University of Minnesota



Esclaves c. Mauritanie, Commission Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples, Communication 198/97, 25e Session Ordinaire, Bujumbura, 5 mai 1999.



198/97 S.O.S. - Esclaves c/Mauritanie

Rapporteur : 22ème session : Commissaire Ondziel-Gnelenga
23ème session : Commissaire Ondziel-Gnelenga
24ème session : Commissaire Ondziel-Gnelenga
25ème session : Commissaire Ondziel-Gnelenga


Les faits tels que présentés par le requérant :

1. SOS - esclaves allègue que l’esclavage demeure une pratique courante en Mauritanie, malgré son interdiction par la loi. Selon cette ONG, dans nombre de cas, le gouvernement mauritanien serait informé de ces pratiques dont il soutiendrait de temps en temps les auteurs. SOS – esclaves cite une série de cas concrets à l’appui de ses allégations.

2. Dans son rapport de mars 1996, SOS - esclaves fournit les illustrations suivantes:

- dix mauritaniens adultes auraient été vendus et achetés comme esclaves (M’barka mint Said, Temrazguint mint M’Barek, Nema mint Ramdane, Aïchana mint Abeid Boïlil, M’barka mint Meriéme, Zgheilina, Bakary, Abeid, Aïcha mint Soélim, Knéïba);
- des enfants de quatre familles auraient été réduits en esclavage par les maîtres de leurs parents (la fille de M’barka mint Meriéme, les cinq enfants d’Aïchana mint abeid Boïlil, la fille de Messaoud ould jiddou, et les deux fils de Fatma mint Mama) ;
- quatre autres enfants auraient été vendus comme esclaves (Baba ould Samba, Houssein, Mohamed Ould Maoulould, Sidi ould Matallah) ;
- deux mauritaniennes auraient été mariées à leurs maîtres contre leur gré (Aïchetou mint M’Boyrik et Temrazguint mint M’Bareck) ;
- enfin, six mauritaniens et leurs familles auraient été dépossédés de leurs propriétés ancestrales par les maîtres de leurs parents, après la mort de ces derniers (Mohamed ould Bilal, Oum El Hella mint Bilal, Bah ould Rabah 1, Biram ould Abd Elbarka et M’Boyrik would Maouloud).

3. SOS - esclaves est intervenu auprès du gouvernement mauritanien pour lui demander de mener des enquêtes sur ces pratiques et de prendre des mesures pour leur éradication. Toutefois, sa requête n’aurait jamais reçu de suite.

La plainte :

4. La communication allègue la violation des articles 2, 3, 4, 5, 6, 7, 9, 11 et 15 de la Charte Africaine.

La procédure :

5. La communication date du 11 avril 1997 et a été reçue par la Commission siégeant en sa 21ème session ordinaire qui s’en est saisie.

6. Le 7 juillet 1997, une lettre de notification a été adressée au gouvernement mauritanien l’informant du contenu de la communication et l’invitant à y répondre.

7. Le 7 juillet 1997, une lettre a été envoyée au requérant pour accuser réception de la plainte.

8. A la 22ème session ordinaire tenue du 2 au 11 novembre 1997, la Commission a décidé de renvoyer à sa 23ème session toute action relative aux communications introduites contre la Mauritanie, au motif qu’elle attendait de connaître la réaction du
gouvernement de ce pays au rapport de mission qui lui a été remis en marge des travaux de la 21ème session.

9. Au cours de la 23ème session, la Commission a estimé que certaines informations contenues dans le rapport soumis en complément de la communication ne lui permettaient pas de se faire une idée claire quant à l’épuisement des recours internes. Elle a notamment souligné que SOS - Esclaves devrait lui faire tenir copies de toutes les décisions de justice rendues sur toutes les affaires dont elle fait état dans son rapport et lui indiquer les procédures encore pendantes devant les juridictions mauritaniennes ; ce qui permettrait de se prononcer en toute connaissance de cause sur la recevabilité de la communication.

10. Le 25 avril 1998, copie de la communication et des lettres sollicitant davantage d’informations sur la procédure interne ont été remises au représentant de la Mauritanie à la 23ème session.

11. Le 19 août 1998, une correspondance à été envoyée au requérant, lui communiquant la position de la Commission.

12. Lors de la 24ème session ordinaire, la Commission a reporté l'examen de cette communication à sa prochaine session.

13. Le 12 novembre 1998, le Secrétariat a adressé des lettres aux parties pour les informer de cette décision.

Le Droit :

La Recevabilité :

14. Aux termes des dispositions de l’article 56 al. 5 de la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples, « les communications [....] reçues à la Commission et relatives aux droits de l’homme et des peuples doivent nécessairement, pour être examinées [....] être postérieures à l’épuisement des voies de recours internes s’ils existent, à moins qu’il ne soit manifeste à la Commission que la procédure de ces recours se prolonge d’une façon anormale... ».

15. Les faits allégués dans la communication introduite par S.O.S. - Esclaves sont suffisamment graves et selon toute vraisemblance, en contradiction avec les dispositions de la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples, notamment ses articles 2, 3 et 5. Toutefois, le requérant après avoir indiqué l’existence de procédures internes engagées par les victimes supposées, ne dit rien de l’état de ces procédures. Aussi la Commission se trouve dans l’incapacité de déterminer si oui ou non, lesdites procédures auront abouti ; ni si elles auraient permis de rétablir les victimes supposées dans leurs droits.

16. Pour lui permettre de se déterminer en connaissance de cause, la Commission a requis du demandeur la mise à sa disposition des informations complémentaires dont elle avait besoin. Devant le silence observé par ce dernier, elle se trouve dans
l’incapacité de se faire une opinion précise sur les faits dont elle est saisie. Ce qui donnerait à penser que les recours internes n’auront pas été épuisés ; la Commission étant d’avis que le cas échéant, le requérant l’aurait fait savoir.

Par ces motifs, la Commission :

17. Déclare la communication irrecevable pour non épuisement des voies de recours internes ;

18. Elle admet cependant que le requérant conserve la latitude de la saisir à nouveau une fois les conditions de l’article 56 al. 5 remplies.

Bujumbura, 5 mai 1999.

 

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1. 1 Cf. communication n° 197/97 qui demeure pendante devant la Commission depuis avril 1997.

 



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