University of Minnesota



Conclusions et recommandations du Comité contre la torture, Morocco, U.N. Doc. CAT/C/CR/31/2/Add.1 (2005).


 

 

COMITÉ CONTRE LA TORTURE

EXAMEN DES RAPPORTS SOUMIS PAR LES ÉTATS PARTIES
EN APPLICATION DE L’ARTICLE 19 DE LA CONVENTION

Observations du Gouvernement marocain * concernant les conclusions
et recommandations du Comité contre la torture

[22 novembre 2004]


Recommandation c): Limiter au strict minimum le délai de garde à vue et garantir le droit des personnes gardées à vue d’avoir rapidement accès à un avocat, un médecin et un membre de leur famille.

1. Réponse: La police est tenue d’aviser le parquet et la famille d’un individu en garde à vue dès le moment du placement en cellule. Cette obligation est consacrée à l’article 67 du Code de procédure pénale qui dispose:

a) «L’officier de police judiciaire consigne dans le procès‑verbal d’interrogatoire la date et l’heure de l’arrestation de la personne gardée à vue et de sa remise en liberté ou de sa présentation au magistrat compétent.

b) Ces indications sont suivies de la signature ou de l’empreinte digitale de la personne en garde à vue ou d’une mention indiquant qu’elle a refusé de signer ou d’apposer son empreinte digitale ou n’a pas été en mesure de le faire et expliquant les raisons.

c) Les mêmes renseignements sont inscrits dans la main courante auxquels il est fait référence dans l’article précédent.

d) Dès le moment du placement en garde à vue, l’officier de police judiciaire avise la famille de l’intéressé par tout moyen de communication à sa disposition et indique dans le rapport de la police que la famille a été avisée. Il envoie chaque jour au parquet la liste des personnes placées en garde en vue pendant les 24 heures précédentes.».

2. La durée de la garde à vue au stade de l’enquête préliminaire est de 48 heures et le parquet doit être avisé dans chaque cas. Cette durée peut être prorogée de 24 heures en cas de délit flagrant. S’il s’agit d’une enquête préliminaire, la durée de la garde à vue est la même. Toutefois, si la prorogation est demandée, l’intéressé doit être présenté au procureur général du Roi ou devant le procureur du Roi qui l’interrogera et écoutera ce qu’il a à dire. Le procureur évalue les arguments avancés dans la demande de prorogation avant de prendre sa décision. L’article 80 du Code de procédure pénale est ainsi conçu:

a) «En cas de crime ou de délit punissable d’une peine d’emprisonnement, si, pour les nécessités de l’enquête, l’officier de police judiciaire a besoin de garder une personne à sa disposition, il peut placer cette personne en garde à vue pour une durée maximale de 48 heures, avec l’autorisation du parquet. Il doit présenter la personne gardée à vue au procureur du Roi ou au procureur général du Roi avant l’expiration de ce délai.

b) Le procureur du Roi ou le procureur général du Roi, après avoir entendu la personne qui lui a été présentée, peut autoriser par écrit la prolongation de la garde à vue, une seule fois pour une durée de 24 heures.

c) En cas d’atteinte à la sûreté intérieure ou extérieure de l’État, la durée de la garde à vue est fixée à 96 heures. Elle peut être renouvelée, une seule fois, sur autorisation écrite du parquet.

d) À titre exceptionnel, l’autorisation peut être accordée sans que la personne ait été présentée au parquet, par décision écrite et motivée.

e) Si la prolongation de la garde à vue est autorisée, la personne gardée à vue a le droit de demander un avocat. L’avocat désigné peut communiquer avec elle.

f) Cet entretien se déroule avec l’autorisation du parquet; il peut avoir lieu dès la première heure de la prolongation de la garde à vue, et n’excède pas 30 minutes. Les entretiens sont surveillés par la police dans des conditions qui garantissent leur confidentialité.

g) Toutefois si, à cause de la distance, il est difficile d’obtenir l’autorisation du procureur, la police peut, par exception, autoriser l’avocat à communiquer avec la personne gardée à vue, à condition que le parquet en soit informé dans les meilleurs délais.

h) L’avocat ne peut faire état d’aucune information obtenue au cours de cet entretien avant la fin de la garde à vue.

i) Pour les nécessités de l’enquête, un représentant du parquet peut repousser l’entretien entre un client et son avocat, sur la demande de l’officier de police judiciaire, lorsque l’infraction considérée est l’une de celles qui sont visées à l’article 108 du présent Code.

j) Pendant la durée de la prolongation de la garde à vue, l’avocat autorisé à communiquer avec la personne gardée à vue peut soumettre des pièces ou observations écrites à la police ou au parquet pour qu’elles soient versées au dossier de l’enquête, contre accusé de réception.».

3. L’article 66 dispose en outre que si, pour les nécessités de l’enquête, l’officier de police judiciaire a besoin de garder à sa disposition une ou plusieurs des personnes visées à l’article 65 ci‑dessus, il peut placer ces personnes en garde à vue pour une durée maximale de 48 heures, à partir du moment de l’arrestation. Le parquet sera dûment notifié.

4. «Si les nécessités de l’enquête l’exigent, la durée de la garde à vue peut être prolongée une fois, de 24 heures, sur autorisation écrite du parquet.».

5. Si le procureur général du Roi ou le procureur du Roi constate sur la personne gardée à vue qui lui est présentée des marques de violence ou de torture, il l’adresse à un médecin expert qui procède à un examen médical.

6. L’article 73, paragraphe 2, du nouveau Code de procédure pénale garantit le droit de toute personne accusée d’un délit flagrant, qui ne nécessite pas d’enquête, de bénéficier de la présence d’un avocat quand elle comparaît devant le procureur du Roi ou l’un de ses substituts. Le paragraphe dispose: «L’avocat choisi ou commis d’office a le droit d’assister à l’examen, de demander un examen médical pour son client et de consulter, au nom de son client, tous les documents et preuves écrites. Il peut également demander la libération sous caution, monétaire ou personnelle, pour le prévenu. En pareil cas, les conditions de la libération sous caution exposées à l’article 74 s’appliquent.».

7. Le parquet procède à des inspections des locaux de la police dotés de cellules de garde à vue. Les magistrats du parquet s’entretiennent avec les détenus, les examinent et vérifient la légalité et les conditions de leur détention.

8. Les juges d’instruction ont les mêmes pouvoirs. Ils peuvent ordonner à un médecin expert d’examiner un inculpé si la demande leur en est faite ou de leur propre initiative lorsqu’ils constatent des indices qui justifient cet examen. L’inculpé est toujours assisté de son défenseur quand il comparaît devant le procureur ou le juge d’instruction.

9. Dès que le parquet apprend qu’un inculpé a été soumis à des violences ou a été arrêté arbitrairement, il ordonne une enquête immédiate et fait examiner la victime par un médecin légiste afin de déterminer la nature, la cause et l’ampleur des lésions. Les responsables sont immédiatement traduits devant les autorités judiciaires conformément à la loi.

(L’annexe aux présentes observations contient un tableau renseignant sur les poursuites engagées contre des policiers pour violence ou abus d’autorité.)

Recommandation f): Veiller à ce que toutes les allégations de torture ou traitements cruels, inhumains ou dégradants fassent l’objet sans délai d’enquêtes impartiales et approfondies, notamment les allégations portant sur des cas et situations vérifiés par la Commission d’arbitrage indépendante, et les allégations impliquant la DST dans des actes de torture; veiller à ce que des sanctions appropriées soient appliquées aux coupables et à ce que des réparations justes soient accordées aux victimes.

10. Réponse: Il existe un ensemble de dispositions, lois et mesures visant à assurer l’intégrité physique et la liberté personnelle des individus et à les protéger contre des actes de violence et des arrestations arbitraires de la part des agents de l’État et des forces de l’ordre. Le Code pénal, en ses articles 255, 403, 436 et 440, prévoit de lourdes peines pour de tels délits.

11. Dès réception d’une plainte provenant d’une victime, le parquet ordonne une enquête et diligente les mesures voulues, en renvoyant l’affaire à un juge d’instruction qui examinera la teneur de la plainte portée contre le responsable, s’il est identifié, ou de la plainte contre X. Le parquet peut aussi engager une action contre l’auteur de l’infraction et renvoyer l’affaire à une juridiction de jugement. Le Code de procédure pénale confère à la partie lésée le droit de déposer une plainte, ainsi que d’engager une action civile en réparation, directement auprès du juge d’instruction ou directement auprès du président du tribunal. C’est là une garantie supplémentaire que la législation offre à toutes les victimes en leur permettant d’engager une action civile sans dépendre d’une décision des autorités de poursuites.

12. De plus, les tribunaux ont jugé de nombreuses affaires mettant en cause des agents de l’État pour des actes de violence sur des personnes ou pour des arrestations arbitraires; les agents en cause ont été condamnés et les victimes ont été indemnisées.

13. En ce qui concerne les allégations figurant dans des rapports établis à l’issue d’enquêtes ou dans des rapports émanant d’organes du Gouvernement, le parquet de la cour d’appel rend toujours publiques les conclusions du juge d’instruction afin de clarifier les faits à l’origine des griefs.

Recommandation g): Informer le Comité des résultats des enquêtes impartiales menées à la suite de toute mort en garde à vue, détention ou prison, en particulier celles dont il est allégué qu’elles sont le résultat de tortures.

14. Réponse: Conformément aux règles énoncées dans le Code de procédure pénale et dans des lois spéciales et aux dispositions de diverses ordonnances et circulaires émanant du Ministère de la justice, les parquets de plusieurs juridictions royales procèdent régulièrement à des visites dans les locaux de la police et de la gendarmerie royale afin de vérifier la bonne application du Code de procédure pénale en ce qui concerne le placement en garde à vue. En 2003, 569 visites ont été effectuées et le nombre au mois d’août 2004 était de 249. Si des éléments donnent à penser qu’il y a eu abus d’autorité ou traitement arbitraire à l’encontre d’une personne en garde à vue, une enquête est diligentée et des mesures disciplinaires ou pénales sont prises contre le responsable.

15. En cas de décès en garde à vue à la suite de l’application de violences, un ensemble de mesures sont prises: la famille de la victime est informée; un représentant du parquet se rend au poste de police ou à la caserne de gendarmerie où le décès est survenu et examine le corps, recherche tout signe de violence et se fait donner une description détaillée du lieu où le décès s’est produit. Toutes ses constatations sont consignées dans le rapport préliminaire et le parquet ordonne une autopsie, qui est pratiquée par un médecin légiste dûment inscrit à l’ordre des médecins. La police enquête sur les circonstances de la mort et informe la famille des résultats.

16. S’il y a le moindre doute concernant la cause du décès, le parquet ordonne une autopsie ou une deuxième autopsie. Selon les résultats des autopsies et de l’enquête préliminaire, le parquet sera amené à engager une action contre le responsable ou, si le responsable n’est pas identifié, à ouvrir une information contre X. Toute personne impliquée dans des actes de torture ou de violence ayant entraîné la mort de la victime fait l’objet de poursuites conformément à la loi.

Enquête sur les plaintes dénonçant des actes de torture et mesures prises contre les responsables

17. Le Ministère de la justice et tous les tribunaux du Royaume prennent très au sérieux les plaintes de personnes qui disent avoir été soumises à des tortures. Des enquêtes sont ouvertes dont les résultats sont portés à la connaissance des plaignants. Le Code pénal réprime tout acte de violence ou acte illicite qu’un agent de l’État peut avoir commis pendant une enquête. Dès que le parquet reçoit une plainte il ordonne une enquête ou demande au juge d’instruction d’ouvrir une information contre les auteurs s’ils sont connus ou une information contre X. (On trouvera dans l’annexe la liste des personnes décédées en détention, avec une explication des circonstances de la mort et les mesures prises dans chaque cas.)

Question: Action pénale engagée contre des agents des forces de l’ordre impliqués dans les actes de torture commis pendant les incidents de Smara en novembre 2001

18. Réponse: L’investigation menée par le procureur près la cour d’appel de Laâyoune a permis d’établir que Mohammed al‑Rakibi et Mohammed Fadil Alili avaient saisi le juge d’instruction au nom de 11 inculpés pour demander que tous subissent un examen médical afin de rechercher les marques des tortures qu’ils avaient subies pendant l’interrogatoire de la police.

19. Les auteurs de cette requête demandaient un examen médical en vue de déterminer si les corps des plaignants portaient des signes de lésion ou des ecchymoses et de déterminer la date à laquelle ces blessures éventuelles avaient été causées et le type d’instrument utilisé pour les infliger. Ayant examiné la requête, le juge d’instruction l’a rejetée au motif que les allégations des plaignants portaient sur des faits distincts qui relevaient du parquet et non pas d’un juge d’instruction, lequel ne peut être saisi que par le parquet ou par une partie civile. Dans une décision ( n o  89) rendue le 24 janvier 2002, le tribunal pénal a confirmé la décision du juge d’instruction. Les plaignants ont fait appel de cette décision devant la Cour de cassation. En date du 16 octobre 2002 celle‑ci a déclaré la requête irrecevable. Il faut souligner qu’il y a une différence considérable entre le fait de demander un examen médical et le fait de déposer une plainte contre une personne soupçonnée d’avoir commis des actes qui, si leur réalité est établie, entraîneront des poursuites.

20. Les requérants n’ont jamais porté plainte pour dénoncer des tortures auprès du parquet qui était compétent pour ouvrir une information.

Question: La loi et les pouvoirs de la Direction de la surveillance du territoire (DST)

21. Réponse: La Direction de la surveillance du territoire coordonne et exerce toutes ses fonctions en rassemblant et analysant tous les renseignements dont elle a besoin. Dans les affaires de terrorisme ou d’espionnage, les agents de la sûreté prennent contact avec la gendarmerie royale qui leur défère les suspects pour interrogatoire avant de les traduire devant les tribunaux chargés de rendre la décision finale.

22. Dans certaines circonstances, la police demande à la DST de lui apporter tous les renseignements supplémentaires dont elle dispose sur des cas précis.

23. Avec l’apparition de phénomènes nouveaux sur la scène internationale, la DST a adopté des nouvelles procédures et s’est fixé de nouveaux objectifs pour être prête à affronter les difficultés qui se présentent aujourd’hui pour assurer la sécurité et la stabilité du pays. Tout cela est conforme aux lois en vigueur.

24. Le règlement intérieur de la DST, ses méthodes de travail et ses attributions ne sont pas différents de ceux de ses homologues ailleurs dans le monde. Son siège est dans la ville de Témara et elle a des bureaux régionaux placés sous son contrôle direct. Elle est chargée d’enquêter et de prévenir les activités organisées, exécutées ou appuyées par des groupes subversifs ou terroristes et de lutter contre l’espionnage et contre toute forme d’ingérence étrangère dans les affaires intérieures.

25. Dans le cadre des activités de lutte contre le terrorisme ou de contre‑espionnage, les enquêteurs de la DST et de la gendarmerie royale font des investigations et des recherches, sous le contrôle des parquets, et conduisent les suspects devant les autorités de justice. Il existe d’autres agents de la DST qui n’appartiennent pas à la police et qui ne sont donc pas habilités à procéder à des arrestations et à des fouilles ni à détenir et interroger les suspects. Cela n’exclut pas pour autant l’existence d’une relation de collaboration entre la DST et la police dans le domaine de la collecte de renseignements, comme partout ailleurs dans le monde.

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* Les annexes aux présentes observations peuvent être consultées au secrétariat.

 



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