University of Minnesota



Conclusions du Comit
é pour l'élimination de la discrimination raciale, Algérie, U.N. Doc. CERD/C/304/Add.33 (1997).




COMITE POUR L'ELIMINATION DE
LA DISCRIMINATION RACIALE
Cinquante et unième session


EXAMEN DES RAPPORTS PRESENTES PAR LES ETATS PARTIES
CONFORMEMENT A L'ARTICLE 9 DE LA CONVENTION

Conclusions du Comité pour l'élimination
de la discrimination raciale

Algérie

1. Le éComité a examiné les onzième et douzième rapports périodiques de l'Algérie, présentés dans un document unique (CERD/C/280/Add.3), à ses 1216ème et 1217ème séances, les 4 et 5 août 1997. Il a adopté à sa 1235ème séance, le 18 août 1997, les conclusions suivantes.


A. Introduction

2. Le Comité est heureux d'avoir pu reprendre son dialogue avec l'Etat partie et se félicite des renseignements supplémentaires que la délégation de l'Etat partie a fournis lors de la présentation orale de son rapport. Le Comité regrette cependant que le rapport ne soit pas entièrement conforme aux Principes directeurs concernant la forme et la teneur des rapports et qu'il ne contienne pas de renseignements concrets sur l'application de la Convention en Algérie et la jouissance effective de ses droits par la population.


B. Facteurs et difficultés entravant l'application de la Convention

3. Il est pris acte du fait que l'Algérie doit faire face à des difficultés économiques, sociales et politiques et connaît des problèmes économiques et sociaux susceptibles d'avoir des effets négatifs sur la situation de la population et qui entravent la pleine jouissance des droits économiques et sociaux.

4. Le Comité note également que le climat de violence qui règne en Algérie depuis 1989 et qui affecte gravement la population civile constitue un sérieux obstacle supplémentaire à la pleine application de la Convention.


C. Aspects positifs

5. Le Comité se félicite vivement des efforts de l'Etat partie en vue de donner effet à la Convention dans des circonstances défavorables.

6. Il est noté avec une grande satisfaction que l'Etat partie a fait, en vertu de l'article 14 de la Convention, une déclaration reconnaissant la compétence du Comité pour recevoir et examiner des communications émanant de personnes ou de groupes de personnes.

7. Le Comité constate avec satisfaction que, conformément à l'article 123 de sa Constitution, l'Algérie a ratifié et promulgué des instruments internationaux, tels que la Convention, et les applique en tant que parties intégrantes de son droit interne en leur accordant la priorité sur les normes de droit interne incompatibles avec eux.

8. Il est noté avec satisfaction l'établissement du Conseil culturel national en 1990, de l'Observatoire national des droits de l'homme en 1992 et du Haut Commissariat à l'Amazighité en 1995, ainsi que la codification de la langue amazighe pour permettre d'enseigner cette langue dans les écoles et les universités.

9. Le Comité est heureux de noter que l'enseignement est gratuit à tous les niveaux, comme le sont aussi les soins de santé publique.


D. Principaux sujets de préoccupation

10. Des inquiétudes sont exprimées à l'égard de l'insuffisance de renseignements sur la composition ethnique de la population algérienne, ce qui rend difficile l'identification des groupes vulnérables et l'évaluation des activités qui leur sont destinées.

11. Bien que le rapport périodique contienne des renseignements sur les mesures législatives, le Comité regrette le manque d'informations sur les mesures d'ordre judiciaire, administratif ou autre que l'Etat partie a pu adopter pour donner effet aux dispositions de la Convention.

12. Bien que l'article 28 de la Constitution algérienne prévoie la non-discrimination, tout comme l'égalité devant la loi et l'égale protection de la loi sans discrimination, le Comité note avec inquiétude que l'Algérie n'a pas expressément interdit la "discrimination raciale" dans sa législation interne, conformément à la Convention.

13. Il est noté avec préoccupation que l'Etat partie ne donne pas effet à toutes les dispositions des alinéas a) et b) de l'article 4 de la Convention.

14. Il est également noté avec inquiétude que le manque d'informations dans le rapport sur l'application de l'article 5 de la Convention permet difficilement au Comité d'évaluer la situation à l'égard de la jouissance des droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels par la population en Algérie, en ce qui concerne en particulier les membres des divers groupes ethniques.

15. L'absence d'informations complètes sur les cas de plaintes déposées par des individus alléguant des actes de discrimination raciale et les indemnisations versées aux victimes de ces actes ne permet guère de savoir dans quelle mesure il est donné réellement effet aux dispositions de l'article 6 de la Convention en Algérie.

16. S'il est pris note avec satisfaction de la déclaration faite par la délégation de l'Etat partie en ce qui concerne la formation des magistrats et des responsables de l'application des lois aux droits de l'homme ainsi que l'enseignement des droits de l'homme au niveau universitaire, les informations fournies dans le rapport écrit ne permettent pas au Comité d'évaluer l'importance et les effets de ces programmes.


E. Suggestions et recommandations

17. Le Comité recommande à l'Etat partie de préciser, dans son prochain rapport périodique, toutes les mesures d'ordre législatif, judiciaire, administratif ou autre donnant effet aux dispositions de la Convention, conformément à l'article 9 de cet instrument.

18. Le Comité recommande à l'Etat partie d'envisager d'interdire expressément la discrimination raciale dans sa législation interne, conformément à la Convention.

19. Le Comité renouvelle sa recommandation, formulée à l'occasion de l'examen du dixième rapport périodique de l'Etat partie, tendant à ce que ce dernier fournisse des informations sur la composition de la population, ainsi qu'il est demandé au paragraphe 8 des Principes directeurs concernant la forme et la teneur des rapports et, en particulier, des informations sur les indicateurs sociaux rendant compte de la situation des groupes ethniques, y compris les Berbères. De telles informations sont essentielles au gouvernement lui-même pour lui permettre de déceler de possibles situations de discrimination et pour mettre le Comité en mesure de surveiller efficacement l'application de la Convention. A cet égard, le Comité appelle l'attention du Gouvernement algérien sur sa Recommandation générale IV et suggère à l'Etat partie de prendre en considération sa Recommandation générale VIII relative à l'identification des membres de groupes raciaux ou ethniques particuliers.

20. Le Comité souligne que les dispositions de l'article 4 de la Convention sont obligatoires et qu'il doit leur être donné pleinement effet, comme il est dit dans sa Recommandation générale VII. En vue de prévenir la diffusion d'idées racistes et l'incitation à la haine raciale, le Comité recommande à l'Etat partie de s'acquitter pleinement de ses obligations en vertu de l'article 4 de la Convention et, en particulier, de déclarer illégale et d'interdire toute organisation promouvant la discrimination raciale ou y incitant. Il doit être dûment tenu compte à cet égard de la Recommandation générale XV du Comité.

21. Le Comité recommande d'assurer la jouissance par chacun, sans discrimination, des droits énumérés à l'article 5 de la Convention, et en particulier du droit à la sûreté de la personne et à la protection contre les voies de fait ou les sévices (art. 5 b)). A ce sujet, et eu également égard à l'article 5 e) de la Convention, il y aurait lieu de mettre au point des indicateurs et autres moyens appropriés en vue de surveiller la situation économique et sociale des groupes ethniques. Le Comité recommande à cet égard à l'Etat partie de fournir, dans son prochain rapport périodique, des informations plus complètes sur la protection des droits au travail, au logement et à l'éducation contre toute discrimination fondée sur l'origine ethnique, ainsi qu'il est prévu à l'article 5.

22. Le Comité recommande à l'Etat partie de fournir, dans son prochain rapport périodique, toutes les informations disponibles sur les plaintes et les affaires judiciaires concernant des actes de discrimination raciale ainsi que des renseignements sur le droit de toute personne de demander une réparation adéquate pour tout dommage dont elle aurait pu être victime par suite d'une telle discrimination, ainsi qu'il est prévu à l'article 6 de la Convention.

23. Le Comité recommande au Gouvernement algérien de poursuivre et de renforcer ses activités de formation des magistrats et avocats aux droits de l'homme et de mettre spécialement l'accent sur les programmes d'éducation et de sensibilisation à l'égard des dispositions de la Convention, conformément à l'article 7 de cet instrument. Un tel type de formation devrait être également assuré aux responsables de l'application des lois et aux membres des forces armées. Il doit être dûment tenu compte à cet égard de la Recommandation générale XIII du Comité.

24. Le Comité recommande à l'Etat partie de lancer une campagne efficace d'information en vue de faire connaître les dispositions de la Convention à tous les secteurs de la société, de les sensibiliser à la lutte contre la discrimination raciale et de les informer des moyens disponibles à cet effet au titre de l'article 14 de la Convention. L'Etat partie devrait en outre assurer une large diffusion du texte de son rapport et des conclusions du Comité.

25. Le Comité recommande à l'Etat partie de ratifier les modifications du paragraphe 6 de l'article 8 de la Convention, adoptées à la quatorzième réunion des Etats parties.

26. Le Comité recommande à l'Etat partie de veiller à ce que son prochain rapport périodique soit complet et réponde à toutes les inquiétudes exprimées par le Comité.



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