University of Minnesota


M. A.R. c. Pays-Bas, Communication No. 203/2002, U.N. Doc. CAT/C/31/D/203/2002 (2003).


 

Présentée par : M. A. R. (représenté par M. R. Himja)
Au nom : Du requérant
État partie : Pays-Bas
Date de la requête : 14 mars 2002

Le Comité contre la torture , institué en vertu de l'article 17 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Réuni le 14 novembre 2003,

Ayant achevé l'examen de la requête no 203/2002 présentée par M. A. R. en vertu de l'article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Ayant tenu compte de toutes les informations qui lui ont été communiquées par le requérant, son conseil et l'État partie,

Adopte ce qui suit:

Décision au titre du paragraphe 7 de l'article 22 de la Convention

1.1 Le requérant est M. A. R., de nationalité iranienne, né le 30 juin 1966, résidant actuellement aux Pays-Bas et frappé d'une mesure d'expulsion. Il affirme que son renvoi en Iran constituerait une violation par les Pays-Bas de l'article 3 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Il est représenté par un conseil.
1.2 Le 22 mars 2002, le Comité a transmis la requête à l'État partie en le priant de formuler ses observations.


Rappel des faits présentés par le requérant

2.1 Le conseil affirme qu'après la révolution iranienne de 1979, le requérant est devenu sympathisant d'un parti politique, le Fedayin Khalq-Iran. Il a commencé à militer dans ce parti alors qu'il était au lycée. En janvier 1983, il a été arrêté parce qu'il était soupçonné d'avoir distribué des tracts illégaux et troublé l'ordre public, et détenu pendant 25 jours. Il dit avoir été sauvagement battu pendant sa détention. À sa libération, il a été expulsé de son établissement scolaire.

2.2 Le requérant a poursuivi ses activités politiques, distribuant des tracts illégaux et participant à des rassemblements non autorisés. Il a de nouveau été arrêté en juillet 1983 et traduit devant un tribunal révolutionnaire, qui l'a condamné à deux ans d'emprisonnement. Au cours de ses deux premières semaines d'emprisonnement, il a été interrogé, torturé et maltraité. Il a été par deux fois soumis à un simulacre d'exécution, qui consistait à lui bander les yeux, dos au mur, avant de tirer des coups de feu. Il a ensuite été placé en isolement cellulaire pendant un mois et demi. À la fin de sa peine, on l'a obligé à signer une déclaration par laquelle il s'engageait à ne plus mener d'activités politiques, sous peine de mort.

2.3 À sa sortie de prison, le requérant a été contraint d'effectuer son service militaire. Il affirme avoir été victime de discrimination pendant cette période en ce sens qu'il s'est vu confier des tâches dangereuses sur le front. Après son service militaire, il a entrepris des études supérieures dans une université privée, étant donné qu'il n'était pas autorisé à poursuivre ses études dans une université ordinaire, puis il a trouvé un emploi. En 1989, il a repris ses activités politiques au sein d'un groupe de personnes liées au Fedayin Khalq. Ce groupe distribuait des tracts et une revue politique, écrivait des slogans sur les murs et collectait des dons pour venir en aide aux familles de prisonniers politiques.

2.4 Le soir du 30 avril 1994, le groupe a distribué des tracts et inscrit des slogans sur les murs de plusieurs quartiers de Téhéran. Le lendemain matin, le requérant a remarqué que certains des slogans n'étaient pas terminés, et il a appris que deux membres du groupe n'avaient pas prévenu leurs camarades qu'ils avaient terminé leur travail. Craignant que les activités du groupe n'aient été mises à jour, le requérant a fui Téhéran. Il a appris par la suite que les autorités avaient fouillé son appartement et emporté ses affaires, y compris des tracts illégaux et d'autres documents politiques. Il a aussi été informé que son père avait été arrêté et interrogé par les autorités, puis relâché à la condition qu'il informerait les autorités de l'endroit où se cachait le requérant. Ce dernier a fui l'Iran le 21 juin 1994.

2.5 Après son arrivée aux Pays-Bas, le requérant a pris part à un certain nombre d'activités politiques. Il a notamment participé à la création de Nabard, organisation regroupant des réfugiés iraniens qui suit la situation des droits de l'homme en Iran. Il a rédigé et publié des rapports pour cette organisation, sans que son nom n'apparaisse jamais. Nabard entretenait des liens étroits avec un groupe appartenant aux Fedayin basé en France et des groupes d'opposition en Iran. En 1996, le requérant a été informé par son frère, qui avait obtenu l'asile en Suède, qu'une lettre adressée par le requérant à son père avait été interceptée par les autorités et que son père avait été arrêté pour ne pas avoir prévenu les autorités de la réception de cette lettre.

2.6 Le 14 juillet 1994, le requérant a demandé l'asile aux Pays-Bas. Sa demande a été rejetée par le Secrétaire d'État du Département de la justice le 30 août 1994. Un examen interne de cette décision, demandé par le requérant, a confirmé la première décision. Un recours formé auprès du tribunal de district de La Haye a été rejeté le 11 février 1997. Le tribunal a estimé que le requérant n'avait pas été inquiété par les autorités iraniennes entre 1985 et 1994 et qu'il n'existait aucune preuve objective que des membres de son groupe avaient effectivement été arrêtés en mai 1994.

2.7 Le 16 juin 1997, le requérant a déposé une deuxième demande de statut de réfugié, accompagnée cette fois d'une lettre de son conseil et de documents iraniens datés de mai 1994, qui émanerait du Bureau du Procureur du tribunal révolutionnaire, à savoir une ordonnance de citation et une copie d'un document censé établir que la résidence du requérant avait été placée sous scellés. Cette demande a elle aussi été rejetée car les autorités néerlandaises ont estimé que les documents iraniens n'étaient pas authentiques. Un examen interne a confirmé cette décision et un recours formé auprès du tribunal de district de La Haye a été rejeté le 23 février 2001. Le tribunal a estimé que la première demande d'asile avait reçu toute l'attention voulue et confirmé que les documents iraniens n'étaient pas authentiques, ce qui jetait le doute sur les dires du requérant. Il a également estimé qu'il n'y avait pas de lien entre les activités politiques menées par le requérant en Iran et celles qu'il a par la suite menées aux Pays-Bas.

2.8 Le 18 février 2002, la Police des étrangers a informé le requérant qu'il devait quitter les Pays-Bas.



Teneur de la plainte


3.1 Le requérant affirme craindre d'être torturé s'il est renvoyé en Iran par les autorités néerlandaises et estime que son expulsion vers l'Iran constituerait une violation de l'article 3 de la Convention. Il dit qu'il a déjà été torturé pendant qu'il était en détention provisoire en raison de ses activités politiques en Iran et que, compte tenu des activités politiques qu'il a ensuite menées tant en Iran qu'aux Pays-Bas, il risque d'être à nouveau torturé s'il retourne en Iran. À cet égard, il évoque également la situation générale des droits de l'homme en Iran, et en particulier les informations faisant état d'actes de torture.

3.2 Le requérant déclare que les autorités néerlandaises se sont trompées en concluant qu'il n'avait pas eu de problèmes avec les autorités iraniennes entre 1985 et 1994 et qu'il n'y avait pas de lien entre ses activités politiques en Iran et celles qu'il a menées aux Pays-Bas. Il affirme que sa première demande d'asile n'a pas reçu l'attention voulue de la part des autorités néerlandaises.


Observations de l'État partie sur la recevabilité et sur le fond

4.1 Dans une note datée du 6 mai 2002, l'État partie a informé le Comité qu'il n'avait aucune objection à opposer à la recevabilité de la requête. Ses observations sur le fond ont été transmises sous couvert d'une note datée du 23 septembre 2002.

4.2 L'État partie fait valoir qu'en expulsant le requérant il ne violerait pas ses obligations en vertu de l'article 3 de la Convention. Il fournit une description détaillée des voies juridiques par lesquelles une demande de statut de réfugié peut être déposée et des possibilités de recours administratifs et judiciaires. Le cadre législatif applicable à l'admission et à l'expulsion des étrangers est défini par la loi sur les étrangers de 1965 et par les décrets et règlements connexes. Les demandeurs d'asile sont interrogés deux fois par les autorités et, la deuxième fois, l'accent est mis sur les raisons qu'avait le demandeur de quitter son pays d'origine. Un conseil peut être présent lors de ces entretiens. Le demandeur d'asile reçoit une copie du rapport rédigé après les entretiens et il a deux jours pour proposer des modifications ou des ajouts. Une décision est alors rendue par un agent du Département de l'immigration et de la naturalisation au nom du Secrétaire d'État à la justice. Si la demande est rejetée, le demandeur d'asile peut formuler une objection. Si sa crainte de la persécution est suffisamment étayée, un Comité consultatif examine la décision en première instance et interroge le demandeur. Un représentant du HCR est invité à assister à l'entretien et à faire connaître les vues du Haut-Commissariat. Une recommandation est transmise au Secrétaire d'État à la justice, qui tranche. Si l'objection est rejetée, un recours peut être formé auprès du tribunal de district. Aucun autre recours n'est possible.

4.3 L'État partie indique que le Ministère néerlandais des affaires étrangères publie régulièrement des rapports sur la situation dans les pays d'origine pour aider le Département de l'immigration et de la naturalisation à évaluer les demandes d'asile. De 1994 jusqu'au début de 1995, sur la base d'un rapport de pays élaboré en 1991 indiquant que la situation des droits de l'homme était alarmante en Iran, les demandeurs d'asile iraniens pouvaient prétendre à une autorisation de séjour provisoire. Il a ensuite été mis fin à cette pratique, un nouveau rapport concluant que la situation générale de l'Iran s'était améliorée.

4.4 En ce qui concerne la situation personnelle du requérant, l'État partie résume les informations fournies par ce dernier au Département de l'immigration et de la naturalisation au cours des deux entretiens qu'il a eus à l'occasion de chacune de ses deux demandes de statut de réfugié, et donne un aperçu des procédures administratives et judiciaires pertinentes. En particulier, il note que les documents iraniens présentés par le requérant ont été soigneusement examinés par le Ministère des affaires étrangères et jugés non authentiques.

4.5 L'État partie note que, s'agissant d'une plainte concernant l'article 3, le Comité doit déterminer s'il y a des motifs sérieux de croire que la personne concernée risque d'être soumise à la torture si elle est renvoyée dans son pays.(1) L'expression «motifs sérieux» implique davantage qu'une simple possibilité de torture mais il n'est pas nécessaire que le risque couru soit hautement probable.(2) L'État partie fait valoir que la situation générale des droits de l'homme en Iran n'est pas telle que toute personne qui serait renvoyée dans ce pays risquerait d'être torturée. S'agissant du requérant, il relève que, premièrement, son soutien à l'organisation politique interdite des Fedayin n'est pas une raison suffisante pour affirmer qu'il risque d'être torturé à son retour en Iran. Les rapports consacrés au pays ne font pas état de condamnations récentes de membres de cette organisation. Deuxièmement, depuis sa sortie de prison, en 1985, le requérant n'a pas eu de problème notable avec les autorités iraniennes et ne se considérait apparemment pas lui-même en danger, puisqu'il est resté dans le pays jusqu'en 1994. L'État partie note que, à sa sortie de prison, le requérant a servi normalement dans les forces armées, ce qui laisse supposer qu'il ne faisait l'objet d'aucune suspicion de la part des autorités. L'État partie estime que les problèmes auxquels le requérant affirme avoir été confronté après sa libération sont relativement mineurs.

4.6 En ce qui concerne les activités du requérant en mai 1994, l'État partie note que le requérant n'a fourni aucune preuve concrète de l'arrestation d'un ou de plusieurs membres de son groupe. De même, il n'a apporté aucune preuve objective de l'arrestation de son père. Les seuls éléments fournis à cet égard proviennent de membres de la famille.

4.7 L'État partie fait valoir que les activités politiques menées par le requérant aux Pays-Bas ne lui font pas courir personnellement le risque d'être torturé à son retour en Iran, puisque rien ne permet de dire ou de prouver que les autorités iraniennes sont au courant de ses activités aux Pays-Bas.

4.8 Enfin, l'État partie s'élève contre l'affirmation selon laquelle le requérant n'a pas eu la possibilité d'exposer pleinement son cas lors de sa première demande d'asile. Sa deuxième demande contenait simplement un récit plus détaillé des événements et non un récit différent. En tout état de cause, les nouveaux éléments, comme les documents produits par le requérant, ont été soigneusement examinés par les autorités. À cet égard, il s'est avéré que les documents iraniens n'étaient pas authentiques; en effet, ils ne sont pas conformes aux normes de présentation de ce type de documents en Iran.

4.9 Selon l'État partie, il n'existe aucune raison de croire que le requérant court personnellement un risque prévisible et réel d'être torturé s'il est renvoyé en Iran et son expulsion par les Pays-Bas vers l'Iran ne constitue pas une violation de l'article 3 de la Convention.


Commentaires du requérant

5.1 Dans ses commentaires sur les observations de l'État partie, datés du 2 janvier 2003, le requérant affirme qu'aucune de ses demandes n'a été examinée par le Comité consultatif auquel l'État partie fait référence dans ses observations. Pour lui, le ton du rapport du Gouvernement sur l'Iran en 2001 n'était pas le même que les années précédentes et était, de fait, très négatif. Il estime que le fait que l'État partie ne dispose d'aucune information concernant des condamnations récentes de membres des Fedayin n'est pas pertinent et affirme qu'il ne faudrait pas en conclure que les personnes participant aux activités des Fedayin ne courent pas de risques graves. Il déclare que les activités du groupe sont illégales en Iran et qu'il est donc difficile de les détecter et d'en poursuivre les auteurs.

5.2 Le requérant affirme de nouveau qu'il a eu des problèmes entre 1985 et 1994 et que cela montre bien que les autorités iraniennes continuent de le considérer avec suspicion.

5.3 La réponse du requérant est accompagnée d'une lettre de soutien d'Amnesty International qui met en évidence certains détails du Code pénal iranien, les risques encourus par quiconque mène des activités au nom d'organisations d'opposition interdites et les carences présumées de l'administration de la justice en Iran. La lettre cite aussi des cas d'exécution et de torture de membres de mouvements politiques d'opposition relevés ces dernières années, mais aucun cas récent concernant des membres des Fedayin. Elle souligne que le requérant a été libéré en 1985 à condition de ne pas mener d'activités politiques et qu'il a été informé qu'il serait condamné à la peine de mort s'il n'obtempérait pas. Elle affirme que les documents iraniens présentés par le requérant, et jugés non authentiques par l'État partie, ont été examinés par un expert des documents juridiques iraniens qui a attesté de leur authenticité. Elle fait valoir enfin que les activités politiques menées par le requérant tant en Iran qu'aux Pays-Bas ont été importantes et qu'aux Pays-Bas son nom a été cité dans les médias nationaux à plusieurs reprises. Le requérant ne devrait pas avoir à prouver que ses activités aux Pays-Bas sont connues des autorités iraniennes.


Observations supplémentaires de l'État partie

6.1 Dans une note datée du 14 avril 2003, l'État partie a transmis au Comité des observations supplémentaires. Il déclare qu'il n'existe aucune preuve que le requérant risque personnellement d'être torturé s'il est renvoyé en Iran et que ses arguments se fondent uniquement sur des supputations et des soupçons. Il réaffirme que, compte tenu des éléments disponibles, le requérant n'a pas joué un rôle de premier plan dans l'organisation Fedayin Khalq et qu'il n'a pas connu de problème particulier en Iran après 1985. Il rappelle que les démarches du requérant auprès des autorités judiciaires et des autorités d'immigration néerlandaises ont duré sept ans et que les tribunaux ont deux fois confirmé la légalité des décisions prises par les autorités concernées.

6.2 L'État partie renvoie à la jurisprudence du Comité concernant la communication no 204/2002, H. K. H c. Suède (28 novembre 2002), au sujet de laquelle il a noté que, pour qu'il y ait violation de l'article 3 de la Convention, «il doit exister des motifs supplémentaires donnant à penser que l'intéressé courrait personnellement un risque».

6.3 En ce qui concerne l'authenticité des documents iraniens, examinés par un expert au nom du requérant, l'État partie note que les documents cités par l'expert portent des dates différentes de celles des documents produits par le requérant, et que le nom de la personne à laquelle ces documents étaient adressés a été supprimé. Il affirme également qu'il a tenu compte de la situation générale en Iran pour évaluer les risques qu'encourrait personnellement le requérant s'il était renvoyé en Iran.


Délibérations du Comité

7.1 Avant d'examiner une plainte soumise dans une communication, le Comité contre la torture doit déterminer si la communication est recevable en vertu de l'article 22 de la Convention. Le Comité s'est assuré, comme il est tenu de le faire conformément au paragraphe 5 a) de l'article 22 de la Convention, que la même question n'a pas été examinée et n'est pas en cours d'examen devant une autre instance internationale d'enquête ou de règlement. Le Comité note que l'État partie n'a pas soulevé d'objection concernant la recevabilité de la communication. Ne voyant aucun obstacle à la recevabilité, le Comité déclare la communication recevable et procède à son examen sur le fond.

7.2 Le Comité doit déterminer si, en renvoyant le requérant en Iran, l'État partie manquerait à l'obligation qui lui est faite en vertu du paragraphe 1 de l'article 3 de la Convention de ne pas expulser ou refouler un individu vers un autre État où il y a des motifs sérieux de croire qu'il risque d'être soumis à la torture. Pour ce faire, le Comité doit tenir compte de tous les éléments, y compris l'existence dans l'État où le requérant serait renvoyé d'un ensemble systématique de violations graves, flagrantes ou massives des droits de l'homme. Il s'agit cependant de déterminer si l'intéressé risque personnellement d'être soumis à la torture dans le pays vers lequel il serait renvoyé. Conformément à la jurisprudence du Comité, l'existence d'un ensemble de violations systématiques des droits de l'homme, graves, flagrantes ou massives dans le pays ne constitue pas en soi un motif suffisant pour conclure que l'individu risque d'être soumis à la torture à son retour dans ce pays. À l'inverse, l'absence d'une telle situation ne signifie pas qu'une personne ne peut pas être considérée comme risquant d'être soumise à la torture.

7.3 Le Comité rappelle son Observation générale concernant l'application de l'article 3, selon laquelle le Comité est tenu de déterminer «s'il y a des motifs sérieux de croire que l'auteur risque d'être soumis à la torture» s'il est renvoyé et que l'existence d'un tel risque «doit être appréciée selon des éléments qui ne se limitent pas à de simples supputations ou soupçons». Il n'est pas nécessaire que le risque soit «hautement probable» mais il doit être encouru «personnellement et actuellement». (3) À cet égard, dans des décisions antérieures, le Comité a indiqué que le requérant devait courir «personnellement un risque réel et prévisible» d'être torturé.(4)

7.4 En évaluant le risque de torture dans le cas présent, le Comité relève que le requérant affirme avoir été torturé et emprisonné précédemment par les autorités iraniennes en raison de sa participation aux activités de l'organisation Fedayin Khalq-Iran, ce que ne conteste pas l'État partie. Toutefois, les actes présumés de torture remontent à 1983, soit à 20 ans environ. Le Comité note que, conformément à son Observation générale concernant l'article 3, les éléments à prendre en compte pour évaluer le risque de torture comprennent la question de savoir si le requérant a été torturé dans le passé et, dans l'affirmative, s'il s'agit d'un passé récent. (5) Or cela n'est pas le cas en l'espèce.

7.5 Le Comité précise en outre dans son Observation générale qu'il faut également vérifier si l'auteur de la communication s'est livré, à l'intérieur ou à l'extérieur de l'État intéressé, à des activités politiques qui font qu'il «court un risque particulier» d'être soumis à la torture. (6) Dans le cas à l'examen, le requérant affirme avoir signé, lors de sa remise en liberté, un document par lequel il s'engageait à ne plus mener d'activités politiques et dit avoir été harcelé par les autorités après sa sortie de prison. Il soutient que, malgré cela, il a poursuivi ses activités politiques en Iran, qu'il avait de bonnes raisons de fuir l'Iran en 1994 et qu'il a continué ses activités politiques aux Pays-Bas, activités dont les autorités iraniennes pourraient avoir eu vent. Le requérant fait en outre valoir qu'il a soumis aux autorités des documents iraniens, établis par le Bureau du Procureur du tribunal révolutionnaire, qui attestent de l'intérêt des autorités iraniennes à son égard et des dangers qui l'attendent en Iran.

7.6 Le Comité note que les arguments du requérant et les preuves soumises à l'appui ont tous été examinés par les tribunaux de l'État partie. Il rappelle sa jurisprudence selon laquelle il n'est pas un organe d'appel ou un organe juridictionnel ou administratif. Aux termes de son Observation générale, le Comité est habilité à apprécier librement les faits en se fondant sur l'ensemble des circonstances de chaque affaire, mais il doit accorder un poids considérable aux constatations de faits des organes de l'État partie. En l'espèce, le Comité ne peut établir que l'évaluation du cas du requérant par l'État partie a laissé à désirer de ce point de vue. Compte tenu de ce qui précède, le Comité considère que le requérant n'a pas démontré qu'il encourrait personnellement un risque réel et prévisible d'être torturé s'il était renvoyé en Iran.

8. Le Comité contre la torture, agissant en vertu du paragraphe 7 de l'article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, conclut que le renvoi du requérant en Iran ne constituerait pas une violation de l'article 3 de la Convention.





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[Adopté en français (version originale), en anglais, en espagnol et en russe. Paraîtra ultérieurement en arabe et en chinois dans le rapport annuel présenté par le Comité à l'Assemblée générale.]



Notes


1. L'État partie renvoie à la jurisprudence du Comité dans les requêtes no 91/1997, A. c. Pays-Bas (13 novembre 1998) et 94/1997, K. N. c. Suisse (20 mai 1998).

2. L'État partie renvoie aux constatations du Comité concernant la requête no 28/1995, E. A. c. Suisse (10 novembre 1997) et à l'Observation générale du Comité concernant l'application de l'article 3.

3. Observation générale no 1, seizième session (1996).

4. Constatations du Comité concernant la communication no 204/2002, H. K. H. c. Suède (28 novembre 2002).

5. Par. 8 b).

6. Par. 8 e).



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