University of Minnesota



Observations finales du Comit
é pour l'élimination de la discrimination raciale, Costa Rica , U.N. Doc. A/47/18,paras.93-114 (1992).




COMITE POUR L'ELIMINATION DE
LA DISCRIMINATION RACIALE

EXAMEN DES RAPPORTS PRESENTES PAR LES ETATS PARTIES
CONFORMEMENT A L'ARTICLE 9 DE LA CONVENTION


Conclusions du Comité pour l'élimination
de la discrimination raciale

Costa Rica


93. Les dixième et onzième rapports périodiques du Costa Rica (CERD/C/197/Add.8) ont été examinés par le Comité à ses 941e, 942e et 951e séances tenues les 4, 5 et 11 août 1992 (voir CERD/C/SR.941, 942 et 951).

94. Les rapports ont été présentés par le représentant de l'Etat partie qui a rappelé que le Costa Rica avait été l'un des premiers pays à ratifier la Convention. L'orateur a ajouté que, par la suite, le Costa Rica était devenu partie à presque tous les instruments des Nations Unies relatifs aux droits de l'homme et que son pays faisait tout son possible pour remplir les obligations en matière d'établissement de rapports qu'entraînait la ratification desdits instruments. De plus, le Costa Rica avait ratifié un certain nombre de conventions de l'OIT intéressant l'activité du Comité, à savoir la Convention concernant l'égalité de rémunération (1951) (No 100), la Convention concernant la discrimination en matière d'emploi et de profession (1958) (No 111), et la Convention concernant les populations aborigènes et tribales (1989) (No 169).

95. S'agissant d'un affrontement survenu près de Talamanca en février 1992 entre certains autochtones et la police, au cours duquel deux personnes auraient été tuées, une enquête officielle avait été ouverte. Les 12 policiers impliqués dans cette affaire avaient tous été suspendus de leurs fonctions et placés en détention; trois d'entre eux étaient encore en prison et attendaient d'être jugés.

96. Au niveau international, le Costa Rica avait toujours condamné résolument l'apartheid. Depuis 1967, toutes relations commerciales avec l'Afrique du Sud étaient interdites et, en 1986, les relations diplomatiques avec le Gouvernement sud-africain avaient été rompues. De plus, le Costa Rica n'avait pas reconnu les bantoustans et avait condamné l'occupation de la Namibie.

97. Les membres du Comité se sont félicités du rapport du Costa Rica qui contenait des éléments d'information sur un certain nombre de questions qui avaient été posées lors de l'examen du dernier rapport de ce pays. Certains ont toutefois fait observer que le rapport n'était pas conforme aux directives données par le Comité et qu'il incluait des informations sur des questions qui n'intéressaient pas directement le Comité. En outre, les données statistiques qu'il contenait sur le nombre d'individus appartenant aux divers groupes minoritaires et autochtones n'étaient pas suffisamment précises. A cet égard, le Comité a demandé que lui soient fournis, pour chaque groupe, des renseignements sur divers indicateurs de leur non-intégration sociale, tels que le taux de chômage, d'analphabétisme, d'arrestation, d'emprisonnement, d'alcoolisme, de prostitution, de suicide et le nombre d'incarcérations.

98. Divers membres du Comité ont noté avec étonnement que l'estimation générale du nombre d'autochtones vivant dans les réserves avait beaucoup changé depuis la présentation du précédent rapport du Costa Rica. Ils ont par ailleurs estimé que le rapport aurait dû contenir d'autres informations essentielles sur la situation économique des groupes défavorisés et sur les mesures prises pour améliorer leurs conditions de vie, notamment depuis l'élection du nouveau président.

99. S'agissant de l'article 2 de la Convention, divers membres du Comité ont souhaité être tenus informés des mesures prises pour améliorer la situation de la minorité noire, des moyens d'action mis à la disposition de la Commission nationale des affaires indigènes, des dispositions prises en vue de garantir les droits à la terre des groupes autochtones et des difficultés rencontrées pour assurer le respect des droits des groupes autochtones en application de la Convention; ils ont également demandé si le Gouvernement envisageait de mettre à jour le Code du travail de 1943. D'autre part, des membres du Comité auraient aimé connaître l'impact des activités de déboisement menées dans la région de Boruca sur les Indiens qui y résident et savoir si la population autochtone avait été consultée avant que la Costa Rican Petroleum Refining Company ne s'installe dans la région pour y procéder à des forages pendant deux ans; ils ont également demandé si les Indiens avaient eu, au même titre que les autres Costa-Riciens la possibilité d'obtenir des indemnités pour les dommages causés à l'environnement ou pour assurer la restauration des terres endommagées.

100. S'agissant de l'article 4 de la Convention, divers membres du Comité auraient souhaité avoir de plus amples renseignements sur la question de savoir si la publication de matériels de propagande raciste ou si l'appartenance à des organisations racistes étaient des activités spécifiquement punissables par la loi. Notant que les sanctions prévues à l'article 385 du Code pénal pour incitation à la haine raciale étaient relativement faibles, les membres du Comité auraient souhaité connaître le degré de gravité attaché à ce type de délit dans la hiérarchie des infractions de ce pays.

101. Faisant référence à l'article 5 de la Convention, des membres du Comité auraient souhaité connaître le pourcentage d'Indiens et de Noirs qui participaient aux élections, à quel échelon les Indiens et les Noirs étaient représentés au gouvernement, si les Indiens et les Noirs qui vivaient dans les réserves avaient pleinement le droit de circuler librement, de quelle façon les Indiens confinés dans les réserves exerçaient leur droit à la propriété, quels recours étaient offerts aux Indiens mécontents des services de la Commission nationale des affaires indiennes, comment le droit à la nationalité était assuré aux Indiens et comment les groupes autochtones et minoritaires pouvaient exercer leur droit à la liberté de religion. Notant que jusqu'à présent, les Indiens n'étaient titulaires que de permis de résidence temporaire, la question a été posée de savoir comment le Gouvernement entendait procéder à la délivrance de cartes d'identité, notamment dans le cas des autochtones ne parlant pas l'espagnol et ne connaissant pas leur date de naissance. Se référant au paragraphe 67 du rapport, des membres ont demandé de plus amples renseignements sur les abus évoqués ainsi que sur les critères applicables à la répartition des terres et sur la façon dont la répartition de ces terres avait amélioré la condition des Indiens qui y étaient confinés.

102. S'agissant de l'article 6 de la Convention, des membres du Comité ont souhaité savoir quels étaient les recours et moyens d'action dont les Indiens disposaient en cas de violation de leurs droits, connaître le nombre de plaintes déposées pour cause de discrimination et le nombre de jugements ayant abouti à des condamnations, le pourcentage de plaintes déposées par les Indiens, les Noirs et les réfugiés ainsi que les mesures prises pour faire en sorte que la population, autochtone ou non, soit consciente du droit de présenter des pétitions que lui reconnaît l'article 14 de la Convention.

103. S'agissant de l'article 7 de la Convention, des membres du Comité souhaitaient être plus amplement informés du rôle de la Commission des affaires indigènes pour ce qui est du patrimoine culturel, connaître le nombre et le type d'établissements scolaires fréquentés par des autochtones ainsi que le niveau d'instruction des Indiens et obtenir par ailleurs des renseignements sur les émissions de télévision et de radio ou sur les programmes vidéo produits dans les langues indiennes locales et sur les mesures prises en vue de protéger la culture des groupes autochtones.

104. Dans sa réponse, le représentant de l'Etat partie a souligné que le but des réserves n'était en aucun cas de confiner les groupes autochtones mais au contraire de faire en sorte que ceux-ci puissent conserver leur système de propriété collective des terres. Chaque famille autochtone vivant dans une réserve possédait sa propre parcelle qu'elle ne pouvait vendre qu'à d'autres Indiens. Cette disposition avait pour but d'éviter l'érosion de la propriété collective sous l'effet de la spéculation foncière. Le système s'était révélé bénéfique puisqu'il avait permis de mettre un terme à l'accaparement constant de territoires autochtones et à l'exode inévitable des populations de ces territoires. Cela dit, les Indiens étaient libres de se déplacer comme ils l'entendaient. Ils étaient tenus, par la loi, de donner avis lorsqu'ils quittaient la réserve, mais cette disposition ne visait pas à restreindre leur liberté de mouvement; elle avait simplement pour but de protéger le système de propriété collective. Par ailleurs, les Indiens étaient libres de posséder des biens hors de la réserve s'ils le désiraient.

105. S'agissant de la situation des Indiens vivant dans les réserves, le représentant a déclaré que le principal problème concernait le domaine de la santé. En effet, alors que 96 % des Costa-Riciens avaient accès aux services de santé, la prestation de soins dans les réserves soulevait des problèmes pour diverses raisons, notamment à cause de la difficulté d'accès à la population et du conflit entre les pratiques sanitaires traditionnelles et les méthodes de la médecine moderne. Néanmoins, le gouvernement avait mis en place des programmes de nutrition, encourageait la médecine préventive et concentrait actuellement ses efforts sur la lutte contre le choléra.

106. L'éducation posait également des problèmes dans les réserves en raison du manque d'enseignants et de la pénurie de matériel pédagogique, notamment de textes bilingues. Le principe même de l'enseignement de l'espagnol créait une situation conflictuelle dès lors que son application laissait craindre que la population autochtone ne perde son identité culturelle. Pour cette raison, le Gouvernement faisait en sorte que l'enseignement soit dispensé tant en espagnol que dans les langues locales. Pour ce qui était des activités d'extraction, l'octroi de concessions minières dans les réserves relevait de l'Assemblée législative au sein de laquelle tous les groupes autochtones étaient représentés.

107. S'agissant de la question des cartes d'identité, il avait été demandé aux Guaimies, tribu nomade de la frontière entre le Costa Rica et le Panama, d'indiquer s'ils préféraient ou non s'établir au Costa Rica. La législation prévoyait désormais la délivrance de cartes d'identité aux membres de la tribu et des accords bilatéraux avaient été conclus entre le Panama et le Costa Rica en vue de régler la question de la population guaimie. D'autres groupes autochtones du pays étaient déjà en possession de cartes d'identité et leurs membres étaient tout à fait libres de demander la délivrance de passeports.

108. S'il était exact qu'avant 1948, les Noirs n'étaient pas admis dans la partie centrale du pays, ces restrictions avaient été levées depuis longtemps et la population noire jouissait désormais d'une totale liberté de mouvement dans l'ensemble du pays. De plus, la population noire était pleinement associée au développement politique et économique de la nation. S'agissant des réfugiés, le Comité était invité à se référer au dernier rapport présenté par le Costa Rica au Comité des droits économiques, sociaux et culturels où cette question était traitée en détail.

109. S'agissant des procédures de recours disponibles, le Service de la protection des droits de l'homme avait été créé en mars 1990 sous la tutelle du Ministère de la justice. Ce service avait pour tâche de veiller à la protection des droits de l'homme de toutes les personnes vivant sur le territoire de la République, non seulement des Costa-Riciens mais aussi des étrangers. La protection des droits des populations autochtones faisait partie intégrante de son mandat, lequel découlait des dispositions des divers instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme auxquels le Costa Rica était partie. Le rôle du Service consistait à intervenir lorsque les droits de l'homme étaient menacés, entravés ou violés, à prendre des mesures préventives et à formuler des recommandations aux autorités compétentes, à recommander l'application de sanctions obligatoires contre les fonctionnaires ayant porté atteinte aux droits des citoyens, à proposer des réformes des textes de loi et à diffuser aussi largement que possible des informations sur les droits de l'homme. Depuis 1990, le Service avait reçu quelque 6 000 plaintes, dénonciations et demandes d'assistance. En deux ans, il avait organisé 50 séminaires destinés à sensibiliser davantage les membres de la police, le corps enseignant et la population autochtone aux questions relatives aux droits de l'homme.

Conclusions

110. Après avoir pris note des aspects positifs des dixième et onzième rapports périodiques du Costa Rica et de la place qu'occupait ce pays dans le domaine des droits de l'homme, le Comité a fait observer que ce rapport n'avait pas suivi suffisamment dans sa méthode de présentation les "Principes directeurs" et les "Directives unifiées" concernant la forme et la teneur des rapports.

111. Des lacunes pouvaient être relevées dans la partie générale, qui aurait dû être consacrée au cadre général dans lequel était mise en oeuvre la Convention, mais qui n'avait pas été suffisamment orientée sur ce qui intéressait spécifiquement le Comité.

112. Des lacunes apparaissaient aussi dans la partie analytique, qui aurait dû porter sur l'application de chaque article de la Convention :

a) Il n'y avait pas suffisamment d'exemples pratiques ni de données statistiques, en particulier sur les cas de plaintes et de condamnations pour des actes de discrimination raciale;

b) Il y avait, en outre, des lacunes en ce qui concernait la présentation de la situation réelle des minorités ethniques - peuples autochtones et Noirs notamment - les "indicateurs sociaux" de non-intégration de ces populations, les difficultés et les discriminations dont ils étaient victimes (droit à la terre, droit à la santé, à la liberté de circulation, à l'éducation, etc.), les dommages causés à l'environnement des Indiens et les obstacles qu'ils pouvaient rencontrer pour exiger les réparations de ces dommages.

113. Le Comité a souligné spécialement ces dernières lacunes. Il a posé, en particulier, le problème du statut des "réserves" des peuples autochtones et le risque d'exclusion sociale qu'elles comportaient.

114. En conclusion, en se félicitant des explications complémentaires données par la délégation costa-ricienne dans sa présentation orale, le Comité a demandé au Gouvernement costa-ricien de fournir des informations précises sur tous ces points dans son douzième rapport, lequel devrait être présenté en conformité avec les "Principes directeurs" du CERD.



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