University of Minnesota



Conclusions du Comit
é pour l'élimination de la discrimination raciale, Belgique, U.N. Doc. CERD/C/304/Add.26 (1997).




COMITE POUR L'ELIMINATION
DE LA DISCRIMINATION RACIALE
Cinquantième session


EXAMEN DES RAPPORTS PRESENTES PAR LES ETATS PARTIES
CONFORMEMENT A L'ARTICLE 9 DE LA CONVENTION


Conclusions du Comité pour l'élimination de
la discrimination raciale

Belgique

1. Le Comité a examiné les neuvième et dixième rapports périodiques de la Belgique, présentés dans un document unique (CERD/C/260/Add.2) et à ses 1211ème et 1212ème séances (voir CERD/C/SR.1211 et 1212), tenues le 20 mars 1997, le Comité a adopté les conclusions suivantes.


A. Introduction

2. Le Comité accueille favorablement les neuvième et dixième rapports périodiques présentés par le Gouvernement belge, dans un document unique. Il se félicite de l'occasion qui lui est ainsi offerte de poursuivre le dialogue avec cet Etat partie. Le Comité exprime sa satisfaction au Gouvernement belge pour la qualité de son rapport, en regrettant toutefois qu'il n'ait pas été soumis dans les délais. Le Comité sait également gré à la délégation de haut niveau, des informations complémentaires qu'elle a présentées oralement en réponse au grand nombre de questions posées par les membres du Comité; il estime que le dialogue avec la délégation a été fructueux et constructif. A cet égard, le Comité a noté la volonté de l'Etat partie, à la faveur d'une redéfinition en cours du fonctionnement des services de police et des institutions judiciaires, d'appliquer une politique plus active en matière de poursuite de délits racistes.


B. Aspects positifs

3. Le Comité a noté avec intérêt la déclaration de la délégation de l'Etat partie selon laquelle - en vue de l'adhésion de la Belgique à l'article 14 de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale - des mesures ont été prises au niveau de l'Etat fédéral et des éclaircissements concernant la procédure de mise en oeuvre du paragraphe 2 de l'article 14 ont été demandés auprès du Haut Commissaire aux droits de l'homme/Centre pour les droits de l'homme des Nations Unies.

4. Le Comité a pris note avec satisfaction des mesures institutionnelles et réglementaires récemment adoptées par les autorités belges, afin de lutter contre la discrimination raciale et la xénophobie. A cet égard, il a pris acte des adaptations apportées à la loi du 30 juillet 1981 tendant à réprimer certains actes inspirés par le racisme et la xénophobie. Ces mesures ont conduit, d'une part, à la création en 1993 du Centre pour l'égalité des chances et la lutte contre le racisme, dont la fonction première est la réception des plaintes contre la discrimination raciale et qui peut, le cas échéant, ester en justice. D'autre part, par la loi du 12 avril 1994, des mesures ont été introduites concernant une aggravation des peines et une extension du champ d'application de la répression des discriminations commises en matière d'expression publique, d'offre et de fourniture de services et de biens, ainsi qu'en matière d'emploi, domaine dans lequel le droit d'ester en justice a été notamment accordé aux organisations représentatives des travailleurs et des employeurs.

5. Le Comité a pris acte avec satisfaction des diverses mesures prises, au niveau régional, en faveur de l'insertion et de la participation des étrangers, notamment par la promulgation du décret du 4 juillet 1996 qui a pour objet d'agréer et de subventionner des centres, en Région wallonne, pour l'intégration des personnes étrangères ou d'origine étrangère.

6. Le Comité a pris note des mesures de sanctions pénales introduites dans la loi du 15 décembre 1980, en vue de lutter contre les organisateurs de filières d'immigration illégale et contre les responsables du trafic d'êtres humains visant, en particulier, les personnes d'origine étrangère.

7. Le Comité a noté également noté avec grand intérêt et appréciation le rôle que joue le Centre pour l'égalité des chances et la lutte contre le racisme en matière de prévention de la discrimination, notamment par l'examen des plaintes pour des actes de discrimination raciale, par la mise en oeuvre de cours de formation à l'intention des corps de police et de gendarmerie ainsi que de la police judiciaire, par l'organisation de campagnes d'information à l'intention des étrangers, ainsi que des campagnes de sensibilisation de l'opinion publique sur le thème de la lutte contre le racisme. De même, le Comité accueille avec satisfaction les initiatives entreprises dans les domaines de l'éducation et de l'information pour lutter contre les préjugés conduisant à la discrimination raciale.


C. Principaux sujets de préoccupation

8. Le Comité a noté l'entrée en vigueur de la loi du 23 mars 1995 qui vise à réprimer la négation, la minimalisation, la justification ou l'approbation du génocide commis par le régime national-socialiste allemand pendant la seconde guerre mondiale, comblant ainsi un vide juridique. Des préoccupations sont cependant exprimées quant à la portée trop limitée de cette loi qui ne se réfère pas à tous les différents types de génocide.

9. Le Comité a manifesté des inquiétudes sérieuses au sujet de la jurisprudence en Belgique qui interprète comme étant des délits de presse tout écrit imprimé, reproduit et diffusé comportant une expression délictueuse. Il est préoccupant que la loi de 1981, modifiée en 1994, et la loi de 1995, qui toutes deux tendent à réprimer plus fortement certains actes inspirés par le racisme et la xénophobie, ne trouvent pas application en la matière.

10. Une préoccupation particulière est à nouveau exprimée au sujet de la déclaration faite par le Gouvernement belge sur les dispositions de l'article 4 de la Convention. Le Comité a noté aussi avec préoccupation que l'Etat partie n'a pris aucune mesure législative déclarant illégales et interdites les organisations qui incitent à la discrimination raciale, comme le stipule l'alinéa b) de l'article 4 de la Convention. De vives inquiétudes ont été exprimées au sujet de l'existence, dans la Communauté flamande, d'un parti politique aux idéologies extrémistes et xénophobes.

11. Bien que le système législatif en Belgique tende à éliminer la plupart des dispositions qui limitent les droits des étrangers et des réfugiés, le Comité a regretté que le rapport ne contienne pas, au regard de l'article 5 de la Convention, de renseignements concernant la situation économique, sociale et culturelle des citoyens belges d'origine étrangère, telle que marocaine, turque, italienne ou autres, ainsi que celle des personnes qui, sans être citoyens belges, sont établies en Belgique.

12. Des préoccupations ont été exprimées au sujet de l'allégation selon laquelle le ministère public et la police poursuivraient les infractions avec moins d'attention dans les cas où la victime ne serait pas d'origine européenne.

13. Une préoccupation a également été exprimée au sujet de l'article 18 bis de la loi du 15 décembre 1980, permettant de limiter le séjour ou l'établissement d'étrangers dans certaines communes.

14. Des regrets ont été exprimés au sujet de l'absence d'information détaillée en matière de plaintes contre des actes racistes et xénophobes, reçues par le Centre pour l'égalité des chances et la lutte contre le racisme. Un complément d'information est également demandé sur le nombre de plaintes pour discrimination raciale portées devant les tribunaux, leur nature et le traitement qui leur est réservé.

15. Le Comité a noté avec regret que le rapport soumis par l'Etat partie ne fait pas référence explicite aux conclusions et recommandations formulées par le Comité lors de l'examen précédent et qu'il n'ait pas fait l'objet d'une publicité auprès d'un large public.


D. Suggestions et recommandations

16. Le Comité suggère que soient mis en oeuvre tous les efforts nécessaires pour permettre une pleine application des dispositions de la Convention dans le droit belge et son invocabilité devant les tribunaux.

17. Le Comité recommande que le système législatif belge assure un degré plus élevé de cohérence dans la définition des lois nouvelles et, notamment, que des arrangements constitutionnels et légaux soient mis en oeuvre afin de pouvoir poursuivre d'une façon plus efficace, au plan pénal, des écrits racistes, négationistes ou discriminatoires en tant que tels. Le Comité suggère que la loi du 23 mars 1995, visant à réprimer la négation, la minimalisation, la justification ou l'approbation du génocide commis par le régime national-socialiste allemand pendant la seconde guerre mondiale, soit élargie afin de couvrir les différents types de génocide. Le Comité recommande à l'Etat partie d'inclure dans son prochain rapport périodique des renseignements sur les résultats de l'application des lois adoptées récemment, telles que mentionnées plus haut, et sur les obstacles rencontrés à cet égard. Le Comité, non satisfait du remplacement des concepts "d'origine nationale ou ethnique" par ceux "d'origine" ou de "nationalité", opéré dans la loi du 12 avril 1994, suggère une modification éventuelle, en conformité avec les termes du paragraphe 1 de l'article 1 de la Convention.

18. Le Comité recommande que le Gouvernement belge prenne des mesures légales nécessaires à l'application des dispositions de l'alinéa b) de l'article 4 de la Convention, selon lesquelles les Etats parties sont tenus de déclarer illégales et d'interdire les organisations qui encouragent la discrimination raciale et qui y incitent. Le Comité recommande également que l'Etat partie fasse figurer, dans son prochain rapport, des informations sur les plaintes pour discrimination au titre de l'article 4 de la Convention et sur la suite donnée par les tribunaux.

19. Le Comité recommande à l'Etat partie d'inclure dans le prochain rapport des données statistiques sur la composition ethnique de la population belge, notamment sur le pourcentage des citoyens belges d'origine étrangère dans le pays et dans les différentes communautés, ainsi que sur le nombre de personnes qui, sans être citoyens belges, sont établis en Belgique. Des renseignements détaillés sur leur situation socio-économique, notamment sur le taux de chômage au sein de différentes communautés ethniques, seront vivement appréciés.

20. Le Comité recommande que le Gouvernement belge s'assure, au moyen d'une information et d'une formation appropriées, que les autorités judiciaires et la police accordent le même traitement aux personnes d'origine européenne et à celles d'origine non-européenne.

21. Le Comité recommande à l'Etat partie de reconsiderer l'article 18 bis de la loi du 15 décembre 1980, qui semble être contraire aux dispositions de l'alinéa d), i) de l'article 5 de la Convention.

22. Le Comité recommande que des informations complémentaires sur les activités du Centre pour l'égalité des chances et la lutte contre le racisme soient données, ainsi que des informations détaillées sur le nombre de plaintes pour discrimination raciale déposées devant les tribunaux, sur le résultat des poursuites engagées en matière de discrimination raciale et sur la réparation accordée, le cas échéant, aux victimes d'une telle discrimination.

23. Le Comité recommande que le Gouvernement belge tienne compte, dans la rédaction de son prochain rapport, des présentes conclusions et recommandations du Comité. Il suggère que l'Etat partie assure au rapport et aux présentes conclusions une diffusion auprès d'un large public, dans les différentes langues utilisées en Belgique.

24. Le Comité recommande à l'Etat partie de ratifier l'amendement au paragraphe 6 de l'article 8 de la Convention, qui a été adopté à la quatorzième Réunion des Etats parties.

25. Le Comité recommande que le prochain rapport périodique de l'État partie consiste en une mise à jour du dernier rapport et porte sur tous les points soulevés pendant l'examen du rapport.



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