University of Minnesota



Conclusions et recommandations du Comité contre la torture, Austria, U.N. Doc. CAT/C/AUT/CO/3 (2005).


 

 

 

 

COMITÉ CONTRE LA TORTURE
Trente-cinquième session
7‑25 novembre 2005

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES
EN APPLICATION DE L’ARTICLE 19 DE LA CONVENTION

Conclusions et recommandations du Comité contre la torture

AUTRICHE

1. Le Comité contre la torture a examiné le troisième rapport périodique de l’Autriche (CAT/C/34/Add.18) à ses 679 e et 680 e séances (CAT/C/SR.679 et 680), les 16 et 17 novembre 2005, et a adopté à sa 691 e séance, le 24 novembre 2005, les conclusions et recommandations ci-après.

A. Introduction

2. Le Comité accueille avec satisfaction le troisième rapport périodique de l’Autriche, qui a été établi selon ses directives. Il note toutefois qu’il lui a été soumis avec trois ans de retard. Le Comité apprécie le dialogue constructif instauré avec la délégation de haut niveau, et remercie l’État partie des réponses écrites détaillées qu’il a données à la liste des points à traiter (CAT/C/35/L/AUT) et la délégation des informations fournies oralement au cours de l’examen du rapport.

B. Aspects positifs

3. Le Comité se félicite que l’État partie lui ait donné l’assurance, en ce qui concerne la relation qui existe entre le respect des normes relatives aux droits de l’homme et la lutte contre le terrorisme, qu’il se conformera strictement aux lignes directrices adoptées en 2002 par le Conseil de l’Europe sur les droits de l’homme et la lutte contre le terrorisme et s’emploiera, pendant sa présidence de l’Union européenne (janvier‑juin 2006), à renforcer encore ses engagements afin de respecter le caractère absolu de l’interdiction de la torture.

4. Le Comité prend note avec satisfaction des efforts incessants déployés par l’État partie en vue de réviser sa législation et d’adopter d’autres mesures nécessaires afin d’assurer une meilleure protection des droits de l’homme et de donner effet à la Convention, notamment:

a) L’adoption de la loi relative à la réforme de la procédure pénale et des amendements au Code de procédure pénale, qui entreront en vigueur le 1 er janvier 2008. Le Comité se félicite en particulier des nouvelles dispositions concernant:

i) L’interdiction d’utiliser les déclarations qui ont été obtenues au moyen de la torture, de la contrainte, de la tromperie ou d’autres méthodes d’interrogatoire inadmissibles, au détriment du défendeur;

ii) La mention expresse du droit du défendeur à garder le silence;

iii) Le droit de contacter un avocat avant un interrogatoire;

iv) Le droit du défendeur d’être assisté d’un interprète;

v) Les dispositions régissant la séparation des prévenus des autres prisonniers;

b) La publication d’une feuille d’information en 26 langues à l’intention des détenus pour les informer de leurs droits;

c) Les nouvelles mesures prises pour améliorer les conditions de détention, notamment la création d’«unités ouvertes» dans les centres de détention de la police;

d) Les nouvelles règles relatives aux procédures d’expulsion interdisant notamment le recours à tout dispositif qui obstrue le système respiratoire et prévoyant l’examen de la personne par un médecin avant le vol, ainsi que le respect du principe de proportionnalité dans l’exercice de mesures de coercition. Le Comité accueille en particulier avec satisfaction la présence d’ONG pendant la procédure d’expulsion;

e) Les nouvelles mesures adoptées pour empêcher que de mauvais traitements soient infligés aux personnes placées en garde à vue, notamment la révision en cours des règles relatives à la détention, dans le but de mettre en place de nouveaux moyens de contention, et l’introduction de questions relatives aux droits de l’homme dans les programmes de formation destinés au personnel chargé de l’application des lois;

f) Les nouvelles initiatives prises pour combattre et prévenir la traite d’êtres humains, en particulier la délivrance régulière, à des victimes de la traite, de permis de séjour pour raisons humanitaires ainsi que le fait que les autorités de l’État partie n’ont pas limité la définition de la traite aux seuls cas d’exploitation sexuelle mais l’ont étendue à d’autres formes d’exploitation;

g) La publication, en juillet 2005, du dernier rapport du Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants et la réponse de l’État partie à ce rapport.

5. Le Comité accueille également avec satisfaction:

a) La signature du Protocole facultatif à la Convention, en septembre 2003, et l’assurance que lui ont donnée oralement les représentants de l’État partie que la ratification est envisagée dans un avenir proche;

b) La ratification du Statut de Rome de la Cour pénale internationale en 2001.

C. Sujets de préoccupation et recommandations

Définition de la torture

6. Malgré les affirmations de l’État partie selon lesquelles tous les actes pouvant être qualifiés de «torture» au sens de l’article premier de la Convention sont passibles de sanctions judiciaires au titre du Code pénal autrichien, le Comité constate qu’une définition de la torture, telle qu’énoncée à l’article premier de la Convention, ne figure toujours pas dans le Code pénal de l’État partie.

Le Comité rappelle sa recommandation précédente (A/55/44, par. 50 a)), selon laquelle l’État partie devrait adopter des dispositions adéquates en vue de définir légalement la torture, conformément à l’article premier de la Convention, et de l’ériger en infraction pénale conformément au paragraphe 2 de l’article 4 de la Convention.

Non‑refoulement

7. Le Comité s’est dit préoccupé d’apprendre que la nouvelle loi sur l’asile, entrée en vigueur en mai 2004, pourrait augmenter le risque pour les réfugiés d’être envoyés dans des pays tiers supposés sûrs, que les demandeurs d’asile pourraient être expulsés avant qu’une décision sur leur recours ait été prise et que la possibilité de présenter de nouveaux éléments de preuve pendant l’audience est limitée.

Étant donné que la Cour constitutionnelle a déclaré inconstitutionnels certains articles de la loi, l’État partie est prié de fournir au Comité des informations sur les mesures qu’il a l’intention de prendre pour y remédier.

8. Le Comité déplore que, selon les informations dont il dispose, l’État partie ait procédé à des extraditions après avoir reçu des assurances diplomatiques du pays requérant.

L’État partie devrait fournir au Comité des renseignements détaillés sur les cas d’extradition ou d’expulsion sous réserve d’assurances diplomatiques qui se sont produits depuis 1999. En outre, l’État partie devrait donner au Comité des renseignements détaillés sur les cas de refus d’extradition, de renvoi ou d’expulsion en raison du risque encouru par la personne de faire l’objet d’actes de torture, de mauvais traitements ou de la peine capitale à son retour dans le pays.

9. Le Comité est préoccupé par les garanties limitées qui ont été données pour que les demandeuses d’asile soient interrogées par du personnel féminin.

L’État partie devrait prendre les mesures nécessaires pour garantir que les demandeuses d’asile seront interrogées par du personnel féminin en toutes circonstances.

Enquête immédiate et impartiale

10. Le Comité est préoccupé par le fait que certains cas de tortures et de mauvais traitements commis par des responsables de l’application des lois ne fassent pas rapidement l’objet d’une enquête et par les sanctions prononcées contre leurs auteurs, en particulier en ce qui concerne le décès de M. Cheibani Wague pendant sa garde à vue, en 2003. Dans cette affaire, le Comité se déclare gravement préoccupé par les éléments suivants:

a) Le délai écoulé entre l’ouverture de l’enquête préliminaire, en juillet 2003, et le début des audiences du tribunal, en juillet 2005;

b) La peine légère prononcée le 9 novembre 2005, compte tenu du fait que des motifs raciaux ne pouvaient être exclus.

L’État partie devrait:

a) Faire en sorte que les plaintes pénales concernant la torture et les mauvais traitements déposées contre les autorités chargées de l’application des lois soient traitées rapidement;

b) Indiquer au Comité si un appel a été interjeté par le Procureur général et le tenir aucourant du résultat de l’appel.

Examen des règles, des instructions, des méthodes et des pratiques relatives aux interrogatoires

11. Le Comité est préoccupé par les restrictions appliquées au droit de toute personne arrêtée de bénéficier de la présence d’un avocat pendant l’interrogatoire s’«il y a des raisons de croire que la présence d’un avocat pourrait remettre en cause la suite de l’enquête».

Le Comité demande instamment à l’État partie de prendre toutes les garanties juridiques et administratives nécessaires pour que cette restriction ne soit pas appliquée abusivement, qu’elle ne soit utilisée qu’en cas d’infractions très graves et qu’elle soit toujours soumise à l’autorisation d’un juge.

L’État partie devrait fournir, dans son prochain rapport périodique, des renseignements complémentaires sur la normalisation des techniques utilisées pour interroger des personnes en garde à vue et la mise en place de nouvelles techniques, en particulier l’enregistrement vidéo des interrogatoires, que le Comité encourage l’État partie à continuer d’utiliser, mais qui ne peuvent se substituer à la présence d’un avocat. En outre, le Comité demande des précisions sur les mesures qui ont été prises afin de surveiller et d’évaluer l’utilisation de ces techniques.

12. Le Comité est particulièrement préoccupé par l’insuffisance du système d’assistance judiciaire.

Le Comité demande instamment à l’État partie de mettre en œuvre les recommandations du Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants afin d’établir un véritable système d’assistance judiciaire doté des fonds nécessaires.

13. Le Comité est préoccupé par les informations selon lesquelles des policiers seraient présents pendant l’examen médical des personnes en garde à vue.

L’État partie devrait prendre les mesures appropriées pour qu’aucun policier n’assiste à l’examen médical des personnes en garde à vueafin de garantir la confidentialité des données médicales, saufdans des circonstances exceptionnelles et justifiables (notamment le risque d’agression physique).

14. Le Comité est préoccupé par les conditions de détention des mineurs, en particulier par le fait que les moins de 18 ans ne soient pas toujours séparés des adultes dans les lieux de détention.

L’État partie devrait:

a) Élaborer des mesures de détention spécifiques pour les mineurs;

b) Assurer la séparation stricte des mineurs et des adultes dans les lieux de détention;

c) Prendre des mesures préventives en vue d’empêcher que les jeunes détenus ne subissent de mauvais traitements physiques, notamment en dispensant une formation adéquate au personnel s’occupant des mineurs;

d) Veiller à ce que les responsables donnent au personnel, par écrit ou oralement, des instructions claires, selon lesquelles aucun comportement abusif envers des mineurs ne sera toléré.

Prévention des actes constituant un traitement cruel, inhumain et dégradant

15. Le Comité est préoccupé par le racisme et l’intolérance envers les étrangers dont feraient preuve certains agents chargés du respect des lois, notamment par les agressions verbales dont auraient fait l’objet des Roms et des personnes d’origine africaine.

L’État partie devrait continuer à faire preuve de vigilance en veillant à ce que les mesures juridiques et administratives existantes pertinentes soient appliquées strictement et qu’il soit constamment signifié au personnel, dans le cadre des programmes de formation et des directives administratives, que les agressions verbales et les mauvais traitements ne seront pas tolérés et seront sanctionnés comme il se doit, et que les motivations d’ordre racial constituent des facteurs aggravants .

L’État partie devrait fournir au Comité des données sur les cas de torture et de mauvais traitements pour lesquels des facteurs aggravants, tels qu’ils sont énoncés à l’article 33 du Code pénal autrichien, y compris le racisme et la xénophobie, ont été invoqués lors de l’évaluation des peines prononcées pour les infractions.

16. Le Comité regrette que, dans de nombreux domaines visés par la Convention, l’État partie n’ait pu fournir des statistiques ou ventiler de façon appropriée les données communiquées (par âge, sexe et/ou groupe ethnique), par exemple, au cours du dialogue, en ce qui concerne les rejets de demandes d’extradition par crainte de torture, l’expulsion d’étrangers et le refoulement de demandeurs d’asile. L’État partie n’a pas non plus été en mesure de fournir des informations détaillées sur les cas de violence sexuelle ni sur les enquêtes menées, les poursuites engagées et les peines prononcées contre les auteurs de telles violations.

L’État partie devrait prendre les mesures nécessaires pour que les autorités compétentes ainsi que le Comité disposent d’informations détaillées lorsqu’ils évaluent la façon dont l’État partie respecte ses obligations découlant de la Convention.

17. Le Comité prend note avec préoccupation des informations selon lesquelles les autorités des Länder auraient pris du retard dans la révision de leur cadre législatif et administratif en vue de mettre en œuvre les mesures prises à l’échelon fédéral pour renforcer l’application de la Convention. Il est particulièrement préoccupé par le fait que, en raison d’apparentes difficultés d’ordre constitutionnel résultant de la répartition des pouvoirs entre les autorités fédérales et celles des Länder, des dispositions fédérales détaillées concernant les besoins fondamentaux des réfugiés, notamment l’assistance en matière de santé, qui figurent dans la loi fédérale relative aux soins (2005), telle que modifiée, ainsi que dans l’Accord sur l’assistance de base (2004) conclu entre le Gouvernement fédéral et les Länder, n’ont été adoptées à ce jour que dans deux Länder.

L’État partie devrait tenir le Comité informé de l’adoption par les Länder des dispositions juridiques relatives aux besoins fondamentaux des réfugiés.

En outre, l’État partie devrait adopter les mesures nécessaires pour que les besoins considérés comme fondamentaux des demandeurs d’asile ne soient pas revus à la baisse au titre de la loi fédérale sur les soins de 2005, telle que modifiée .

Demande d’information

18. Le Comité recommande que l’État partie lui fournisse des renseignements sur l’issue des procédures pénales dans l’affaire concernant l’agent autrichien de la Police civile des Nations Unies, accusé de mauvais traitements sur la personne d’un détenu de souche albanaise pendant qu’il était au service de la Mission d’administration intérimaire des Nations Unies au Kosovo, sur les mesures disciplinaires prises pendant et après les poursuites judiciaires, ainsi que sur l’indemnisation accordée à la victime présumée.

19. Le Comité encourage l’État partie à continuer de contribuer au Fonds de contributions volontaires des Nations Unies pour les victimes de la torture.

20. Le Comité encourage l’État partie à diffuser largement les rapports qu’il lui a soumis ainsi que les présentes conclusions et recommandations, dans toutes les langues voulues, par le biais des sites Web officiels, des médias et des organisations non gouvernementales.

21. Le Comité demande à l’État partie de lui fournir, dans un délai d’un an, des renseignements sur la suite donnée aux recommandations formulées aux paragraphes 7, 8, 10 b), 12, 15 b) et 17 a) ci‑dessus.

22. L’État partie est invité à soumettre son prochain rapport périodique, qui contiendra ses quatrième et cinquième rapports, avant le 31 décembre 2008, date à laquelle son cinquième rapport est attendu.

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