University of Minnesota



Observations finales du Comit
é pour l'élimination de la discrimination raciale, Bulgarie, U.N. Doc. CERD/C/304/Add.29 (1997).




COMITE POUR L'ELIMINATION DE
LA DISCRIMINATION RACIALE
Cinquantième session

EXAMEN DES RAPPORTS PRESENTES PAR LES ETATS PARTIES CONFORMEMENT
A L'ARTICLE 9 DE LA CONVENTION

Observations finales du Comité pour l'élimination de
la discrimination raciale

Bulgarie

1. Le Comité a examiné les douzième, treizième et quatorzième rapports périodiques de la Bulgarie, présentés dans un document unique (CERD/C/299/Add.7), à ses 1205ème et 1207ème séances (voir CERD/C/SR.1205 et 1207) tenues les 17 et 18 mars 1997, et a adopté les observations finales suivantes à sa 1210ème séance, tenue le 19 mars 1997.


A. Introduction

2. Le Comité félicite l'Etat partie d'avoir démontré sa volonté de poursuivre le dialogue avec lui en envoyant une délégation de haut niveau pour présenter les douzième, treizième et quatorzième rapports périodiques figurant dans un document unique, ce qui indique l'importance que le Gouvernement bulgare attache aux obligations qu'il a contractées au titre de la Convention. Le Comité note avec satisfaction que le rapport présenté est franc et complet, qu'il a été établi conformément à ses directives et qu'il renferme des renseignements supplémentaires détaillés répondant à quelques-unes des suggestions et recommandations que le Comité avait formulées lors de l'examen du précédent rapport périodique. Le Comité remercie les représentants de l'Etat partie du complément d'information qu'ils lui ont apporté au cours des discussions, en exposant de manière très sincère et autocritique les difficultés rencontrées dans l'application de la Convention.


B. Facteurs et difficultés entravant l'application de la Convention


3. Il est pris acte du fait que la Bulgarie a dû faire face, au cours des dernières années, à des difficultés économiques, sociales et politiques liées notamment à sa transition vers la démocratie et l'économie de marché. A cet égard, il est noté que l'Etat partie se heurte à de graves problèmes économiques et sociaux, notamment à une dette extérieure très élevée, qui ont entraîné une dégradation de la situation de la population, en particulier des minorités telles que les Roms, et qui font obstacle à la jouissance pleine et entière des droits économiques et sociaux. Les taux élevés de chômage et de pauvreté contribuent à marginaliser de larges couches de la population et compromettent la mise en oeuvre intégrale de la Convention.


C. Aspects positifs

4. Le Comité note avec grande satisfaction que l'Etat partie a fait une déclaration en vertu de l'article 14 de la Convention dans laquelle il reconnaît que le Comité est compétent pour recevoir des communications, et a retiré les réserves qu'il avait formulées en application de l'article 22 de la Convention.

5. Il note également avec satisfaction que l'article 5 (4) de la Constitution stipule que les instruments internationaux, tels que la Convention, ratifiés, promulgués et entrés en vigueur en Bulgarie sont considérés comme faisant partie intégrante de la législation nationale et priment sur les dispositions de celle-ci qui leur sont contraires.

6. Il est noté que le Gouvernement bulgare a pris plusieurs mesures positives tendant à modifier la législation en vigueur, en particulier depuis l'adoption de la nouvelle Constitution le 12 juillet 1991, afin de lutter contre différentes formes de discrimination raciale tombant sous le coup de la Convention, en adoptant notamment la loi sur les noms des citoyens bulgares, qui permet l'emploi de noms qui ne sont pas slaves; la loi sur l'amnistie et la restitution des biens confisqués; et la loi sur le rétablissement des droits de propriété sur les biens immobiliers des citoyens bulgares d'origine turque.


D. Principaux sujets de préoccupation

7. Même si le rapport périodique contient des informations complètes sur le cadre juridique, l'absence de renseignements sur la mise en oeuvre effective des nouvelles lois est à déplorer.

8. Les effets disproportionnés qu'a la crise économique sur les minorités ethniques sont un motif de préoccupation. A cet égard, la marginalisation persistante de la nombreuse population rom, malgré les efforts constants du Gouvernement, est inquiétante. Le Comité note que les Roms sont victimes dans l'exercice de leurs droits économiques, sociaux et culturels, d'une discrimination de fait qui accroît leur vulnérabilité dans le contexte de crise économique. Il est préoccupé par la discrimination dont les minorités font l'objet sur leur lieu de travail, en particulier les Roms qui, pour la plupart, ont un niveau de formation et d'instruction relativement faible. Il note également avec inquiétude que les Roms se heurtent à des difficultés lorsqu'ils demandent à bénéficier de prestations sociales et que, dans les zones rurales, ils sont dissuadés de revendiquer les terres auxquelles ils ont droit en vertu de la loi de décollectivisation agricole.

9. Le Comité juge préoccupante l'insuffisance des mesures prises pour garantir les droits et libertés des citoyens bulgares ainsi que leur intégration dans la société, sans distinction de race, de nationalité ou d'origine ethnique. A cet égard, la persistance de manifestations de haine raciale et d'actes de violence qui sont le fait notamment de skinheads néo-nazis, envers les personnes appartenant à des minorités, en particulier les citoyens bulgares d'origine rom, est inquiétante. Il est à craindre que l'Etat partie n'ait pas combattu de manière suffisamment énergique les actes de violence raciale commis contre les groupes minoritaires et que ni la police ni les représentants du ministère public n'aient enquêté sur ces actes avec la célérité et l'efficacité voulues. Le Comité est également préoccupé par les informations émanant de diverses sources selon lesquelles le nombre de poursuites engagées et de condamnations prononcées est relativement faible par rapport à celui des abus signalés. Il constate avec inquiétude que les actes visant à propager et à susciter la haine raciale et nationaliste contre les minorités ethniques, et les auteurs de ces actes, ne sont pas perçus comme une menace importante à l'ordre public.

10. Compte tenu des informations selon lesquelles des membres des forces de sécurité se seraient livrés à des actes de harcèlement et à des brutalités envers des minorités, en particulier des membres de la communauté rom, le Comité craint que la formation que reçoivent les responsables de l'application des lois en ce qui concerne la Convention ne soit insuffisante.

11. Bien que le droit de s'associer et de créer des partis politiques soit stipulé dans la Constitution sous forme de principe général, il est préoccupant de noter que l'Etat partie interdit la constitution et l'enregistrement de partis politiques fondés sur une base ethnique, raciale ou religieuse conformément aux dispositions du paragraphe 4 de l'article 11 de la Constitution.


E. Suggestions et recommandations

12. Le Comité recommande à l'Etat partie de fournir des informations détaillées sur la mise en oeuvre effective des nouvelles lois, notamment de celle prévoyant la restitution des biens immobiliers confisqués ou l'indemnisation des personnes concernées.

13. Bien que des institutions aient été créées afin de promouvoir et de protéger les droits de l'homme, le Comité recommande à l'Etat partie de renforcer la coordination entre les divers mécanismes gouvernementaux aux niveaux tant national que local, afin de mettre au point une politique globale sur l'élimination de la discrimination raciale et de bien évaluer l'application de la Convention. De plus, le Comité suggère à l'Etat partie de poursuivre ses efforts en vue de créer un mécanisme indépendant - médiateur ou commission nationale des droits de l'homme - chargé de veiller au respect des droits de l'homme.

14. Le Comité recommande à l'Etat partie d'accorder une plus grande attention à la protection des droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels des Roms. A cet égard, il faudrait redoubler d'efforts pour appliquer des mesures palliatives en faveur des groupes désavantagés. Il faudrait mettre au point des indicateurs adaptés et d'autres instruments permettant de suivre les conditions de vie économiques et sociales de ce groupe. Le Comité demande à l'Etat partie d'inclure dans son prochain rapport des informations détaillées sur ce type de mesure. Le Comité recommande également à l'Etat partie de fournir, dans son prochain rapport, les données statistiques et les éléments d'information dont il dispose sur la situation de toutes les minorités eu égard aux droits visés à l'article 5 de la Convention.

15. Le Comité recommande à l'Etat partie de prendre des mesures plus énergiques afin de prévenir et de réprimer les manifestations et actes de violence raciale dirigés contre des particuliers ainsi que d'enquêter promptement sur de tels actes. Il lui recommande de faire figurer dans son prochain rapport des informations détaillées sur la mise en oeuvre effective des dispositions du Code pénal, sur les actes de discrimination raciale qui ont été signalés et sur les poursuites dont ils ont fait l'objet, ainsi que sur les plaintes pour discrimination raciale et ethnique et les condamnations prononcées à ce sujet.

16. Le Comité recommande à l'Etat partie de prendre immédiatement des mesures pour prévenir et réprimer l'emploi excessif de la force par des membres des forces de sécurité. Ces mesures devraient notamment consister à former les responsables de l'application des lois et à les sensibiliser aux dispositions de la Convention. Il faudrait tenir dûment compte de la Recommandation générale XIII du Comité selon laquelle les responsables de l'application des lois devraient recevoir une formation approfondie qui leur permette, dans l'exécution de leurs fonctions, de respecter et de protéger la dignité humaine et de défendre et faire respecter les droits de l'homme de tous sans distinction de race, de couleur ou d'origine nationale ou ethnique.

17. Le Comité recommande à l'Etat partie de prévenir toute ségrégation de fait frappant des minorités; à cet égard, il appelle l'attention de l'Etat partie sur la Recommandation générale XIX concernant l'article 3 de la Convention.

18. Le Comité demande à l'Etat partie des éclaircissements sur la manière dont il applique le paragraphe 4 de l'article 11 de la Constitution et garantit l'exercice du droit de tous les citoyens bulgares de participer à la vie politique.

19. Le Comité recommande à l'Etat partie de lancer une campagne systématique d'information et d'éducation afin de sensibiliser tous les secteurs de la société aux dispositions de la Convention. De plus, il recommande que les établissements d'enseignement dispensent, à tous les niveaux, une éducation en matière de droits de l'homme et que toutes les composantes de la population reçoivent une formation complète dans ce domaine, afin de lutter contre les comportements négatifs et préjudices dont les minorités sont victimes et de promouvoir la compréhension, la tolérance et l'amitié.

20. Le Comité est d'avis que l'opinion publique devrait être mieux informée de la procédure prévue à l'article 14 de la Convention. Le Comité suggère à l'Etat partie de donner à la déclaration faite au titre de l'article 14 une plus large publicité dans les différentes langues parlées dans le pays. De plus, il recommandeé à l'Etat partie d'assurer au rapport et aux présentes observations finales une large diffusion.

21. Le Comité recommande que le prochain rapport périodique de l'Etat partie consiste en une mise à jour du dernier rapportéé et aborde tous les points soulevés par le Comité.



Page Principale || Traités || Recherche || Liens