University of Minnesota


S.T. (nom supprimé) c. Pays-Bas, Communication No. 175/2000, U.N. Doc. CAT/C/27/D/175/2000 (2001).


 

Présentée par : S. T. (nom supprimé) [représenté par un conseil]
Au nom de : Le requérant
État partie : Pays-Bas
Date de la requête : 27 novembre 2000

Le Comité contre la torture , institué conformément à l'article 17 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Réuni le 23 novembre 2001,

Ayant achevé l'examen de la requête no 175/2000, présentée au Comité en vertu de l'article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

Ayant tenu compte de toutes les informations qui lui ont été communiquées par le requérant, son conseil et l'État partie,

Adopte la décision suivante en vertu du paragraphe 7 de l'article 22 de la Convention.

 

1.1 Le requérant est M. S. T., de nationalité sri-lankaise, né le 3 janvier 1979, actuellement interné dans un centre de rétention aux Pays-Bas. Il affirme que le renvoyer contre son gré à Sri Lanka constituerait une violation par les Pays-Bas de l'article 3 de la Convention. Il est représenté par un conseil.


1.2 Le 5 décembre 2000, le Comité a porté la communication à l'attention de l'État partie, afin qu'il puisse formuler ses observations, et lui a demandé, en vertu du paragraphe 9 de l'article 108 de son règlement intérieur, de ne pas expulser le requérant vers Sri Lanka tant que sa communication serait en cours d'examen. L'État partie a accédé à cette demande.


Rappel des faits présentés par le requérant


2.1 Le requérant est un Tamoul de la région de Jaffna, dans le nord de Sri Lanka, qui affirme avoir travaillé pendant deux mois, en 1994, pour les Tigres de libération de l'Eelam tamoul (LTTE) dans un atelier de réparation de voitures à Killinochi. Pendant cette période, il aurait aussi été chargé des soins aux blessés et de la distribution de vivres.


2.2 En 1996, le requérant s'est installé à Vavuniya. En avril 2000, les Tigres de libération de l'Eelam tamoul ont attaqué un camp de l'organisation paramilitaire PLOTE. Après cet incident, les forces de la PLOTE l'ont arrêté ainsi que de nombreuses autres personnes qui se trouvaient dans la région. Il aurait été torturé à l'aide d'instruments brûlants, ce dont son corps porte les cicatrices. Il n'a signalé ces faits et les cicatrices en résultant aux autorités néerlandaises qu'au stade de la procédure de recours judiciaire.


2.3 Le 10 octobre 2000, le requérant a été retenu pendant une journée par la PLOTE, a été interrogé sur ses liens avec les LTTE et a été brutalisé.


2.4 Le 15 octobre 2000, le requérant a été arrêté par l'armée sri-lankaise et détenu pendant une journée, durant laquelle il affirme avoir reçu des coups de pied, avoir été suspendu la tête en bas et avoir été frappé. Depuis lors, il souffre de maux d'estomac chroniques, en particulier lorsqu'il se penche mais ne porte pas de cicatrice. Un membre de sa famille est intervenu et, après versement d'une somme d'argent, il a été libéré et est allé s'installer chez une tante.


2.5 Le 17 octobre 2000, des membres de la PLOTE sont venus au domicile du requérant demander où il se trouvait. Le 24 octobre 2000, le requérant est parti pour Colombo.


2.6 Les incidents des 10 et 15 octobre ont poussé le requérant à quitter Sri Lanka, le 25 octobre 2000, et il est arrivé le 26 octobre 2000 aux Pays-Bas après avoir transité par un autre pays (le requérant ne sait pas lequel). À son arrivée aux Pays-Bas, il a téléphoné à sa sœur, qui lui a appris que l'armée sri-lankaise et la PLOTE avaient à nouveau cherché à savoir où il se trouvait.


2.7 À son arrivée aux Pays-Bas, le requérant a déposé une demande d'asile, à la suite de quoi il a été interrogé une première fois par le Département de l'immigration et des naturalisations, qui relève du Ministère de la justice. Se fondant sur cet interrogatoire, le Département, qui avait des raisons de croire que la demande n'était pas fondée, a décidé de la traiter selon la procédure accélérée. Le requérant a été placé en rétention pendant l'examen de sa demande. Il a été remis en liberté le 26 février 2001 et est actuellement hébergé dans un foyer pour demandeur d'asile.


2.8 Le deuxième interrogatoire par le Département de l'immigration et des naturalisations a eu lieu le 27 octobre 2000. La demande d'asile a été rejetée le 28 octobre 2000 au motif qu'elle était manifestement infondée. Le même jour, l'avocat du requérant a formé un recours judiciaire contre cette décision, ainsi que contre la décision de maintien en rétention. Dans son jugement du 13 novembre 2000, le tribunal de district de La Haye a estimé que ce recours n'était pas fondé. Selon le conseil, cette décision n'était pas équitable, essentiellement pour les raisons ci-après:

a) Le tribunal a estimé que les marques que portait le requérant - sÚquelles, selon le requérant, d'un incident survenu en avril 2000 mais que ni lui ni son avocat n'ont mentionnées avant le stade du recours judiciaire - ne prouvaient pas que le requÚrant risquait personnellement d'être torturé vu que cet incident s'inscrivait dans le contexte d'une enquête plus large sur la mort de soldats de la PLOTE. Le conseil souligne que la présence de cicatrices sur un individu peut amener les autorités sri-lankaises à le soupçonner d'être lié aux LTTE et que c'est un facteur de risque. Si l'incident d'avril 2000 n'a pas été mentionné avant le stade du recours judiciaire, c'est parce que le requérant avait fui Sri Lanka non pas à cause de cet incident mais bien à cause des événements d'octobre. Apparemment, lors de son interrogatoire par le Ministère, on avait demandé au requérant ce qui l'avait poussé à fuir son pays.

b) Le conseil fait aussi valoir que l'application de la procédure accélérée rend de tels malentendus inévitables. Cette procédure, au titre de laquelle une demande d'asile peut être examinée en 48 heures à compter de l'arrivée du requérant, n'est selon le conseil à l'évidence pas de nature à permettre au demandeur d'asile de donner une version exacte des faits susceptibles d'éclairer l'affaire, puisque celui-ci est épuisé, que l'intimité dont il jouit en rétention est limitée et qu'il n'a le droit de consulter un conseiller juridique que pendant trois heures après son premier interrogatoire par les fonctionnaires du ministère, des problèmes d'interprétation se posant inévitablement dans cet intervalle.


Teneur de la requête


3. Le conseil affirme que vu la manière dont le requérant a été traité par la PLOTE et l'armée sri-lankaise, il existe des motifs sérieux de croire qu'il serait personnellement exposé à la torture en cas de retour à Sri Lanka et que les Pays-Bas violeraient dès lors l'article 3 de la Convention s'ils l'y renvoyaient. Le conseil souligne que, selon des sources dignes de foi, il existe «un ensemble de violations systématiques des droits de l'homme, graves, flagrantes ou massives» à Sri Lanka et renvoie à cet égard à l'article 3.2 de la Convention. Le conseil affirme aussi que, compte tenu de la situation des droits de l'homme qui prévaut à Sri Lanka, la procédure accélérée est inappropriée pour statuer sur ce type d'affaires.


Observations de l'État partie quant à la recevabilité et au fond de la communication



4.1 Le 1er juin 2001, l'État partie a présenté ses observations quant à la recevabilité et au fond de la communication. Il ne conteste pas la recevabilité de la communication.


4.2 En ce qui concerne le fond, l'État partie décrit tout d'abord la procédure d'examen des demandes d'asile aux Pays-Bas. Les demandes d'asile sont instruites par le Département de l'immigration et des naturalisations. Si une demande d'admission au bénéfice du statut de réfugié peut être évaluée dans un délai de 48 heures, elle est examinée dans un des quatre centres de traitement des demandes. Les demandeurs d'asile sont interrogés à l'aide d'un questionnaire qui ne contient aucune question relative aux raisons les poussant à demander l'asile. Il est au besoin fait appel aux services d'un interprète.


4.3 L'étape suivante consiste en un interrogatoire approfondi auquel le requérant a la possibilité de se préparer pendant deux heures avec l'aide d'un conseiller juridique. Si la préparation de ce second interrogatoire prend plus de deux heures, le délai de 48 heures fixé pour aboutir à une décision au sujet de la demande est prorogé d'autant. Le second interrogatoire est essentiellement axé sur les raisons ayant motivé le départ du pays d'origine. Le demandeur dispose d'un délai de trois heures, susceptible d'être prorogé le cas échéant, pour apporter des corrections au procès-verbal de cet interrogatoire ou y ajouter des renseignements avec l'aide de son conseiller juridique. Un fonctionnaire du Département de l'immigration et des naturalisations statue alors sur la demande.


4.4 L'État partie indique que le Ministère des affaires étrangères publie régulièrement des rapports sur la situation dans chaque pays d'origine afin d'aider les fonctionnaires du Département de l'immigration et des naturalisations à évaluer les demandes d'asile. Le Ministère élabore ce rapport en utilisant divers documents publiés et les rapports d'organisations non gouvernementales ainsi que les notes établies par les missions diplomatiques néerlandaises dans les pays d'origine.


4.5 L'État partie signale que les demandeurs d'asile qui séjournent dans les centres de traitement des demandes ont accès à des soins médicaux. Ces centres disposent des installations de base, dont un dortoir, proposent des activités de loisirs et servent des repas chauds ou froids. L'État partie explique qu'un requérant dont la demande d'asile est rejetée peut demander au Ministère de la justice de réexaminer la décision, puis former un recours auprès du tribunal de district. Lorsque l'intéressé fait l'objet d'une mesure privative ou restrictive de liberté, il peut immédiatement former un recours auprès du tribunal de district.


4.6 L'État partie précise que la politique actuellement applicable aux demandeurs d'asile originaires de ce pays se fonde sur un rapport du Ministère des affaires étrangères en date du 28 juillet 2000 décrivant l'évolution récente dans ce pays. Sur la base de ce rapport, le Secrétaire d'État à la justice a estimé que le renvoi des demandeurs d'asile déboutés restait une option responsable. L'aggravation sensible du conflit ethnique en cours à Sri Lanka constatée en octobre-novembre 1999 a certes engendré une grande instabilité dans le nord et l'est du pays mais les Tamouls ont toujours la possibilité de s'installer dans des régions sous contrôle du Gouvernement.


4.7 L'État partie fait en outre valoir que, de l'avis du HCR, les demandeurs d'asile originaires de Sri Lanka dont la demande a été rejetée à l'issue d'un examen approfondi peuvent être renvoyés dans leur pays d'origine. L'État partie souligne que le rapport du Ministère des affaires étrangères en date du 22 août 2000 relatif à Sri Lanka indique que cette position n'a pas changé. L'État partie cite de plus un rapport du même Ministère en date du 27 avril 2001 mettant en doute le risque de détention, prolongée ou non, qui pèserait sur les Tamouls porteurs de cicatrices. Selon ce rapport, «toutes les sources consultées indiquent que des cicatrices visibles peuvent susciter des questions supplémentaires mais pas, à elles seules, être à l'origine d'un interrogatoire... Aucune des sources consultées n'est d'avis qu'une cicatrice constitue un facteur de risque pour quiconque est en possession des papiers requis et a une raison valable d'être à Colombo…».


4.8 L'État partie renvoie à la jurisprudence du Comité, selon laquelle un individu doit prouver qu'il y a des motifs sérieux de croire qu'il risque personnellement d'être soumis à la torture en cas de renvoi dans son pays (1). L'État partie conteste que l'auteur court un tel risque et estime que l'auteur n'a pas pu démontrer qu'il serait soupçonné par les autorités ou par la PLOTE, d'autant plus que le travail qu'il affirme avoir effectué pour les LTTE remonte à plus de sept ans. L'État partie ne juge pas plausible l'affirmation selon laquelle l'auteur risque d'être confronté à des problèmes en raison des activités mentionnées.


4.9 L'État partie fait valoir qu'après avoir été arrêté par la PLOTE puis l'armée sri-lankaise en octobre 2000 l'auteur a dans un cas comme l'autre été relâché au bout d'une seule journée et n'estime pas plausible qu'il puisse avoir été relâché aussi rapidement s'il était soupçonné d'entretenir des liens avec les LTTE. L'État partie estime en outre révélateur qu'après ses arrestations d'octobre 2000 S. T ait été autorisé à se rendre à Colombo puis à l'aéroport et n'ait nullement été inquiété lors de deux contrôles dont il a été l'objet de la part desdites autorités en cours de route. S. T a ensuite quitté le pays en utilisant un passeport authentique à son nom. L'État partie fait valoir que le déroulement des événements ne semble pas indiquer que les autorités sri-lankaises aient la moindre animosité envers le requérant ou le suspectent d'être lié aux LTTE.


4.10 L'État partie objecte de plus que l'affirmation du requérant selon laquelle la rapidité de la procédure mise en œuvre au centre de traitement des demandes ne lui a pas permis de mentionner ses cicatrices n'affecte en rien le bien-fondé de la décision rendue au sujet de sa demande d'asile. L'État partie fait valoir que la procédure décrite aux paragraphes 4.2 à 4.5 garantit de manière adéquate le traitement de toute demande avec le soin voulu. S'agissant de l'évaluation de la situation du requérant, l'État partie souligne que celui-ci a pu préparer le second interrogatoire avec l'aide d'un conseiller juridique et qu'on lui a clairement indiqué qu'il devait divulguer toute information pertinente, que le procès-verbal de son interrogatoire revêtait une grande importance pour la procédure de demande d'asile et qu'il ne devait rien dissimuler susceptible d'avoir un rapport avec sa demande. Durant son interrogatoire, on lui a expressément demandé s'il portait des marques de mauvais traitements subis, ce à quoi il a répondu par la négative. Le requérant a consulté le procès-verbal du second interrogatoire avec son conseiller juridique pendant plus de trois heures et a ensuite proposé des corrections et des ajouts qui ne mentionnaient pas l'arrestation dont il affirme avoir été l'objet en avril 2000 ni les marques résultant des mauvais traitements subis à cette occasion. En conséquence, l'État partie estime que le requérant a été suffisamment informé de la nécessité de faire une déclaration complète et que sa demande d'asile a été examinée de façon approfondie au centre de traitement des demandes.


4.11 Au sujet des cicatrices, l'État partie estime en outre que le requérant n'a pas prouvé avoir été arrêté et avoir subi des mauvais traitements en avril 2000 et pas davantage montré qu'il portait des marques résultant des mauvais traitements allégués. Ces affirmations n'ont toujours pas été étayées par un certificat médical alors que, selon l'État partie, il n'aurait pas été déraisonnable de s'attendre à ce que pareil certificat ait été produit vu le temps depuis lequel le requérant se trouve aux Pays-Bas. L'État partie souligne aussi qu'il n'a pas été établi que lors de ses deux arrestations présumées d'octobre 2000 le requérant ait été soupçonné de liens avec les LTTE du fait des cicatrices mentionnées et que, du reste, lui-même ne considère pas les cicatrices comme un facteur de risque - l'arrestation et les mauvais traitements dont il aurait été victime en avril 2000 n'étant pas le motif de son départ de Sri Lanka.


4.12 L'état partie signale de plus qu'il a été proposé à S. T - dans une lettre datée du 1er février 2001 – de déposer une nouvelle demande d'asile, dans laquelle il aurait pu apporter des indications sur son arrestation d'avril 2000. Il aurait alors été autorisé à rester aux Pays-Bas en attendant les résultats de l'examen de pareille demande, mais il n'a pas saisi cette occasion.


Commentaires du conseil sur les observations de l'État partie



5.1 Dans sa réponse aux observations de l'État partie, datée du 24 juillet 2001, le requérant réitère les affirmations formulées dans sa lettre initiale, concernant notamment le caractère inéquitable de la procédure accélérée d'examen des demandes d'asile. Sur ce point, il souligne que même si un conseiller juridique assiste au premier interrogatoire il ne peut pas poser lui-même des questions ni aider le demandeur d'asile à s'y préparer. En général, le conseiller juridique n'a d'ailleurs même pas le temps de se rendre à ce premier interrogatoire. Ce point est très important puisque c'est à l'issue de ce premier interrogatoire qu'est prise la décision d'examiner ou non l'affaire selon la procédure accélérée et de placer ou non le demandeur d'asile en rétention. Le conseil indique en outre que trois avocats se sont succédé pour représenter le requérant à différents moments et que les deux premiers ne connaissaient pas suffisamment la situation à Sri Lanka pour lui poser les questions utiles, notamment sur l'éventuelle présence de marques sur son corps. Seul le troisième avocat connaissait l'importance de cette question à Sri Lanka et lui a posé la bonne question.


5.2 Le requérant conteste l'opinion de l'État partie concernant la situation générale des droits de l'homme à Sri Lanka. Il s'interroge sur les sources mentionnées dans le rapport de juillet 2000 du Ministère et affirme que le constat figurant dans ce rapport, selon lequel la situation est source de préoccupations, est un euphémisme. Il renvoie aussi à un rapport du HCR dans lequel il est indiqué qu'en cas de rapatriement à Sri Lanka les demandeurs d'asile tamouls déboutés portant des cicatrices sont le plus susceptible d'éveiller la méfiance des forces de sécurité et de subir un interrogatoire musclé, voire des mauvais traitements. Le requérant cite d'autres rapports, émanant d'organisations internationales, pour étayer l'affirmation selon laquelle la présence de cicatrices sur le corps d'un Tamoul renvoyé à Sri Lanka l'expose à un risque particulier. Selon lui, en cas de renvoi à Colombo, le requérant risque de voir son identité et ses antécédents vérifiés car il n'a pas de raison valable de vouloir rester à Colombo, n'est pas immatriculé auprès de la police locale et ne possède pas de carte d'identité nationale.


5.3 Au sujet de l'argument de l'État partie selon lequel si des soupçons avaient pesé sur lui il n'aurait pu se rendre à Colombo et fuir le pays, après avoir été contrôlé à deux reprises en route et avoir produit un passeport authentique à son nom, le requérant fait observer qu'aucun élément ne permet d'affirmer que les autorités disposent d'un système centralisé recensant toutes les personnes soupçonnées d'entretenir des liens avec les LTTE - ce que confirme le rapport de juillet 2000 du Ministère des affaires étrangères.


5.4 Concernant l'argument de l'État partie qui affirme qu'une seconde demande d'asile aurait pu être déposée, le requérant estime qu'elle aurait été inutile puisque le tribunal de district avait conclu, tout en ayant connaissance de la présence de marques sur son corps, qu'il ne courrait aucun risque en cas de renvoi à Sri Lanka. Aucun fait nouveau n'aurait pu être invoqué en l'occurrence. Le requérant ajoute qu'il avait montré ses cicatrices aux membres du tribunal, y compris au magistrat du ministère public, ce qui rendait un certificat médical inutile.


Délibérations du Comité



6.1 Avant d'examiner une plainte soumise dans une communication, le Comité contre la torture doit déterminer si cette communication est recevable en vertu de l'article 22 de la Convention. Le Comité s'est assuré, comme il est tenu de le faire conformément au paragraphe 5 a) de l'article 22 de la Convention, que la même question n'a pas été examinée et n'est pas en cours d'examen dans une autre instance internationale d'enquête ou de règlement. Le Comité note aussi que l'État partie n'a pas contesté la recevabilité de la communication. Le Comité estime qu'il n'existe aucun autre obstacle à la recevabilité de la communication et il la déclare donc recevable et procède immédiatement à son examen quant au fond.


6.2 Le Comité doit déterminer si le renvoi de S. T. à Sri Lanka constituerait une violation de l'obligation contractée par l'État partie en vertu du paragraphe 1 de l'article 3 de la Convention, de n'expulser ni de refouler une personne vers un autre État où il y a des motifs sérieux de croire qu'elle risque d'être soumise à la torture. Pour ce faire, il doit tenir compte de toutes les considérations pertinentes, y compris de l'existence d'un ensemble de violations systématiques des droits de l'homme, graves, flagrantes ou massives dans l'État en question. Il s'agit cependant de déterminer si l'intéressé risquerait personnellement d'être soumis à la torture dans le pays où il serait renvoyé. Dès lors, l'existence d'un ensemble de violations flagrantes, graves ou massives des droits de l'homme dans un pays ne constitue pas en soi un motif suffisant pour conclure qu'un individu risquerait d'être victime de torture à son retour dans ce pays; il faut qu'il existe des motifs supplémentaires de penser que l'intéressé serait personnellement en danger. De même, l'absence d'un ensemble systématique de violations flagrantes des droits de l'homme ne signifie pas qu'un individu ne puisse être considéré comme risquant d'être soumis à la torture eu égard à sa situation particulière.


6.3 Le Comité note l'argumentation du requérant qui affirme qu'il risque d'être soumis à la torture s'il est renvoyé à Sri Lanka du fait que dans le passé il a eu des liens avec les LTTE, qu'il aurait déjà subi à deux reprises des mauvais traitements de la part des autorités et qu'il porte des cicatrices que les autorités attribueraient selon toute probabilité à des combats menés aux côtés des LTTE. Le Comité note également l'argument selon lequel la rapidité de la procédure accélérée n'avait pas permis au requérant de signaler à un stade précoce de la procédure aux autorités néerlandaises qu'il avait des cicatrices résultant de mauvais traitements alors que pareille information aurait amené les autorités à examiner sa demande avec davantage de bienveillance. Le Comité note que l'État partie a quant à lui décrit la procédure comme étant équitable et a exposé en détail les dispositions en vigueur tendant à garantir un examen adéquat des demandes d'asile, en particulier les contacts fréquents avec un conseiller juridique et la possibilité de former un recours judiciaire. Le Comité note aussi que le tribunal saisi du recours a examiné la question des cicatrices et que ce n'est pas uniquement en fonction de cet élément mais compte tenu de l'ensemble des faits dont il disposait qu'il a décidé de ne pas accorder l'asile.


6.4 Le Comité note en outre que l'État partie semble admettre que le requérant a été arrêté et détenu par les autorités à deux reprises en octobre 2000 tout en doutant qu'il ait pu être soupçonné d'entretenir des liens avec les LTTE puisqu'il n'a été détenu que pendant une journée à chacune de ces arrestations et n'a en réalité jamais été membre de l'organisation en question. Le Comité relève que le requérant n'affirme pas qu'il a été membre des LTTE ou a pris part à des activités politiques. Il note de plus que le requérant n'a travaillé que deux mois pour cette organisation, six ans avant sa première arrestation. Pour le Comité, le requérant n'a pas invoqué d'éléments, autres que la présence de marques sur son corps, qui permettraient d'affirmer qu'il court un risque particulier d'être soumis à la torture. Pour les raisons susmentionnées, le Comité estime que le requérant n'a pas avancé de motifs sérieux permettant de croire qu'il risque, personnellement et actuellement, d'être soumis à la torture s'il est renvoyé à Sri Lanka.


7. Le Comité contre la torture, agissant en vertu du paragraphe 7 de l'article 22 de la Convention contre la torture ou autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, estime que le renvoi de S. T. à Sri Lanka par l'État partie ne constituerait pas une violation de l'article 3 de la Convention.




Notes


1.L'État partie renvoie aux affaires nos 91/1997 (A. c. Pays-Bas, décision adoptée le 13 novembre 1998), 28/1995 (E.A. c. Suisse, décision adoptée le 10 avril 1997) et 94/1007 (K.N. c. Suisse, décision adoptée le 15 mai 1998).



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