University of Minnesota



Observations finales du Comit
é pour l'élimination de la discrimination raciale, Algérie, U.N. Doc. A/48/18,paras.66-85 (1993).





COMITE POUR L'ELIMINATION DE
LA DISCRIMINATION RACIALE

EXAMEN DES RAPPORTS PRESENTES PAR LES ETATS PARTIES
CONFORMEMENT A L'ARTICLE 9 DE LA CONVENTION


Conclusions du Comité pour l'élimination
de la discrimination raciale

Algérie


66. Le Comité a examiné le dixième rapport périodique de l'Algérie (CERD/C/209/Add.4) à ses 962e, 963e et 983e séances, tenues les 4 et 18 mars 1993 (voir CERD/C/SR.962, 963 et 983).

67. Le représentant de l'Etat partie a présenté le rapport, insistant sur l'appui qu'apportait son pays à la lutte contre le racisme et la discrimination raciale, en particulier contre l'apartheid.

68. Le représentant de l'Algérie a dit que la Constitution adoptée par référendum le 23 février 1989 contenait de nouvelles dispositions prévoyant le pluralisme politique, un pouvoir judiciaire indépendant et le scrutin secret. La Constitution interdisait aussi toutes les formes de discrimination raciale pour laquelle des sanctions étaient prévues dans la législation. Bien que l'état d'urgence actuel représente une période difficile pour l'Algérie, il n'entravait en rien la lutte que depuis toujours menait le pays contre la discrimination raciale, ni la détermination du peuple algérien de défendre la cause de la liberté, de la justice et de l'égalité.

69. Des membres du Comité ont favorablement accueilli le rapport de l'Etat partie qui contenait des renseignements utiles sur la base constitutionnelle et législative à partir de laquelle était mise en oeuvre la Convention. Ils ont toutefois noté qu'un complément d'information était nécessaire quant à son application effective notamment par les tribunaux et sur l'évolution économique, sociale et démographique qu'avait connue le pays. Il fallait des renseignements complémentaires sur les facteurs entrant en jeu et les difficultés rencontrées dans l'application de la Convention. Un complément d'informations complémentaires était aussi demandé au sujet de la composition de la population et, en particulier, des composants minoritaires : Berbères, Touaregs, Juifs et population noire du sud du pays. On a souligné au sujet de ce dernier groupe que les Algériens noirs semblaient être particulièrement désavantagés pour ce qui est de l'accès au logement et à l'éducation. Les membres du Comité souhaitaient aussi savoir quelles étaient les minorités reconnues en tant que telles par le Gouvernement.

70. On a noté que d'importants progrès avaient été réalisés dans l'application de la Convention depuis que l'Algérie avait présenté son dernier rapport en 1987, notamment du fait de la nouvelle Constitution adoptée en 1989. A propos de la Constitution et de la législation nationale en général, des membres du Comité souhaitaient savoir ce que représentait la Convention dans le système juridique. Ils ont souligné que cet instrument devait prendre le pas dans le droit interne algérien sur la législation nationale. Les répercussions que pouvait avoir l'actuel état d'urgence sur l'exercice des droits fondamentaux suscitaient l'inquiétude.

71. A propos de l'article 2 de la Convention, les membres du Comité voulaient savoir si l'Algérie avait adopté une législation interdisant expressément la discrimination raciale et, si tel n'était pas le cas, si le Gouvernement comptait en promulguer une. Des membres du Comité ont signalé à ce sujet que la population algérienne était suffisamment diverse pour justifier une législation spéciale en matière de discrimination raciale.

72. En ce qui concernait l'article 4, des membres du Comité souhaitaient savoir si un groupe racial ou ethnique particulier avait fait l'objet d'actes de violence ou d'incitations à la violence et si les organisations ou la propagande racistes avaient été déclarées illégales.

73. A propos de l'article 5 de la Convention, des membres du Comité ont demandé si une discrimination s'exerçait en matière d'emploi. On a souligné la nécessité d'indicateurs statistiques du chômage, de la délinquance et de l'analphabétisme afin de déterminer la mesure dans laquelle les minorités étaient socialement intégrées. On s'est inquiété en particulier de la situation de la minorité berbère et on a demandé des précisions quant à l'étendue des droits visés à l'article 5 de la Convention dont jouissaient les Berbères. Des membres du Comité se sont intéressés à la nouvelle Commission nationale des droits de l'homme et souhaitaient savoir comment ses membres étaient nommés, comment on en assurait l'indépendance et quel était, outre la surveillance du respect des droits de l'homme, son rôle.

74. A propos de l'article 6 de la Convention, des membres du Comité souhaitaient savoir combien de plaintes pour discrimination raciale avaient été reçues par les autorités compétentes et combien de condamnations avaient été prononcées pour des actes de racisme. Ils ont demandé des détails complémentaires quant à la manière dont les tribunaux appliquaient la Convention et la jurisprudence qui s'en était découlée et quant à l'indépendance des tribunaux. Certains ont dit combien il importait que les avocats et les juges soient bien au fait des dispositions de la Convention.

75. En ce qui concerne l'article 7, des membres du Comité souhaitaient savoir plus précisément si les minorités linguistiques avaient la possibilité de recevoir une instruction dans leur langue au niveau de l'école primaire et secondaire. Certains voulaient en particulier savoir si le berbère y était enseigné.

76. Des membres du Comité ont félicité l'Algérie de compter parmi les Etats qui avaient fait la déclaration visée à l'article 14 de la Convention reconnaissant la compétence du Comité pour recevoir et examiner des communications émanant de personnes ou de groupes de personnes qui se plaignent que les droits énoncés dans cet instrument ont été violés. Toutefois, le Comité n'ayant encore reçu aucune communication concernant l'Algérie, certains de ses membres souhaitaient savoir quelles mesures avaient été prises pour porter ledit article à l'attention du public.

77. En réponse aux questions posées par les membres du comité, le représentant de l'Etat partie a dit que la population algérienne était composée d'Arabes, de Berbères, de Mozabites et de Touaregs. Les Berbères vivaient essentiellement dans trois régions : la Kabylie, près d'Alger, qui en regroupait 4 millions; l'Aurès, dans la partie orientale du pays, où ils étaient 8 à 9 millions; et le sud, où vivaient encore un million d'entre eux. Comme la population totale de l'Algérie comptait 23 millions d'habitants, on ne pouvait guère considérer les Berbères comme une minorité. Ils participaient pleinement à la vie algérienne sur un pied d'égalité et n'étaient en aucune manière marginalisés. Quant à leur langue, elle n'était pas l'objet de discrimination. La langue berbère, l'amazigh, était largement parlée dans les régions où vivaient les Berbères, particulièrement en Kabylie. Toutefois, la langue écrite n'était pas à l'heure actuelle suffisamment structurée pour pouvoir être enseignée dans les écoles. Des travaux étaient en cours dans ce domaine, notamment à l'Université de Tizi-Ouzou et lorsque ceux-ci auraient abouti, l'instruction en amazigh deviendrait possible. Les nomades du Sud, dont beaucoup s'étaient maintenant sédentarisés, étaient totalement intégrés et ne subissaient aucune répression. Quant aux réfugiés du sud de l'Algérie, ils n'étaient ni Algériens, ni persécutés.

78. En ce qui concernait la liberté d'association, le fait que la loi interdise les partis politiques régionalistes devait être considéré dans le contexte de la situation de l'Algérie au moment de l'indépendance. Il fallait rappeler que c'est avec bien des difficultés qu'il avait été mis un terme au régime colonial et que des menaces de sécession et de démembrement pesaient sur la nation au moment de l'indépendance. Pour combattre cette tendance, on avait encouragé le régionalisme au plan culturel mais on l'avait découragé au plan politique. Il y avait actuellement 67 partis politiques en Algérie et plus de 20 000 associations de types divers, qui avaient toute liberté de mener leurs activités.

79. Pour ce qui est de la surveillance des droits de l'homme, le Ministre des droits de l'homme avait assumé ses fonctions en 1992 pour être ensuite remplacé par une commission, l'Observatoire national des droits de l'homme. Cet organe relevait directement du Président et son indépendance administrative et financière était garantie. Des organisations non gouvernementales étaient représentées en son sein de même que les ministres de la justice et de l'éducation ainsi que des représentants du barreau. Sa mission était de protéger les droits fondamentaux des citoyens et d'informer sur ces droits. Le rapport annuel qu'il présentait sur la situation des droits de l'homme au Président de l'Assemblée nationale populaire, était rendu public deux mois plus tard.

80. Pour ce qui concernait l'éducation, le représentant de l'Algérie a dit qu'il n'avait pas encore été possible d'organiser des cours familiarisant les étudiants avec les dispositions de la Convention. Arriver à dispenser simplement l'éducation était à l'heure actuelle pour l'Etat le problème le plus urgent. Le représentant de l'Algérie s'est dit surpris de la discrimination dont auraient été victimes cinq étudiants noirs étrangers à l'Université d'Oran. Tout comme les autres universités en Algérie, celle-ci avait formé de nombreux étudiants d'Afrique noire, notamment des diplomates, venus d'autres pays de la région. Quant aux Algériens noirs, ils étaient peu nombreux et ne subissaient aucune discrimination raciale, y compris à l'Université.

81. Beaucoup de jeunes Algériens vivant en France avaient acquis la nationalité française en plus de la nationalité algérienne. A la faveur d'un accord intergouvernemental, ils pouvaient choisir dans quel pays effectuer leur service militaire. Pour ce qui était des indicateurs statistiques et d'autres détails relatifs à la situation des minorités que l'on souhaitait voir figurer dans le prochain rapport de l'Algérie, le représentant de l'Etat partie a assuré le Comité qu'il communiquerait cette demande à son gouvernement.

Conclusions

82. Le Comité a noté avec intérêt les changements législatifs et institutionnels qui s'étaient produits en Algérie les dernières années et qui créaient le cadre nécessaire au respect des droits de l'homme en général et à la prévention de la discrimination raciale.

83. Il s'est dit satisfait de l'esprit d'ouverture et de coopération qui caractérisait ce rapport ainsi que le dialogue instauré avec le représentant du Gouvernement algérien, tout en s'inquiétant des difficultés que présentait la situation actuelle en Algérie.

84. Eu égard au fait que le rapport était axé spécialement sur les textes législatifs, le Comité considérait que le prochain rapport devrait contenir davantage de données démographiques et statistiques pour étoffer les indicateurs sociaux reflétant en particulier la situation des groupes ethniques et raciaux, notamment les Berbères et les Noirs, et rendre compte des décisions judiciaires ou administratives prises pour donner effet à la Convention. Il fallait aussi que soient mieux expliquées les répercussions que les mesures d'urgence prises par le Gouvernement pouvaient avoir quant à la mise en oeuvre de la Convention.

85. Le Comité a estimé en particulier qu'il faudrait que le rapport suivant apporte plus de précisions sur la place de la population berbère dans la société algérienne, eu égard à son identité, à sa langue, à sa participation à la vie publique et aux avantages sociaux prévus à l'article 5 de la Convention.



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