University of Minnesota



Observations finales du Comit
é pour l'élimination de la discrimination raciale, Australie, U.N. Doc. A/49/18,paras.535-551 (1994).





COMITE POUR L'ELIMINATION DE
LA DISCRIMINATION RACIALE
Quarante-cinqième session


EXAMEN DES RAPPORTS PRESENTES PAR LES ETATS PARTIES
CONFORMEMENT A L'ARTICLE 9 DE LA CONVENTION

Conclusions du Comité pour l'élimination
de la discrimination raciale

Australie


535. À sa 1067e séance, le 18 août 1994, le Comité a adopté les conclusions ci-après.

a) Aspects positifs

536. L'État partie est félicité pour la régularité avec laquelle il s'acquitte de son devoir de faire rapport et pour le sérieux avec lequel il remplit ses obligations en vertu de la Convention. La qualité du rapport, rédigé selon les directives du Comité, et la richesse des informations détaillées supplémentaires données au Comité avant et pendant le débat sont soulignées avec satisfaction.

537. L'occasion d'engager un dialogue franc, sérieux et extrêmement constructif avec une délégation dirigée par le Ministre chargé des affaires des aborigènes et des insulaires du détroit de Torres est accueillie avec satisfaction. Le ministre était accompagné par le Commissaire à la justice sociale (Commission des droits de l'homme et de l'égalité des chances), qui est lui-même membre d'un groupe autochtone australien et titulaire d'un poste indépendant. Le Commissaire était là pour répondre aux questions posées et pour évoquer des questions au sujet desquelles il avait des points de vue personnels à émettre. Les membres du Comité se sont vivement félicités de la composition de la délégation, qu'ils ont qualifiée d'exemple à suivre pour les autres États.

538. Il est pris connaissance avec satisfaction des nombreuses mesures adoptées en Australie depuis l'examen du rapport précédent en vue d'améliorer les relations entre tous les groupes et en particulier la situation des aborigènes. Les efforts du gouvernement tendant à instaurer une société multiculturelle en Australie, malgré une certaine opposition, méritent d'être soulignés. Il est pris note à ce sujet de plusieurs programmes et stratégies comme la Stratégie "Accessibilité et équité", le "Programme national pour une Australie multiculturelle" ou le "Programme de relations communautaires" qui offrent un cadre pour encourager les différents groupes culturels à partager leur patrimoine spécifique et à chercher à garantir à tous les Australiens l'égalité de traitement et de chances dans tous les domaines de la vie publique. La création en 1991 du Conseil pour la réconciliation aborigène est saluée comme une mesure très prometteuse.

539. Les responsabilités et les pouvoirs étendus de la Commission des droits de l'homme et de l'égalité de chances du Commonwealth pour assurer la mise en oeuvre de la loi de 1975 sur la discrimination raciale, qui est habilitée à mener des enquêtes publiques sur toutes questions relatives aux droits de l'homme, sont relevés avec une satisfaction particulière. L'action de la Commission des aborigènes et des insulaires du détroit de Torres et le transfert de certaines responsabilités spécifiques à l'Autorité régionale du détroit de Torres sont notés avec appréciation. Il en va de même des conclusions et recommandations importantes de la Commission royale d'enquête sur le décès d'aborigènes en détention et de la création, à la suite d'une recommandation de cette commission, du bureau du Commissaire à la justice sociale pour les aborigènes et les insulaires du détroit de Torres.

540. L'attention accordée par le pouvoir judiciaire à la mise en oeuvre de la Convention mérite particulièrement d'être soulignée. La décision prise par la Haute Cour d'Australie dans l'affaire Mabo c. Queensland représente un progrès très important. Il est noté avec satisfaction que, par cette décision, la Cour rejetait l'idée que l'Australie était terra nullius au moment de la colonisation et reconnaissait la survivance du droit des autochtones sur les terres lorsque les droits fonciers n'avaient pas été légalement éteints. La suite donnée par le Gouvernement du Commonwealth avec l'adoption en 1993 de la loi sur les droits fonciers des aborigènes et la création d'un fonds national pour les terres des aborigènes et des insulaires du détroit de Torres sont également accueillies avec satisfaction.

541. La volonté du Gouvernement du Commonwealth de montrer l'exemple dans le domaine de l'action nécessaire pour obtenir une meilleure application de la Convention est notée avec une grande satisfaction. Par exemple, le gouvernement va probablement user de son influence pour veiller à ce que la formation de la police soit améliorée de façon à éviter des actes de discrimination raciale.

b) Principaux sujets de préoccupation

542. Il est noté avec préoccupation que, bien que le Gouvernement du Commonwealth soit responsable de la ratification des instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme, la mise en oeuvre de leurs dispositions exige la participation active des États et des territoires qui ont une juridiction quasiment exclusive sur un grand nombre de questions couvertes par la Convention et qui ne peuvent être contraints de modifier leur législation. Les programmes et les stratégies conçus au niveau fédéral pour promouvoir la réconciliation et la justice sociale et pour s'occuper des problèmes liés aux décès d'aborigènes en détention peuvent être compromis par l'absence de coopération des gouvernements des États ou des territoires. Le Comité suivra avec intérêt l'évolution des relations entre les gouvernements en Australie.

543. La situation des aborigènes et des insulaires du détroit de Torres demeure préoccupante, malgré les efforts visant à réparer les injustices héritées du passé. Il est inquiétant que les décès d'aborigènes continuent d'être aussi nombreux que lorsqu'il a été décidé de désigner la Commission royale d'enquête.

544. Les procédures légales applicables pour reconnaître les titres fonciers des aborigènes et pour répondre aux revendications foncières ont été très longues. La nécessité pour les intéressés de prouver qu'ils ont maintenu leurs liens avec la terre revendiquée et que leur titre ne s'est pas éteint peut être une condition exorbitante. Le fait que les personnes identifiées comme aborigènes mais dont les ancêtres sont en majorité non aborigènes puissent ne pas être considérées comme aborigènes pour ce qui est de la reconnaissance des droits fonciers peut devenir aussi un sujet de préoccupation. Un faible pourcentage seulement de la population aborigène sera admis au bénéfice de la loi sur les droits fonciers des aborigènes.

545. Les aborigènes continuent d'être défavorisés dans des domaines tels que l'enseignement, l'emploi, le logement et les services de santé. Leur participation à la conduite des affaires publiques est décevante. Il est une fois encore noté avec préoccupation que, d'après divers indicateurs sociaux, les aborigènes sont davantage touchés que tout autre groupe du pays par des problèmes sociaux tels que l'alcoolisme, la toxicomanie, la délinquance et l'incarcération.

546. La situation des membres d'autres minorités non anglophones, en particulier des réfugiés ou des demandeurs d'asile, en ce qui concerne l'exercice des droits et libertés consacrés à l'article 5 de la Convention, donne également matière à préoccupation. Les immigrants d'Afrique et d'Asie semblent, de source non gouvernementale, ne pas bénéficier d'une protection suffisante contre la discrimination.

c) Suggestions et recommandations

547. Le Comité recommande à l'État partie de mener une politique vigoureuse de reconnaissance des droits des aborigènes prévoyant une réparation adéquate pour la discrimination et l'injustice subies dans le passé. Le Gouvernement du Commonwealth devrait prendre des mesures appropriées pour assurer une application harmonieuse des dispositions de la Convention au niveau fédéral et au niveau des États ou territoires. Les recommandations émises par divers organes chargés de la protection des droits des aborigènes — la Commission royale d'enquête sur les décès d'aborigènes en détention, la Commission des droits de l'homme et de l'égalité des chances et la Commission des aborigènes et des insulaires du détroit de Torres — devraient être pleinement respectées par tous les intéressés, en particulier les gouvernements des États et des territoires.

548. Le Comité recommande le renforcement des mesures visant à accorder réparation pour toute discrimination subie par les membres de minorités non anglophones et par les aborigènes dans le domaine de l'administration de la justice, de l'éducation, de l'emploi, du logement et des services de santé, et visant à promouvoir la participation de tous à la conduite des affaires politiques. Le Comité espère recevoir davantage d'informations concernant ces questions particulièrement en ce qui concerne les minorités non anglophones dans le prochain rapport périodique de l'Australie. Les responsables de l'application de la loi doivent recevoir une formation plus efficace permettant d'avoir l'assurance que, dans l'exercice de leurs fonctions, ils respectent et protègent la dignité de l'homme et préservent et défendent les droits de tous. De même, l'État partie devrait continuer à renforcer encore ses programmes d'enseignement et de formation.

549. Le Comité recommande à l'État partie d'adopter une loi en vue de retirer la réserve qu'il a émise à l'égard du paragraphe a) de l'article 4 de la Convention.

550. Le Comité recommande à l'État partie de faire diffuser le rapport qu'il a soumis au Comité et les conclusions de celui-ci aussi largement que possible en Australie, de façon à encourager la participation de tous les secteurs à l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale.

551. Le Comité appelle l'attention de l'État partie sur l'amendement du paragraphe 6 de l'article 8 de la Convention, qui a été approuvé à la quatorzième réunion des États parties et par l'Assemblée générale dans sa résolution 47/111, et l'invite à prendre rapidement les mesures nécessaires à l'acceptation officielle dudit amendement.



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