University of Minnesota



Law Office of Ghazi Suleiman c. Soudan, Commission Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples, Communication 220/98, 31e Session Ordinaire, Pretoria, Afrique du Sud, 2 mai 2002.



220/98 -Law Office of Ghazi Suleiman / Soudan

Rapporteur :

24ème session : Commissaire Rezag-Bara
25ème session : Commissaire Rezag-Bara
26ème session : Commissaire Rezag-Bara
27ème session : Commissaire Rezag-Bara
28ème session : Commissaire Rezag-Bara
29ème session : Commissaire Rezag-Bara
30ème session : Président Rezag-Bara
31ème Session : Président Rezag Bara

Résumé des faits

1. Le requérant est un cabinet d’avocats agissant dans le domaine des droits de l’homme au Soudan. La présente communication est introduite au nom de tous les étudiants et enseignants des Universités soudanaises.

2. La communication a été expédiée par la poste et est parvenue au Secrétariat de la Commission le 14 octobre 1998.

3. Le requérant soutient que le 26 septembre 1998, le ministre soudanais de l’éducation a annoncé la fermeture pour une période d’un mois de toutes les Universités soudanaises.

4. Selon le requérant, la fermeture des Universités visait à renforcer les opérations de mobilisation et de recrutement dans l’armée en vue de la participation à la guerre civile qui déchire le Sud du Soudan.

5. En annexe à sa communication, le requérant a joint une liste de signatures des enseignants de l’Université de Khartoum tendant à confirmer la véracité des faits par lui allégués.

6. Il fait connaître à la Commission que malgré le recours administratif introduit contre l’annonce du ministre de l’éducation, il doute fort de sa capacité à faire rapporter la mesure.

7. Le requérant en appelle à la Commission pour qu’elle décide des mesures provisoires en application de l’article 111 de son Règlement Intérieur, en vue d’obtenir du gouvernement soudanais qu’il rouvre immédiatement les Universités, mais aussi pour obtenir du même gouvernement de ne plus interférer dans les institutions académiques.

Dispositions de la Charte dont la violation est alléguée :

Le requérant allègue la violation des articles 6, 7 al. c et 17 al.1.

Procédure :

8. Lors de la 24ème session tenue à Banjul, Gambie, du 22 au 31 octobre 1998, la Commission a décidé de se saisir de la communication.

9. Le 26 novembre 1998, le Secrétariat a adressé des lettres aux parties pour les informer de cette décision.

10. Le 3 mai 1999, alors que se déroulaient les travaux de la 25ème session ordinaire de la Commission qui se tenait à Bujumbura (Burundi), un représentant du gouvernement soudanais a déposé auprès du Secrétariat une réponse écrite relative à cette communication.

11. La Commission a par la suite reporté l’examen de la communication à sa 26ème session.

12. Le 13 mai 1999, les parties ont été informées de la décision de report.

13. Le 21 septembre 1999, le requérant a indiqué au Secrétariat une nouvelle adresse par laquelle devraient passer toutes les correspondances relatives à la présente communication.

14. Au cours de la 26ème session ordinaire, la Commission a reçu du Dr Ahmed El Mufti, Rapporteur du Conseil consultatif pour les Droits de l’Homme, Ministère de la Justice du Soudan, une réponse écrite ainsi qu’un document en arabe de 3 pages concernant la communication. Le document joint est censé être la décision de la Division Constitutionnelle de la Haute Cour.

15. La Commission a examiné la communication à sa 26ème session ordinaire tenue à Kigali, Rwanda et a demandé au plaignant de soumettre ses observations écrites sur l’issue d’un recours administratif formé contre la décision du Ministre de l’Education et, de manière générale, sur les processus de recours administratif en République du Soudan.

16. Le 21 janvier 2000, le Secrétariat de la Commission a écrit aux parties pour les informer de la décision de la Commission. Il a demandé spécifiquement au Gouvernement du Soudan de lui fournir la traduction, en anglais ou en français, de la décision de la Division Constitutionnelle de la Haute Cour.

17. Le 23 février 2000, suite à un e-mail envoyé par le Dr Curtis Doebbler de l’Entreprise du plaignant, demandant au Secrétariat de lui faire part de l’état d’avancement de toutes les communications introduites, le Secrétariat lui a envoyé par e-mail la lettre du 21 janvier 2000. Il lui a également demandé d’indiquer un numéro de fax pour lui permettre d’envoyer les observations reçues du Gouvernement du Soudan pour sa réponse.

18. Le 1er mars 2000, le secrétariat a reçu du Dr. Curtis Doebbler un e-mail mentionnant le numéro de fax pour l’envoi des documents susvisés. Le Secrétariat en a accusé réception et lui a fait savoir la nécessité de soumettre à temps et par écrit les réponses requises.

19. Le 8 mars 2000, les observations du gouvernement du Soudan ont été faxées au plaignant aux Etats-Unis, tel que requis.

20. Le plaignant a réitéré sa demande d’information sur l’état d’avancement des communications en instance auprès de la Commission introduites les 9 et 16 mars 2000.

21. Enfin, le Secrétariat a reçu le 17 mars 2000 un e-mail du Dr Curtis Doebbler accusant réception du e-mail mentionnant les faits de toutes les communications en instance introduites par le plaignant ; il a également promis de faire parvenir les réponses au Secrétariat au plus tard le 24 mars 2000.

22. A la 27ème session ordinaire tenue en Algérie, la Commission a entendu la présentation orale des parties et a décidé de consolider ces cas. Elle leur a demandé de lui fournir par écrit les arguments relatifs à l’épuisement des voies de recours internes.

23. Le 30 juin 2000, ces décisions ont été communiquées aux parties.

24. Le 4 septembre 2000, Dr Curtis Doebbler a écrit du Caire au Secrétariat de la Commission pour s’informer de la décision prise à la 27ème session.

25. Le Secrétariat a réagi le 7 septembre 2000 en lui répétant le contenu du fax qui lui avait été envoyé et en lui faisant remarquer qu’il avait donné au moins trois adresses e-mail pour communication avec le secrétariat en lui demandant d’indiquer celle qui lui convient le mieux afin d’éviter des retards et des égarements de courrier dans l’avenir. Les correspondances étaient envoyées à toutes les adresses e-mail indiquées par lui, ainsi que par fax.

26. Dr Curtis Doebbler a accusé réception des correspondances le 14 septembre 2000, mais il a demandé un ajournement pour lui permettre de présenter au préalable une note exhaustive sur la question relative à l’épuisement des voies de recours internes ainsi que pour préparer ses témoins.

27. Le 13 mars 2001, le Secrétariat a reçu les observations du requérant. A sa 29ème session ordinaire, la Commission connaîtra des preuves d’épuisement des voies de recours interne et statuera ensuite sur la recevabilité de la communication.

28. A la 29ème session ordinaire tenue à Tripoli, le Rapporteur a présenté les communications, relaté les faits et la phase de la procédure. La Commission a ensuite entendu les parties à l’affaire. Suite à des débats approfondis, la Commission a noté que le plaignant avait soumis un dossier détaillé de l’affaire. Il a par conséquent été recommandé que l’examen de cette communication soit reporté à la 30ème session, en attendant la soumission de réponses détaillées par l’Etat défendeur.

29. Le 19 juin 2001, le Secrétariat de la Commission africaine a informé les parties de la décision cidessus et a demandé à l’Etat défendeur de lui faire parvenir ses observations écrites dans les deux (2) mois qui suivent la date de notification de cette décision.

30. Le 14 août 2001, une lettre de rappel a été envoyée à l’Etat défendeur, lui demandant de transmettre ses observations dans le délai fixé, afin de permettre au Secrétariat de poursuivre l’examen de la communication.

31. Au cours de la 30ème session, les rapporteurs ont présenté les communications et examiné les faits et l’état d’avancement de chaque cas. La Commission a ensuite entendu les présentations orales de l’Etat défendeur concernant l’affaire. La Commission a aussi entendu les observations orales du Dr Curtis Deobbler et a recommandé que l’examen de ces communications soit reporté à la 31ème Session en attendant que le gouvernement soudanais réponde aux observations soumises par la partie plaignante.

32. Le 15 novembre 2002, le Secrétariat de la Commission a informé les parties de la décision de la Commission et a demandé à l’Etat défendeur de soumettre ses observations écrites dans les deux mois à partir de la notification de la dite décision

33. Le 7 mars 2002, une lettre de rappel a été envoyée à l’Etat défendeur, lui demandant de transmettre ses observations dans le délai fixé, afin de permettre au Secrétariat de poursuivre l’examen de la communication.

Du Droit

De la recevabilité

34. L’Article 56(5) de la Charte Africaine stipule :

" Les communications visées à l’article 55 reçues à la Commission et relatives aux droits de l’homme et des peuples doivent nécessairement, pour être examinées, remplir les conditions ciaprès:

(5) Etre postérieures à l’épuisement des recours internes s’ils existent, à moins qu’il ne soit manifesté à la Commission que la procédure de ces recours se prolonge d’une façon anormale ;"

35. Concernant la question de l’épuisement des voies de recours internes, le plaignant a informé la Commission qu’aucun recours effectif n’est disponible que même s’il est utilisé, la cour constitutionnelle n’est pas compétente à cause de l’État d’urgence et les limitations politiques qui ne permettent pas de saisir valablement la justice.

36. Il soutient que les voies de recours internes qui pourraient s’appliquer sont rendues inefficaces par le fait qu’au Soudan le système judiciaire n’est ni libre ni indépendant puisque les tribunaux soudanais sont, depuis 1998, sous le contrôle de l’exécutif et que du à cette situation, l’exécutif n’a pas pu se prononcer dans une action intentée contre le gouvernement soudanais en se fondant sur le droit international humanitaire ou même d’appliquer ce droit lorsque sa pertinence était évidente.

37. Le requérant allègue qu’en pratique les procédures sur place, qui permettent de demander réparation des violations des droits humains commises par le Gouvernement du Soudan, sont souvent inaccessibles aux individus dont les droits ont été violés, du fait que les solutions judiciaires administratives courantes rencontrent des entraves importantes qui en empêchent l’utilisation. En conséquence, des plaignants qui demandent la protection de leurs droits devant les tribunaux soudanais se butent sur des obstacles qui rendent ces voies de recours inefficaces.

38. Le gouvernement soudanais allègue que les plaignants n’ont pas utilisé les recours disponibles au niveau des tribunaux locaux avant de s’adresser à la Commission. Il insiste sur le fait que ni l’avocat ayant déposé la plainte, ni les plaignants, n’ont introduit de recours contre la décision objet de la plainte, la preuve étant les registres des tribunaux administratifs.

39. Le gouvernement soutien que malgré son insistance dans les correspondances précédentes, les plaignants ne leur ont pas transmis le numéro du recours qu’ils avaient introduit ce qui prouve qu’ils n’ont pas fait appel à la justice contrairement aux affirmations des plaignants qui n’ont donc pas épuisé toutes les voies de recours internes tel que prévu à l’article 56 de la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples.

40. Il argumente que le droit des plaignants à présenter un recours contre une décision de justice, est prévu à l’article 20 (1) du code de justice administrative et constitutionnelle de 1996 modifié en 2000 et il a soumis une documentation fournie des cas des jugements qui ont été exécutés dans des cas similaires.

41. L’article 56 (5) de la Charte Africaine exige que les communications portées devant la Commission soient « …postérieures à l’épuisement des recours internes s’ils existent, à moins qu’il ne soit manifesté à la Commission que la procédure de ces recours se prolonge d’une façon anormale ». La plainte devant la Commission a été reçue au Secrétariat le 14 octobre 1998 alors que la décision de fermeture des universités n’est intervenue que le 26 septembre 1998, soit un mois d’intervalle entre la fermeture des universités et le dépôt de la plainte.

42. La Commission estime que l’intervalle d’un mois est trop court pour que le plaignant ait pu épuiser toutes les voies de recours internes disponibles. En outre, le plaignant ne donne aucune indication d’une procédure quelconque intentée devant les tribunaux internes.

POUR CES MOTIFS et conformément à l’Article 56(5)de la Charte Africaine, la Commission déclare cette communication irrecevable pour non-épuisement des voies de recours internes.

Fait à la 31ème Session ordinaire tenue à Pretoria, Afrique du Sud, du 2 au 16 mai 2002.



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