University of Minnesota



Observations finales du Comité contre la torture, Liechtenstein, U.N. Doc. CAT/C/LIE/CO/3 (2010).


 


CA T/C/LIE/CO/3

Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Comité contre la torture

Quarante-quatrième session

26 avril-14 mai 2010

Examen des rapports présentés par les États parties en application de l’article 19 de la Convention

Observations finales du Comité contre la torture

Liechtenstein

1. Le Comité contre la torture a examiné le troisième rapport périodique du Liechtenstein (CAT/C/LIE/3) à ses 938e et 941e séances (CAT/C/SR.938 et 941), les 4 et 5 mai 2010, et a adopté à sa 948e séance (CAT/C/SR.948) les observations finales ci-après.

A. Introduction

2. Le Comité accueille avec satisfaction le troisième rapport périodique du Liechtenstein, qui a été soumis avec un certain retard mais qui suit globalement ses directives concernant la forme et le contenu des rapports périodiques. Il remercie l’État partie pour ses réponses écrites détaillées à la liste des points à traiter qui contenaient d’importants renseignements complémentaires et pour la traduction du rapport annuel établi en 2009 par le mécanisme national de prévention, fournie par ses soins à temps pour l’examen du rapport.

3. Le Comité se félicite du dialogue franc, constructif et fructueux qu’il a eu avec la délégation de l’État partie, à laquelle il exprime ses remerciements pour les réponses claires et détaillées qui ont été apportées oralement et par écrit à ses questions et préoccupations.

B. Aspects positifs

4. Le Comité prend note avec satisfaction de la ratification par l’État partie des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme ci-après pendant la période considérée:

a) Protocole facultatif à la Convention contre la torture, en 2006;

b) Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, en 2000;

c) Protocole facultatif à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, en 2001;

d) Convention de 1954 relative au statut des apatrides, en 2009;

e) Convention de 1961 sur la réduction des cas d’apatridie, en 2009. 5. Le Comité prend note avec satisfaction de:

a) La révision complète de la loi sur l’exécution des peines du 20 septembre 2007 qui, entre autres, renforce les garanties juridiques concernant le droit des détenus condamnés d’avoir accès à un médecin;

b) La création en décembre 2007, en vertu de la loi révisée sur l’exécution des peines (2007), d’une commission pénitentiaire, et sa désignation comme mécanisme national de prévention comme suite à la ratification par le Liechtenstein du Protocole facultatif, ainsi que la participation active de l’État partie à l’élaboration de cet instrument;

c) L’entrée en vigueur, le 1er janvier 2008, de l’amendement au Code de procédure pénale garantissant, entre autres, le droit de toute personne arrêtée de prévenir un proche ou une autre personne de confiance, de consulter un conseil et de garder le silence.

6. Le Comité prend également note avec satisfaction:

a) De la création de la Commission pour l’égalité des chances et de son Bureau de l’égalité des chances, du Bureau du Médiateur pour les enfants et du Bureau de l’aide aux victimes;

b) Du soutien apporté par l’État partie aux mécanismes des Nations Unies établis dans le but de prévenir et éliminer la torture et les autres formes de mauvais traitements, notamment de l’augmentation de sa contribution au Fonds de contributions volontaires pour les victimes de la torture et de sa collaboration avec le Rapporteur spécial sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

C. Principaux sujets de préoccupation et recommandations Définition de la torture et crime de torture

7. Le Comité prend note avec satisfaction des amendements apportés en 2003 à la Constitution, qui font de l’interdiction de la torture et des traitements inhumains un principe absolu, qui n’est susceptible d’aucune dérogation, ni en vertu de la loi, ni en application de décrets d’urgence (art. 10, par. 2, de la Constitution), et de l’amendement de 2005, qui interdit les peines ou traitements inhumains ou dégradants (art. 27 bis). Le Comité note également que, comme l’État partie applique le système moniste, les dispositions de la Convention font partie de l’ordre juridique interne depuis la ratification de cet instrument. Malgré tout, il est convaincu que l’incorporation dans la législation interne de l’État partie d’un crime distinct de torture défini conformément à l’article premier de la Convention servirait directement l’objectif premier de la Convention qui est de prévenir la torture ou les mauvais traitements (art. 1 et 4).

Le Comité recommande à l’État partie d’incorporer dans sa législation pénale un crime distinct de torture, dont la définition soit strictement conforme à celle de l’article premier de la Convention. Le Comité estime que l’État partie, en établissant et en définissant ce crime conformément aux articles 1er et 4 de la Convention et en l’érigeant en une infraction distincte, servira directement l’objectif primordial de la Convention qui est de prévenir la torture, entre autres, en appelant l’attention de chacun, notamment des auteurs, des victimes et du public, sur la gravitéexceptionnelle du crime de torture et en renforçant l’effet dissuasif de l’interdiction de la torture.

Peines appropriées

8. Le Comité, rappelant qu’il est indispensable que les peines prévues soient proportionnelles à la gravité du crime de torture afin d’être pleinement dissuasives, considère que les dispositions actuelles du Code pénal de l’État partie applicables aux actes de torture, qui prévoient deux ans d’emprisonnement à l’encontre de tout fonctionnaire ayant causé des souffrances physiques ou morales à un détenu ou manqué à ses devoirs à l’égard d’un détenu par négligence (art.312 du Code pénal) et jusqu’à cinq ans d’emprisonnement lorsque les actes commis ont entraîné des lésions corporelles (art. 83 à 85 du Code pénal), ne sont pas assez sévères. Il rappelle à l’État partie que la Convention dispose que tout État partie doit rendre ces infractions passibles de peines appropriées, qui prennent en considération leur gravité (art. 4).

L’État partie devrait rendre les actes de torture passibles de peines appropriées, qui prennent en considération leur gravité, conformément à l’article 4 de la Convention.

Prescription

9. Le Comité relève avec préoccupation que, étant donné que les actes de torture tombent sous le coup des articles 83 à 85 et 312 du Code pénal, le délai de prescription pour ces actes est de cinq ans seulement. À cet égard, il est préoccupé par le fait que l’État partie n’a pas l’intention de modifier le Code pénal pour «supprimer le délai de prescription applicable aux actes de torture». Aucun motif n’est acceptable pour justifier de fixer une limite dans le temps à l’obligation de l’État partie d’enquêter sur les actes de torture et de poursuivre leurs auteurs, même l’absence de décision judiciaire mentionnée par l’État partie dans ses réponses écrites (art. 2, 4 et 12).

L’État partie devrait faire en sorte que les faits de torture soient imprescriptibles.

Garanties fondamentales

Droit d’avoir accès à un médecin

10. Le Comité accueille avec satisfaction la nouvelle loi sur l’exécution des peines qui garantit, entre autres, le droit des détenus condamnés d’être examinés par un médecin dès leur entrée en prison ou le plus rapidement possible. Il relève toutefois avec préoccupation que le même droit n’est pas garanti par la loi à toutes les personnes privées de liberté dès leur placement en détention. À cet égard, il regrette que la nouvelle loi sur la santé publique ne contienne plus de dispositions concernant expressément l’accès à un médecin pendant la garde à vue (ancien art. 7 a), par. 3 b)), qui n’est pas non plus clairement garanti par le Code pénal ni par le Code de procédure pénale. De plus, le Comité note que l’imprimé remis par la police nationale aux personnes privées de liberté pour les informer des garanties prévues par la loi énonce clairement le droit d’être examiné par un médecin dès le début de la détention mais il s’inquiète de ce qu’il n’en soit pas de même pour l’imprimé remis aux étrangers (art. 2 et 11).

L’État partie devrait veiller à ce que le droit de toutes les personnes privées de liberté, y compris les ressortissants étrangers, d’avoir accès à un médecin indépendant, si possible de leur choix, dès le début de la détention, soit expressément garanti dans la législation interne.

Droit d’avoir accès à un avocat et de prévenir un proche

11. Le Comité note avec satisfaction qu’en vertu du Code de procédure pénale révisé, toutes les personnes arrêtées ont le droit d’avoir accès à un avocat et de prévenir un proche ou une personne de confiance dès leur arrestation ou immédiatement après (art. 128 a)). Prenant note des restrictions applicables aux interrogatoires, le Comité accueille avec satisfaction les renseignements fournis par l’État partie concernant la révision complète du Code de procédure pénale et l’incorporation dans le Code révisé d’une disposition énonçant le droit de toute personne interrogée par la police à la présence d’un avocat dès le tout premier interrogatoire. Le Comité est néanmoins préoccupé par le fait qu’à l’heure actuelle, les ressortissants étrangers qui sont arrêtés par la police doivent choisir entre le droit de prévenir un membre et la famille et celui d’appeler un avocat (art. 2, 11 et 12).

L’État partie devrait veiller à ce que le droit de toute personne privée de liberté d’avoir accès à un avocat dès le début de la privation de liberté, sans aucune restriction, soit inclus dans le Code de procédure pénale révisé. La rédaction de l’imprimé remis aux ressortissants étrangers au moment de leur arrestation devrait être revue de façon à garantir dans la pratique tant le droit d’avoir accès à un avocat que celui de prévenir un proche.

Séparation des responsabilités entre les autorités pénitentiaires et les autorités d’ enquête

12. Le Comité relève avec préoccupation l’absence de séparation des compétences entre le Ministère de la justice et le Ministère de l’intérieur dans le domaine pénitentiaire et s’inquiète des pouvoirs et de l’influence qu’exerce la police dans ce domaine, sur lesquels la Commission pénitentiaire a appelé l’attention. Il note cependant avec satisfaction que la recommandation formulée par la Commission pénitentiaire à ce sujet est actuellement examinée à la lumière des conseils d’experts autrichiens (art. 2).

L’État partie devrait faire en sorte que son système pénitentiaire relève entièrement et exclusivement du Ministère de la justice, comme recommandé par la Commission pénitentiaire en 2008 et 2009.

Statut, mandat et composition du mécanisme national de prévention

13. Le Comité se félicite de la création de la Commission pénitentiaire, devenue opérationnelle en 2008 en tant que mécanisme national de prévention. Il note avec satisfaction que, d’après les renseignements recueillis pendant sa visite à la prison nationale de Vaduz en 2009, une très bonne collaboration s’est instaurée entre les autorités et la Commission pénitentiaire, dont les recommandations sont rendues publiques et font l’objet d’un véritable suivi et dont le rapport annuel de 2009 a été traduit en anglais. Le Comité relève que le Protocole facultatif est directement applicable dans l’État partie mais s’inquiète de ce que le mandat de la Commission pénitentiaire en tant que mécanisme national de prévention ne soit pas spécifié dans la loi sur l’exécution des peines, qui fixe néanmoins le nombre de visites que la Commission peut effectuer chaque année sans préavis. Le Comité s’inquiète également du risque de manque d’indépendance découlant du paragraphe 3 de l’article 17 de la loi sur l’exécution des peines, qui concerne la composition de la Commission et qui dispose que deux de ses cinq membres ne doivent pas travailler dans la fonction publique (art. 2).

L’État partie devrait modifier la loi sur l’exécution des peines de façon que le mandat et les pouvoirs de la Commission pénitentiaire en tant que mécanisme national de prévention y soient clairement spécifiés, conformément aux articles 17 à 23 du Protocole facultatif. À cet égard, une attention particulière devrait être accordée au paragraphe 4 de l’article 18 du Protocole facultatif, qui invite les États parties à tenir dûment compte des Principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme (Principes de Paris), ainsi qu’à l’importance d’un processus public et transparent, ouvert à tous, pour la nomination des membres de la Commission.

Non-refoulement, droits des réfugiés et des demandeurs d’asile

14. Le Comité constate que le nombre de demandes d’asile dans l’État partie a considérablement augmenté ces dernières années, passant de 66 demandes par an en moyenne pour la période 2004-2008 à 294 demandes en 2009. Il est particulièrement préoccupé par les renseignements reçus selon lesquels les demandeurs d’asile n’auraient pas toujours la possibilité de voir leur demande examinée au fond. À ce sujet, il note avec préoccupation que la majorité des demandes d’asile rejetées, ou écartées d’une autre manière, en 2009 concernaient des personnes venant de deux États dans lesquels le risque de torture ou d’autres formes de mauvais traitements pouvait être considéré comme sérieux. Le Comité est également préoccupé par les renseignements faisant état de pressions exercées par les agents de l’État sur les demandeurs d’asile pour les inciter à quitter volontairement le pays, y compris moyennant le versement d’une somme d’argent (art. 3).

15. Notant que l’expulsion à titre préventif vers un pays tiers sûr est subordonnée notamment à l’obligation conventionnelle de cet État d’examiner la demande d’asile et au principe de non-refoulement, le Comité s’inquiète de ce que, d’après les renseignements reçus, les personnes qui ont demandé l’asile au Liechtenstein n’ont pas toutes eu la possibilité de soumettre une demande à l’État tiers concerné (habituellement la Suisse ou l’Autriche), ce qui signifie que ces personnes n’ont pas bénéficié de garanties suffisantes contre le refoulement. À ce sujet, le Comité relève avec préoccupation la durée très courte (vingt-quatre heures) du délai accordé aux demandeurs d’asile tombant sous le coup d’une mesure d’expulsion à titre préventif pour soumettre une demande de rétablissement de l’effet suspensif aux autorités compétentes (art. 3).

Le Comité recommande à l’État partie de prendre les mesures ci-après afin de s’acquitter des obligations qui lui incombent en vertu de l’article 3 de la Convention:

a) Veiller à ce que toutes les demandes d’asile, y compris celles soumises en 2009, soient examinées quant au fond;

b) Allonger le délai accordé aux demandeurs d’asile tombant sous le coup d’une mesure d’expulsion à titre préventif pour demander le rétablissement de l’effet suspensif, et garantir le droit des personnes faisant appel d’une décision de rejet de leur demande d’effet suspensif d’être dûment entendues par un tribunal administratif afin de s’assurer que toutes les personnes renvoyées dans des pays tiers sûrs en vertu d’une mesure d’expulsion à titre préventif pourront réellement avoir accès à la procédure d’asile dans ces États;

c) Enquêter sur les allégations de versement d’argent par les agents de l’État aux demandeurs d’asile pour les persuader de quitter le pays afin d’éviter d’avoir à procéder à une évaluation approfondie de leur demande d’asile;

d) Mettre sur pied un système efficace de collecte de données permettant de connaître: i) les motifs des demandes d’asile, y compris celles fondées sur la crainte du demandeur d’être victime de tortures ou d’autres mauvais traitements, et le nombre de demandes de ce type qui ont reçu une suite favorable; ii) le nombre de recours contre des décisions de rejet de demande d’asile et les suites qui leur ont été données; iii) le nombre de demandes d’asile et de permis de séjour de longue durée qui ont été acceptées en application des dispositions de la Convention.

16. Le Comité prend note des explications fournies par l’État partie, selon lesquelles les demandeurs d’asile sont détenus pendant la procédure d’expulsion s’ils ont tenté de se soustraire à la justice en se rendant dans un autre pays pendant une procédure en cours et/ou s’ils ont déclaré une fausse identité. Il est néanmoins préoccupé par les renseignements reçus faisant état de la détention de demandeurs d’asile au seul motif de leur entrée illégale sur le territoire de l’État partie. Tout en notant avec satisfaction que les demandeurs d’asile ont droit à l’assistance gratuite d’un conseil, le Comité s’inquiète de ce que ces personnes rencontrent apparemment des difficultés pour contacter un avocat et bénéficier d’une aide juridictionnelle (art. 3, 11 et 16).

L’État partie devrait veiller à ce que la détention des demandeurs d’asile ne soit utilisée qu’en dernier recours et pour une période aussi courte que possible, conformément à l’article 31 de la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés, et que tous les demandeurs d’asile placés en détention administrative aient accès à un avocat et à l’aide juridictionnelle.

17. Le Comité note avec préoccupation que la durée de la détention administrative dans le cadre de la procédure d’expulsion peut aller jusqu’à neuf mois, ou six mois pour les mineurs âgés de 15 à 18 ans (art. 3, 11 et 16).

L’État partie devrait envisager de réduire la durée maximale de la détention administrative préalable à l’expulsion, en particulier pour les personnes de moins de 18 ans. Le Comité lui recommande vivement de prendre des dispositions à cet effet dans le cadre de la révision de la loi sur l’asile et de la loi sur les étrangers.

Hébergement des demandeurs d’asile

18. Le Comité est préoccupé par les renseignements indiquant qu’en raison de la capacité limitée (60 places) du centre d’accueil pour les réfugiés au Liechtenstein, conjuguée à l’augmentation soudaine du nombre de demandeurs d’asile en 2009, des demandeurs d’asile ont été logés dans des abris fortifiés sans accès à la lumière du jour (art. 3, 11 et 16).

L’État partie devrait accroître la capacité d’accueil du centre pour réfugiés, où les demandeurs d’asile peuvent se faire soigner, suivre des cours de langue et recevoir des coupons alimentaires et de l’argent de poche. Il devrait également mettre sur pied des plans lui permettant de proposer d’autres solutions d’hébergement, qui respectent la dignité et les droits de tous les demandeurs d’asile, en cas de situation d’urgence.

Compétence pour connaître des actes de torture

19. Le Comité prend note de l’accord bilatéral sur la prise en charge des détenus conclu en 1982 entre le Liechtenstein et l’Autriche, en vertu duquel les peines d’emprisonnement de plus de deux ans sont exécutées en Autriche. Il note que cet accord s’applique également aux personnes qui ont commis une infraction pénale sous l’influence de troubles psychiques et qui font l’objet d’une demande de mesures de sûreté et, si besoin est, aux délinquants mineurs. Tout en relevant que la législation autrichienne s’applique à ces détenus, le Comité s’inquiète de l’absence de disposition expresse visant à prévenir la torture et les autres formes de mauvais traitements dans l’Accord bilatéral de 1982. En outre, il se déclare vivement préoccupé par le fait qu’il n’existe pas de procédure ou de mécanisme permettant de garantir le respect des droits des personnes incarcérées en Autriche dans le cadre de la mise en œuvre de l’Accord susmentionné. Le Comité prend note des renseignements indiquant qu’en principe la compétence de la Commission pénitentiaire autrichienne s’étend également aux détenus liechtensteinois qui purgent leur peine en Autriche (art. 2, 5, 12, 13 et 14).

Le Comité recommande à l’État partie de renégocier l’Accord de 1982 sur la prise en charge des détenus afin de garantir le respect des droits des personnes privées de liberté énoncés dans la Convention en instaurant une surveillance par la Commission pénitentiaire du Liechtenstein ou par un autre mécanisme indépendant. L’État partie devrait en outre veiller à ce que les personnes détenues en Autriche aient le droit de porter plainte devant un organe indépendant en cas d’acte de torture ou de mauvais traitements commis par le personnel pénitentiaire, que leurs plaintes donnent rapidement lieu à une enquête impartiale et à des poursuites et que les victimes puissent obtenir réparation conformément à l’article 14 de la Convention.

Formation et éducation

20. Tout en accueillant avec satisfaction les renseignements fournis par l’État partie concernant la formation initiale et continue du personnel pénitentiaire, le Comité note que, d’après le rapport de la Commission pénitentiaire, aucun cours n’a en réalité été dispensé au personnel de la prison nationale de Vaduz en 2009. Il note par ailleurs avec satisfaction que l’État partie étudie actuellement la possibilité de mettre sur pied des programmes de supervision, comme recommandé par la Commission pénitentiaire, et de rendre ces programmes obligatoires (art. 10).

L’État partie devrait veiller à ce que les programmes de formation initiale et continue obligatoire ainsi que les programmes de supervision à l’intention du personnel pénitentiaire soient effectivement mis en œuvre et suivis par le personnel concerné afin que celui-ci soit pleinement conscient des droits des personnes privées de liberté.

21. Le Comité est préoccupé par l’absence de programmes de formation spécifiques sur l’interdiction de la torture et des autres formes de mauvais traitements à l’intention du personnel médical formé à l’étranger, étant donné les variations possibles dans le contenu des cours dispensés à l’étranger. Le Comité note en outre qu’il ne dispose d’aucune information sur la formation des juges et des procureurs concernant la Convention et le Manuel pour enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (Protocole d’Istanbul) (art. 10).

L’État partie devrait prendre les mesures voulues pour que tout le personnel médical s’occupant des personnes privées de liberté reçoive une formation complémentaire à l’enseignement suivi à l’étranger, sur l’interdiction et la prévention de la torture. Le Comité recommande que le Manuel pour enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants («Protocole d’Istanbul») soit incorporé dans les programmes de formation du personnel médical concerné mais aussi de tous ceux qui enquêtent sur la torture, comme les juges et les procureurs, en complément de la formation sur la Convention contre la torture. L’ensemble de ces programmes devrait faire l’objet d’une évaluation régulière.

Conditions de détention

22. Le Comité prend note de la capacité d’accueil limitée et du manque d’espace et de personnel de la prison nationale de Vaduz. Il est préoccupé en particulier par le fait que, en raison de l’insuffisance des locaux et des effectifs disponibles, des détenus ont parfois été emmenés de la prison pour être interrogés par la police sans la présence d’un agent pénitentiaire, en violation de la législation nationale applicable (art. 89 de la loi sur l’exécution des peines). Le Comité est également préoccupé par le fait que la prison nationale regroupe différentes catégories de détenus, à la fois des condamnés, des prévenus, des personnes en attente d’expulsion et des délinquants mineurs. Tout en accueillant avec satisfaction les renseignements donnés sur les dispositions prises pour séparer les femmes des hommes et les mineurs des adultes, le Comité note avec préoccupation qu’il n’est pas toujours possible de séparer les détenus en attente de jugement, les personnes en attente d’expulsion et les détenus condamnés. À cet égard, il note avec regret que le projet lancé en 2002 dans le but d’améliorer les infrastructures de la prison nationale de Vaduz et de mieux séparer les détenus dans cet établissement a été suspendu en 2002 à la suite d’un référendum (art. 11 et 16).

L’État partie devrait procéder à une évaluation des installations de la prison nationale de Vaduz afin de s’assurer que celle-ci dispose de suffisamment de personnel et d’espace, conformément aux normes internationales relatives aux droits de l’homme en vigueur. Des mesures devraient être prises immédiatement pour faire en sorte que les interrogatoires menés par la police aient toujours lieu en présence d’un agent pénitentiaire. Le Comité recommande vivement à l’État partie de reprendre et de mener à bien la mise en œuvre du projet lancé en 2002 dans le but d’améliorer les infrastructures et de mieux séparer les détenus dans la prison de Vaduz.

Traitement des personnes privées de liberté

23. Le Comité est préoccupé par la pratique de la police nationale consistant à bander les yeux des personnes arrêtées lorsque celles-ci sont considérées comme extrêmement dangereuses et violentes et, jusqu’en 2007, à couvrir la tête de ces personnes d’un sac, en invoquant comme motif la nécessité de protéger l’identité du suspect et la sécurité des policiers. Tout en notant que les agents des forces de l’ordre n’ont eu recours aux yeux bandés qu’une fois en 2007 et une fois en 2008, le Comité relève que cette pratique est toujours autorisée par la loi et peut encore être utilisée à titre exceptionnel. Or une telle pratique rend pratiquement impossible de poursuivre les auteurs d’actes de torture (art. 2, 11 et 16).

L’État partie devrait prendre des mesures pour interdire à la police nationale de couvrir la tête ou les yeux des suspects et abolir cette pratique dans la loi et dans les faits. Il devrait proposer des mesures de remplacement, qui respectent la dignité du suspect tout en garantissant la sécurité et la protection des policiers.

24. Le Comité note avec satisfaction que les détenus de la prison nationale de Vaduz peuvent à nouveau bénéficier d’un accompagnement psychologique avec la reprise en 2010 des consultations de la Division des services thérapeutiques du Bureau des affaires sociales, conformément à la recommandation de la Commission pénitentiaire. Étant donné l’absence d’infirmière ou d’autre personnel médical à plein temps dans la prison, le Comité note également avec satisfaction que l’État partie a entrepris d’étudier la possibilité de faire en sorte que les médicaments soient délivrés uniquement par du personnel médical et non par le personnel pénitentiaire (art. 11 et 16).

Le Comité recommande à l’État partie d’envisager de nommer une infirmière ou un autre professionnel de la santé à temps partiel dans la prison nationale de Vaduz afin de garantir que les médicaments soient délivrés uniquement par du personnel médical.

Interrogatoires

25. Le Comité note que tous les interrogatoires de police doivent faire l’objet d’un procès-verbal mais s’inquiète de ce qu’ils ne soient pas enregistrés sur support audio ou vidéo, sauf lorsque la personne interrogée est une victime d’infraction à caractère sexuel (art. 2, 11, 12 et 16).

L’État partie devrait améliorer les règles et procédures d’interrogatoire de la police nationale en modifiant le Code de procédure pénale afin d’instaurer l’enregistrement audio et − de préférence − vidéo de tous les interrogatoires de police dans le cadre de ses efforts pour prévenir la torture et les mauvais traitements.

Enquêtes sur les allégations de mauvais traitements

26. Le Comité prend note avec préoccupation des allégations faisant état d’un recours excessif à la force, de la pose de menottes extrêmement serrées et d’insultes par la police au moment de l’arrestation, rapportées en 2007 par le Comité pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT) du Conseil de l’Europe. À ce sujet, prenant note de la création d’une unité spéciale au sein de la police nationale chargée d’enquêter sur les allégations concernant certaines infractions pénales graves commises par des policiers et d’autres agents de l’État, le Comité souligne qu’il est essentiel de garantir l’indépendance de ce type d’organe (art. 11, 12 et 16).

Le Comité recommande vivement que toutes les allégations de mauvais traitements par la police fassent rapidement l’objet d’enquêtes impartiales menées par des organes indépendants et non par d’autres membres de la police.

Justice pour mineurs

27. Le Comité rappelle les renseignements fournis par l’État partie selon lesquels la prison nationale de Vaduz n’a pas été conçue pour la détention des mineurs et note avec préoccupation que la Commission pénitentiaire indiquait dans son rapport annuel de 2009 que pendant le dernier trimestre de 2009, plusieurs mineurs, dont une fille, avaient été détenus dans la prison de Vaduz, en violation du principe de la séparation entre adultes et mineurs consacré par les normes internationales relatives aux droits de l’homme. Le Comité prend note de la réduction de la durée maximale de la détention avant jugement des personnes de moins de 18 ans (art. 19, par. 2, de la loi sur les tribunaux pour mineurs) mais s’inquiète de ce que celle-ci demeure longue (un an). Il est également préoccupé par le fait que certains mineurs condamnés à des peines de prison purgent leur peine en Autriche en vertu de l’accord bilatéral de 1982, qui ne contient aucune disposition garantissant une protection spéciale aux moins de 18 ans. Il rappelle à l’État partie que la privation de liberté, et en particulier la détention avant jugement, des mineurs ne devrait être utilisée qu’en dernier recours et pour une durée aussi brève que possible (art. 11 et 16).

Le Comité recommande à l’État partie d’étendre et de renforcer les mesures autres que la privation de liberté pour remplacer la détention avant jugement et l’emprisonnement des personnes de moins de 18 ans. Conformément au principe de la séparation des détenus mineurs et adultes, l’État partie devrait en particulier veiller à ce que des mesures de remplacement soient appliquées aux personnes de moins de 18 ans actuellement détenues à la prison nationale de Vaduz et aux mineurs purgeant une peine en Autriche. L’État partie devrait en outre réduire la durée maximale de la détention des mineurs avant jugement, en modifiant la loi sur les tribunaux pour mineurs.

28. Le Comité note avec préoccupation que l’État partie n’a pas l’intention de modifier la loi sur les tribunaux pour mineurs (art. 21 a)), qui ne prévoit la présence d’une personne de confiance pendant l’interrogatoire d’un mineur par la police (ou par un juge) que dans les cas où le mineur l’a demandé. Le Comité considère que la présence d’un conseil ou d’un autre représentant légal ne devrait pas se limiter aux audiences devant le tribunal ou un autre organe judiciaire mais s’étendre à tous les autres stades de la procédure, à commencer par l’interrogatoire de l’enfant par la police, comme recommandé par le Comité des droits de l’enfant dans son Observation générale no 10 (2007) relative aux droits de l’enfant dans le système de justice pour mineurs (par. 52) (art. 11 et 16).

Le Comité invite instamment l’État partie à revoir sa position et à modifier l’article 21 de la loi sur les tribunaux pour mineurs afin de garantir la présence d’une personne de confiance pendant tout interrogatoire d’un mineur par la police, sans exiger une demande du mineur concerné.

Placement civil sous contrainte

29. Le Comité note avec préoccupation que la loi ne garantit pas expressément le droit des personnes placées sous contrainte de donner leur consentement à un traitement ni leur droit de demander à tout moment à quitter l’hôpital psychiatrique ou l’établissement des services sociaux dans lequel elles ont été placées. Il note néanmoins avec satisfaction que l’État partie étudie la possibilité d’adopter, dans le cadre d’une révision future de la loi sur la protection sociale, une disposition prévoyant le droit de demander sa sortie et que les tribunaux interprètent les dispositions du paragraphe 2 de l’article 13 de l’actuelle loi sur la protection sociale comme habilitant les intéressés à demander leur sortie (art. 2 et 16).

Le Comité recommande vivement à l’État partie de modifier la loi sur la protection sociale de façon à énoncer expressément le droit des personnes privées de liberté dans le cadre d’un placement civil sous contrainte de demander à tout moment leur sortie.

Violence dans la famille

30. Le Comité note avec satisfaction que l’État partie a approuvé la proposition de révision de la loi sur les crimes sexuels tendant à ériger les actes de violence dans la famille en infraction donnant lieu à des poursuites d’office. Il est toutefois préoccupé par l’absence de données spécifiques sur la violence dans la famille dans les statistiques criminelles de l’État partie, les termes employés pour désigner ce type de violence recouvrant plusieurs infractions qui peuvent aussi être commises dans un autre environnement. L’État partie n’est donc pas en mesure de donner des informations sur le nombre de cas de violence dans la famille et le nombre d’enquêtes, de poursuites et de condamnations s’y rapportant, ainsi que sur le nombre d’affaires dans lesquelles les tribunaux ont accordé une réparation. Le Comité est également préoccupé par les renseignements faisant état d’actes de violence contre les femmes, y compris de violences conjugales. La police a indiqué qu’elle était intervenue 32 fois en 2009 pour des cas de violence dans la famille. Malheureusement, le Comité n’a reçu aucun renseignement concernant les enquêtes ouvertes, les poursuites engagées et les condamnations éventuellement prononcées par les autorités compétentes de l’État partie (art.1, 2, 12 et 16).

L’État partie devrait veiller à ce que la loi révisée sur les infractions sexuelles prévoie des poursuites d’office pour toutes les formes de violence dans la famille. Il devrait en outre faire en sorte que toutes les allégations de violence dans la famille fassent rapidement l’objet d’une enquête impartiale et que les auteurs de ces actes soient poursuivis et punis. Le Comité invite instamment l’État partie à prendre toutes les mesures voulues pour que les victimes reçoivent une indemnisation adéquate et bénéficient de mesures de réadaptation; il souligne l’importance du rôle du Bureau de l’aide aux victimes dans ce domaine. L’État partie devrait en outre améliorer ses activités de recherche et de collecte de données sur l’ampleur du phénomène de la violence dans la famille. Il est prié d’inclure dans son prochain rapport au Comité des données statistiques sur les plaintes déposées, les poursuites engagées et les jugements rendus ainsi que sur les réparations accordées aux victimes, y compris les moyens d’une réadaptation complète.

Traite des personnes

31. Le Comité relève que de nombreuses femmes étrangères travaillent comme danseuses dans sept night-clubs de l’État partie et qu’une grande partie d’entre elles viennent de pays comptant parmi les principaux pays d’origine du trafic d’êtres humains. Tout en notant qu’aucun cas de traite n’a été enregistré, le Comité est préoccupé par les renseignements qui semblent indiquer que des cas de trafic de femmes se sont produits mais n’ont pas été signalés. S’il accueille avec satisfaction les mesures prises par l’État partie pour prévenir la traite et l’exploitation sexuelle dans ce contexte, notamment l’organisation de sessions d’information obligatoires pour les nouvelles danseuses sur leurs droits et leurs devoirs et l’inspection régulière des night-clubs par la Police nationale et le Bureau de l’immigration et des passeports, le Comité constate néanmoins avec préoccupation que l’État partie n’a pas ouvert d’enquêtes d’office sur les cas présumés de traite ni entrepris d’analyse complète en vue d’évaluer la situation de ce groupe de femmes, qui est particulièrement exposé aux mauvais traitements et aux violations. Ceci est d’autant plus important que, d’après les renseignements reçus, la prostitution, bien qu’illégale dans l’État partie, est «tolérée» dans les night-clubs dans la mesure où elle ne porte pas atteinte à l’ordre public (art. 2, 14 et 16).

L’État partie devrait entreprendre une analyse de la situation des femmes étrangères qui travaillent comme danseuses dans les night-clubs et redoubler d’efforts pour lutter contre la traite, notamment en enquêtant sur toute allégation de cas présumé de traite, et assurer aux victimes un recours utile leur permettant d’obtenir une réparation juste et adéquate, y compris les moyens nécessaires à une réadaptation aussi complète que possible.

32. Le Comité recommande à l’État partie de ratifier les principaux instruments des Nations Unies relatifs aux droits de l’homme auxquels il n’est pas encore partie, à savoir la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, le Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, la Convention relative aux droits des personnes handicapées et son Protocole facultatif et le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants.

33. Le Comité invite l’État partie à soumettre son document de base conformément aux prescriptions énoncées en la matière dans les directives harmonisées pour l’établissement des rapports approuvées par les organes créés en vertu d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme (HRI/GEN/2/Rev.6).

34. L’État partie est encouragé à diffuser largement les rapports qu’il a soumis au Comité, ainsi que les conclusions et recommandations de celui-ci, au moyen des sites Web officiels et par l’intermédiaire des médias et des organisations non gouvernementales.

35. Le Comité prie l’État partie de lui fournir, dans un délai d’un an (d’ici au 14 mai 2011), des renseignements sur la suite donnée aux recommandations formulées aux paragraphes 14, 15 a), 30 et 31 du présent document.

36. L’État partie est invité à soumettre son quatrième rapport périodique d’ici au 14 mai 2014.

 



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