198/97 S.O.S. - Esclaves c/Mauritanie
Rapporteur : 22ème session : Commissaire Ondziel-Gnelenga
23ème session : Commissaire Ondziel-Gnelenga
24ème session : Commissaire Ondziel-Gnelenga
25ème session : Commissaire Ondziel-Gnelenga
Les faits tels que présentés par le requérant :
1. SOS - esclaves allègue que l’esclavage demeure une pratique courante
en
Mauritanie, malgré son interdiction par la loi. Selon cette ONG, dans
nombre de cas,
le gouvernement mauritanien serait informé de ces pratiques dont il soutiendrait
de
temps en temps les auteurs. SOS – esclaves cite une série de cas concrets
à l’appui
de ses allégations.
2. Dans son rapport de mars 1996, SOS - esclaves fournit les illustrations
suivantes:
- dix mauritaniens adultes auraient été vendus et achetés comme esclaves
(M’barka
mint Said, Temrazguint mint M’Barek, Nema mint Ramdane, Aïchana mint
Abeid
Boïlil, M’barka mint Meriéme, Zgheilina, Bakary, Abeid, Aïcha mint Soélim,
Knéïba);
- des enfants de quatre familles auraient été réduits en esclavage par
les maîtres de
leurs parents (la fille de M’barka mint Meriéme, les cinq enfants d’Aïchana
mint abeid
Boïlil, la fille de Messaoud ould jiddou, et les deux fils de Fatma mint
Mama) ;
- quatre autres enfants auraient été vendus comme esclaves (Baba ould
Samba,
Houssein, Mohamed Ould Maoulould, Sidi ould Matallah) ;
- deux mauritaniennes auraient été mariées à leurs maîtres contre leur
gré (Aïchetou
mint M’Boyrik et Temrazguint mint M’Bareck) ;
- enfin, six mauritaniens et leurs familles auraient été dépossédés de
leurs propriétés
ancestrales par les maîtres de leurs parents, après la mort de ces derniers
(Mohamed
ould Bilal, Oum El Hella mint Bilal, Bah ould Rabah 1, Biram ould Abd
Elbarka et
M’Boyrik would Maouloud).
3. SOS - esclaves est intervenu auprès du gouvernement mauritanien pour
lui
demander de mener des enquêtes sur ces pratiques et de prendre des mesures
pour leur éradication. Toutefois, sa requête n’aurait jamais reçu de
suite.
La plainte :
4. La communication allègue la violation des articles 2, 3, 4, 5, 6,
7, 9, 11 et 15 de la
Charte Africaine.
La procédure :
5. La communication date du 11 avril 1997 et a été reçue par la Commission
siégeant
en sa 21ème session ordinaire qui s’en est saisie.
6. Le 7 juillet 1997, une lettre de notification a été adressée au gouvernement
mauritanien l’informant du contenu de la communication et l’invitant
à y répondre.
7. Le 7 juillet 1997, une lettre a été envoyée au requérant pour accuser
réception de la
plainte.
8. A la 22ème session ordinaire tenue du 2 au 11 novembre 1997, la Commission
a
décidé de renvoyer à sa 23ème session toute action relative aux communications
introduites contre la Mauritanie, au motif qu’elle attendait de connaître
la réaction du
gouvernement de ce pays au rapport de mission qui lui a été remis en
marge des
travaux de la 21ème session.
9. Au cours de la 23ème session, la Commission a estimé que certaines
informations
contenues dans le rapport soumis en complément de la communication ne
lui
permettaient pas de se faire une idée claire quant à l’épuisement des
recours
internes. Elle a notamment souligné que SOS - Esclaves devrait lui faire
tenir copies
de toutes les décisions de justice rendues sur toutes les affaires dont
elle fait état
dans son rapport et lui indiquer les procédures encore pendantes devant
les
juridictions mauritaniennes ; ce qui permettrait de se prononcer en toute
connaissance de cause sur la recevabilité de la communication.
10. Le 25 avril 1998, copie de la communication et des lettres sollicitant
davantage
d’informations sur la procédure interne ont été remises au représentant
de la
Mauritanie à la 23ème session.
11. Le 19 août 1998, une correspondance à été envoyée au requérant, lui
communiquant la position de la Commission.
12. Lors de la 24ème session ordinaire, la Commission a reporté l'examen
de cette
communication à sa prochaine session.
13. Le 12 novembre 1998, le Secrétariat a adressé des lettres aux parties
pour les
informer de cette décision.
Le Droit :
La Recevabilité :
14. Aux termes des dispositions de l’article 56 al. 5 de la Charte Africaine
des Droits de
l’Homme et des Peuples, « les communications [....] reçues à la Commission
et
relatives aux droits de l’homme et des peuples doivent nécessairement,
pour être
examinées [....] être postérieures à l’épuisement des voies de recours
internes s’ils
existent, à moins qu’il ne soit manifeste à la Commission que la procédure
de ces
recours se prolonge d’une façon anormale... ».
15. Les faits allégués dans la communication introduite par S.O.S. -
Esclaves sont
suffisamment graves et selon toute vraisemblance, en contradiction avec
les
dispositions de la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples,
notamment ses articles 2, 3 et 5. Toutefois, le requérant après avoir
indiqué
l’existence de procédures internes engagées par les victimes supposées,
ne dit rien
de l’état de ces procédures. Aussi la Commission se trouve dans l’incapacité
de
déterminer si oui ou non, lesdites procédures auront abouti ; ni si elles
auraient
permis de rétablir les victimes supposées dans leurs droits.
16. Pour lui permettre de se déterminer en connaissance de cause, la
Commission a
requis du demandeur la mise à sa disposition des informations complémentaires dont elle avait besoin. Devant le silence observé par ce dernier, elle
se trouve dans
l’incapacité de se faire une opinion précise sur les faits dont elle
est saisie. Ce qui
donnerait à penser que les recours internes n’auront pas été épuisés
; la
Commission étant d’avis que le cas échéant, le requérant l’aurait fait
savoir.
Par ces motifs, la Commission :
17. Déclare la communication irrecevable pour non épuisement des voies
de recours
internes ;
18. Elle admet cependant que le requérant conserve la latitude de la
saisir à nouveau
une fois les conditions de l’article 56 al. 5 remplies.
Bujumbura, 5 mai 1999.
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1. 1 Cf. communication n° 197/97 qui demeure pendante devant la Commission depuis avril 1997.