs ainsi que d'importants mouvements de populations, ont considérablement entravé la pleine application de la Convention.


C. Aspects positifs

5. Le Comité prend note avec satisfaction de la mise en route d'un processus de normalisation progressive des relations interethniques sur le territoire de l'État partie. Il se félicite en particulier de l'engagement qu'a pris l'État partie de prendre des mesures propres à créer un climat de confiance dans ce domaine et apprécie son esprit de coopération avec le Comité et les organes des Nations Unies compétents.


D. Principaux sujets de préoccupation

6. Le Comité réitère ses observations concernant le manque de clarté des diverses définitions employées dans le rapport et dans la législation interne pour décrire les minorités ethniques et nationales.

7. En ce qui concerne l'article 2 de la Convention, le Comité est préoccupé par la diminution proportionnelle du nombre de représentants de la communauté serbe au Parlement croate à la suite de la proclamation d'une loi constitutionnelle sur la suspension temporaire de certaines dispositions relatives aux libertés et aux droits des communautés et des minorités nationales et ethniques dans l'État partie.

8. Le Comité constate avec préoccupation l'absence dans la législation des dispositions requises pour permettre à l'État partie de s'acquitter de ses obligations en vertu de l'article 4 b) de la Convention, c'est-à-dire l'absence de mesures législatives déclarant illégales et interdisant les organisations qui incitent à la discrimination raciale et qui l'encouragent.

9. Pour ce qui est de l'article 4 de la Convention, des préoccupations sont également exprimées au sujet des articles et des propos inspirés par la haine à l'encontre de la minorité serbe diffusés par certains médias croates et du fait que l'État partie n'a pas pris les mesures voulues pour enquêter sur ces incidents et poursuivre les personnes responsables d'avoir attisé les haines et les tensions interethniques par l'intermédiaire de la presse écrite et des médias audiovisuels.

10. Tout en reconnaissant les problèmes rencontrés par l'État partie dans ses efforts pour répondre aux besoins d'un grand nombre de réfugiés, de rapatriés et de personnes déplacées et tout en prenant note de la création récente d'un programme national de rapatriement, le Comité reste préoccupé par les graves difficultés et la violence auxquelles se heurtent les rapatriés et les personnes déplacées, en particulier les Serbes de souche, lorsqu'ils retournent dans leur lieu d'origine ou les réfugiés lorsqu'ils font valoir leur droit à la restitution de leurs biens ou à une indemnisation à leur retour chez eux. Le Comité est préoccupé à cet égard par les obstacles qui entravent le retour des Serbes et d'autres personnes déplacées en Slavonie orientale, en Baranja et au Srem occidental. Le Comité appelle l'attention de l'État partie sur sa Recommandation générale XXII (49) du 16 août 1996, concernant les droits des réfugiés et personnes déplacées.

11. S'agissant de l'article 5 de la Convention, le Comité note aussi avec inquiétude que les articles 8 et 16 de la loi croate sur la citoyenneté semblent établir des critères différents pour les Croates de souche par rapport aux autres minorités de Croatie en ce qui concerne l'octroi de la citoyenneté. Il juge aussi préoccupante la lenteur excessive de la procédure de traitement des demandes de citoyenneté en particulier celles présentées par des Serbes de souche, ce qui a entraîné pour les demandeurs une perte de leur droit à des prestations sociales et des allocations d'éducation.

12. En ce qui concerne l'application des articles 5 et 6 de la Convention, le rapport ne contient pas suffisamment d'informations quant aux mesures prises pour assurer la mise en oeuvre pratique du droit à l'égalité de traitement devant les tribunaux et à des recours utiles afin que les victimes de discrimination raciale puissent obtenir réparation pour le préjudice subi et que les auteurs des actes discriminatoires soient punis. Le Comité est préoccupé par les informations persistantes selon lesquelles la manière dont la justice pénale est administrée n'est pas satisfaisante en ce qui concerne les infractions pénales à caractère ethnique de sorte que les auteurs présumés d'infractions pénales dirigées contre des Serbes de souche ne sont pas poursuivis alors que des Serbes de Croatie auraient, selon certaines informations, été injustement poursuivis ou trop lourdement punis à la suite d'allégations faisant état d'actes illégaux commis à l'encontre de non-Serbes.

13. Quant à l'article 7 de la Convention, il est jugé préoccupant que selon des informations persistantes, le Gouvernement contrôle entièrement certains médias, en particulier la télévision, et que certains éléments de la presse écrite soient autorisés à publier des articles contenant des propos discriminatoires. Le fait, signalé par des organes de l'ONU, que la population croate ne connaît pas les normes internationales relatives aux droits de l'homme en général et la Convention en particulier et ne reçoit pas d'informations à ce sujet est aussi préoccupant.


E. Suggestions et recommandations

14. En ce qui concerne l'article 2 de la Convention, le Comité recommande à l'État partie de rétablir les dispositions prévoyant une représentation juste et proportionnelle de la communauté d'origine serbe au Parlement croate.

15. Le Comité recommande que l'État partie s'acquitte pleinement de l'obligation qui lui incombe en vertu de l'article 4 de la Convention et prenne les mesures législatives nécessaires pour donner plein effet aux dispositions de cet article et déclarer illégales et interdire les organisations qui incitent à la discrimination raciale et l'encouragent, et qu'il prenne également des mesures pour interdire l'utilisation des médias pour inciter à la haine ethnique. À cet égard le Comité recommande à nouveau à l'État partie de se conformer à l'article 4 de la Convention, d'interdire tous les actes d'incitation à la haine ethnique et d'en poursuivre les auteurs.

16. Le Comité recommande que l'État partie prenne des mesures adéquates pour assurer et suivre la mise en oeuvre du Programme national de rapatriement nouvellement établi, en particulier en ce qui concerne les Serbes déplacés en Slavonie orientale, en Baranja et au Srem occidental, et l'informe des mesures qu'il aura prises et des résultats obtenus dans son prochain rapport périodique. Le Comité invite en outre instamment l'État partie à prendre de toute urgence des dispositions pour garantir le droit des rapatriés à la sûreté de la personne et à la protection contre les voies de fait ou les sévices.

17. À propos de l'acquisition de la citoyenneté, le Comité recommande à l'État partie de faire en sorte que toutes les dispositions de la loi croate sur la citoyenneté soient conformes à l'article 5 de la Convention et que la loi soit appliquée de manière non discriminatoire.

18. Le Comité recommande que l'État partie prenne des mesures pour que les personnes qui auraient commis des infractions pénales à motivation raciale soient dûment poursuivies, quelles que soient la race, l'origine ethnique ou la religion de l'auteur de l'infraction ou de sa victime. Le Comité recommande en outre à l'État partie de faire figurer dans son prochain rapport périodique des informations détaillées sur ces mesures ainsi que des renseignements sur les infractions à motivation raciale, notamment le nombre de plaintes et de décisions judiciaires par lesquelles une indemnisation a été accordée aux victimes ou des sanctions pénales infligées aux coupables.

19. Le Comité recommande que l'État partie emploie tous les moyens efficaces pour familiariser le public avec la Convention, afin d'éliminer les préjugés traditionnels à l'égard de certaines minorités et de faire passer des messages de tolérance. L'État partie devrait à cet égard continuer à organiser des cours sur les normes internationales relatives aux droits de l'homme dans les écoles et des stages de formation à l'intention des personnes chargées d'administrer la justice, notamment les juges, les avocats et, en particulier, à la lumière de la Recommandation générale XIII (42) du 16 mars 1993, les responsables de l'application des lois.

20. Le Comité recommande que l'État partie prenne des mesures concrètes pour garantir la liberté d'association sans distinction fondée sur l'origine ethnique, et que les médias, sous toutes leurs formes, y compris les médias électroniques, soient ouverts à tous les groupes ethniques sans distinction. Il recommande également que l'État partie prenne des mesures efficaces pour mettre fin aux propos racistes et discriminatoires dans certains médias écrits.

21. Dans son prochain rapport, l'État partie devrait donner des informations détaillées au sujet de l'application pratique de la Convention, y compris des renseignements sur l'indépendance du pouvoir judiciaire, de la réintégration de la Slavonie orientale, et de ce qu'il a fait pour s'acquitter de son obligation de coopération avec le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie. Il devrait également préciser les définitions juridiques qui servent à décrire les différentes minorités et fournir des informations à jour sur la composition démographique de la population croate.

22. Le Comité recommande à l'État partie de ratifier les amendements au paragraphe 6 de l'article 8 de la Convention adoptés le 15 janvier 1992 à la quatorzième Réunion des États parties à la Convention.

23. Il est noté que l'État partie n'a pas fait la déclaration prévue à l'article 14 de la Convention et certains membres du Comité ont demandé que cette possibilité soit envisagée.

24. Le Comité recommande que le prochain rapport périodique de l'État partie, qui devrait être présenté le 8 octobre 1998, constitue une mise à jour et traite de tous les points soulevés dans les présentes conclusions.



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