University of Minnesota



Conclusions du Comité pour l'élimination de la discrimination raciale, Autriche, U.N. Doc. CERD/C/304/Add.64 (1999).



COMITÉ POUR L'ÉLIMINATION
DE LA DISCRIMINATION RACIALE
Cinquante-quatrième session

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES
CONFORMÉMENT À L'ARTICLE 9 DE LA CONVENTION


Conclusions du Comité pour l'élimination
de la discrimination raciale


Autriche


1. Le Comité a examiné les onzième, douzième et treizième rapports périodiques de l'Autriche (CERD/C/319/Add.5) à ses 1305ème et 1306ème séances (CERD/C/SR.1305 et 1306), tenues les 1er et 2 mars 1999. À sa 1327ème séance, tenue le 16 mars 1999, il a adopté les conclusions suivantes.


A. Introduction

2. Le Comité accueille avec satisfaction les onzième, douzième et treizième rapports périodiques présentés par le Gouvernement autrichien en un seul document et se félicite de l'occasion qui lui est ainsi offerte de poursuivre son dialogue avec l'État partie. Bien que le rapport suive les principes directeurs, le Comité estime que les renseignements qu'il contient sont trop concis, qu'il est trop axé sur la législation et les mesures administratives, qu'il ne tient pas suffisamment compte des observations formulées par le Comité dans ses conclusions sur le rapport précédent de l'État partie, et qu'il n'indique pas de façon suffisamment précise dans quelle mesure les personnes résidant en Autriche bénéficient dans la pratique des mesures de protection promises dans la Convention. Le Comité se déclare satisfait du dialogue constructif et concret qu'il a eu avec la délégation ainsi que des renseignements supplémentaires qui lui ont été fournis en réponse aux questions posées.


B. Aspects positifs

3. Le Comité note avec satisfaction que l'État partie a condamné le génocide en tant que crime au regard du droit international, et il espère que tous les actes de génocide seront condamnés sans distinction, quels que soient le moment et le lieu où ils ont été commis et quel que soit le groupe qui en est victime. À cet égard, il se félicite de la création d'un fonds national pour les victimes du National Socialism (1995), qui doit permettre d'indemniser toutes les victimes du génocide.

4. Le Comité accueille avec satisfaction les renseignements contenus dans le rapport au sujet des mesures prises dans le domaine de l'éducation pour enseigner les principes de la tolérance et de la coexistence pacifique dans une société multiculturelle. Il se déclare également satisfait des efforts entrepris par l'État partie pour mobiliser l'opinion contre toutes les formes de discrimination raciale. Il note, à cet égard, que des programmes de radio ont été créés à cette fin.


C. Principaux sujets de préoccupation

5. Le Comité est conscient du fait que la Convention a été incorporée au droit interne autrichien (Loi constitutionnelle fédérale de 1973) et il accueille avec satisfaction les décisions de la Cour constitutionnelle (1994/1995) qui reconnaissent aux étrangers l'égalité de traitement, mais il reste préoccupé par l'élément subjectif contenu dans la règle selon laquelle "une décision par laquelle un étranger se voit refuser l'égalité de traitement n'est admissible que si elle est fondée sur des motifs valables".

6. Le Comité est préoccupé par le fait que la politique en matière d'immigration formulée dans la loi de 1997 sur les étrangers classe les étrangers en fonction de leur origine nationale. Il considère que, dans sa conception et ses effets, cette politique peut être stigmatisante et discriminatoire et, par conséquent, contraire aux principes et aux dispositions de la Convention.

7. Le Comité accueille avec satisfaction les mesures prises par l'État partie pour protéger les droits des groupes minoritaires slovènes, croates et hongrois, mais il reste préoccupé par l'absence de mesures correspondantes pour les autres "minorités ethniques nationales", en particulier les Tchèques, les Slovaques et les Roms, ainsi que pour celles qui sont parfois qualifiées de "nouvelles minorités". Il se déclare également préoccupé par le fait que les résidents d'origine étrangère ne bénéficient d'aucune protection juridique contre des actes de discrimination commis par des citoyens autrichiens.

8. Tout en notant avec satisfaction les efforts de l'État partie en matière de réforme législative, en particulier les amendements au Code pénal autrichien (art. 281 et 283), qui criminalisent la propagande raciste et l'incitation à l'hostilité raciale, le Comité constate avec inquiétude que la condamnation de ces actes s'accompagne d'une référence à l'ordre public et que l'alinéa b) de l'article 4 de la Convention n'est pas pleinement appliqué, notamment en ce qui concerne l'interdiction des organisations qui incitent à la discrimination raciale et l'encouragent. Il est également préoccupé par le nombre d'incidents de xénophobie et de discrimination raciale qui ont été signalés, y compris les actes d'antisémitisme et d'hostilité contre certains groupes ethniques.

9. Sept ans après avoir appelé l'attention de l'État partie sur l'absence de sanctions contre la discrimination raciale dans le secteur privé, le Comité constate avec inquiétude que peu de progrès ont été faits dans l'application des dispositions des alinéas e) et f) de l'article 5. Il constate également que les non-citoyens ne peuvent pas actuellement être élus membres des comités d'entreprise.

10. Le Comité est préoccupé par les graves incidents au cours desquels la police aurait traité avec brutalité des personnes d'origine étrangère ou appartenant à des minorités ethniques, y compris les Roms.


D. Suggestions et recommandations

11. Le Comité recommande que l'État partie adopte une législation générale interdisant la discrimination raciale sous toutes ses formes et s'appliquant aussi bien aux étrangers qu'aux citoyens. En outre, le Comité recommande que l'État partie envisage de modifier la disposition pertinente de la Loi constitutionnelle portant application de la Convention en supprimant le mot "uniquement" dans le membre de phrase "toute distinction fondée uniquement sur la race...".

12. Le Comité encourage l'État partie à continuer d'étudier les moyens d'assurer une protection spécifique à tous les groupes ethniques vivant en Autriche. Il recommande également que l'État partie fournisse dans son prochain rapport des renseignements plus détaillés sur la composition démographique de la population autrichienne, conformément au paragraphe 8 des principes directeurs. Il souhaiterait obtenir des renseignements sur la situation socioéconomique, en particulier sur le taux de chômage dans les différentes communautés ethniques.

13. Le Comité demande instamment à l'État partie de revoir les éléments de sa politique d'immigration actuelle qui consistent à classer les étrangers sur la base de leur origine nationale. Il le prie de fournir, dans son prochain rapport, des renseignements sur ses pratiques actuelles en matière d'asile.

14. Le Comité recommande que l'État partie prenne les mesures nécessaires pour appliquer l'alinéa b) de l'article 4 de la Convention. Il recommande également que l'État partie fasse figurer dans son prochain rapport des renseignements sur les plaintes en matière de discrimination présentées au titre de l'article 4 de la Convention, sur les poursuites intentées par les autorités contre les auteurs d'actes de discrimination, notamment d'attaques criminelles contre les membres de certains groupes ethniques, ainsi que sur les mesures prises par le Médiateur et par les tribunaux compétents. Il souhaiterait avoir, le cas échéant, des renseignements sur la réparation accordée aux victimes, conformément à l'article 6 de la Convention.

15. Le Comité recommande que l'État partie révise les dispositions législatives visant à donner effet à l'article 6 de la Convention. Dans son prochain rapport, l'État partie devrait indiquer notamment si la protection assurée est efficace et si les recours offerts sont suffisants.

16. Le Comité recommande que l'État partie envisage de retirer ses déclarations concernant les articles 4 et 5 de la Convention.

17. Le Comité suggère également que l'État partie envisage d'organiser des cours et des stages de formation sur la tolérance raciale et les questions relatives aux droits de l'homme à l'intention des responsables de l'application des lois et des membres de la police, conformément à l'article 7 de la Convention et à la Recommandation générale XIII du Comité. Il suggère également que l'État partie vérifie l'efficacité des mesures prises pour enquêter sur les allégations de brutalité policière et d'abus de pouvoir.

18. Le Comité recommande que l'État partie ratifie les amendements au paragraphe 6 de l'article 8 de la Convention, adoptés le 15 janvier 1992 à la quatorzième réunion des États parties à la Convention.

19. Le Comité note que l'État partie n'a pas fait la déclaration prévue à l'article 14 de la Convention, et certains de ses membres ont demandé que cette possibilité soit envisagée.

20. Le Comité suggère que l'État partie diffuse largement ses rapports et les présentes conclusions. Il recommande que le prochain rapport périodique de l'État partie, qui devrait être présenté le 8 juin 1999, constitue une mise à jour et traite de tous les points soulevés lors de l'examen des onzième, douzième et treizième rapports.



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